Baisse des taux par-ci, baisse des taux par-là. Et si on parlait de hausse des taux plutôt, histoire de changer un peu de disque ? C’est ce que le marché semble avoir voulu expérimenter hier, avec sa nouvelle passion : les obligations japonaises. Ok, ok, dit comme ça, ça n’émoustille personne, c’est clair. Et pourtant, ça a contribué tout au bout de la chaîne à peser sur les cryptomonnaies. Non, je ne me suis pas réveillé avec trois grammes de ma dernière soirée alcoolisée. Je parle du genre de vases communicants dont la finance regorge mais qui ne deviennent visibles qu’à certains moments.
Direction donc le Japon, vous allez vite comprendre pourquoi (ou pas, ce qui signifie que j’aurai hyper mal expliqué). La dernière adjudication d’obligations d’Etat japonaises à 10 ans s’est déroulée dans un contexte électrique. En toile de fond : la spéculation de plus en plus insistante sur une hausse des taux de la Banque du Japon, attisée par les propos inhabituellement directs de son gouverneur, Kazuo Ueda.
Cette perspective d’un tour de vis monétaire fait planer un risque sur la stratégie la plus plan-plan du monde financier moderne : le carry trade. Pour la faire courte, la politique monétaire ultra-accommodante de la Banque du Japon (taux à zéro, achats massifs d’actifs, répression de la volatilité) a longtemps offert un carburant bon marché aux investisseurs. En empruntant à très bas coût en yens, ils pouvaient financer sans douleur (i.e. sans beaucoup de risques ni beaucoup de frais) des positions plus lucratives ailleurs, aussi bien relativement sécurisées (obligations américaines) que plus engagées, comme des actions techs ou des cryptos. Tant que la BOJ restait immobile, l’arbitrage semblait inépuisable, voire structurel.
Mais le simple fait que la banque centrale envisage de relever ses taux menace de tout désosser. Si emprunter en yen devient soudain plus coûteux, le jeu de l’emprunt à bas prix pour investir ailleurs devient moins unilatéral. Il peut même y avoir une double peine : coût du montage plus élevé (charge immédiate supérieure à cause du taux) et renforcement du yen (perte de change au moment du remboursement).
Mécaniquement, les positions les plus risquées irriguées par le carry trade sont en partie débouclées, et vite pour éviter la réaction en chaîne. Le risque plane régulièrement mais ne se matérialise que rarement. Mais quand cela se produit, c’est plutôt brutal. En août 2024, un simple soupçon de resserrement monétaire à Tokyo avait déjà provoqué une correction brutale des marchés et de certains actifs.
En ce début décembre, Kazuo Ueda a réveillé le souvenir de l’été 2024. La probabilité d’une hausse de taux au Japon lors de la réunion du 20 décembre est montée de moins de 40% à environ 80% en quelques jours. Et si ce n’était pas en décembre, ce serait en janvier, selon les traders. Donc une fois de plus, le carry trade réveille les passions et provoque une mini-aversion au risque du marché. C’est visible sur les actifs à risque, mais on constate généralement aussi un effet papillon sur les obligations d’Etat, notamment sur les Treasuries US, qui sont abondamment alimentés par le carry trade et qui sont très liquides, donc faciles à vendre. Le rendement du 10 ans US est remonté d’un peu moins de 4% à 4,1% hier pour cette raison.
Tout ça pour dire que Wall Street zieute à nouveau la politique monétaire japonaise sans pour autant que cela influe sur sa propre estimation de l’évolution des taux US. Le marché croit toujours fermement que la Fed va réduire ses taux dans huit jours, pour contrer une économie américaine qui continue à montrer des signes diffus de faiblesse, à défaut de gros signaux de ralentissement.
L’ambiance était suffisamment plombée hier pour que le S&P 500 mette fin à sa série haussière en perdant 0,5%. Après l’effort fourni fin novembre pour éliminer les pertes du début du mois, la pause n’est pas illogique. Les annales montrent de toute façon que le rallye de Noël met souvent un peu de temps à se mettre en place et a tendance à se concentrer sur la semaine précédant le 25 décembre. En Europe, la plupart des indices ont aussi mis fin à leurs séries haussières, mais sur des variations modestes.
Dans le reste de l’actualité, les investisseurs jetteront un œil sur l’inflation de la zone euro en novembre (publication à 11h00). Pour les nostalgiques des publications de résultats technologiques, le spécialiste de la cybersécurité CrowdStrike est sur les tablettes après la clôture de Wall Street avec le T3 de son exercice décalé. Comme je n’ai pas parlé du record de quelque chose depuis au moins 24h00, notez que l’once d’argent a flirté avec 59 USD hier en séance, nouveau sommet, ce qui a porté ses gains à plus de 100% en 2025. Le métal précieux recule légèrement ce matin, mais continue à humilier l’or et son petit 61% de hausse depuis le 1er janvier.
En Asie-Pacifique, ça part un peu dans tous les sens. Le Japon est stable, pendant que la Corée du Sud prend 2% après la confirmation par les Etats-Unis d’une baisse des droits de douane infligés au pays. La Chine continentale, Hong Kong et l’Inde reculent modérément. L’Australie s’en sort mieux en prenant 0,2%. Les indicateurs avancés européens sont hésitants, avec un léger biais baissier en provenance des Etats-Unis.
Début de séance en baisse de 0,1% à 8 086 points pour le CAC 40. Le SMI recule de 0,17% à 12 830 points. Le Bel 20 lâche 0,4% à 4 998 points.
Les temps forts économiques du jour
L’estimation de l’inflation européenne de novembre sera publiée à 11h00. Tout l’agenda ici.
Les cotations sont celles du jour autour de 7h00, les liens permettent d’avoir le temps réel :
- Euro : 1,1612
- Once d’or : 4 216 USD
- Brent : 63,18 USD
- Spread Bund / OAT : 73 points (+1,3%)
- VIX : 17,24 (+0,9%)
- 10 ans US : 4,072%
- Bitcoin : 86 900 USD
Les principaux changements de recommandations
- Accor : JP Morgan reste à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 56 à 60 EUR.
- ASM International : Morgan Stanley reste à surpondérer avec un objectif de cours réduit de 650 à 600 EUR.
- Banca Popolare Di Sondrio : Deutsche Bank passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 11 à 17,60 EUR.
- BNP Paribas : JP Morgan maintient sa recommandation neutre et relève l’objectif de cours de 87 à 89 EUR.
- Bouvet : SB1 Markets passe d’acheter à conserver avec un objectif de cours réduit de 70 NOK à 60 NOK.
- Davide Campari-Milano : Barclays passe de pondération de marché à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 6,10 EUR à 7,90 EUR.
- Edenred : JP Morgan reste à surpondérer avec un objectif de cours réduit de 41 à 35 EUR.
- Eiffage : Morgan Stanley reste à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 164 à 168 EUR.
- Entain : JP Morgan passe de neutre à surpondérer avec un objectif de cours réduit de 1150 à 1090 GBX.
- Erste Group : Barclays passe de pondération de marché à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 86 à 106 EUR.
- FDJ United : JP Morgan passe de surpondérer à souspondérer avec un objectif de cours réduit de 42 à 22,50 EUR.
- Hypoport : BNP Paribas passe de neutre à surperformance avec un objectif de cours relevé de 185 à 210 EUR.
- Intralot : Jefferies démarre le suivi à l’achat avec un objectif de cours de 1,35 EUR.
- Inventiva : Kempen démarre le suivi à l’achat avec un objectif de cours de 16 EUR.
- KBC Groupe : Barclays passe de pondération de marché à souspondérer avec un objectif de cours réduit de 112 à 96 EUR.
- Kering : BNP Paribas reste à neutre avec un objectif de cours relevé de 305 à 335 EUR.
- Kitron : SB1 Markets passe de neutre à acheter avec un objectif de cours de 70 NOK.
- LVMH : RBC Capital reste à surperformance avec un objectif de cours relevé de 575 à 650 EUR.
- Michelin : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 31 à 30 EUR.
- Nexans : AlphaValue/Baader Europe maintient sa recommandation accumuler et réduit l’objectif de cours de 148 EUR à 143 EUR.
- Orange : Landesbank Baden-Wuerttemberg passe de acheter à conserver avec un objectif de cours de 14,80 EUR.
- OVH Groupe : JP Morgan reste à surpondérer avec un objectif de cours réduit de 10,50 à 10 EUR.
- Pandora : ABG Sundal Collier passe d’acheter à conserver avec un objectif de cours réduit de 900 DKK à 800 DKK.
- Persimmon : RBC Capital passe de performance de secteur à surperformance avec un objectif de cours relevé de 1375 GBX à 1750 GBX.
- Pluxee : JP Morgan maintient sa recommandation neutre et réduit l’objectif de cours de 23 EUR à 18 EUR.
- Roche Holding : Morgan Stanley reste à souspondérer avec un objectif de cours relevé de 255 à 290 CHF.
- Scandic Hotels Group : Morgan Stanley passe de pondération de marché à souspondérer avec un objectif de cours réduit de 90 SEK à 85 SEK.
- Siemens Energy : Goldman Sachs maintient sa recommandation d’achat et relève l’objectif de cours de 124 à 139 EUR.
- Société Générale : JP Morgan reste à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 66 à 68 EUR.
- Sodexo : JP Morgan maintient sa recommandation neutre et réduit l’objectif de cours de 58 EUR à 53 EUR.
- Soitec : BNP Paribas maintient sa recommandation neutre et réduit l’objectif de cours de 36 EUR à 27 EUR.
- Sunrise Communications : BNP Paribas passe de surperformance à neutre avec un objectif de cours réduit de 53 CHF à 43 CHF.
- Swatch Group : BNP Paribas reste à sousperformance avec un objectif de cours relevé de 110 à 120 CHF.
- TotalEnergies : Zacks maintient sa recommandation neutre et relève l’objectif de cours de 64 à 69 USD.
- Técnicas Reunidas : Bestinver Securities passe de vendre à conserver avec un objectif de cours relevé de 20,65 EUR à 30,45 EUR.
- The Berkeley Group : RBC Capital passe de surperformance à sousperformance avec un objectif de cours réduit de 4900 GBX à 3700 GBX.
- Vinci : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération de marché et réduit l’objectif de cours de 139 EUR à 138 EUR.
En France
Annonces importantes (et moins importantes… Je précise que les informations sont données à chaud avant l’ouverture et ne préjugent pas de la couleur des actions pendant la séance)
- L’Oréal étudiera « à coup sûr » une prise de participation dans Giorgio Armani, selon le directeur financier du groupe français, conformément au testament du créateur qui impose la vente de 15% de la maison dans les 18 mois et privilégie des acheteurs comme LVMH, L’Oréal ou EssilorLuxottica.
- Carrefour finalise la cession de ses activités en Italie.
- TotalEnergies a signé un accord avec Tree Energy Solutions, Osaka Gas, Toho Gas et Itochu pour le développement et l’opération du projet Live Oak au Nebraska (Etats-Unis).
- Saint-Gobain accélère son recentrage avec des cessions, en Europe et au Brésil.
- EssilorLuxottica forme son premier comité consultatif scientifique.
- Sopra Steria finalise l’acquisition de Neocase.
- Les détenteurs de BSA Vallourec autorisent la modification des conditions de conversion.
- Tikehau Capital projette la création d’une plateforme immobilière unifiée et renforcée.
- LDC rachète Green Label au Royaume-Uni.
- Mersen remporte un contrat de 10 millions de dollars aux Etats-Unis.
- Cogelec nomme David Descamps en tant que directeur général
- Xilam lance sa plateforme de streaming Toon Box.
- Carbios et Wankai New Materials signent l’accord définitif d’un partenariat pour déployer à très grande échelle la technologie de biorecyclage du PET du Français en Asie.
- Aelis Farma obtient les autorisations réglementaires pour l’essai de PhaseIIB avec AEF0217 dans la trisomie 21.
- E-Pango toujours pris dans un imbroglio juridico-électrique.
- Lucibel ouvre des corners dans deux FNAC parisiennes.
- Global Bioenergies va être liquidée, les actions sont sans valeur.
- Le plan de reprise par plan de cession de Carmat entraîne la liquidation de la société initiale et la radiation de ses actions.
- Les principales publications du jour : Compagnie des Alpes, Quadient, Safe Orthopaedics… Le reste ici.
Dans le vaste monde
Annonces importantes (et moins importantes)
D’Europe
- Bayer a obtenu le soutien de l’avocat en chef du gouvernement US pour que la Cour suprême examine l’affaire Roundup, ce qui améliorerait les chances d’obtenir une décision favorable sur les contentieux liés au glyphosate.
- Nestlé envisagerait de vendre la chaîne de cafés premium Blue Bottle Coffee, a appris Reuters.
- Banco Santander place 3,5% de sa filiale polonaise pour environ 413 millions d’euros, pour ramener sa détention à 9,7% environ.
- Roche peut commercialiser son test de diagnostic de la coqueluche aux Etats-Unis.
- ABB reprend les activités de Gamesa Electric.
- L’investisseur américain Saba bloque la fusion entre Baillie Gifford et Edinburgh Worldwide.
- Wizz Air enregistre une hausse de 8,6% du nombre de passagers en novembre 2025.
- Holcim rachète trois actifs en Europe.
- Givaudan a finalisé l’acquisition du Belle Aire Creations.
- Iveco remporte un contrat élargi pour la fourniture de camions tactiques et logistiques à l’armée italienne.
- Swedbank acquiert la totalité du capital de la société nordique de cartes de crédit Entercard.
- Dormakaba rachète l’allemand MetaMatic.
- Les principales publications du jour : Victrex, On the Beach…
D’Amérique du Nord
- Apple va encore bouleverser son équipe d’IA après le départ d’un haut dirigeant, selon le WSJ.
- Netflix aurait principalement enchéri en numéraire pour le second round des offres sur Warner Bros, selon Bloomberg.
- Marvell serait en pourparlers avancés pour racheter Celestial AI pour plusieurs milliards de dollars, selon The Information.
- Nvidia publie un logiciel open source pour le développement de voitures autonomes.
- Amazon prévoit une nouvelle offre de livraison ultra-rapide aux Etats-Unis, encore selon The Information.
- Les principales publications du jour : CrowdStrike, The Bank of Nova Scotia, Marvell Technology Group, Pure Storage, Okta…
D’Asie et d’ailleurs
- Fanuc bondit après l’annonce d’une collaboration avec Nvidia pour intégrer l’IA physique dans les robots industriels.
- China Vanke demande un report d’un an pour rembourser un emprunt local, signe d’une pression de liquidité croissante.
- Wipro finalise l’acquisition de Harman Connected Services.
- Les principales publications du jour : Fast Retailing…
Le reste de l’agenda mondial des publications ici.
Lectures
- Les conversions de bureaux en logements sont en plein essor et New York en est l’épicentre (Wall Street Journal, en anglais).
- Utiliser ChatGPT en étudiant, est-ce tricher ? (The Conversation).
- Cocaïne : les raisons qui expliquent l’augmentation de la consommation en France (Le Monde).
- Pourquoi écrire sur les marchés ? (FT Unhedged, en anglais).
- La nouvelle machine de guerre allemande (The Atlantic, en anglais).
- Le juge, l’Europe et l’éviscération de la souveraineté (Project Syndicate, en anglais).
- Les entreprises américaines s’arrachent les terres rares dont l’Europe a besoin pour se réarmer (Bloomberg, en anglais).




