Véhicule

Solutions Investissements

  • Interview Roman Przibylla
  • Partner
  • CAT Financial Products

« Grâce aux AMC, les clients pourront tester la stratégie d’un gestionnaire de fortune »

La popularité des AMC augmente en Suisse. D’une part, ils n’ont plus à prouver leur utilité et, d’autre part, pour les émetteurs, ils sont plus facile à mettre en place qu’un fonds traditionnel. Pour Roman Przibylla, il est clair que ces véhicules financiers intéressent les gestionnaires de fortune au premier chef. Ils peuvent y « empaqueter » leur propre stratégie, et convaincre ainsi de nouveaux clients. 

Francesco Mandalà

Les Actively Managed Certificates sont devenus très populaires ces dernières années, en particulier chez les gestionnaires de fortune. Quelles en sont les raisons ? 

Roman Przibylla. D’abord leur efficacité. Un gestionnaire de fortune a en effet la possibilité de gérer les fonds de ses clients de manière très efficace grâce aux AMC. Il peut « empaqueter » sa stratégie de placement dans ces véhicules, qu’il a ensuite la possibilité de gérer et d’adapter de la manière identique pour tous les clients. Il n’aura plus à modifier plusieurs fois la même stratégie pour différents clients et à multiplier l’exécution des ordres. Avec un AMC, il lui suffit d’adapter sa stratégie une seule fois. Cela rend la gestion des actifs très simple et peu coûteuse, aussi bien pour une stratégie de base que pour des thématiques très ciblées. Il y a plusieurs années, il était déjà clair pour moi que ces véhicules avaient un grand potentiel de croissance et qu’ils allaient jouir d’une grande popularité en Suisse. C’est effectivement ce qui s’est passé. 

Pourquoi cette classe d’actifs se développe-t-elle aussi vite en Suisse ?

Regardez autour de vous. La place financière suisse est un « melting-pot » de talents avec un fort potentiel d’innovation. Elle reste par ailleurs une place d’importance mondiale en ce qui concerne la gestion de fortune. Ces deux atouts donnent à la Suisse un caractère unique, différenciant. Les gestionnaires de fortune et les asset managers ont développé une multitude de stratégies d’investissement allant de l’intelligence artificielle aux options en passant par les nouvelles sources d’énergie comme l’hydrogène. Ils disposent de connaissances de pointe et d’une véritable expertise dans des marchés de niche et des pays comme l’Inde, Taïwan ou le Japon, pour n’en citer que quelques-uns. Il s’agit ensuite de rendre ces stratégies investissables et pour cela, les AMC sont les moyens le plus efficace, le moins cher et le plus simple. Ils n’ont plus rien à envier à un fonds classique. Au contraire, ils présentent même plusieurs avantages, comme une mise en œuvre rapide et un volume minimal moins élevé. 

Dans votre offre AMC, où mettez-vous l’accent ?

Nous accompagnons nos clients tout du long, de l’idée initiale jusqu’à sa réalisation. Ensuite, nous en assurons le suivi. Mettre en place un AMC est une chose, mais tout ce qui entoure cette mise en place en est une autre. Les gestionnaires de fortune peuvent gérer eux-mêmes leur AMC sur notre plateforme Cuglos et ils reçoivent un rapport détaillé chaque jour. Si nos clients le souhaitent, nous les soutenons également dans leur distribution.

Nous voyons chez les gestionnaires de fortune un intérêt croissant à présenter leurs stratégies devant un public plus large.

Mais pour cela, l’AMC doit remplir certains critères, comme par exemple l’autorisation de distribution au public. Une cotation en bourse du certificat est également possible. Nous sommes d’ailleurs l’un des rares fournisseurs à permettre à nos clients d’introduire en bourse un AMC en tant qu’ETP coté en bourse. Ce sont précisément ces possibilités que nous discutons en amont avec nos clients, afin de leur présenter toutes les options possibles, et leur impact futur. Ce qui permet, au final, aux gestionnaires de fortune de se concentrer en premier lieu sur leur stratégie et sa mise en œuvre. 

Les AMC sont des véhicules relativement nouveaux, comment anticipez-vous leur évolution ? 

La transparence est un thème important. Dans ce domaine, les AMC présentent un grand avantage pour les investisseurs. Pour de nombreux fonds classiques, on apprend après coup, dans un rapport trimestriel long de plusieurs pages, ce qui a changé dans la stratégie ou dans les positions. En revanche, avec un AMC, on peut savoir chaque jour dans quoi et comment on investit. Nous allons même plus loin, en informant régulièrement les investisseurs sur les ajustements de nos AMC, via différents formats de podcast ou même avec des Live Streams sur YouTube. Les investisseurs peuvent d’ailleurs y poser des questions à un conseiller. À une époque où tout le monde peut trouver immédiatement toutes les informations sur Internet, c’est une évolution nécessaire pour notre secteur. Il est indispensable d’être transparent. C’est ainsi que l’on gagne la confiance des investisseurs. Et de nouveaux clients.

Roman Przibylla

CAT Financial Products 

Roman Przibylla est associé chez CAT Financial Products depuis mars 2022. Diplômé en gestion, il a fondé une startup dans le domaine de la finance après ses études à Cologne et a occupé, après sa vente, différents postes de direction dans le domaine des produits structurés, notamment pour HSBC, la Deutsche Bank et la Commerzbank. Avant de rejoindre CAT, Roman Przibylla a dirigé l’équipe de vente des produits structurés, des AMC et de la plateforme deritrade chez Vontobel à Zurich.

 

Fixed Income

Solutions Investissements

  • Daniel Shaykevich
  • Gérant de portefeuille
  • Vanguard

Rendements supplémentaires attendus cette année sur les marchés obligataires émergents

Grâce à de meilleurs fondamentaux et à un ratio favorable entre l’offre et la demande, les emprunts d’État des pays émergents ont généré l’an dernier des rendements élevés supérieurs à 11% en monnaie forte. Les obligations ayant une note de crédit élevée ont notamment contribué aux bénéfices, comme l’explique Daniel Shaykevich.

Francesco Mandalà

En ce début d’année, les volume d’émissions élevés ont contribué à creuser les écarts et ont donc débouché sur des évaluations plus attrayantes. L’offre pléthorique (qui devrait diminuer au cours des prochains mois) offre la possibilité aux investisseurs de prendre des risques à des conditions plus avantageuses, avant que les flux de capitaux sur le marché n’excèdent l’offre et que les primes de risque diminuent.

Potentiel pour les stratégies relative value

Le scénario de base pour 2024 table sur un environnement favorable pour les obligations en général et pour les obligations d’entreprises en particulier. Comme l’inflation s’est stabilisée entre-temps et que la croissance diminue, de nombreuses banques centrales de premier plan – dont la Réserve fédérale américaine, la Banque d’Angleterre et la Banque centrale européenne – bénéficient d’une certaine marge de manœuvre pour abaisser les taux d’intérêts afin de limiter les risques de récession.

Après une hausse en janvier, les primes de risque pour les obligations émergentes notées investment grade n’ont jamais été aussi attrayantes par rapport aux spreads US équivalents depuis plus de deux ans et même les spreads à haut rendement des Etats émergents sont toujours relativement intéressants. Les évaluations des obligations d’entreprises américaines s’approchent progressivement de leurs plus hauts historiques et rendent d’autant plus intéressante une allocation émergente pour les investisseurs. Dans ce contexte, nous prévoyons pour l’an prochain des rendements supplémentaires sur les marchés obligataires des pays émergents.

Une catégorie d’actifs aux multiples atouts

En plus des évaluations attrayantes, les obligations d’entreprises des Etats émergents profitent d’une combinaison unique de primes de risque élevées et d’une duration longue, que les obligations US sont incapables d’offrir, que ce soit dans le segment investment grade ou à haut rendement. Les marchés obligataires des pays émergents pourraient donc profiter tout particulièrement de la baisse des taux d’intérêts, mais aussi d’une croissance économique stable, qui soutient la demande d’obligations à fort rendement. Compte tenu de la demande globalement élevée et des évaluations des obligations d’entreprises américaines extrêmement chères dans une perspective historique, l’année 2024 pourrait être propice aux obligations émergentes.

Avantages des stratégies obligataires PE actives

Plus encore que dans d’autres segments des marchés obligataires mondiaux, les investisseurs peuvent profiter de stratégies actives sur les marchés émergents, sans avoir à prendre de risques supplémentaires. Pour plusieurs raisons, la catégorie d’actifs est particulièrement intéressante pour les stratégies alpha:

Les placements dans les pays émergents affichent généralement une duration plus longue, raison pour laquelle leur rendement dépend souvent de l’évolution des spreads et pas uniquement des rendements réalisés par les investisseurs pendant la durée de détention, souvent qualifiée de «carry». C’est pourquoi la recherche d’obligations émergentes à rendement particulièrement élevé peut parfaitement être payante.

Les emprunts d’États émergents  aux fondamentaux en hausse pourraient générer des rendements supplémentaires pendant des années, à condition que l’évolution reste positive.

Les pays émergents d’une certaine importance profitent de courbes de taux solides qui incluent souvent des émetteurs para-étatiques en plus des émetteurs étatiques, raison pour laquelle les investisseurs actifs disposent de nombreux instruments pour implémenter leur exposition pays.

Prévision à long terme favorable

Les obligations d’entreprises des pays émergents devraient poursuivre leur évolution favorable de l’an dernier et générer des rendements corrigés du risque élevés à court terme, mais aussi à long terme. Grâce à des stratégies actives qui se concentrent sur une sélection rigoureuse de titres, les investisseurs peuvent viser l’alpha sur les marchés obligataires des pays émergents sans prendre de risque supplémentaire.

Daniel Shaykevich

Vanguard

Daniel Shaykevich est directeur et gérant de portefeuille chez Vanguard, où il est co-responsable de l’équipe des marchés émergents et de la dette souveraine. Il se concentre sur la gestion de la dette des émetteurs souverains et des entreprises liées au gouvernement dans les portefeuilles gérés activement par Vanguard. Avant de rejoindre Vanguard en mai 2013, M. Shaykevich était gestionnaire de portefeuille chez BlackRock, chargé de la gestion de la dette des marchés émergents dans des portefeuilles dédiés et croisés.

Equities

Solutions Investissements

  • Interview Hans-Marius Lee Ludvigsen
  • Lead portfolio manager
  • DNB Asset Management

« Du pire au meilleur sur le marché nordique des Small & Mid Caps »

Le marché nordique des petites et moyennes capitalisations est un paysage complexe où une forte volatilité rencontre un fort potentiel de croissance. Dans le contexte de la récession de 2022, les investissements stratégiques dans des secteurs résilients tels que les énergies renouvelables et la technologie, au Danemark et en Suède, balisent le chemin pour la croissance future.

Francesco Mandalà

Du point de vue de l’investisseur, qu’est-ce qui définit ce marché nordique des Small & Mid Caps?

Les marchés nordiques, dans le segment Smalll & Mid, sont des écosystèmes dynamiques qui offrent des opportunités en termes d’innovation et de croissance. Les entreprises sont souvent à l’avant-garde dans leur secteur d’activité. Ellles facilitent le changement et la croissance grâce à des technologies de pointe et des pratiques durables.

Vos vues suggèrent un marché contrasté. Pour le marché nordique des petites capitalisations, vous parlez de « pire » et de « meilleur ». Pourquoi cette dichotomie ?

Oui, c’est un marché qui met à l’épreuve les investisseurs. Du côté du « pire », il lui arrive d’être impitoyable, avec des fluctuations de prix qui peuvent décourager les plus timorés. C’est ce qui s’est passé l’année dernière. Dans le meilleur des cas, c’est une mine de trésors pour l’investisseur stratégique qui se projette sur le long terme. Nos perspectives sur la durée restent d’ailleurs positives, car les performances historiques ont montré que la trajectoire de croissance a récompensé les investisseurs résilients, malgré la volatilité à court terme.

Comment les pays de ce marché se comparent-ils entre eux ?

La Suède a traditionnellement été l’indicateur de référence, compte tenu de sa taille et de la diversité des entreprises de son segment Small Caps. Cependant, nous avons constaté un changement. Les marchés danois et finlandais se sont surpassés, avec des secteurs comme la santé et la technologie en tête. Le Danemark a fait preuve d’une résilience et d’une performance sectorielle remarquables, ce qui a séduit les investisseurs en quête de stabilité et de croissance.

L’année 2022 a été marquée par un ralentissement notable. Selon vous, le marché a-t-il atteint son point le plus bas ou la volatilité va-t-elle encore s’accentuer ?

Bien qu’il y ait un potentiel de volatilité supplémentaire, les fondamentaux de nombreuses entreprises restent solides. La baisse a également ouvert des opportunités d’achat qui n’existaient pas auparavant. Il pourrait s’agir d’un point d’entrée stratégique pour les investisseurs à long terme, mais il est essentiel d’adopter une approche d’investissement perspicace axée sur les fondamentaux.

Pourriez-vous nous donner un aperçu de certains investissements spécifiques et de leur trajectoire ?

Nous avons réalisé plusieurs investissements stratégiques dans différents secteurs. Par exemple, dans le domaine des énergies renouvelables, nous avons investi dans des entreprises qui contribuent à la transition verte, une priorité dans la région nordique. Ces investissements ont fait preuve de résilience, même en période de ralentissement du marché, ce qui témoigne de l’importance croissante de la durabilité. Dans le secteur des technologies, nous avons soutenu des entreprises leaders dans le domaine des logiciels et des services numériques, qui ont affiché une croissance substantielle malgré les difficultés générales du marché. Notre philosophie d’investissement consiste à soutenir des entreprises qui non seulement présentent un potentiel de croissance, mais qui ont également un impact positif sur la société et l’environnement.

Hans-Marius Lee Ludvigsen

DNB Asset Management

Hans-Marius Lee Ludvigsen a rejoint DNB Asset Management en 2019. Il est membre de l’équipe Actions nordiques et gère le DNB Fund Nordic Small Cap. Auparavant, il a occupé différents postes chez Swedbank/Kepler Cheuvreux et a travaillé comme analyste dans un fonds d’actions nordiques chez Pareto Asset Management. Hans-Marius Lee Ludvigsen est titulaire d’un MSc en finances de la Norwegian School of Economics.

Cryptos

Solutions Investissements

  • Samir Kerbage
  • Chief Investment Officer
  • Hashdex

Lancement des ETF bitcoin : les premières leçons après un mois

Pour leur lancement, les ETF bitcoins ont déjà réussi à lever près de quarante milliards de dollars. Une performance appréciable qui ouvrent des perspectives plutôt attrayantes pour une classe d’actifs appelés à se développer sur le long terme, comme l’explique Samir Kerbage.

Francesco Mandalà

Aux États-Unis, le lancement des ETF bitcoin au comptant a été un moment décisif pour le monde crypto. Ces produits ouvrent en effet un marché de 50’000 milliards de dollars aux investisseurs de tous bords. Ils ont désormais accès au bitcoin sous la forme peut-être plus familière familière d’un ETF. Il a fallu dix ans pour en arriver là, un long chemin, et les mois précédant les approbations de janvier ont vu se multiplier les interrogations sur l’impact que pourraient bien avoir ces ETF. Un mois plus tard, on y voit bien évidemment plus clair, en se concentrant sur trois grandes questions.

Quel a été l’impact immédiat des ETF ?

Il y a eu énormément d’excitation dans les mois et les semaines précédant le lancement des ETF bitcoin. Cependant, leur sortie le 11 janvier s’est accompagnée d’une baisse de prix de courte durée, due principalement au GBTC, le trust bitcoin de Grayscale converti en ETF. À ce moment-là, GBTC détenait environ 30 milliards de dollars de bitcoins mais ne disposait pas d’options de rachat. Il s’en est suivi une importante décote de la valeur nette d’inventaire. Anticipant une conversion de trust en ETF, de nombreux traders ont acheté des actions GBTC à prix réduit. La conversion approuvée a déclenché des rachats de GBTC alors que les traders à court terme clôturaient leurs positions et que les investisseurs à long terme quittaient le produit. Malgré les entrées dans d’autres ETF, l’effet net a consisté en une vente substantielle de bitcoins, et donc une baisse des prix. Les rachats de GBTC ont ensuite ralenti, tandis que les investissements dans d’autres ETF ont augmenté, entraînant des flux nets positifs. Au cours du mois écoulé, les ETF bitcoin ont enregistré plus de 3,2 milliards de dollars de flux nets et le prix du bitcoin a augmenté de plus de 27%.

Où en sommes-nous actuellement ?

Bien que l’importance de ces nouveaux flux ne soit pas surprenante au vu de la demande, le premier mois a dépassé les attentes. Dans la mesure où il s’agit d’un tout nouveau type d’ETF, les comparaisons directes avec d’autres classes d’actifs sont difficiles. Mais la thèse d’investissement la plus solide qui prévaut pour le bitcoin en ce moment – celle d’une réserve de valeur émergente, ou or numérique – permet une comparaison raisonnable entre les ETF bitcoin et les ETF or. Un rapport de Coinbase Institutional a noté que les entrées nettes pour les ETF bitcoin au cours de leur premier mois ont dépassé celles enregistrées par l’ETF SPDR Gold Shares (GLD) de State Street au cours de son premier mois – l’un des lancements d’ETF les plus réussis de tous les temps.

A la lecture de ces chiffres seuls, le succès des ETF bitcoin aux États-Unis apparait clairement. Plus important encore que ces chiffres, il y a ce que ces nouveaux flux signifient pour l’avenir du bitcoin comme cas d’investissement. Il semble bien que ces ETF ont consolidé la place du bitcoin dans les portefeuilles, certainement appelée à croître avec le temps. Nous n’en sommes cependant qu’aux phases d’initiation. Les investisseurs ont encore beaucoup à apprendre sur cette classe d’actifs, et leur allocation en bitcoin prendra forme sur le long terme, au fil des mois et des années.

Que nous dit le dernier mois sur l’avenir des ETF bitcoin ?

Le bitcoin est revenu à une valorisation proche des 1’000 milliards de dollars. Bien qu’il puisse encore y avoir des facteurs contribuant aux sorties de GBTC en particulier, tels que ceux liés à la faillite de Genesis, nous ne voyons pas de signes structurels indiquant un possible ralentissement de la demande. Les 37 milliards de dollars déjà investis dans les ETS bitcoins laissent penser que leurs encours pourraient vite dépasser ceux des ETF or, évaluant aujourd’hui autour des 100 milliards. Après une année tumultueuse en 2022, et une année de reprise en 2023, l’institutionnalisation des devises cryptos – orchestrée avec succès – créent aujourd’hui de belles opportunités pour toute l’industrie.

Samir Kerbage

Hashdex

Samir Kerbage est le Chief Investment Officer de Hashdex. Pendant près de dix ans, il a travaillé à la construction d’infrastructures pour les marchés financiers. Il a contribué par exemple à des projets majeurs tels que l’ATS Brasil chez Americas Trading Group et le lancement d’une entreprise de trading à haute fréquence. Samir Kerbage, est diplômé en génie informatique de l’Instituto Militar de Engenharia, au Brésil.

Fardeau

Solutions Investissements

  • Corrado Varisco
  • Responsable de la recherche
  • bridport & cie

Le relèvement des taux complique un peu plus les aléas de la dette publique

Comparée au PIB, la dette publique atteint des niveaux sans précédent et cette tendance haussière semble inéluctable. Le nouvel environnement de taux rend la situation un peu plus tendue, ainsi que le souligne Corrado Varisco.

Francesco Mandalà

Dans le passé, c’était presque une « interdiction » d’avoir un niveau d’endettement élevé par rapport au PIB. Le pire des sacrilèges ! Aujourd’hui, ce tabou ne semble plus être d’actualité. Mais est-ce justifié ?

La majorité des dettes étatiques se situe à des niveaux historiquement élevés et devrait continuer à croître en raison de de plusieurs tendances séculaires déjà en place. Les interdictions traditionnelles concernant les ratios dette/PIB élevés ne semblent s’appliquer désormais qu’aux pays ne pouvant pas se refinancer facilement. Le Japon pourrait maintenir un ratio de 250 % du PIB, les US pourraient dépasser 150 %, et ainsi de suite. Mais quand cette spirale s’arrêtera-t-elle ? Il n’est pas facile d’y répondre, bien que des risques à long terme subsistent clairement.

Si cette conjoncture était soutenable avec une faible inflation et des liquidités abondantes, la situation actuelle a changé la donne, ce qui rend la mobilisation de capitaux encore plus urgente. Ce processus entraîne une polarisation entre les pays qui peuvent facilement continuer à émettre de la dette et à se refinancer, et ceux qui ne le peuvent pas ou difficilement.

Dans les économies qui ont alimenté la croissance économique mondiale au cours de la dernière décennie – Etats-Unis, Union européenne et Chine), la dette est appelée à continuer de croître en raison de multiples facteurs. C’est le cas par exemple du vieillissement démographique et de la diminution de la population en âge de travailler. Le coût des retraites et des soins de santé va croître d’autant. Il y a aussi la « révolution verte », dont la mise en œuvre nécessitera d’énormes capitaux. Le secteur de la défense et de la sécurité aura besoin aussi d’importants investissements, compte tenu des événements géopolitiques récents, de l’augmentation des flux migratoires et de la désobéissance sociale.

Prenons l’exemple de la France, dont la note de crédit a été dégradée l’année dernière, suite à la difficulté du gouvernement à relever l’âge de la retraite à 64 ans. La réalité est qu’une augmentation minime des coûts d’emprunt, ne serait-ce que d’un petit point de pourcentage, peut avoir au final un effet cumulatif considérable sur une décennie.

Passons maintenant aux Etats-Unis. La dette nationale y a dépassé le chiffre stupéfiant des 34 000 milliards de dollars et elle augmente à un rythme frénétique de près de 3 000 milliards par an. Les paiements d’intérêts annuels sur cette dette dépassent les 1 000 milliards. Il est prévu que ces paiements atteindront 1’300 milliards au cours des 12 à 18 prochains mois. Si cette tendance se poursuit, la spirale de la dette ne fera que s’élever de manière alarmante. Mais au niveau politique, il n’y a pas de réelle volonté d’affronter le problème de manière structurelle.

De nombreux mécanismes traditionnels utilisés pour échapper à la dette – comme la croissance économique via le commerce mondial – ne peuvent plus être tenus pour acquis. Cela est particulièrement problématique pour les pays émergents les plus faibles. En outre, augmenter le potentiel de croissance économique nécessiterait l’adoption de réformes qui pourraient s’avérer politiquement coûteuses. Certains pays pourraient alors être tentés de laisser « courir » l’inflation pour éroder la valeur de leur dette. Mais cela ne résoudra pas les principales causes qui ont conduit à cette augmentation.

L’avenir ne semble donc pas être des plus réjouissants. Nous nous attendons à une augmentation continue de la dette publique, tirée par les pays développés, qui peuvent encore se financer sur les marchés, à la différence des pays émergents les plus faibles. Il y aura une forte concurrence pour les liquidités des investisseurs, ce qui impliquera la nécessité de taux réels durablement positifs et hauts. Le risque de défaut va être globalement plus élevé, comme aussi l’exigence de retours sur investissement, compte tenu des risques plus importants et de la concurrence accrue pour le capital. Les pays les plus vulnérables devraient donner la priorité aux investissements dans l’éducation, la transition énergétique durable et les soins de santé afin de stimuler la croissance économique à long terme. Cela inclut aussi les pays développés ayant des niveaux d’endettement importants, où le service de la dette représente une partie importante du budget public, à l’image de certains pays périphériques de l’Union européenne.

Corrado Varisco

bridport & cie

Corrado Varisco occupe depuis l’an passé le poste de responsable de la recherche chez bridport & cie. Corrado a plus de vingt ans d’expérience sur les marchés obligataires avec une spécialisation dans la dette à haut rendement et la dette des pays émergents. Il a débuté sa carrière professionnelle en 2021 à la banque BSI, à Lugano, en tant qu’analyste. Il est devenu ensuite co-responsable de la gestion de portefeuille décentralisée pour l’équipe Amérique latine de BSI. En 2011, Corrado a rejoint la banque CBH à Genève où il a officié en tant que responsable de l’offre et de l’analyse obligataires. Il y a également occupé les fonctions de gestionnaire de portefeuille.

Crypto

Solutions Investissements

  • Géraldine Monchau
  • Digital Developer
  • Sphere

Tether, un nouveau Goldman Sachs en puissance

Au dernier trimestre, Tether, l’émetteur du stablecoin USDT, a dégagé plus de profits que Goldman Sachs, une performance notoire qui illustre parfaitement l’ampleur que prend ce segment des crypto-monnaies. Une tendance appelée à durer, comme le souligne Géraldine Monchau, une experte en la matière.

Francesco Mandalà

Ce n’est pas un mince exploit. Tether, qui émet le stablecoin USDT, a réussi à générer 2,86 milliards de profits lors du dernier trimestre 2023. Pourtant habituée aux premières places, la banque Goldman Sachs a dû se contenter de 2,01 milliards de dollars. La performance de Tether est d’autant plus remarquable que la société fonctionne avec une micro-équipe de 125 employés. Chez Goldman Sachs ils ne sont pas loin des 50’000 !

Les 2,85 milliards de bénéfice opérationnel net proviennent des intérêts sur les bons du Trésor américain, qui ont rapporté 1 milliard de dollars, et de l’appréciation des réserves en or et en bitcoins comptabilisées dans les livres. Sur l’année, le bénéfice total s’élève à 6,2 milliards de dollars, renforçant ainsi la réputation de Tether comme acteur de premier plan dans le secteur des crypto-monnaies. Les actifs sous gestion de Tether s’élèvent à 98,5 milliards de dollars, dont 91,6 milliards de dollars en USDT et 5,4 milliards de dollars en réserves excédentaires.

Tether est d’ailleurs devenu le plus grand stablecoin en termes de capitalisation boursière. Elle approche le seuil des 100 milliards de dollars qu’elle devrait franchir sous peu. La valeur de l’USDT, émis par Tether, est adossée au dollar américain. Pour ceux qui auraient raté un épisode, les stablecoins sont des actifs numériques peu volatils qui conservent généralement une valeur stable. Ils sont utilisés par des personnes du monde entier pour transférer et stocker de l’argent sans passer par des banques ou des institutions centralisées. Les négociants en cryptomonnaies emploient par exemple des stablecoins pour effectuer des transferts entre différentes cryptomonnaies ou pour transférer leurs investissements vers ou depuis des monnaies fiduciaires, les FIAT.

Les stablecoins se sont développés très rapidement ces dernières années car ils combinent le caractère décentralisé des crypto-monnaies avec la stabilité des actifs financiers plus traditionnels auxquels ils sont associés. Le marché pèse aujourd’hui 130 milliards de dollars mais le courtier Bernstein le voit atteindre les 3’000 milliards d’ici 2028. Pour Bernstein, ce potentiel de croissance repose à terme sur l’adoption des stablecoins par les plateformes de paiement comme Paypal ou Shopify.

Avec son USDT, Tether s’est donc magnifiquement positionné sur ce secteur. Mais l’entreprise veut également se diversifier en construisant des infrastructures destinées à d’autres secteurs stratégiques tels que l’IA, les télécommunications peer-to-peer, le minage de Bitcoin et la production d’énergie renouvelable.

La montée en puissance de Tether a donné lieu à quelques échanges particulièrement animés entre JPMorgan et Tether. JPMorgan a en effet exprimé des craintes quant à l’impact de Tether sur le marché plus large des crypto-monnaies, s’inquiétant de son « manque de conformité réglementaire et de transparence ». Paolo Ardoino, le PDG de Tether, est alors monté au créneau pour dénoncer l' »hypocrisie » du géant de Wall Street, s’amusant que JPMorgan se soucie de la position dominante de Tether sur le marché des crypto-monnaies alors qu’elle est elle-même est la plus grande banque du monde!

Quelques soient ces mouvements d’humeur, il est clair que le marché des stablecoins ne peut plus être ignoré au vu de la tendance de fond dans laquelle il s’inscrit. Dans les pays touchés par l’hyperinflation, il offre un excellent recours. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que Tether ait annoncé récemment le lancement de Tether Edu. Ce pôle se concentrera sur les marchés émergents, offrant des cours et des programmes hybrides dans les domaines de la blockchain, de l’intelligence artificielle et du design, entre autres domaines. Tether entend bien être un « pivot pour favoriser la prospérité économique et le développement durable » et compte bien s’engager dans la durée. Ayant gagné plus d’argent que 95 % des entreprises du S&P 500 au cours du dernier trimestre, son modèle d’affaire devrait continuer à fasciner l’industrie pendant encore quelque temps.

 

Géraldine Monchau

Géraldine Monchau dirige les développements de SPHERE. Elle a débuté son parcours professionnel dans la finance traditionnelle où elle a occupé des postes à responsabilité liés à la gestion de portefeuille discrétionnaire et à l’advisory. Elle a ensuite rejoint l’industrie de la technologie blockchain et des actifs numériques. Géraldine est diplômée de l’IUHEI, du CFPI et du CAIA. Co-fondatrice de Women in Web3 Switzerland, elle est membre du comité scientifique du CAS Blockchain HEG.