Interview Chairman
Markus Wintsch
swisspartners
« Je ne serais pas surpris de voir les GFI passer sous la barre des 1’000 d’ici trois à cinq ans»
Vieillissement des portefeuilles, essoufflement des modèles, pressions réglementaires et générationnelles : Markus Wintsch aborde sans détour les mutations qui redessinent le paysage des gérants indépendants. A l’entendre, le marché pourrait perdre plus d’un tiers de ses acteurs dans les prochaines années. La consolidation lui semble donc inévitable, mais elle ne se décrète pas pour autant. Peu d’acteurs y sont réellement préparés. D’où son plaidoyer pour un recentrage stratégique : choisir clairement son positionnement, renforcer ses services, nouer des partenariats – en restant cohérent, sans nécessairement courir après la taille.
Par Jérôme Sicard
Le secteur des gérants de fortune est en pleine mutation. Pourtant, la consolidation tarde. Pourquoi?
Vous avez raison. On parle de consolidation depuis des années, mais elle reste très marginale. Je pense que cela est appelé à changer sous peu mais ce n’est pas la règlementation qui en sera le moteur, même si le nouveau cadre de la FINMA a déjà poussé quelques centaines d’acteurs à se retirer. Ce qui va vraiment peser, c’est la démographie. C’est le vieillissement à la fois des clients finaux et de leurs gérants. Beaucoup de portefeuilles sont encore traités par des relationship managers proches de la retraite. Or, un processus de transmission est complexe et coûteux. Il faut trouver les bons remplaçants, s’assurer que les clients les acceptent, et financer une transition qui va prendre au minimum trois à cinq ans. Beaucoup de petites structures n’ont tout simplement pas la capacité Et c’est ce qui devrait déclencher une grande vague de sorties.
Peu de gérants y sont structurellement ou culturellement préparés. Certains voient des opportunités de croissance externe, mais beaucoup sont d’abord focalisés sur leur survie. La consolidation suppose une vision — et du courage. Et ces deux qualités sont encore assez rares. Il manque aussi des moyens : capital, énergie opérationnelle, temps. Beaucoup de structures sont absorbées par le quotidien et n’ont ni les ressources ni la disponibilité pour penser une transformation profonde.
Pourquoi si peu de gérants sont-ils capables de fusionner?
Il y a d’abord une dimension personnelle. Fusionner, c’est renoncer à une partie de ses revenus. Ensuite, cela n’a de sens que s’il y a une vraie compatibilité — à tous les niveaux : équipes, culture, méthodes. Et puis il y a les egos à gérer avec parfois quelques considérations assez triviales. Qui prendra le poste de CEO? Où seront situés les bureaux? Quelle machine à café sera installée? Ce sont souvent des détails qui bloquent avant même d’aborder les questions d’investissement. Si les fondamentaux ne sont pas alignés, l’opération échoue.
S’ajoute à cela la complexité de l’actionnariat. Beaucoup de structures sont détenues par plusieurs associés, avec des vues très différentes. Certains veulent sortir, d’autres continuer, et les plus jeunes n’ont souvent pas les moyens de racheter. Cela crée des blocages. Enfin, il y a un aspect identitaire : ces entreprises sont le reflet de leurs fondateurs. Leur demander de fusionner, c’est parfois leur demander de renoncer à une partie d’eux-mêmes.
Les audits de la FINMA peuvent-ils servir de détonateur?
Pas vraiment. De ce que j’entends, les audits se passent plutôt bien. La réglementation exerce une réelle pression sur les structures, mais elle reste gérable. Ce qui va faire basculer le secteur, c’est l’accumulation : les coûts qui augmentent, la vision qui s’érode, les attentes des clients qui changent. C’est plutôt cette combinaison qui va s’avérer décisive.
Qu’est-ce qui va accélérer la consolidation?
Plusieurs facteurs. Des revenus sous pression, une conformité de plus en plus exigeante, et des banques dépositaires qui attendent un volume minimum pour maintenir la relation. Certaines préfèrent ne plus servir les GFI en dessous d’un certain seuil d’encours. Il y a aussi la pression générationnelle : les jeunes clients ont d’autres attentes. Si vous n’y répondez pas, vous vous mettez hors-jeu.
Il faut aussi parler du niveau de service. Les clients veulent aujourd’hui des solutions plus complètes : fiscalité, gestion transfrontalière, consolidation, digital. Peu d’acteurs peuvent tout offrir seuls. Le modèle réactif, à périmètre restreint, ne va bientôt plus suffire.
Si ce ne sont pas les EAM eux-mêmes, qui va piloter ce mouvement de consolidation?
Je vois quatre profils d’acteurs.
Les consolidateurs, comme Quaestor Coach, Cinerius, Focus Financial Partners. Leurs modèles ont connu des fortunes diverses, et certains ont d’ailleurs quitté le marché suisse.
Des fonds de private equity, avec une approche plus offensive : acheter, regrouper, rationaliser, revendre.
Des banques dépositaires. Quelques-unes ont réussi des acquisitions ou pris des participations dans différentes sociétés, mais il n’y a pas vraiment de mouvement d’ampleur. Beaucoup observent.
Et enfin les family offices, voire les trustees. Ce sont souvent les acteurs plus intéressants. Ils pensent long terme, apportent leurs clients, leur réseau, laissent les équipes en place, et raisonnent stratégiquement.
Les plus crédibles dans la durée sont ces family offices et ces trustees, pour peu qu’ils aient une certaine envergure. Ils ont la patience, les synergies et une vraie logique industrielle.
Il y a environ 1’600 gérants indépendants agréés par la FINMA. Leur nombre est-il appelé à se réduire autant que ce fut le cas pour les banques privées en Suisse?
Je ne serais pas surpris que l’on passe sous la barre des 1’000 d’ici trois à cinq ans. C’est une estimation assez prudente, je pense. De nouvelles structures vont apparaître, de grande qualité, avec des profils très expérimentés, mais la tendance nette sera clairement à la baisse.
La première vague de filtrage a été réglementaire, via les agréments. La prochaine sera naturelle : certains disparaîtront faute de relais, d’autres parce qu’ils ne peuvent pas changer d’échelle. D’autres enfin choisiront de sortir plutôt que de continuer dans un environnement devenu pour eux trop contraignant.
Que deviendront ces 600 sociétés appelées à disparaître?
La plupart fermeront. Les clients passeront chez les banques dépositaires. Quelques structures fusionneront, certaines vendront leurs portefeuilles. Mais le scénario dominant sera la liquidation. Quand une société n’a aujourd’hui ni la volonté ni les moyens de se développer, je doute qu’elle puisse le faire demain.
Il y aura aussi des sorties progressives : certains partenaires passeront la main en douceur, les clients se récupéreront ailleurs, l’activité se diluera lentement.
Quel rôle swisspartners entend jouer dans ce contexte?
Nous venons d’intégrer une boutique zurichoise, avec trois gérants. Nous sommes ouverts à toute discussion, au rachat de petites équipes, de sociétés de notre taille, voire de structures plus grandes. Mais il faut surtout qu’elles soient compatibles avec notre modèle pour que cela fasse sens. La culture compte : clientèle, style d’investissement, valeurs. Sans cela, une fusion ne reste jamais qu’un montage administratif.
Nous savons que la gouvernance est souvent le point d’achoppement. Beaucoup de sociétés sont détenues par des associés gérants, avec des visions très différentes. Cela rend toute opération plus complexe. Et souvent, les attentes de prix sont déconnectées de la réalité. On ne «vend» pas une relation client comme un actif ordinaire.
Nous croyons au dialogue. Si les esprits, les ambitions et les modèles s’alignent, alors cela vaut la peine de creuser. Mais nous ne courons pas après la taille. Ce qui nous intéresse, c’est de construire quelque chose dans la durée.
Et l’Alliance?
L’Alliance regroupe aujourd’hui 42 membres, tous avec plus d’un milliard sous gestion. Ce n’est pas une fédération professionnelle, mais un groupement d’intérêt. L’idée de départ était de partager les bonnes pratiques, de renforcer la collaboration entre pairs et de faire entendre une voix collective. Nous organisons des groupes de travail, facilitons les échanges avec les dépositaires, les fournisseurs IT, et développons des projets communs. Bien évidemment, les membres de l’Alliance sont appelés à jouer un rôle central dans cette consolidation au vu de leur taille et de la qualité de leurs structures.
Quel poids l’Alliance peut-elle atteindre d’ici 2030?
Aujourd’hui, nos membres gèrent environ 150 milliards de francs et emploient 1’800 personnes. On peut atteindre les 200 milliards d’ici 2030. Mais au-delà des chiffres, c’est l’influence collective qui compte : vis-à-vis des régulateurs, des prestataires, du marché de l’emploi. Si on structure bien ce segment de l’industrie, il peut devenir une référence majeure.
Au-delà de la consolidation, comment le métier va-t-il évoluer?
Chaque gérant doit clarifier sa stratégie. Tout part de trois questions : qui sont vos clients, où sont-ils installés, et que leur proposez-vous? Ensuite, il faut choisir son modèle. Ou bien vous vous positionnez comme un spécialiste et vous êtes le meilleur dans un domaine précis — actions suisses, private equity, crypto, etc. Mais alors il faut surperformer…Ou bien vous êtes un généraliste, un guichet unique. C’est le choix qui a été effectué chez swisspartners. Nous couvrons la gestion, le fiduciaire, l’immobilier, les services de family office, la consolidation des avoirs, l’assurance. Notre clientèle est surtout suisse, patrimoniale. C’est là que notre valeur ajoutée est la plus forte.
Le métier évolue aussi dans sa relation avec le client. Ce qui était un plus est devenu un standard : outils digitaux, transparence, support multi-juridictionnel.
Enfin, la pérennité passe par l’équipe et la qualité des collaborateurs qu’elle rassemble. Nous investissons dans l’éducation, les programmes de formation, les partenariats avec les écoles. Il faut être capable d’attirer, de former et de retenir la prochaine génération.
Qu’est-ce qui fera le succès d’un gérant suisse dans les 10 ans?
La capacité à s’adapter, à avoir une vision claire, et à inspirer la confiance à différentes générations de clients. La taille peut aider, mais elle ne décide pas de tout. Ce qui compte, c’est d’être pertinent. Ceux qui bougent trop tard seront dépassés. Ceux qui savent se remettre en question et anticiper resteront dans la course.
Markus Wintsch
swisspartners
Markus Wintsch est CEO et associé de swisspartners. Il a rejoint le groupe en 1995. A l’époque, il n’était que le sixième collaborateur à y entrer. En 2001, il a été nommé CEO, pour assumer la direction stratégique de l’entreprise. En 2017, il a pris la tête du Group Management Board, qu’il dirige toujours aujourd’hui. Markus a commencé sa carrière chez UBS, où il a été senior relationship manager de 1992 à 1995.
Il est également vice-président de l’Alliance des Gestionnaires de Fortune Suisses, un groupement d’intérêt qui rassemble les sociétés de gestion aux encours de plus d’un milliard. L’Alliance vise à favoriser entre elles l’échange de bonnes pratiques et à structurer le dialogue avec les dépositaires, fournisseurs et autorités de surveillance, dans une industrie en pleine recomposition.
Markus Wintsch
swisspartners
« Je ne serais pas surpris de voir les GFI passer sous la barre des 1’000 d’ici trois à cinq ans»
Kim-Andrée Potvin
Banque Bonhôte
« La technologie redéfinit entièrement le parcours et l’expérience client. »
Marc Briol
Pictet Asset Services
« Ce sont aussi les banques qui ont des choses à apprendre des gérants indépendants. ».
Markus Wintsch
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« Je ne serais pas surpris de voir les GFI passer sous la barre des 1’000 d’ici trois à cinq ans»
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Kim-Andrée Potvin a pris la direction de Bonhôte en début d’année. Formée dans de grands groupes, aguerrie dans des structures plus agiles, elle entend mettre à profit l’esprit entrepreneurial de la banque neuchâteloise pour accélérer sa croissance sur plusieurs axes. Ses priorités : une banque plus rapide, plus connectée, plus réactive et une évolution significative de l’expérience client, au cœur du dispositif.
Par Jérôme Sicard
De votre expérience dans un grand groupe comme BNP Paribas, qu’allez-vous pouvoir mettre à profit chez Bonhôte ?
J’y ai certainement appris à maîtriser des environnements complexes : gestion de centres de profit, pilotage de grandes équipes, conduite de projets de transformation, qu’ils soient organisationnels ou technologiques. Je viens avec ce bagage, mais je viens aussi avec la conviction que tout passe par l’humain dans notre métier. Pendant plus de dix ans, j’ai managé des centaines de collaborateurs qu’il fallait mobiliser, enthousiasmer, fédérer autour d’un projet. Cette capacité à entraîner les équipes dans une dynamique forte est pour moi un levier très important.
Et de votre passage chez Landolt et Bamboo, dans des structures plus petites ?
Sans hésitation, j’en retiens avant tout l’esprit entrepreneurial. Dans des structures à taille humaine, les décisions se prennent vite, les actions s’exécutent sans délais, et l’impact est immédiat. Cette vitesse d’exécution, cette réactivité m’ont énormément plu — c’est un modèle dans lequel je me suis pleinement épanouie. C’est aussi ce que j’ai retrouvé chez Bonhôte, une banque qui est passée de trois collaborateurs à plus d’une centaine en trente ans mais qui a su préserver son ADN entrepreneurial. Pour moi, c’est un cadre de travail à la fois stimulant et responsabilisant.
Comment pensez-vous pouvoir tirer avantage d’une structure plus agile comme Bonhôte ?
L’agilité de Bonhôte est réelle, et elle se traduit à tous les niveaux. D’abord par des circuits de décision courts, une exécution rapide, et une indépendance pleinement assumée. La banque existe depuis plus de deux siècles, toujours détenue par un petit cercle d’actionnaires. Cette stabilité et cette indépendance garantissent notre autonomie. Elle se reflète aussi dans notre organisation. Bonhôte gère en interne toute sa chaîne de valeur, jusqu’à sa propre salle de marché. Résultat : nous pouvons ouvrir un compte en 24h pour un client domicilié en Suisse.
Quels sont les métiers sur lesquels se concentre Bonhôte aujourd’hui ?
Bonhôte se concentre sur la gestion de fortune orientée long terme, son cœur de métier, qu’elle complète en se positionnant sur certaines niches. C’est le cas par exemple de l’immobilier, avec un fonds emblématique qui a franchi le milliard sous gestion, des métaux précieux, avec un fonds or physique traçable, de l’art et de la philanthropie, ou encore des services aux tiers gérants.
Il y a les métiers bien sûr mais il faut insister aussi sur l’engagement de la banque dans la proximité qu’elle entretient avec ses clients au travers de son ancrage régional et dans son approche durable à tous les niveaux, comme employeur, investisseur et prestataire. Bonhôte est l’une des très rares banques en Suisse à disposer de la certification B Corp.
Comment souhaitez-vous développer votre ligne asset management ?
Bonhôte a déjà structuré une gamme de fonds maison, couvrant la plupart des classes d’actifs. La prochaine étape, c’est le lancement d’un fonds actions suisses orienté vers la durabilité. Nous sommes actifs dans l’investissement quantitatif et responsable depuis de nombreuses années et nous avons l’ambition de continuer à créer des produits innovants en complément de l’offre banque privée.
En termes de développement, nous allons élargir la diffusion de ses produits au-delà de nos clients historiques. Nous allons en effet étendre leur réseau de distribution à des partenaires externes, des plateformes, et des institutionnels, en Suisse comme à l’étranger.
Quelle stratégie de croissance avez-vous définie à votre arrivée ?
Notre stratégie s’appuie sur une croissance organique, que la banque maîtrise depuis plus de trente ans, et sur des opportunités ciblées de croissance externe. Pour ce qui est de notre coeur de métier, la gestion de fortune, nous allons nous appuyer sur nos succursales – Genève, Lausanne, Bienne, Soleure, Berne, Zurich et Neuchâtel – pour élargir encore notre base de clientèle et renforcer notre présence en Suisse. Côté acquisitions, nous restons à l’affût d’opportunités alignées sur nos niches, que ce soit sous la forme de portefeuilles, d’équipes ou de structures entières. Mais nous voulons rester fidèles à nos valeurs, à notre ancrage régional, et à notre modèle de banque entrepreneuriale. Pour ce faire, je peux compter sur le soutien du conseil d’administration et particulièrement de son président.
Qu’en est-il des gérants indépendants ? Est-ce pour vous un axe de croissance ?
Bien sûr ! En 2020, à Zurich, nous avons racheté Private Client Partners, un family office. C’est une structure à part entière, qui nous appartient à 100%, mais qui garde son nom pour préserver l’indépendance nécessaire à un family office. Ce modèle fonctionne très bien, parce qu’il respecte justement les relations établies. Et ça nous donne aujourd’hui une capacité naturelle à accueillir d’autres gérants dans notre univers, sans les dénaturer. On continue d’ailleurs à regarder activement ce type d’opportunités, dans les villes où nous sommes installés. Nous avons les structures, les ressources, et l’envie de grandir avec eux.
On ne cesse de dire que le secteur bancaire est en pleine mutation. Où percevez-vous, à votre niveau, les changements les plus sensibles ou les plus structurants ?
Je vois trois transformations majeures. La première est réglementaire. Elle s’intensifie, et elle est légitime au vu du contexte financier et géopolitique. Mais pour les banques, cela signifie des processus toujours plus robustes, et donc plus coûteux. Quand j’ai débuté dans cette industrie, à la fin des années 90, la fonction conformité n’existait même pas. Aujourd’hui, elle est incontournable.
La deuxième mutation, c’est le marché lui-même. Il est devenu beaucoup plus mature. La concurrence est forte, la croissance organique ne ressemble plus à celle des années 2000. Il faut être beaucoup plus affûté en termes de performance, d’innovation, de qualité de service.
La troisième réside au niveau clientèle dans la manière d’interagir qui a beaucoup changé et qui continuera à changer avec les moyens technologiques à disposition.
Quelles sont aujourd’hui les attentes les plus marquantes de vos clients ?
Elles sont nombreuses, mais si je devais résumer, je dirais : écoute, personnalisation et qualité d’exécution. L’écoute, d’abord, est souvent négligée. Ensuite, il faut que l’offre soit pertinente, performante, pensée pour le client de manière holistique. Ce qui fait la spécificité de Bonhôte, c’est justement l’absence de segmentation stricte dans notre approche. Peu importe que le client dispose de 500’000 ou de 60 millions. Il est traité de manière unique. C’est un différenciateur fort, directement lié à la taille humaine de la banque et à son esprit entrepreneurial.
Et enfin, l’exécution doit être rapide, fluide, irréprochable. La technologie ne remplace pas le lien humain — surtout dans les moments clés qui rythment nos vies : mariage, achat immobilier, succession… C’est là que le rôle du conseiller prend tout son sens. Mais ce conseiller doit aujourd’hui être « augmenté » : il doit disposer d’outils efficaces pour être en mesure de délivrer un service hautement personnalisé.
Dans quelle mesure une banque doit-elle aujourd’hui se réinventer dans son langage comme dans son image ?
C’est un enjeu central. Banquier est l’un des métiers les plus anciens, avec une image souvent associée à la rigueur, à la stabilité, à une certaine tradition. Et c’est normal : on touche à l’intime du client — son patrimoine, ses projets de vie. La confiance se construit dans la durée. Mais pour rester en phase avec les nouvelles générations, il faut aussi projeter autre chose : de l’agilité, de l’innovation, une capacité à comprendre les nouveaux usages. C’est ce juste équilibre que nous cherchons. Afficher une modernité assumée, sans renier la solidité qui fait notre ADN. C’est une évolution des codes, de la manière de communiquer et d’interagir. Et c’est ce à quoi nous nous employons activement.
Dans quels domaines la technologie transforme-t-elle le plus la banque ?
Dans la relation client ! C’est là que l’impact est le plus visible, le plus immédiat. La technologie redéfinit entièrement le parcours et l’expérience client. Ce que nous cherchons à offrir, c’est une interaction fluide, intuitive, où le client reste maître du tempo. Il doit pouvoir choisir quand et comment il échange avec sa banque — en ligne, en personne, par téléphone — selon ses besoins du moment. Pour moi, le Graal est là. Offrir cette liberté, c’est ce qui redéfinit vraiment la banque privée aujourd’hui. Nous investissons donc massivement dans notre CRM, car c’est aujourd’hui le cœur du réacteur !
Quels sont aujourd’hui les grands enjeux autour de la gestion des données, en lien justement avec l’expérience client ?
Il y a d’une part l’usage des données, et d’autre part leur sécurité. Pendant longtemps, les banques ont fonctionné en circuit fermé — presque en bunker. La donnée était stockée, mais rarement exploitée. Depuis peu, nous sortons de ce modèle fermé, pour aller vers des architectures ouvertes, plus agiles, mais aussi plus exigeantes. Les banques détiennent aujourd’hui des mines de données clients, souvent non structurées, donc difficilement exploitables. Mais avec l’arrivée de l’intelligence artificielle, on a enfin les moyens d’extraire de la valeur de ces données, même non structurées. Et là, les cas d’usage se multiplient, qu’il s’agisse de productivité, d’automatisation, d’analyse prédictive, d’innovation dans les services.
Évidemment, cela doit aller de pair avec un niveau de sécurité irréprochable. Le passage au cloud, par exemple, a longtemps été tabou dans les banques. Aujourd’hui, il est incontournable — mais il doit être maîtrisé. Nous avançons donc sur deux fronts : exploiter mieux nos données, et le faire sans jamais compromettre leur intégrité.
Kim-Andrée Potvin
Banque Bonhôte
Depuis janvier, Kim-Andrée Potvin occupe les fonctions de Chief Executive Officer pour la banque Bonhôte, après y avoir officié comme COO pendant un an. Elle était responsable auparavant des opérations de Bamboo Capital Partners, la boutique genevoise active dans l’impact investing. Kim-Andrée a travaillé pour la banque Landolt dans un même rôle de COO et pour le groupe BNP Paribas où elle a occupé différents postes de direction. En 2014, elle avait été nommée COO de BNP Paribas en Suisse pour y piloter l’évolution des plateformes financières, opérationnelles et informatiques. Kim-Andrée est diplômée de l’Université McGill, où elle a obtenu un bachelor en finance et commerce international.
Markus Wintsch
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Kim-Andrée Potvin
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Marc Briol
Pictet Asset Services
« Ce sont aussi les banques qui ont des choses à apprendre des gérants indépendants. ».
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Kim-Andrée Potvin
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Alors que la nouvelle réglementation redéfinit profondément leur métier, les gérants indépendants doivent trouver aujourd’hui leur équilibre entre exigences prudentielles et maîtrise opérationnelle. Cette transformation incite aussi les acteurs bancaires à repenser leurs services et leurs méthodes. Pour Marc Briol, la dynamique en cours appelle très certainement à davantage d’échanges et de complémentarité entre banques et gérants.
Par Jérôme Sicard
Dans quel sens souhaitez-vous voir évoluer la réglementation qui encadre désormais le métier de gérant indépendant en Suisse ?
Nous sommes encore au début d’un cycle. La réglementation est en place, mais nous sommes en train d’en découvrir collectivement les implications. A terme, mon souhait est que le régulateur adopte une approche davantage fondée sur des principes — principle-based — plutôt que sur des règles strictes — rule-based. Il est essentiel de conserver une part de bon sens, de définir un cadre général via des best practices, des codes de conduite, des directions stratégiques, tout en laissant aux acteurs la latitude nécessaire pour s’organiser selon leur réalité. Le dialogue avec le régulateur doit rester possible. C’est ce que nous connaissons par exemple au Luxembourg avec la CSSF, et ce que nous espérons continuer à vivre en Suisse avec la FINMA. Cette ouverture constitue un véritable facteur de différenciation pour une place financière comme la nôtre.
Quels éléments font encore défaut aujourd’hui à cette réglementation ?
Il est trop tôt pour avoir ce genre de considérations. Nous commençons tout juste à percevoir les premiers effets pratiques de la LSFIN/LEFin. Les autorisations délivrées l’ont été, dans un premier temps, de manière relativement large. Aujourd’hui, certains gérants en finissent avec leur premier audit et réalisent les exigences opérationnelles qui en découlent très concrètement. On observe d’ailleurs une certaine convergence dans le traitement réglementaire auquel sont soumis aussi bien les banques que les gérants indépendants. C’est un parallèle intéressant car il va permettre d’instaurer plus facilement un dialogue assez structuré entre les gérants, les banques dépositaires et les organes de surveillance. Ensemble, nous devons et nous pouvons mieux définir la manière dont nous répondons aux attentes réglementaires en matière de substance, de documentation, de contrôle et de procédures.
Avec quels types de gérants préférez-vous collaborer à l’avenir ?
Avec ceux qui ont une vision claire et une proposition qui comporte de vrais éléments de différentiation. Cela peut se traduire par une spécialisation sur une zone géographique, un segment de clientèle, une classe d’actifs ou une approche exclusive des services proposés. Ce que nous recherchons, ce sont des professionnels qui ont fait des choix stratégiques assumés, et non des approches opportunistes. Un gérant qui nous dit « je fais un peu de tout, partout, selon les opportunités qui se présentent » aura de plus en plus de mal à convaincre. À l’inverse, nous valorisons les maisons qui ont une stratégie affirmée, qui savent où elles veulent aller, et pourquoi.
Quels critères un gérant indépendant doit-il remplir aujourd’hui pour passer le cut chez Pictet Asset Services ?
Il y a bien sûr un critère de taille minimale qui se situe autour des 50 millions de francs d’actifs sous gestion. Mais il ne s’agit en fait que d’un seuil d’entrée. Ce que nous regardons, c’est avant tout la qualité de l’organisation, les systèmes en place, la rigueur des procédures internes, la structure de gouvernance, les ressources humaines. Ce sont des éléments auxquels nous sommes beaucoup plus sensibles. Par ailleurs, le nombre de collaborateurs doit être cohérent avec les ambitions affichées. Si un gérant nous annonce vouloir couvrir 40 marchés avec une équipe de cinq personnes, nous risquons forcément de nous montrer perplexes. Nous évaluons aussi la solidité du plan de développement. Il est tout à fait possible pour une structure en phase de lancement d’être éligible, à condition de présenter une vision claire, un projet bien pensé, et des fondations solides.
Comment les services aux gérants indépendants doivent-ils évoluer pour s’adapter aux transformations du secteur ?
Nous devons certainement apporter plus de lisibilité aux gérants. Nous n’allons pas accepter tous les dossiers, mais nous devons savoir dire oui ou non rapidement, avec clarté. Il faut donc que nous puissions mieux expliciter nos critères, nos processus internes, nos exigences documentaires. Nous devons partager davantage nos attentes lorsque nous entrons en partenariat avec un gérant, que ce soit en termes de qualité, de risque, ou de transparence.
Ensuite, je pense que l’enjeu principal porte sur la digitalisation de nos interactions. L’onboarding digital, la signature électronique, la capacité à gérer des flux de données venant de multiples systèmes — voilà où se fera la différence. Les gérants sont par nature multi-bancarisés, nous devons donc être capables d’interpréter des données non structurées, de les normaliser et de les intégrer dans nos propres systèmes. C’est un important levier de compétitivité.
Comment les accompagner plus efficacement dans la digitalisation et l’automatisation de leurs processus ?
Avant tout par un dialogue ouvert. Nous encourageons nos équipes de compliance à aller à la rencontre des gérants, à échanger sur les cas clients avant même que l’onboarding formel ne commence. Nous incitons les gérants à nous solliciter en amont via des demandes préalables. Cela nous permet de leur donner des indications précieuses sur ce qui est attendu, sur les points de vigilance, sur la manière la plus efficace de constituer un dossier. Nous ne voulons pas que notre compliance soit perçue comme une boîte noire. Ce sont des personnes accessibles, identifiables, disponibles. Et cette relation humaine crée une bien meilleure dynamique.
Sur quelles fonctions les gérants doivent-ils se concentrer pour assurer la pérennité de leur activité ?
Sur le service client, sans aucun doute. La proximité, la disponibilité, l’écoute, ce sont des attributs fondamentaux du modèle du gérant indépendant. Ensuite, il y a deux dimensions essentielles : la relation de confiance et la performance. La performance est évidemment cruciale, mais elle ne suffit pas. C’est la confiance qui fidélise, qui ancre la relation dans le temps. Quand un client sent qu’on le comprend dans sa globalité, qu’on l’accompagne aussi sur le patrimoine, la transmission, les projets de vie, il développe un attachement très fort à son gérant.
La FINMA a délivré plus de 1’500 autorisations. Ce nombre est-il appelé à diminuer de moitié, comme ce fut le cas pour les banques ?
Je ne suis pas certain qu’il y ait « trop » de gérants. Certains ont des ambitions de croissance, d’autres visent la stabilité. Les deux approches sont légitimes. Il y aura sans doute un mouvement de consolidation à terme, mais il est encore embryonnaire. En parallèle, de nouvelles structures se créent, portées par des professionnels qui veulent se réinventer. Le lien émotionnel que ces gérants tissent avec leurs clients est très fort. Cette agilité, cette proximité, créent une vraie valeur sur laquelle il est possible de pérenniser une activité.
Quels sont les principaux pain points auxquels les gérants sont confrontés aujourd’hui ?
La capacité à croître, d’abord. L’acquisition de nouveaux clients est un défi permanent. Ensuite, la difficulté à recruter les bons profils. Il y a une forte compétition entre gérants pour attirer des relationship managers expérimentés, capables de transférer leurs portefeuilles. Les gérants les mieux établis ne sont pas non plus à l’abri de l’érosion des marges, ni de la pression concurrentielle. D’où l’importance de continuer à investir dans la technologie, dans l’automatisation, dans les compétences pour préserver les seuils de rentabilité.
Les sociétés de gestion doivent-elles s’inspirer des structures mises en place par banques pour assurer leur développement ?
Pas forcément. En fait, je dirais que ce sont aussi les banques qui ont des choses à apprendre des gérants indépendants. Leur capacité à opérer sur plusieurs systèmes, à être modulaires, agiles, connectés à différents univers, est très précieuse. Ils ont aussi une lecture en temps réel de la concurrence : ils savent nous dire si nous sommes trop stricts, pas assez, ou dans la moyenne. Ce retour est fondamental. Bien sûr, certaines best practices en vigueur dans les banques peuvent s’avérer utiles. C’est notamment le cas dans la cybersécurité ou la gestion du cloud. Nous proposons par exemple des diagnostics gratuits sur l’exposition cyber de certains gérants. Cela profite à tout l’écosystème — même si cela bénéficie aussi à nos concurrents. Ce n’est pas un problème : ce qui compte, c’est de renforcer la place financière dans son ensemble.
Marc Briol
Pictet Asset Services
Entré chez Pictet en 1995, Marc Briol exerce les fonctions de CEO de Pictet Asset Services, qui fournit des services de banque dépositaire ainsi que d’administration et de gouvernance de fonds à une clientèle composée de gérants indépendants, de gestionnaires de fonds et d’institutionnels.
Au sein de Pictet, Marc Briol a précédemment occupé le poste de COO de la division Technology & Operations. Avant cela, il a exercé les mêmes fonctions au sein de Pictet Asset Management de 1997 à 2008 à Londres.
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Decalia célèbre cette année ses dix ans. Son co-fondateur, Alfredo Piacentini, revient dans cet interview sur une décennie menée avec la volonté constante d’innover, comme l’illustre notamment le développement de la ligne Private Markets, devenue aujourd’hui la signature de Decalia.
Par Jérôme Sicard
Alors que Decalia fête son dixième anniversaire, quel bilan tirez-vous de cette décennie écoulée ?
Le poids croissant de la réglementation, pour commencer. En dix ans, l’environnement a beaucoup évolué, que ce soit en matière de cadre juridique, de normes ou de typologies d’acteurs. Cela a profondément modifié la donne, pour les banques comme pour les sociétés de gestion, et pas nécessairement en mieux. La gestion privée est aujourd’hui beaucoup plus encadrée, et le dialogue avec la clientèle s’est complexifié. Nous sommes soumis à des réglementations européennes conçues pour des marchés où les connaissances financières des clients sont moindres qu’en Suisse, ce qui rend la gestion plus rigide, avec un degré de personnalisation qui tend à se réduire. Honnêtement, la charge administrative approche un seuil difficilement soutenable.
Pour s’en tenir aux marchés, l’essor des réseaux sociaux et des plateformes en ligne a conduit à une certaine démocratisation, mais il a aussi engendré davantage de volatilité, de distorsions et d’émotivité. Ce sont des phénomènes qui n’existaient pas voilà dix ans, et que nous n’avions donc pas à gérer.
Et pour Decalia, plus spécifiquement, quel regard portez-vous sur ces dix années ?
Nous avons su nous adapter aux nouvelles normes de marché et aux transformations du secteur. L’un de nos succès majeurs est le développement de la ligne Private Markets, destinée à une clientèle sophistiquée recherchant des investissements à moyen et long terme, moins sensibles aux bouleversements du marché. Nous avons été des pionniers, notamment dans les stratégies liées au crédit. De manière générale, ces dix années ont été très constructives : nous avons bâti une structure qui propose aujourd’hui une approche différenciée.
De quoi êtes-vous le plus fier ?
D’avoir réuni une équipe solide autour de cinq associés pleinement investis dans le développement de Decalia : Rodolfo De Benedetti, Sébastien Demole, Xavier Guillon, Nicolò Miscioscia et moi-même. Nous nous entendons bien, nous travaillons dans la même direction, et surtout, nous aimons ce que nous faisons. Nous n’avons pas monté Google, mais nous avons réuni 70 collaborateurs talentueux qui prennent plaisir à évoluer ensemble.
Votre plus grande réussite ?
La ligne Private Markets, sans hésitation. Nous avons levé près de deux milliards de francs en dix ans dans ce domaine. Lorsque nous nous sommes lancés, ce secteur émergeait à peine. A l’époque, aux lendemains de la crise financière, nous avons su profiter du retrait des banques, qui l’ont jugé trop complexe ou trop contraignant en termes de fonds propres.
Et votre principal échec ?
Nous n’avons pas réussi à créer de véritable « blockbuster » parmi nos fonds long only, un produit phare qui aurait marqué une rupture et accéléré notre croissance. Pourtant, nous avons lancé des stratégies innovantes et avant-gardistes, sur des thématiques comme les Millennials ou l’économie circulaire. Depuis trois ans, nous trouvons notre rythme de croisière, mais nous avons mis du temps à y parvenir.
Vous avez dirigé Syz avant Decalia. En quoi la gestion d’une société de gestion diffère-t-elle de celle d’une banque ?
J’ai co-dirigé Syz voilà maintenant plus de dix ans. Depuis, il est clair que la direction d’une banque est devenue encore plus contraignante. Je pensais qu’une société de gestion serait donc plus légère à piloter, mais en réalité, le niveau de complexité est quasiment le même que pour une banque de 2015. À part l’infrastructure bancaire, la gestion d’un établissement de cinq milliards et celle d’un gérant indépendant de taille équivalente présentent aujourd’hui peu de différences.
Quelle expérience acquise chez Syz vous a le plus servi ?
D’abord la gestion des hommes. Il ne faut jamais oublier qu’il s’agit de notre matière première. Il est fondamental de savoir gérer les individus et les amener chacun à donner le meilleur d’eux-mêmes, sur le plan individuel comme sur le plan collectif. Le travail d’équipe est un ressort fondamental dans une structure comme la nôtre. Voilà ce que j’ai appris chez Syz où nous avions quand même réunis 500 collaborateurs qui fonctionnaient bien ensemble.
J’ai aussi appris de mes échecs. J’ai développé une approche plus réfléchie du risque et de la prise de décision. Aujourd’hui, je prends le temps d’analyser les choses en profondeur, ce qui m’est parfois reproché, mais qui s’avère souvent bénéfique.
Enfin, j’ai appris à collaborer avec mes associés, à écouter leurs attentes, à respecter leurs choix et à trouver des compromis quand nécessaire pour assurer la bonne marche de Decalia. C’est tout un art. D’autres que moi auraient été plus enclins à exercer le pouvoir en solitaire.
En quoi pensez-vous vous être le plus démarqué ?
J’espère que nous projetons aujourd’hui l’image d’une structure qui se différencie par rapport à la plupart des gérants indépendants. Nous avons toujours souhaité fonder notre identité sur l’analyse, la recherche fondamentale et une vision macroéconomique forte. L’objectif est que Decalia soit perçue comme une organisation rigoureuse, réfléchie et capable d’anticiper.
Où se situe l’innovation chez Decalia aujourd’hui ?
Dans la gestion privée, qui reste un secteur assez traditionnel, l’innovation réside avant tout dans la relation client et la communication. La manière dont nous interagissons avec nos clients évolue profondément, en raison des avancées qui viennent avec le digital.
Lors de la création de Decalia, c’est dans les thématiques que nous avons vraiment innové, bien qu’elles soient aujourd’hui un peu galvaudées, comme le sectoriel d’ailleurs. Lorsque l’effet tulipe d’un thème finit par s’épuiser et que l’effet de mode disparaît, il perd de son attrait en tant qu’investissement. Il existe un décalage très net entre le développement naturel d’un thème et l’évolution plus artificielle de la valorisation de ses actifs sous-jacents. Un thème s’inscrit dans le long terme, mais l’industrie financière cherche souvent une rentabilité plus immédiate.
Par ailleurs, il est devenu plus facile de copier des stratégies d’investissement. Suivre une idée ne suffit plus pour être innovant. Aujourd’hui, lorsqu’on lance une stratégie ou un produit, il faut s’assurer qu’il ne pourra pas être répliqué immédiatement par un concurrent. Les barrières à l’entrée sont trop faibles.
Qu’en est-il des Private Markets ?
C’est différent. Copier un modèle dans les marchés privés est autrement plus complexe et nécessite du temps. Les barrières à l’entrée sont plus élevées. Il est d’autant plus difficile de monter une équipe que c’est un métier relativement récent, qui demande des compétences techniques très pointues. Dans ce domaine, nous avons pris une avance certaine en nous positionnant tôt et en développant des stratégies originales.
Nous sommes en mesure d’offrir à des investisseurs sophistiqués des solutions avec des ratios risque-rendement très attractifs et des cycles d’investissement plus courts que le private equity classique. Nous parlons ici de cinq à sept ans, plutôt que dix à quinze ans.
Nous avons su être innovants, et nous comptons bien le rester. Les marchés privés, avec le retrait relatif des banques, sont encore loin d’avoir délivré leur immense potentiel.
Alfredo Piacentini
Decalia
Alfredo Piacentini a co-fondé Decalia en 2014, et il en est le managing partner. Il est également membre du conseil d’administration, du comité de direction ainsi que des comités de stratégie et d’investissement. Alfredo Piacentini a travaillé neuf ans chez Lombard Odier, à Genève et à Londres, en tant qu’analyste financier puis gérant de fonds, avant de co-fonder la banque Syz en 1995. Associé et directeur général du groupe, il a dirigé la gestion privée, la gestion centralisée et l’activité de fonds de placement. Il a également géré plusieurs fonds au cours de sa carrière, consacrés entre autres aux marchés émergents, à la région méditerranéenne, au marché italien et à une stratégie Global long/short. Il est titulaire d’un Master en Relations internationales de l’Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationales de Genève.
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« Ce sont aussi les banques qui ont des choses à apprendre des gérants indépendants. ».
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