Relance

    • Alice Wang
    • Gestionnaire de portefeuille
    • Quaero Capital

Le dynamisme étonnant de l’économie chinoise

Après trois ans de restrictions dues à la crise du Covid, la Chine a finalement rouvert ses portes aux voyageurs étrangers et son économie affiche un dynamisme étonnant.

Lorsque l’on visite aujourd’hui la Chine, on est surpris par le manque d’intérêt pour les sujets géopolitiques qui agitent nos médias occidentaux. De fait, la population – et le gouvernement – se concentrent sur la forte reprise économique qui anime le pays après deux ans de confinement sévère.

L’économie domestique a en effet redémarré sur les chapeaux de roue. A titre d’exemple, les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration interrogés déclarent avoir récupéré trois mois de pertes en quelques jours, à l’occasion de la frénésie qu’a suscité le Nouvel An chinois dans le pays finalement réouvert. A Shanghai, la ville la plus touchée par les lockdowns, ce ne sont pas moins de 20 nouveaux centres commerciaux qui vont ouvrir prochainement dans la ville. Quelques mois seulement après la réouverture, les investissements bourgeonnent de toutes parts – l’opportunisme et l’optimisme chinois en matière de profits sont de retour.

Pour les investisseurs étrangers, les confinements de l’année dernière ont peut-être été l’équivalent de Tienanmen, mais avec le retour de l’excitation, de la normalité et des voyages, ces fermetures ne seront bientôt plus qu’un lointain souvenir pour les Chinois.

La Chine de l’après-COVID

Cette croissance ne touche pas que les villes principales. De fait, même les villes plus petites ont beaucoup évolué au cours des trois dernières années. Dans tout le pays, de nouveaux centres commerciaux ont vu le jour, construits pour ressembler aux rues et aux palais chinois traditionnels. Ils apparaissent comme des oasis au milieu des gratte-ciel imposants. Dans ces centres, on aperçoit parfois une jeune femme chic ou un élégant jeune homme vêtu non pas en Versace ou en Gucci, mais du hanfu traditionnel, qui passe gracieusement avec un parapluie. Même dans les villes bien plus petites, celles de catégorie 5, les gouvernements ont consacré des budgets pour développer les jardins traditionnels chinois afin d’améliorer la qualité de vie, tout en modernisant l’infrastructure locale pour améliorer l’efficacité – car même avec 1 million d’habitants, les « petites » villes chinoises peuvent considérablement augmenter leur productivité et réduire les émissions de gaz à effet de serre grâce à des investissements dans les transports publics peu émetteurs comme le métro. L’urbanisation rapide de la Chine au cours des dix dernières années a en effet créé de nouvelles opportunités pour les investissements dans les infrastructures.

Efficacité et amélioration des processus sont appliqués à tous les niveaux. A titre d’exemple, la chaîne Luckin Coffee, qui exploite désormais plus de magasins que Starbucks et se concentre exclusivement sur la livraison, a ramené le coût d’un café latte à moins de RMB 20 (environ 2,5 francs). A tel point que les entreprises préfèrent commander du Luckin Coffee plutôt que d’utiliser leurs propres machines à expresso.

En comparaison internationale, le contraste est saisissant : alors que dans la plupart des pays émergents, être moins que très riche, c’est vivre dans des conditions insalubres, avoir des horaires de travail abrutissants et vivre au jour le jour, en Chine, on assiste à l’émergence d’une vraie classe moyenne qui mène une vie sûre, propre, abordable et, pour l’heure, empreinte d’un optimisme naissant.

Un moteur : la croissance organique

Plus que le commerce international, c’est aujourd’hui la croissance organique de la consommation qui est devenue le moteur de la croissance chinoise, alors qu’elle n’a bénéficié d’aucune mesure de relance, d’aucun transfert direct de la part du gouvernement et qu’elle sort de la pire crise immobilière de l’histoire du pays. Le consommateur chinois semble enfin prêt à prendre les rênes, non seulement dans les villes de catégorie 1, mais dans l’ensemble du pays. Il ne faut donc pas s’attendre à de grands gestes politiques, car la reprise tirée par la consommation devrait conduire à une reprise de l’investissement privé (l’investissement dans l’immobilier commercial montre déjà une reprise significative).

Privés des revenus des transactions immobilières, les gouvernements locaux n’ont pas d’argent et ce sont les consommateurs qui doivent se débrouiller seuls. Les politiques n’interviendront que si c’est nécessaire.

La Chine se concentre sur l’économie et la prospérité à long terme du pays. Elle ne veut pas être poussée à la guerre par des pressions extérieures ou intérieures. Le calcul des autorités aujourd’hui est d’attendre, d’endurer. Parce que, selon leurs propres termes, le temps joue en leur faveur.

Alice Wang

Quaero Capital

Alice Wang gère le fonds Bamboo depuis 2015 et le fonds China depuis 2020 au sein de Quaero Capital LLP à Londres. Elle a commencé sa carrière professionnelle comme analyste, spécialiste de la Chine, Corée du Sud, Taïwan et Philippines, avec un focus sur la technologie, les soins de santé et la consommation. Alice a obtenu une licence en sciences humaines et en histoire chinoise à l’université de Yale. Elle détient la certification CFA. Née en Chine, sa langue maternelle est le mandarin.

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    Décryptage

    • Olivier de Berranger
    • La Financière de l’Echiquier

    Il faut savoir entendre ce que nous dit l’or, ce grand bavard

    Ce printemps, l’or flirte allègrement avec la barre des 2’000 dollars l’once. Au-delà de ces valorisations records, il est intéressant d’élargir le cadre et d’analyser ces mouvements de façon à pouvoir anticiper sur les orientations des politiques monétaires.

     

     

    L’or se rapproche de ses sommets historiques : passé au-dessus des 2’040 dollars le 13 avril dernier, il frôle son niveau historique du 6 août 2020, lorsqu’il a atteint 2063 dollars, un niveau approché également en mars 2022. Certes, en prix « réels », ajustés de l’inflation, le record est encore éloigné, car sur trois ans l’inflation cumulée est considérable. Il n’empêche : la tendance récente à l’appréciation est nette, surtout lorsqu’on le compare à son niveau de début 2019, sous les 1300 dollars. Soit plus de 50% de hausse.

    Or le métal jaune est intelligent ; il réagit – par l’intermédiaire des prises de positions tactiques ou spéculatives des financiers – aux conditions monétaires, avec finesse et anticipation. On s’aperçoit souvent, rétrospectivement, qu’il était annonciateur de crises ou de mouvements importants de politique monétaire. En 2008 par exemple, l’or avait nettement progressé juste avant la grande crise financière, alors que les banques centrales montaient leurs taux. En 2011, lors de ses précédents records à plus de 1’800 dollars, soit beaucoup plus en dollars actuels, il avait joué un rôle de couverture efficace contre la dégradation de la note souveraine des Etats-Unis et la crise de la monnaie unique.

    Qu’annonce donc son envolée actuelle ? Tentons de le faire parler.

    « Je vois les taux réels baisser ». L’or réagit favorablement aux taux réels négatifs, c’est-à-dire lorsque l’inflation dépasse le niveau des taux. Certes, le message est imprécis, car il y a plusieurs mesures d’inflation, dans des pays différents, et de nombreuses références sur les taux (courts, longs, actuels, anticipés…). Mais considérés dans leur ensemble, les facteurs en cause sont clairs : le niveau général d’inflation attendu à quelques mois aux Etats-Unis, si l’or a raison, creuserait son écart positif avec la moyenne des taux. Ce qui peut signifier soit que l’inflation resterait élevée, voire remonterait, à niveau de taux égal, soit que les taux d’intérêts rebaisseraient nettement, et surtout plus vite que l’inflation. La dernière hypothèse est aujourd’hui favorisée par le marché. Depuis la faillite de quelques banques en mars aux Etats-Unis, le marché anticipe de fortes baisses de taux directeurs de la part de la Réserve fédérale dès la seconde moitié de 2023. Ce qui implique, en creux, des craintes élevées de récession, confirmées d’ailleurs par le dernier compte rendu de la réunion de la Fed où cette hypothèse fut considérée comme centrale.

    Autre message possible de l’or : « Je vois le dollar baisser ». Exprimé en dollars, le prix de l’or peut avoir tendance à monter afin de conserver sa valeur réelle si le dollar baisse. C’est ce qui se passe actuellement : face à un panier de devises mondiales, le dollar perd du terrain depuis le dernier trimestre 2022. La raison de cette faiblesse tient à l’hypothèse du marché sur le niveau des taux directeurs, qu’il voit baisser plus tôt et plus fortement aux Etats-Unis que dans la plupart des autres régions. Par exemple, le consensus n’entrevoit aucune baisse de taux en zone euro en 2023, contre plusieurs aux Etats-Unis. Idem pour le Royaume-Uni ou le Japon – où le marché incline même en faveur d’une hausse de taux. Quant à la Chine, il est peu probable qu’elle baisse ses taux alors que l’activité décolle.

    Dernier message concevable : « Je vois une crise de la dette américaine ». Que ce soit en raison des fragilités des banques régionales ou de l’immobilier commercial, tous deux sous la pression des hausses des taux, ou, plus grave encore, du blocage politique sur le plafond de la dette américaine, il n’est pas impossible que la note de crédit américaine soit questionnée. On se souvient de la dégradation de la note américaine le 5 août 2011 : coup de tonnerre dans le ciel d’été, elle avait correspondu au sommet de la précédente vague haussière de l’or. Or, on constate justement depuis 2022 une hausse ininterrompue du coût de la couverture contre un défaut des Etats-Unis. Même si un réel défaut paraît inimaginable, car suicidaire économiquement, les tensions autour du vote sur le relèvement du plafond de la dette pourraient encore augmenter dans les prochains mois. En 2011, l’agence S&P avait justifié sa dégradation par la déclaration suivante : « la dégradation de la note reflète notre vue que l’effectivité, la stabilité et la prédictibilité de la politique et des institutions politiques ont été affaiblies ». Des ressemblances avec la situation actuelle ?

     

    Olivier de Berranger

    La Financière de l’Echiquier

    Depuis 1990, Olivier de Berranger a successivement occupé des postes de trader puis de responsable de desk de trading sur les produits de taux d’intérêt cash et dérivés au Crédit Lyonnais puis chez Calyon. Il a été ensuite responsable du pôle Capital Markets chez First Finance, société de conseil et de formation. Il rejoint La Financière de l’Échiquier en mars 2007 comme gérant obligataire. Il est notamment en charge de la poche investie en produits de taux du fonds Echiquier Patrimoine et gère Echiquier Arty ainsi que Echiquier Credit Europe. En 2017, il est nommé directeur de la gestion d’actifs et entre au comité de direction. En avril 2019, il devient également directeur général délégué. Olivier de Berranger est diplômé d’HEC.

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      Journée de la Terre

      • Pascal Dudle & Matthias Fawer
      • Head of Listed Impact and Analyste senior, ESG & Impact
      • Vontobel Asset management

      Transition écologique : le coût trop élevé de l’inaction

      A l’occasion de la Journée Internationale de la Terre, célébrée pour la première fois en 1970, Pascal Dudle et Matthias Fawer reviennent sur l’importance cruciale d’investir en force dans une économie capable de composer avec les grands enjeux environnementaux du moment.

      A l’occasion de la Journée Internationale de la Terre, célébrée pour la première fois en 1970, Pascal Dudle et Matthias Fawer reviennent sur l’importance cruciale d’investir en force dans une économie capable de composer avec les grands enjeux environnementaux du moment.

      Le monde est confronté à une crise environnementale d’une ampleur sans précédent. Le changement climatique, la déforestation, le stress hydrique de plus en plus présent et la pollution entraînent des modifications de la biodiversité ayant un impact à tous les niveaux. Elles vont des sécheresses et inondations jusqu’à la santé humaine, en passant par la production industrielle.

      Indépendamment de la volonté des différents gouvernements de réguler les effets, des investissements importants sont nécessaires dans les décennies à venir pour éviter que les températures ne dépassent pas de plus de 1,5 °C les températures de l’ère préindustrielle. Pour empêcher cette hausse, il est nécessaire d’investir massivement dans la transition vers une économie à faible teneur en carbone et dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Selon le GIEC, pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels, les émissions mondiales de CO2 devraient diminuer d’environ 45 % par rapport aux niveaux de 2010 d’ici à 2030 et atteindre un niveau net nul vers 2050.

      Les investissements nécessaires pour permettre la transition de l’économie réelle sont considérables. Selon les estimations, d’ici la fin de la décennie, il faudra investir 1’000 milliards de dollars supplémentaires par an dans les énergies propres afin de pouvoir atteindre le niveau zéro d’ici à 2050. Cela représente une multiplication par sept des niveaux actuels.

      Ne pas agir pour empêcher une hausse des températures supérieure à 1,5 °C coûterait encore plus cher. Le secteur privé a un rôle important à jouer pour relever les défis environnementaux mondiaux. En prenant des mesures pour réduire son empreinte écologique et en soutenant les initiatives en faveur du développement durable, le secteur privé peut contribuer à un avenir plus durable et plus résilient pour tous. Toutefois, cela nécessite une collaboration entre les gouvernements, le secteur privé et les institutions financières.

      La Commission européenne a répondu à la loi américaine sur la réduction de l’inflation (IRA) par une loi sur l’industrie nette zéro et une loi européenne sur les matières premières essentielles. Elles visent à développer la production nationale et à diversifier les chaînes d’approvisionnement. Les objectifs sont similaires à ceux de l’IRA : favoriser les entreprises locales et la sécurité de l’approvisionnement. L’objectif est de créer de meilleures conditions pour la fabrication de technologies propres, qui devraient représenter 40 % des besoins d’ici à 2030. Mettant l’accent sur la compétitivité mondiale et l’indépendance énergétique, elles visent également à ramener en Europe les emplois verts, la formation, les talents et la fabrication nécessaire à la transition énergétique. En outre, ils devraient accélérer les procédures d’autorisation – l’obstacle le plus souvent mentionné en Europe.

      En annonçant ces deux lois, la Commission européenne a fait un pas audacieux vers la réalisation d’émissions nettes zéro. Elle entend renforcer la capacité industrielle des technologies propres et garantir une chaîne de valeur durable pour les matières premières. La proposition comprend des objectifs et des mesures audacieux, probablement pour dépasser les États-Unis et la Chine – ce qui ne sera pas une mince affaire.

       

      Pascal Dudle

      Vontobel Asset management

      Pascal Dudle a rejoint Vontobel Asset Management en 2007 et supervise les stratégies d’impact à visée sociale et environnementale. En tant que Head of Listed Impact, il est le gérant attitré des portefeuilles Clean Technology. Avant de rejoindre Vontobel, il a travaillé 10 ans chez Swiss Re. Dans le cadre de ses dernières fonctions, de 2001 à 2007, il investissait en tant que gérant de portefeuilles dans les titres cotés et dans ceux de private equity, ciblant en particulier les domaines environnementaux tels que les énergies alternatives, l’efficacité énergétique et la gestion durable des forêts. Pascal est titulaire d’un master en Gestion d’entreprise de l’Université de Zurich et également d’une certification CEFA.

       

      Matthias Fawer

      Vontobel Asset management

      Matthias Fawer a rejoint Vontobel Asset Management à l’automne 2016, en tant qu’analyste ESG et Impact Avant de rallier Vontobel, il a occupé des fonctions similaires chez Vescore AG et Notenstein Privatbank, racheté par Vontobel en 2016. Entre 2000 et 2013, il a officié en tant qu’analyste durabilité chez Bank J. Safra Sarasin. Depuis 2002, il est l’auteur d’études sur l’énergie solaire et les énergies renouvelables et donne des conférences à l’occasion de différentes conventions. Matthias est titulaire d’un diplôme en Sciences naturelles et d’un PhD de l’Institut de biotechnologie de l’Ecole polytechnique fédérale (ETH) de Zurich.

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        Dépannage

          • Pascal Hügli
          • Insight DeFi

        Le bitcoin est-il désormais le nouveau compte bancaire suisse ?

        Les ondes de choc provoquées par le sauvetage de Credit Suisse n’ont pas fini de se résorber. Dans ce contexte fragile, les crypto-monnaies et la finance décentralisée ont certains arguments à faire valoir.

        La crise bancaire tient le monde en haleine. Aux Etats-Unis, la banque centrale américaine est confrontée à un dilemme : pour inspirer confiance, elle doit continuer à lutter contre l’inflation. Mais en préservant un taux d’intérêt élevé, elle risque d’aggraver la situation précaire des banques régionales en difficulté.

        En Suisse, le Crédit Suisse a dû fusionner de force avec l’UBS, le tout avec le soutien actif de la Banque nationale suisse. Les deux banques bénéficient d’un accès illimité aux ressources de la BNS. Le rachat par l’UBS n’en réalité rien d’autre qu’une opération de sauvetage sponsorisée par la Banque centrale suisse.

        Tour de Babel – made in Switzerland

        Cette molochisation – le rapprochement de deux institutions d’importance systémique – crée un complexe encore plus énorme, qui finira par dépasser le pouvoir de grands argentiers qui jouent aujourd’hui les divinités. Dans la mesure où les problèmes n’ont été que refoulés – et non résolus – un nouveau sauvetage se profile, mais il n’est pas certain qu’il sera possible cette fois de l’assumer.

        Pour beaucoup, une telle problématique relève de la musique d’avenir. Après nous, le déluge. Voici ce que la situation nous montre ici et maintenant : de plus en plus de gens prennent conscience qu’un dépôt bancaire est un crédit non garanti, lié à une contrepartie. D’un jour à l’autre, de nouvelles alternatives doivent être recherchées – comme au début de la crise financière de 2008.

        Mais à l’époque, le bitcoin n’existait pas encore. Aujourd’hui, il a quelques avantages à faire valoir : il n’a pas de risque de contrepartie et peut être détenu de manière autonome. Cette crypto-valeur a en effet été créé pour répondre – en partie – aux dérèglements de la dernière crise financière. Comme le montrent les développements de ces derniers jours, le récit du bitcoin en tant comme alternative a une certaine justification.

        La crise bancaire fait grimper le bitcoin

        Ainsi, depuis les premiers tumultes autour de Silicon Valley Bank, la valeur du cryptoactif a augmenté de plus de 30% par rapport au dollar américain. Sur une période similaire, le prix de l’or a augmenté d’environ 6%, tandis que le franc suisse a baissé par rapport au dollar américain. Le bitcoin, se veut-il alors une monnaie refuge ?

        La véritable raison devrait toutefois se trouver ailleurs à l’heure actuelle. On peut ainsi supposer que la forte hausse du bitcoin s’explique surtout par le fait que ses investisseurs anticipent la fin du cycle actuel de hausse des taux d’intérêt en raison des dysfonctionnements du système financier. Cependant, à moyen et long terme, il est tout aussi clair que les événements actuels légitimeront de plus en plus l’investissement en bitcoins. Les gens voudront des alternatives et, dans un monde numérique, le bitcoin n’aura pas trop de mal à devenir incontournable.

         

        Pascal Hügli

        Insight DeFi

        Après avoir travaillé plusieurs années dans le journalisme financier, Pascal Hügli est aujourd’hui propriétaire d’Insight DeFi, une agence de contenus et de conseil spécialisée dans les crypto-actifs. En tant que spécialiste du bitcoin, il enseigne ces sujets à la HWZ. Il informe le grand public sur les événements, les opportunités et les risques du nouveau monde décentralisé propre au bitcoin et à ses pairs. Outre un premier livre de vulgarisation, il a également publié en 2022 un manuel d’enseignement sur le thème de la cryptographie intitulé “Bitcoin verständlich erklärt”.

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          Transition

            • Maad Osta
            • Ingénieur spécialiste en énergie
            • AtonRâ

          La Chine : l’empire au milieu de la transition énergétique

          La Chine occupe une position centrale dans la transition énergétique, tant dans les efforts à fournir pour décarboner son économie que dans le développement et la production de technologies propres.

          Difficile de parler transition climatique sans évoquer le cas de la Chine. L’Empire du Milieu est devenu aujourd’hui un mastodonte de l’énergie, représentant près d’un quart de la demande mondiale en énergie et autant en émissions de gaz à effet de serre. L’émergence de la Chine en tant que premier acteur énergétique mondial est directement liée à sa forte croissance économique ces dernières années, dont l’industrialisation et l’urbanisation ont été les principaux moteurs. Toute stratégie climatique ne peut donc se concevoir sans prendre en compte l’impact propre à ce pays.

          Bien que ses émissions de CO2 aient presque doublé depuis 2005, son intensité carbone, à savoir ses émissions de CO2 en quantité de PIB par habitant, a été pratiquement réduite de moitié. La Chine pollue donc plus, mais sa croissance se fait de manière plus propre. En septembre 2020, le gouvernent chinois a surpris la communauté internationale en annonçant un plan de décarbonation long terme, avec pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2060. Il a également précisé qu’il souhaitait commencer à réduire les émissions de CO2 avant 2030. Plus récemment, son 14e plan quinquennal (2021-2025) mentionnait l’objectif d’atteindre 20% de source d’énergie primaire non-fossile d’ici 2025, contre 16% aujourd’hui. En outre, l’utilisation du charbon devrait commencer à baisser à partir de 2025.

          Ces ambitions climatiques se traduisent déjà dans les faits, avec quelque 546 milliards de dollars investis par la Chine dans la transition énergétique en 2022, soit près de 50% des dépenses mondiales. Ces 546 milliards ont été principalement alloués au solaire photovoltaïque, à l’éolien et à l’électrification des transports.

          L’intérêt de la Chine pour les technologies propres – ou cleantech  – est double : il s’agit à la fois de déployer les solutions qui vont lui permettre d’atteindre ses objectifs climatiques, et de devenir par ailleurs le premier producteur mondial pour toutes ses technologies. À l’image des pétro-monarchies qui contrôlent les approvisionnements en combustibles fossiles, la Chine a le potentiel pour devenir « l’électro-état » de demain, à savoir le pays qui fournira les solutions pour décarboniser et électrifier la planète.

          Lorsqu’on s’intéresse de plus près à la fabrication de ces différentes cleantechs, la domination de la Chine est flagrante. Que ce soit les panneaux solaires, avec plus de 80% de la production mondiale, les batteries avec plus de 70%, les nacelles d’éoliennes avec 55%, ou les électrolyseurs avec plus de40%, la Chine occupe solidement le haut des classements. En ce qui concerne le raffinage de matières premières, la Chine est également un acteur dominant, contrôlant près de 35% des capacités mondiales de nickel, 50-70% du lithium et du cobalt, ainsi que 90% du raffinage des terres rares. Elle a ainsi la mainmise sur la production d’une grande partie des métaux, composants et technologies nécessaires à la décarbonisation du monde.

          En réponse à cela, les États-Unis et l’Europe mettent en place des mesures pour tenter de contrer cette domination. L’Inflation Reduction Act proposé par l’administration Biden comprend des aides financières pour la fabrication nationale de technologies propres. En Europe, un Green Deal Plan est en cours d’élaboration, visant à atteindre le même objectif de relocalisation.

          Cependant, les efforts de l’Occident pour réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine ne conduiront certainement pas à une exclusion totale de celle-ci. Premièrement, la Chine reste le plus gros marché mondial de la cleantech et peut donc se suffire à elle-même. Ensuite, la forte domination de la Chine en amont des chaines de valeurs  – extraction et raffinage de métaux – en fait un acteur incontournable. Le développement d’une alternative n’est pas possible dans le temps imparti pour la transition énergétique.

          La Chine est et restera un acteur clé dans la production de toutes ces technologies, et les efforts de relocalisation ne se feront pas à ses dépens. Toute stratégie climatique doit se penser en l’intégrant, et une collaboration internationale sera inévitable pour assurer une transition durable vers une économie à zéro carbone.

           

          Maad Osta

          AtonRâ

          Titulaire d’un Master en Gestion de l’Energie et Développement Durable de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, Maad Osta a rejoint AtonRâ Partners en 2018 en tant qu’ingénieur spécialiste en énergie. Il s’occupe principalement de la recherche fondamentale sous-jacente à l’univers d’investissement de la stratégie « Sustainable Future ». Auparavant, Maad a travaillé en tant qu’ingénieur projet puis gestionnaire de projet au sein d’une société active dans le secteur du gaz et de l’énergie.

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            Better world

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              • Gestionnaire de fonds
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            Inflation et économie circulaire : une opportunité de transition ?

            Dans un environnement houleux, qui voit les contrariétés se succéder les unes aux autres, l’économie circulaire peut à juste mettre en avant ses valeurs et ses vertus. Les solutions qu’elle propose – les vrais plans B – auront un impact significatif sur le futur de notre société.

            Et si la hausse spectaculaire de l’inflation et l’envolée des cours des entreprises énergétiques et des matières premières en 2022 étaient une bénédiction pour l’économie circulaire ?  Des prix de l’énergie et des matières premières élevés et volatils, des émissions record de gaz à effet de serre et même un retour du charbon ne cadrent a priori pas très bien avec une telle philosophie. Mais en fait, ces événements ont servi de réveil brutal !

            La plupart des entreprises ont du mal à faire face à l’inflation des coûts élevés et aux problèmes de chaîne d’approvisionnement liés au modèle de mondialisation excessive. Les consommateurs ont souffert pour satisfaire leurs besoins de base en raison des factures d’énergie élevées, de l’augmentation des taux hypothécaires et de l’inflation du coût de la nourriture. Les investisseurs ont été confrontés aux fortes hausses de taux d’intérêt des banques centrales et les gouvernements ont dû composer avec une dette croissante et une infrastructure toujours vieillissante.

            Ces événements ont peut-être sonné le glas de l’économie linéaire traditionnelle. Cette année pourrait être le point de basculement d’une transition vers une économie circulaire avec la neutralité carbone et la préservation de la biodiversité comme fil rouge.

            Plusieurs catalyseurs poussent vers cette transition : le soutien réglementaire et politique, la recherche de chaînes d’approvisionnement locales et résilientes, la sensibilisation accrue des consommateurs, l’inflation des coûts des matières premières et les engagements des entreprises.

            1. L’Inflation Reduction Act présenté par les États-Unis est le plan de dépenses le plus ambitieux pour s’attaquer au changement climatique avec une visibilité à long terme pour les investisseurs. La Commission européenne travaille également sur son propre plan pour rivaliser avec les USA. Ces réglementations deviennent les nouvelles armes du monde civilisé.

            2. La mondialisation à l’extrême a engendré des problèmes de chaîne d’approvisionnement dans de nombreuses industries. Le concept de la relocalisation, processus pour rapatrier les opérations plus près du pays d’origine de l’entreprise et de ses consommateurs, gagne en popularité.

            3. Les consommateurs ont bénéficié de décennies de déflation et d’accès à des produits et services bon marché et abondants, en partie grâce à la mondialisation et à l’innovation. La prise de conscience de l’impact environnemental négatif de certains comportements n’est pas nouvelle. En revanche, la confrontation à la dure réalité de l’inflation devrait inciter à changer les habitudes des consommateurs vers des alternatives locales, des options d’économies d’énergie ou des modèles alternatifs.

            4. Les fortes fluctuations des prix de l’énergie, de l’alimentation ou des matières premières ont causé des dégâts chez les consommateurs et les entreprises, moins préparés à une volatilité élevée qu’à des prix à long terme plus élevés mais prévisibles. La nécessité de dissocier l’activité économique de l’extraction de matières premières vierges devient évidente pour les entreprises alors qu’elles essaient d’augmenter le recyclage et de trouver des alternatives (biosourcées) dans leurs processus et chaines de valeur.

            5. Nous avons vu s’accélérer l’implication des entreprises en faveur de la neutralité carbone et de la biodiversité. Responsabilisées, ces entreprises sont tenues de prendre des mesures pour atteindre ces objectifs. Près d’une majorité des sociétés cotées dans le monde se sont engagées sur plusieurs objectifs de neutralité carbone et de préservation de biodiversité. La pression sur leurs chaines de valeur, qui va également augmenter, les stimulera d’autant plus.

            En définitive, la transition vers une économie circulaire est un défi de taille qui nécessite une approche pragmatique, rigoureuse et tournée vers l’avenir. Il est crucial de soutenir non seulement les entreprises ayant les meilleures pratiques environnementales, mais également celles qui investissent dans la transition malgré une empreinte environnementale relativement élevée. Cela permettra de maximiser l’impact positif de la transition et de mitiger les risques liés à la valorisation des entreprises. En tant qu’économie au sens large, la transition vers une économie circulaire doit être abordée de manière transversale, impliquant tous les secteurs et domaines d’activité.

             

            Jonathan Graas

            Decalia

            Jonathan Graas est co-lead portfolio manager de la stratégie Decalia axée sur les secteurs innovants et l’économie circulaire. Il a rejoint Decalia l’an passé, et il y a retrouvé Alexander Roose et Quirien Lemey avec lesquels il avait travaillé précédemment chez DPAM. Il y gérait un fonds durable américain et co-gérait deux fonds thématiques durables, pour un encours total de plus de 4 milliards d’euros. Jonathan est titulaire d’une maîtrise en mathématiques appliquées de l’Université catholique de Louvain et d’une maîtrise en finance internationale de HEC Paris.

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