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Thomas Tietz
Corum
« Nous participons activement à la vague de consolidation dans le secteur des GFI »
L’année 2022 a vu une corrélation très forte des actions et obligations, liée à une hausse rapide des taux d’intérêt pour contrer l’inflation. La détente de la politique monétaire que privilégient en ce moment les banques centrales pourrait bien évidemment modifier la donne.
L’année 2022 restera dans les mémoires comme celle au cours de laquelle aucune classe d’actifs n’a été épargnée. La corrélation entre les titres obligataires et les actions a atteint son niveau le plus élevé, le S&P 500 ayant chuté de 19,44% et l’indice global du crédit ayant perdu 16,96%. Cette corrélation positive a été inhabituelle, car elle a défié les manuels d’économie et la théorie des portefeuilles.
La raison de ce comportement du marché a été bien sûr le cycle de hausse rapide des taux d’intérêt visant à contenir l’inflation, qui a déclenché l’effondrement du marché, alors même que l’économie était en croissance. Dès lors que nous entrons dans le cycle de réduction des taux en Europe et aux États-Unis, les banques centrales pourraient-elles inverser ce processus ? Que pouvons-nous attendre des marchés dans un avenir proche ?
Cycles passés
Lorsque la bulle « Dot.com » a éclaté entre mars 2000 et juillet 2002, les actions ont perdu 50% de leur valeur, tandis que les obligations ont augmenté de 29,7%. Au cours de cette période, la Fed a réduit le taux d’intérêt du jour au lendemain de près de 500 points de base afin de soutenir une économie ébranlée par la récession. En réalité, les obligations ont compensé la plupart des pertes subies par les actions et les portefeuilles équilibrés ont relativement bien résisté. Contrairement à 2022, les taux ont joué un rôle de tampon pour les actions.
Lors de la crise financière mondiale de 2008, entre septembre 2007 et mars 2009, les actions ont chuté de 57%, tandis que les obligations ont également perdu 10% en raison de la hausse du crédit et des défauts de paiement. Les obligations américaines non risquées à 10 ans ont toutefois progressé de 4,3%. La corrélation négative est évidente : en 2000 et 2008, les marchés ont fortement chuté, l’économie est entrée en récession, entraînant un assouplissement de la politique monétaire, contrairement aux marchés de 2022. Les obligations ont joué le rôle d’actifs défensifs face à l’effondrement du marché des actions. Tout ceci nous conduit à aujourd’hui, alors que nous tirons les leçons du passé et essayons de savoir ce que nous réserve le futur.
Des baisses anticipées
C’est dans les années 2000 que la Fed réduit, pour la première fois, ses taux de 50 points de base sans qu’il y ait de récession en vue, et pour la seconde fois dans son histoire. Nous pouvons y voir à la fois une mesure préventive contre le ralentissement du marché de l’emploi et un réajustement des rendements réels puisque les objectifs d’inflation ont été atteints. Il n’y a guère de raison de maintenir une politique monétaire restrictive avec une inflation stable et bien inférieure à 3%. Aujourd’hui, la Fed a pris la décision de réduire fortement ses taux d’intérêt, ce qui lui laisse une marge de manœuvre supplémentaire. Compte tenu du décalage monétaire, l’effet de cette réduction ne se fera sentir que dans six à douze mois et il pourrait être trop tard pour stimuler l’économie en cas de besoin.
Jusqu’à présent, les marchés ont réagi positivement à cette décision « audacieuse ». À l’heure où nous écrivons ces lignes, les actions américaines et européennes flirtent avec des records, les marchés obligataires sont stables et les écarts de taux à haut rendement sont à des niveaux historiquement bas. Tant que les dépenses de consommation resteront fortes et que la croissance du PIB sera au rendez-vous, il n’y a aucune raison de croire que nous assisterons à une répétition des crises précédentes. Au contraire, les obligations et actions pourraient enregistrer de bonnes performances.
Les petites et moyennes entreprises sont celles qui bénéficieront le plus des baisses de taux, car elles auront un impact direct sur leur accès à des capitaux moins chers. Nous pourrions donc assister à une rotation des entreprises disposant d’importantes liquidités et des grandes capitalisations, qui réaliseront moins de bénéfices que le marché dans son ensemble, au fil des ans, à cause de leur trésorerie importante. Les actions à dividendes élevés deviennent également plus attrayantes en raison de l’amélioration de leur valeur relative par rapport au taux sans risque.
La récente inversion de la courbe des taux indique toutefois que les gains issus des investissements obligataires seront limités aux flux de trésorerie générés par la détention de la dette. L’appréciation du capital causée par une nouvelle compression des taux d’intérêt est peu probable et les réductions sont réduites. Les risques d’inflation ne se sont pas complètement dissipés, car d’éventuelles nouvelles guerres commerciales et une politique budgétaire expansionniste font peser des risques sur les prix.
Un chemin semé d’embûches
Les douze mois à venir s’annoncent très intéressants, les marchés s’attendant à des réductions de 175 points de base pour atteindre 3%, le taux neutre. Cependant, le chemin est semé d’embûches et rarement linéaire. Les temps à venir sont difficiles, les risques géopolitiques augmentent, mais ne sont pas nécessairement intégrés. Nous attendons également les élections américaines et leurs implications sur la politique fiscale et le marché de l’emploi. En attendant, tant que la musique joue, la fête continue.
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Tous les scénarios possibles ont été envisagés depuis deux ans sur la manière dont le cycle économique en cours aux États-Unis pourrait prendre fin: une récession, puis un atterrissage en douceur, et à nouveau une récession! Dans cette analyse, nous proposons donc une méthode pour apporter un éclairage aux investisseurs dans cet environnement instable, et nous évoquons les scénarios macroéconomiques à court et long termes.
Les scénarios les plus probables sont une récession, un atterrissage en douceur et une nouvelle poussée inflationniste. La récession est actuellement la perspective privilégiée par les marchés, mais comme les 12 derniers mois l’ont démontré, cela peut rapidement changer.
D’après notre analyse, l’atterrissage en douceur de l’économie américaine semble être le scénario le plus probable. Mais puisque nous sommes en terre inconnue, nous restons ouverts à d’autres hypothèses compte tenu des événements exceptionnels de ces dernières années, entre crise sanitaire, inflation, remontée rapide des taux d’intérêt et tensions géopolitiques persistantes.
Que peuvent faire les investisseurs?
Comme le diagramme ci-après l’illustre, un atterrissage forcé de l’économie américaine profiterait plutôt aux actifs de qualité et d’échéance longue, tandis qu’un scénario d’économie plus solide/sans atterrissage favoriserait davantage les obligations d’entreprise d’échéance plus courte. Et en cas de nouvelle poussée inflationniste laissant craindre un nouveau cycle de hausse des taux, ce sont les liquidités qui s’en sortiraient le mieux.
Un cadre pour faire face aux différents scenarios
Source: Capital Group.
Et après l’atterrissage?
Outre l’atterrissage en lui-même, il est important d’envisager la suite qui est tout aussi incertaine et aura sans doute un impact significatif sur le positionnement des portefeuilles.
En cas de récession, par exemple, il faut s’attendre à une baisse des taux d’intérêt et à une forte hausse des spreads. Mais dans un certain sens, le contexte actuel est favorable à un tel scénario : il existe de nombreux facteurs de soutien de la croissance, et les fondamentaux de la plupart des entreprises sont bien orientés. Par ailleurs, l’économie américaine a surmonté une mini-crise bancaire, tandis que la Fed et le gouvernement ont démontré leur volonté de soutenir l’économie, pour autant que toutes les conditions soient réunies (par exemple une inflation modérée). En conséquence, s’il existe des opportunités d’investissement, il faudrait en tirer parti immédiatement avant que la fenêtre d’opportunité se referme.
Dans un scénario d’atterrissage en douceur, les taux d’intérêt pourraient remonter un peu, les spreads resteraient probablement étroits, et la croissance resterait dynamique. Le désavantage de ce scénario étant l’absence d’indicateur officiel pour le valider, la crainte d’une récession ou d’une nouvelle poussée inflationniste persistera, et il faudra positionner son portefeuille en vue de telles éventualités.
Dans un scénario de nouvelle poussée inflationniste, nous serions en situation de surchauffe de l’économie et de l’inflation. Si « l’atterrissage en douceur parfait » sera sans doute plus court que le précédent, la phase de réaccélération pourrait être intenable. Cet environnement profiterait sans doute aux obligations à rendement élevé et d’échéance courte, mais à nouveau, la vigilance des investisseurs s’impose car l’environnement de marché peut basculer à tout moment.
Conséquences pour les investisseurs
Pour être pertinente, la réflexion sur le positionnement des portefeuilles nécessite de répartir les incertitudes en deux phases. La première est la manière très incertaine dont l’économie pourrait atterrir. La seconde est ce à quoi l’environnement de marché ressemblera ensuite.
Il paraît donc judicieux de mettre en place une approche d’investissement adaptée à cette double incertitude.
Cette double approche présente deux grands avantages. D’abord, un portefeuille diversifié peut contribuer à atténuer la volatilité des résultats par rapport à un portefeuille plus concentré. Ensuite, un portefeuille flexible, adapté à différents contextes de marché et à différentes sources de rendement, offre un meilleur accès aux opportunités de résultats.
Le diagramme ci-après compare l’adéquation d’une approche de coeur de portefeuille obligataire flexible (« Flexible core ») et de trois grandes stratégies d’investissement (« Core » pour coeur de portefeuille, « IG Corp » pour obligations d’entreprise investment grade, et « HY Corp » pour obligations d’entreprise high yield). Comme on peut le voir, le fait d’associer diversification et flexibilité permet au coeur de portefeuille obligataire flexible de générer des résultats solides dans la plupart des scénarios.
Positionnement du portefeuille pour se préparer au prochain cycle économique
Source : Capital Group.
Andrew Cormack
Capital Group
Andrew Cormack est gérant obligataire chez Capital Group. Il possède 19 ans d’expérience dans le secteur de l’investissement et a rejoint Capital Group il y a 5 ans, après avoir occupé la fonction de gérant de portefeuille chez Western Asset Management. Il est titulaire d’une licence en science actuarielle avec mention de la London School of Economics, ainsi que de l’Investment Management Certificate. Andrew est basé à Londres.
Keiyo Hanamura
Capital Group
Keiyo Hanamura est directeur des investissements chez Capital Group. Il possède 16 ans d’expérience dans le secteur de l’investissement et a rejoint Capital Group il y a 6 ans, après avoir occupé les fonctions de stratégiste obligataire chez BlackRock. Il est titulaire d’un master en affaires internationales de l’université de Californie à San Diego, et d’une licence en études internationales de l’université d’Iowa. Keiyo est basé à Tokyo.
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Par Jérôme Sicard
Aux lendemains de la journée EAM Day organisée par Sphere à Genève, Guillaume de Boccard revient sur les principaux points à retenir du panel consacré aux audits prudentiels et aux premiers retours d’expérience.
Selon quels critères les gérants doivent-ils choisir leur auditeur?
Il faut commencer par s’assurer que l’auditeur maîtrise bien les principes de la gestion de fortune et des services financiers, qu’il comprenne les activités spécifiques à chaque gérant, leurs différents modèles, leur mode opératoire et les produits utilisés. Les auditeurs n’ont pas tous cette voilure. Au-delà de son expertise, l’auditeur doit pouvoir travailler en bonne entente avec les responsables Compliance. Je rappelle en effet que le contrôle s’effectue sur trois niveaux : le gestionnaire, son service compliance, et l’auditeur. Ces trois-là sont tenus de se rassembler sur un calendrier et des objectifs communs, avec l’envie d’avancer ensemble.
Comment l’audit s’inscrit-il dans la continuité de l’autorisation FINMA?
Dans la pratique, les premiers audits permettent à l’organisme de surveillance, par le biais des auditeurs, de vérifier que les éléments présentés à la FINMA dans le cadre de la demande d’autorisation ont bien été mis en place. Il s’agit de démontrer que les engagements pris envers la Finma ont été tenus d’un point de vue fonctionnel. Maintenant, il faudra probablement un ou deux audits pour que tous les gestionnaires rentrent parfaitement dans les clous.
Dans la façon dont les gérants font évoluer leurs services, comment doivent-ils tenir compte du changement réglementaire?
Il ne s’agit pas seulement de la façon dont ils font évoluer leurs services, mais aussi de la façon dont ils font évoluer leur organisation. Ils doivent se montrer totalement transparents auprès de la Finma, quelles que soient les transformations entreprises : un changement dans la structure actionnariale, de nouvelles participations dans des filiales, la nomination de nouveaux membres au conseil d’administration. Il en va de même pour les changements opérés dans les fonctions de contrôle, de compliance et de gestion des risques.
Quant aux services à proprement parler, chaque modification apportée à la gamme proposée doit être soumise à une autorisation préalable de la Finma. Un gérant qui se limite à la gestion discrétionnaire ne peut pas se lancer dans l’advisory s’il n’a pas d’abord averti la Finma et reçu son aval. Idem pour un simple service d’execution only.
Les gérants sont-ils bien conscients de ces obligations ?
Beaucoup les découvrent au fur et à mesure. Dans les points qui ne sont pas forcément évidents, je pense également aux formulaires de type B où les gérants doivent lister toutes leurs participations dans d’autres sociétés ou les mandats qu’ils exercent auprès d’autres sociétés. Un gérant qui souhaite par exemple investir dans l’entreprise d’un confrère doit d’abord informer la FINMA et obtenir son aval avant de lancer les démarches.
Comment sont vécus les audits par les gérants, d’après les retours que vous en avez ?
Je trouve qu’ils sont plutôt bien vécus, du moins pour les gérants avec lesquels notre cabinet travaille. Nous nous préparons depuis déjà quelques années. Un audit ne s’improvise pas, au risque de prendre trois fois plus de temps qu’il n’en fallait au temps des organismes d’autorégulation. Aujourd’hui, les audits durent peut-être un peu plus longtemps, mais ils se déroulent assez facilement pour peu que vous vous entouriez de professionnels expérimentés.
Quels sont les principaux problèmes rencontrés dans les audits?
Comme le résumait Stéphanie Hodara lors de notre panel, il s’agit surtout de l’évaluation des risques accrus en matière de LBA et l’analyse du risque LBA de la société dans son ensemble. Le premier point est bien sûr le plus important. Il n’est pas si facile de disposer des bons critères, adaptés à son activité, sur le plan de la LBA. On a vite tendance à se contenter d’un minimum d’éléments pour l’évaluation des clients concernés. Dans notre pratique, nous observons en général un minimum de 20% de relations classées comme étant à risque accrus En-dessous, cela est très souvent le reflet de critères de risque pas adaptés; l’inverse est également vrai si le pourcentage de relations à risque accru est trop élevé.
Sur le plan de la LSFin, les problèmes apparaissent surtout dans les contrôles d’adéquation ayant trait aux mandats Advisory. Le caractère approprié doit ressortir clairement et il faut pouvoir certifier que les clients ont reçu les informations adéquates. Les instruments financiers employés doivent aussi bien correspondre aux profils établis. C’est loin d’être évident et, à la lumière de ces premiers audits, on pêche encore un peu dans ce domaine.
Avez-vous repéré d’éventuels trous noirs dans ces audits ?
Non, je ne dirais pas qu’il y ait des trous noirs. En revanche, je reconnais que ces audits reposent pour beaucoup sur la façon dont les auditeurs eux-mêmes conçoivent leur approche qui est basée sur les risques. Certains aspects sont quelque peu délaissés pour le moment, car les auditeurs se concentrent principalement sur la LBA, la LSFin et la LEFin. Concernant les autres règlementations, il faut partir du principe que toutes les thématiques d’organisation, de conformité et de gestion des risques seront à termes passées en revue, avec des contrôles plus ou moins strictes selon une approche basée sur les risques. Les gérants ont donc intérêt à être en tout temps et en tout domaine à jour et en conformité. C’est le meilleur que je leur souhaite.
Guillaume de Boccard
Geneva Compliance Group
Guillaume de Boccard est associé gérant de Geneva Compliance Group, une société qui fournit des services de conseil en matière de conformité et de reporting fiscal aux institutions financières. Plus tôt dans sa carrière, il a travaillé au Credit Suisse à Zurich et chez Pictet, où il s’est concentré entre autres sur les projets Rubik, FATCA, Cross-border et CFTC. Guillaume est avocat au barreau de Genève et titulaire d’un MBA obtenu à l’INSEAD.
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Avant d’être un coût, qui devient d’ailleurs de plus en plus abordable pour les gérants, la fonction Compliance doit d’abord être considérée comme un levier dans une stratégie de croissance. Pour Alessandro Bizzozero et Achille Deodato, elle permet de fixer les bases pour le développement de l’entreprise.
Par Jérôme Sicard
Existe-t-il un moyen de mesurer le poids de la conformité en termes de temps ou d’argent consacrés à son traitement ?
Alessandro Bizzozero. La « conformité » est un terme large qui comprend les réglementations légales, les normes industrielles et les politiques internes, y compris les questions juridiques et la surveillance réglementaire. Plutôt que de la considérer comme un fardeau, il faut plutôt la voir comme la garantie qu’une entreprise opère dans le cadre légal. Elle renforce par conséquent la confiance dans le marché ainsi que sa compétitivité. La violation des réglementations peut avoir un coût important en Suisse et à l’étranger. À cet égard, se mettre en conformité revient en réalité à économiser de l’argent.
Achille Deodato. Les coûts opérationnels de mise en conformité peuvent être classés en dépenses directes, – salaires, systèmes et temps alloués – et en dépenses indirectes – formation, honoraires de consultants et retards opérationnels. Pour quantifier ces coûts, il existe des indicateurs clés de performance tels que le coût de la conformité en pourcentage des recettes, le temps consacré aux activités de conformité et le nombre d’incidents liés à la conformité. Ils aident à gérer la charge financière et temporelle de la conformité.
Dans quelle mesure les solutions numériques comme la vôtre aident-elles les gérants à économiser du temps et de l’argent ?
Alessandro Bizzozero. Les solutions digitales font aujourd’hui partie du quotidien des gérants. Elles sont indispensables pour accéder à des bases de données actualisées et traiter d’importants volumes de données. J’irais plus loin : elles sont nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise et elles contribuent à l’amélioration des services fournis aux clients.
Achille Deodato. Elles facilitent aussi le développement des affaires. En intégrant les bons outils, les gérants sont capables de réduire de manière significative les coûts opérationnels et d’améliorer la performance globale de l’entreprise. Nous constatons que de plus en plus de solutions digitales prêtes à l’emploi sont disponibles sur le marché à des coûts très compétitifs. Pour un gérant de taille moyenne, disposer des bonnes solutions numériques revient à économiser entre 1 et 2 postes à temps plein !
Au cours de ces dix dernières, quelle ampleur ont pris les données que vous gérez pour répondre aux exigences réglementaires ?
Alessandro Bizzozero. Le volume a augmenté de manière exponentielle ! Aux données historiques, relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent, les gérants ont dû ajouter des données transfrontalières, fiscales, ESG, LSFin et j’en passe…
Dans notre cas, chez BRP, nous couvrons plus de 190 juridictions avec nos manuels pays. Pour vous donner un exemple, la production d’un manuel sur les services transfrontaliers nécessite généralement la consultation de 4 à 6 réglementations locales par juridiction. Si l’on considère que la conformité transfrontalière n’est qu’une partie des données nécessaires à la conduite des affaires, il est clair que le paysage est devenu très complexe pour les institutions financières.
Jusqu’à récemment, en Suisse, les gérants indépendants avaient des obligations réglementaires plus légères que les banques. Elles se limitaient principalement à la lutte contre le blanchiment d’argent. Cependant, avec la nouvelle réglementation, les GFI doivent désormais faire face aux mêmes obligations que les banques dans de nombreux domaines, d’où la nécessité de traiter de grands volumes de données.
Achille Deodato. Heureusement, les solutions numériques et la mutualisation des services offrent aujourd’hui aux gérants des options viables pour bien organiser ces données, les gérer efficacement, et garantir leur conformité tout en préservant leur maîtrise opérationnelle.
Comment les gérants doivent-ils aborder ces questions de conformité?
Alessandro Bizzozero. Les coûts ont augmenté de manière significative chez les gérants, et la conformité est en grande partie responsable de cette augmentation. Toutefois, si le contexte peut sembler difficile, nous voyons quand même des opportunités. Il y a plusieurs façons de les exploiter, à condition de bien vouloir investir un peu. Les gérants peuvent par exemple se rassembler et partager les coûts en rejoignant des plateformes, qui facilitent la mutualisation des coûts pour les questions de conformité. Il leur est possible également de collaborer avec des prestaires spécialisés ou d’acheter des solutions dédiées. Dans ce cas de figure, ils peuvent assurer la fonction de conformité en interne avec un dispositif allégé.
Achille Deodato. Il est clair qu’il y a des investissements stratégiques à envisager. Il est essentiel de mettre l’accent sur la qualité des collaborateurs en charge de la conformité plutôt que sur leur quantité. Ils doivent pouvoir traiter efficacement un large éventail de questions réglementaires. Les spécialistes issus de petites banques ont donc le profil idéal en raison de leur polyvalence. Les gérants ont tout intérêt par ailleurs à investir dans des solutions numériques prêtes à l’emploi, faciles à utiliser, qui s’intègrent de manière transparente, et ce pour éviter les intégrations informatiques trop lourdes.
Comment se fixer des priorités ?
Alessandro Bizzozero. En se concentrant sur la formation et le développement du personnel, en particulier dans des domaines tels que la lutte contre le blanchiment, la LSFin et le transfrontalier.
Achille Deodato. Dans les priorités, je rajouterais les systèmes de gestion des données qui rationalisent la collecte et la maintenance de la documentation KYC ainsi que du profil de risque. Ces systèmes doivent suivre les réglementations dans les pays où le gérant est actif. Les outils de surveillance automatisée peuvent aussi aider à suivre les transactions des clients, et d’identifier ou d’enquêter rapidement sur les activités suspectes. Enfin, l’adoption de plateformes numériques pour les mises à jour réglementaires est la garantie que l’équipe Compliance reste informée des derniers changements réglementaires, pour qu’elle puisse rapidement les intégrer.
A propos d’exigences, la LSFin impose aux gérants de nombreuses heures de formation réglementaire chaque année. Comment peuvent-ils en tirer le meilleur parti ?
Alessandro Bizzozero. Le mieux pour les gérants est de se concentrer sur l’application pratique et l’apprentissage continu. En organisant par exemple des sessions de formation qui intègrent des situations réelles et des études de cas en rapport avec les activités de l’entreprise. Les collaborateurs pourront alors appliquer ce qu’ils savent de la règlementation dans un contexte pratique.
Achille Deodato. L’utilisation de plateformes de formation en ligne peut fournir un accès flexible et à la demande au matériel de formation, permettant aux employés d’apprendre à leur propre rythme et selon leurs propres horaires. L’intégration de modules interactifs d’apprentissage en ligne et de simulations virtuelles peut améliorer l’engagement et la rétention d’informations réglementaires complexes.
Quels sont les thèmes clés sur lesquels il est préférable de se concentrer ?
Alessandro Bizzozero. La LSFin impose quelques exigences clés aux gérants indépendants. Comme par exemple un minimum de deux administrateurs qualifiés ayant une formation adéquate et une expérience professionnelle dans la gestion d’actifs. Deuxièmement, la LSFin exige la mise en place d’une fonction de conformité, d’une gestion des risques et d’un système de contrôle interne afin de professionnaliser la deuxième ligne de défense. Troisièmement, les GFI doivent disposer d’un capital minimum de 100 000 francs suisses et de garanties adéquates, qui peuvent être complétées par une assurance responsabilité civile professionnelle. Enfin, l’agrément FINMA représente un changement culturel important qui oblige les gérants à une transformation rapide des cadres de gouvernance.
À la suite de la crise du Crédit suisse, quel type de surcharge réglementaire anticipez-vous aujourd’hui ?
Achille Deodato. Il se peut que la FINMA introduise pour les gérants un régime des cadres supérieurs identique à celui des banques. Un changement de cette nature impliquerait une responsabilité personnelle pour les membres du conseil d’administration et les cadres supérieurs. Il sera alors probablement plus difficile pour les gérants de trouver des membres indépendants pour les conseils d’administration.
Achille Deodato
Indigita
Achille Deodato compte plus de vingt ans d’expérience dans le secteur bancaire et le conseil. Depuis 2019, Achille Deodato est le CEO d’Indigita, une regtech spécialisée dans la compliance cross-border. L’entreprise, fondée en 2016, est une filiale de BRP Bizzozero & Partners. Auparavant, Achille Deodato a été, entre autres, le CEO de Procivis et le CCO de la banque indienne Hinduja Bank Switzerland. Il est titulaire d’un MBA de l’IMD Business School et d’un diplôme d’économie de l’université LUISS de Rome.
Alessandro Bizzozero
BRP
Avocat de formation, docteur en droit, Alessandro Bizzozero a plus de trente ans d’expérience dans le domaine bancaire et réglementaire. Il a été directeur adjoint du département des autorisations à la Commission fédérale des banques, devenue aujourd’hui la Finma, directeur chez PWC Suisse et responsable de la conformité du groupe dans un groupe bancaire international. Il enseigne par ailleurs à la HEG ARC à Neuchâtel, ainsi que dans le cadre du cours CAS in Compliance Management à Genève et au Centro Studi Villa Negroni à Lugano.
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Par Jérôme Sicard
En Suisse, Cinerius prend depuis un peu plus de deux ans des participations majoritaires dans des sociétés de gestion indépendantes en leur donnant par ailleurs les moyens d’accélérer fortement leur croissance. La plateforme met ainsi à leur disposition de multiples ressources à même d’asseoir leurs développements. Une proposition forte en ces temps quelque peu incertains.
Dans vos efforts de communication, vous faites souvent référence à l’avenir de la gestion de patrimoine. Comment envisagez-vous cet avenir ?
Il me semble que rôle du gérant restera sensiblement le même : comprendre les besoins de ses clients et leur fournir des solutions entièrement personnalisées. Le contact personnel restera donc pour moi le facteur clé de la relation.
Dans le même temps, le monde devient de plus en plus complexe en raison de l’augmentation des risques géopolitiques, des évolutions démographiques, des changements climatiques et des avancées technologiques telles que l’IA.
Les clients et les investisseurs reçoivent toujours plus d’informations et se voient proposer toujours plus de produits, d’autant qu’ils expriment des attentes toujours plus élevées. En tant que gestionnaire de fortune, vous devez vous adapter à toutes ces tendances pour guider efficacement vos clients dans cet univers en pleine expansion. Il faut dès lors que vous puissiez combiner les bonnes compétences et les bons outils, ce qui requiert généralement une certaine taille et un solide positionnement de la marque.
Sur un plan plus large, la Suisse occupe encore une position forte. C’est un pays axé sur l’innovation qui bénéficie en plus d’une grande stabilité politique, d’une monnaie forte et d’une économie florissante. Sa riche histoire en matière de gestion de fortune, la diversité de ses langues, sa culture de l’innovation et ses normes professionnelles de haut niveau ont contribué à en faire une place idéale pour les clients et leurs gérants.
Dans le monde actuel de la gestion de fortune, quels aspects vous paraissent désormais obsolètes ?
L’approche centrée sur le produit, telle que la pratiquent certains acteurs du marché, me semble vraiment dépassée. Ils recherchent des résultats immédiats, souvent au détriment des relations à long terme avec leurs clients. Pour la gestion de fortune, je pense plutôt que l’avenir va se décider sur la priorité donnée aux besoins des clients et à l’expérience utilisateur. S’il est essentiel de proposer de bons produits, il est tout aussi essentiel de privilégier l’accompagnement des clients sur le long terme plutôt que de chercher à optimiser les gains à court terme. Certains gérants ne sont pas encore parvenus à opérer cette transition. C’est avant tout une question d’état d’esprit, mais aussi de culture et de stratégie.
Entre les produits, les services et les process, où les gérants indépendants doivent-ils désormais placer leurs priorités ?
À mon avis, il y a en réalité une quatrième dimension à prendre en compte. Les gérants doivent forcément se concentrer sur les produits, les services et les processus, mais ils doivent tout autant s’intéresser à leurs collaborateurs. Le volet RH est très important. Ai-je récupéré les bons talents ? Leur ai-je confié les bonnes responsabilités ? Partageons-nous les bonnes valeurs ? Le triangle devient alors un carré, où viennent se placer les produits, les services, les processus et les talents.
Sur quel modèle souhaitez-vous développer Cinerius pour développer vos partenariats avec des gérants indépendants?
Nous souhaitons avant tout mettre en œuvre un modèle dans lequel les entrepreneurs restent des entrepreneurs. En règle générale, nous prenons une participation majoritaire, mais nous n’allons pas jusqu’à 100 %. Le deuxième élément clé est que nous voulons nous concentrer sur le soutien à la croissance, par tous les moyens possibles. Nous sommes une organisation très flexible. Compte tenu de leur diversité, les gestionnaires de fortune en Suisse ont des besoins très différents, qu’il s’agisse du commercial, du marketing, de la distribution ou du digital. Pour chaque entreprise, c’est un ensemble de services personnalisés que nous offrons. Comme nous sommes actionnaires, il va de soi que nous ne facturons pas ces services.
Quelles sont les principales conditions du partenariat, outre la participation majoritaire dans l’entreprise ?
Nous demandons également un siège au conseil d’administration.
Avec combien d’entreprises suisses travaillez-vous actuellement ?
Depuis nos débuts il y a trois ans, nous avons établi des partenariats avec trois gestionnaires suisses : Entrepreneur Partners, SSI Asset Management et Carnot Capital. Ils gèrent 6 à 7 milliards de francs suisses pour leurs clients. Nous sommes très heureux d’avoir des ambassadeurs aussi forts au sein du groupe.
Quelle gamme de services offrez-vous à vos partenaires ?
La gamme est large. Nous couvrons le marketing, y compris la génération de leads numériques, les ventes, le développement commercial, la recherche de partenariats stratégiques et même l’acquisition de portefeuilles Clients. La recherche de nouveaux relationship managers, la planification de la succession et le développement des talents sont également des sujets importants pour lesquels nous pouvons intervenir auprès de nos partenaires.
L’écosystème de la gestion de fortune en Suisse est très riche en termes de prestataires. Là où nous apportons le plus de valeur ajoutée, c’est en aidant nos partenaires à mieux servir leurs clients existants et à en trouver de nouveaux. La croissance est notre véritable objectif. Et plus notre groupe s’agrandit, plus nous pouvons y consacrer de ressources.
Combien de partenaires pouvez-vous réellement intégrer à la structure Cinerius ?
Au cours des trois dernières années, nous sommes passés de zéro à neuf entreprises partenaires, en Allemagne et en Suisse. Le modèle est évolutif et nous pouvons donc continuer à nous développer. Notre croissance externe dépendra de notre capacité à trouver les bons partenaires qui partagent les mêmes valeurs et ont la même compréhension de ce que signifie réellement une gestion qualitative.
Quelles sont, selon vous, les principales réalisations de Cinerius depuis son lancement ?
En moins de trois ans, nous avons atteint 13 milliards de francs suisses en termes d’encours. En fait, nous avons connu une croissance assez rapide, mais nous ne prévoyons pas de poursuivre à la même vitesse. Nous disposons désormais d’une plus grande latitude pour renforcer la structure. Nous recrutons actuellement du personnel, avec de nouvelles compétences, pour élargir le soutien que nous apportons à nos partenaires. Les ressources humaines, la distribution de produits et le numérique sont quelques-uns des domaines dans lesquels nous augmentons nos capacités. Dans tous ces domaines, nos partenaires peuvent s’appuyer sur nous. D’autant que les résultats sont là. Leur croissance est supérieure à celle du marché.
Nous avons parlé des clients NextGen Nous avons parlé également des services NextGen. Pour passer maintenant aux services NextGen, comment les envisagez-vous ?
Comme je l’ai dit plus tôt, je suis fermement convaincu que les services de base de la gestion de fortune resteront les mêmes à long terme. L’accompagnement des clients tout au long de leur vie, dans différents environnements économiques et circonstances personnelles, restera au cœur de la proposition de valeur des gérants. C’est un peu comme si vous étiez leur directeur financier personnel et que vous leur fournissiez des conseils cohérents et rationnels tout au long de leur cycle de vie. Cependant, la manière dont ces services sont produits et délivrés va considérablement changer. Les canaux numériques joueront un rôle plus important. De nouveaux outils permettront d’étendre les niveaux de service et d’améliorer l’efficacité tout au long de la chaîne de valeur.
Les gérants doivent bien évidemment tenus se préparer à ces bouleversements. Il va certainement leur falloir maîtriser de nouveaux outils, de nouvelles configurations, mais ils doivent garder à l’esprit que l’interaction personnelle restera fondamentale. Aussi moderne et sophistiqué que soit devenu notre monde, les gens continueront à rechercher des conseils personnalisés à propos de leurs finances. Là, il viendra toujours un moment où les applications digitales finiront par montrer leurs limites.
Gordian Giger
Cinerius Financial Partners
Gordian Giger est membre de la direction de Cinerius Financial Partners. Il dirige plus précisément le développement et la mise en œuvre de la stratégie sur le marché suisse. Plus tôt dans sa carrière, Gordian Giger a occupé des postes semblables dans les domaines du business development, des fusions & acquisitions et du corporate finance. Après un passage chez McKinsey, il a travaillé chez Advior International/Raiffeisen Suisse puis chez Vontobel, où il dirigeait le développement avec le titre de managing director. Gordianest diplômé en Finance de l’Université où il obtenu un Master of Arts.
Fanny Eyraud
Jema
« Nous voulions pouvoir travailler sur la diversité des patrimoines contemporains. »
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