Venture

Solutions Real Assets

  • Interview Wanja Humanes
  • Managing partner
  • Kickfund

“Nous aidons les deeptechs suisses à réussir au plan mondial”.

Kickfund Ventures a clôturé un premier fonds d’investissement destiné à soutenir les startups suisses dans le domaine de la deeptech. Le fonds s’appuie en partie sur le travail effectué en amont par Venture Kick, au cours de ces dernières années. Wanja Humanes nous parle ici de ses objectifs et des éminents investisseurs derrière le projet.

Francesco Mandalà

Kickfund Ventures, avec son premier fonds, doit jouer un rôle important dans la promotion de l’écosystème deeptech en Suisse. Quel doit en être l’orientation ?

Dans un certain sens, le fonds est un tracker qui prend systématiquement des participations dans les startups d’abord passées par le programme Venture Kick. Derrière le fonds se trouve un groupe d’investisseurs qui rassemble des fondateurs de startups, des business angels de premier plan, des mentors, mais aussi les deux investisseurs de référence que sont la fondation Ernst Göhner et la fondation Gebert Rüf.

Quels sont les objectifs financiers ?

Nous avons donc clôturé le premier fonds à hauteur de 70 millions de francs, fin 2023. Depuis, nous sommes en fait arrivés à près de 80 millions. Sur ces bases, nous prévoyons d’investir jusqu’à 850’000 francs par an et par startup au cours des cinq prochaines années. Nous allons en financer 25. Les investissements se font à chaque fois dans le cadre de deux tours de financement après la clôture réussie du programme de Venture Kick. Nous avons élaboré à cet effet une approche standardisée, qui privilégie les retours sur investissement et la transparence.

Venture Kick est sans doute le programme de soutien aux startups qui a le plus de succès en Suisse. Comment l’expliquez-vous ?

En fait, Venture Kick a rencontré un grand succès depuis sa création en 2007. Des entreprises comme Planted ou Climeworks ont brillamment suivi le programme et ont trouvé des investisseurs dans le monde entier. Les alumni de Venture Kick représentaient les deux tiers du Top100 des startups suisses en 2023. Elles ont créé au total plus de 13’000 emplois depuis le début du programme.

Nous avons maintenant professionnalisé le financement de suivi. Nous nous sommes ainsi fait enregistrer en tant que gestionnaire de fortune, nous avons alimenté le premier fonds et nous pouvons, à long terme, assurer le financement des entreprises par du capital-risque. Cette nouvelle configuration nous permet d’une part de rester flexibles, mais aussi de mettre en œuvre la stratégie d’investissement avec un maximum d’efficacité. A plus long terme, elle nous permet de promouvoir la Suisse dans le domaine des deeptechs et de maintenir en Suisse des emplois à caractère innovant.

La deeptech est pour vous un thème central dans le choix des entreprises que vous allez financer. Quelle en est la raison ?

Notre orientation exclusive sur les investissements dans les deeptechs découle de la focalisation claire du programme Venture Kick, car Venture Kick est un programme dédié qui s’adresse aux spin-offs des universités suisses. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que ces entreprises disposent presque toujours d’une propriété intellectuelle qui doit être développée et exploitée. De notre point de vue – mais aussi de celui de Venture Kick – c’est l’une des principales conditions de leur succès.

Maintenant que vous avez maintenant lancé un fonds, comment envisagez-vous l’avenir de Kickfund ?

Bien sûr, notre objectif a toujours été de développer une structure à long terme qui apporte un soutien financier continu aux gagnants du programme Venture Kick. Il est également envisageable d’ouvrir davantage le prochain fonds à d’autres investisseurs. Enfin, nous pourrions également envisager la création d’un fonds destiné à fournir des financements de suivi plus importants à certaines entreprises particulièrement prometteuses du portefeuille des fonds Kickfund.

Wanja Humanes

Kickfund

Wanja Humanes investit dans le capital-risque depuis 2015. Il a joué un rôle déterminant dans le développement de Swisscom Ventures, qui s’est imposé parmi les  leaders mondiaux du capital-risque dans le domaine des télécommunications, avec plus de 500 millions de francs investis. Plus récemment, il a été directeur d’investissement pour la société de capital-investissement MTIP.  Wanja Humanes est titulaire d’une maîtrise en gestion de l’entreprise obtenue à l’université de Saint-Gall.

Tendances

Solutions Real Assets

  • Interview Philippe Naegeli
  • CEO
  • GenTwo

« Actifs non bancaires : un marché colossal à 78’000 milliards de dollars »

Un nouvel outil, l’Assetization, veux démocratiser la création de produits financiers. Ce qui va multiplier les possibilités d’investissement et offrir de nouvelles opportunités, surtout aux petits investisseurs, explique Philippe Naegeli, de GenTwo, qui vient d’écrire un livre sur le sujet.

Francesco Mandalà

Philippe Naegeli, pourquoi ce livre sur l’Assetization  ?

Depuis le premier jour, notre rêve chez GenTwo a été de simplifier l’accès à la titrisation. Et nous y sommes parvenus. Aujourd’hui, grâce à notre plateforme, tous les intermédiaires financiers, grands ou petits, peuvent transformer n’importe quel actif, n’importe quelle stratégie d’investissement, en un produit financier négociable. Mais c’est seulement en voyant comment nos clients utilisaient notre plateforme que nous avons compris le vrai potentiel révolutionnaire de l’Assetization. Mon cofondateur Patrick Loepfe et moi-même avons alors décidé d’écrire ce livre.

Expliquez-nous ce concept d’Assetization.

C’est un néologisme issu de “asset” et de “démocratization”, incarnant à la fois un processus et une vision. Comme processus, l’Assetization vise à démocratiser la création de produits financiers, ce qui permettra de débloquer, potentiellement, des milliards de dollars de valeur inexploitée. Comme vision, elle aspire à multiplier les possibilités d’investissement, permettant à chacun d’investir selon ses désirs, quels qu’ils soient. Cela débloquera également de la valeur – pas seulement monétaire, mais aussi personnelle et sociétale – d’une manière qui n’était pas possible et parfois même tout simplement inconcevable auparavant. 

La titrisation et la tokenisation des actifs sont des tendances lourdes. Qui vont nous mener où ?

Tous ces actifs situés en dehors du secteur bancaire traditionnel sont autant d’opportunités. Ils comprennent les placements alternatifs, les marchés privés, et même des choses plus exotiques telles que les actifs numériques ou l’art. Souvent illiquides, peu accessibles et onéreux, ils représentent néanmoins un marché colossal. Imaginez, Accenture évalue, de manière conservatrice, ces actifs à 78’000 milliards de dollars. Alors, certes, il y a déjà la tokenisation pour les transformer en produits d’investissements. Mais ces actifs numériques ont des limites. L’Assetization, en revanche, rend chaque actif accessible, et donc négociable, via le système bancaire traditionnel. À notre avis, l’Assetization englobe la tokenisation. Qui n’est qu’un moyen parmi d’autres de titriser un actif.

Avec quelles implications pour l’investisseur ? 

De nouvelles opportunités! Par exemple, en permettant à des petits clients d’avoir accès à des hedge funds et du private equity qui leur étaient interdits auparavant. Mais aussi à des tableaux ou des voitures de collection. Ce qui permet, au final, une plus grande diversification des investissements, et donc plus d’opportunités de rendement. Mais aussi, pour les petits investisseurs, la possibilité d’investir exactement selon leur stratégie.  

Quel est le rôle de GenTwo dans ce développement ?

Chez GenTwo, nous nous voyons comme des facilitateurs. Notre plateforme permet aux intermédiaires financiers de titriser facilement tout actif, le transformant en titres dotés d’un ISIN pour être négociés ensuite sur le marché financier.

Philippe Naegeli

GenTwo

Philippe Naegeli est le co-fondateur de GenTwo dont il est redevenu le CEO, après avoir en occupé les fonctions de Chief Vision Officer. Il a une longue expérience dans le domaine du trading, de l’investissement, de la banque d’affaires et du développement de nouvelles stratégies axées sur l’innovation.  Il a travaillé ainsi aux Etats-Unis pour Forstmann & Co, dont il a été le managing partner. Il a également siégé entre 2017 et 2019 au comité consultatif du courtier indépendant suisse de produits structurés CAT Financial Products.

Outlook

Solutions Real Assets

  • Interview Anastasia Amoroso
  • Chief Investment Strategist
  • iCapital

“Dette privée : les rendements élevés la rendent particulièrement attractive “.

L’environnement private equity est très influencé par les politiques monétaires des banques nationales. Aux États-Unis, les prochaines élections présidentielles créent une dynamique supplémentaire sur les marchés. Pour Anastasia Amoroso, le retour des transactions dans le domaine du private equity est perceptible et la dette privée reste attractive.

Francesco Mandalà

A l’approche des élections américaines, les marchés financiers se retrouvent au centre de l’attention. Sous quel angle envisagez-vous cette situation ?

En règle générale, les marchés ne réagissent que peu avant les élections présidentielles américaines. Plus elles approchent, plus les marchés se concentrent sur les prévisions et se préparent aux différents scénarios possibles. Pour anticiper sur l’issue de ces élections, nous maintenons actuellement nos investissements en actions, et nous nous laissons davantage guider par la politique accommodante de la Fed plutôt que par les sondages.

Quel a été l’impact de la politique monétaire sur le marché du private equity en 2023?

Le niveau élevé des taux d’intérêt directeurs a été éprouvant, en particulier pour les opérations de rachat. Mais cela a également fait évoluer les stratégies des gestionnaires. Ils se concentrent désormais moins sur les crédits et plus sur l’augmentation des revenus, de la rentabilité et de l’expansion des marges. Ce changement implique une réorientation stratégique dans le secteur privé.

Comment l’ensemble du marché s’est-il adapté à ces changements ?

L’adaptation se traduit, comme nous l’avons déjà évoqué, par une moindre dépendance vis-à-vis des capitaux étrangers dans les transactions de rachat et par une orientation vers des améliorations opérationnelles. Actuellement, on observe toutefois une nette tendance aux transactions de type growth equity, qui misent davantage sur les fonds propres que sur les capitaux étrangers. En outre, et c’est important pour les investisseurs, le délai entre l’investissement et la sortie s’est allongé.

Malgré ces adaptations, la dynamique du private equity semble relancée. Quelle en est la raison ?

Ce marché connaît actuellement une dynamique fascinante. L’année dernière, les transactions growth equity ont dépassé le nombre de leveraged buyouts pour la première fois depuis 2008, date à laquelle les données ont commencé à être collectées. Ce décalage montre une réorientation stratégique plus large du secteur, qui se concentre sur la création de valeur à long terme plutôt que sur les gains à court terme par effet de levier. Par ailleurs, l’allongement de la période entre l’investissement et la sortie a modifié le paysage et a eu un impact sur la levée de fonds de même que sur la distribution des bénéfices aux investisseurs.

Comment évaluez-vous le secteur de la dette privée après une forte année 2023 ?

Nous continuons de voir des rendements de près de 12 %, ce qui se situe dans la partie supérieure de la fourchette historique pour le crédit privé. Ce rendement élevé rend la dette privée encore attractive pour les investisseurs en 2024. Même en cas d’éventuelles baisses des taux d’intérêt par les banques centrales, cette classe d’actifs offre un rendement excédentaire convaincant par rapport aux liquidités.

Un débat a cours actuellement sur le rôle du private equity et de la dette privée dans la décarbonisation de l’économie. Comment l’envisagez-vous ?

La décarbonisation, en tant que méga-tendance, offre d’immenses opportunités, en particulier pour le private equity. Il s’agit notamment de domaines tels que l’énergie propre, les véhicules électriques, le captage du carbone et l’économie circulaire. Le secteur privé est essentiel pour compléter les initiatives gouvernementales visant à atteindre des émissions zéro. Cela nécessitera des investissements privés de plusieurs milliers de milliards de dollars. Étant donné que de nombreuses PME ont un rôle à jouer dans ces domaines, le private equity et la dette privée jouent un rôle important.

Anastasia Amoroso

iCapital

Anastasia Amoroso occupe les fonctions de managing director et de chief investment strategist chez iCapital. Elle a été auparavant directrice exécutive et responsable de la stratégie thématique multi-assets chez J.P. Morgan Private Bank. Elle a géré plus tôt des portefeuilles multi-assets chez Merrill Lynch. Anastasia Amoroso est titulaire d’un Bachelor of Business Administration, avec une spécialisation en finance, obtenu à l’Université du Nouveau-Mexique. Elle détient en plus la certification CFA.

Focus

Solutions Real Assets

  • Interview David Arcauz
  • Managing partner
  • Flexstone

“Le segment Small&Mid nécessite moins d’effet de levier”.

Face à l’évolution des conditions de marché, les boutiques private equity adaptent leur stratégie. Se concentrer sur le secteur des petites et moyennes capitalisations est par exemple l’une des options à envisager pour conforter sa croissance.

Francesco Mandalà

Pour les investisseurs, l’environnement des marchés privés est devenu plus exigeant. Vous-même, comment les voyez-vous évoluer?

Entre les les défis posés par les crises économiques et l’évolution des dynamiques de marché, les sociétés de private equity utilisent un éventail de plus en plus large d’instruments et de stratégies. Elles se concentrent par exemple sur les investissements Small & Mid qui offrent des possibilités de création de valeur au niveau local. En outre, on observe une tendance à la spécialisation sectorielle, ce qui permet aux investisseurs de se concentrer sur des thèmes qui correspondent à des tendances fortes, comme les soins de santé en raison du vieillissement de la population. Et la dette privée prend de plus en plus importante.

Quel est l’impact concret des taux d’intérêt plus élevés sur le marché du private equity?

L’impact est considérable car le marché du private equity dépend davantage du financement par l’emprunt. Or, celui-ci est devenu plus cher dans le sillage de la hausse des taux. Nous avons donc constaté que les transactions de grande envergure ralentissent en raison d’une réduction du recours à l’endettement, tandis que le segment Small&Mid est moins touché, car il nécessite généralement moins de financement par la dette. Cette résistance souligne l’attractivité de ce segment, même en période de pression économique.

Où intervient Flexstone ?

Flexstone a un rôle important à jouer pour guider les investisseurs institutionnels dans un paysage qui se transforme. Plus le marché devient mature et diversifié, plus notre capacité à proposer des conseils et des stratégies d’investissement sur mesure devient importante. En parallèle, nous travaillons aussi sur les co-investissements.

Sur quelles entreprises vous concentrez-vous ?

De manière générale, nous nous concentrons surtout sur les entreprises d’une valeur inférieure à 500 millions d’euros, qui représentent une part importante du marché aussi bien européen qu’américain. Cette focalisation nous permet d’avoir plus d’influence sur le management de ces entreprises. En ciblant les Small & Mid, nous accédons à un vaste marché, qui offre également un fort potentiel de croissance et de résistance à des fluctuations économiques plus larges.

Comment préserver l’identité suisse tout en se développant à l’échelle mondiale ?

Nous avons réussi à la préserver en restant fidèles à nos origines et en conservant notre siège social à Genève. En même temps, nous avons étendu notre portée mondiale avec une présence à New York, Paris et Singapour, ce qui nous permet d’offrir des opportunités d’investissement à l’échelle mondiale.

Comment vous y prenez-vous pour constituer les portefeuilles de vos clients ?

Plutôt que de proposer des produits standardisés, nous travaillons en étroite collaboration avec chacun d’eux pour bien comprendre leurs besoins, leurs objectifs et leurs contraintes spécifiques. Cette flexibilité leur permet de s’impliquer autant qu’ils le souhaitent dans le processus d’investissement et de s’assurer que leur allocations private equity soit en phase avec leur allocation globale.

Revenons sur la Suisse : à quel point les connaissances locales sont-elles importantes pour votre stratégie d’investissement ?

Elles sont essentielles, plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’investir dans des entreprises de petite ou moyenne taille. C’est le cas sur tous les marchés où nous sommes présents. Ces investissements nécessitent une compréhension des dynamiques locales, des réglementations ainsi que des nuances culturelles. C’est aussi la seule façon de reconnaître les opportunités et de créer de la valeur sur les marchés. En ce qui concerne la Suisse, nous constatons clairement une demande d’investissement qui vient plus tard dans le cycle. En même temps, nous constatons aussi que les investisseurs n’ont pas autant d’opportunités qu’ils pourraient le souhaiter.

David Arcauz

Flexstone Partners

David Arcauz dirige les investissements européens de Flexstone Partners depuis Genève. Il est membre des comités d’investissement pour les pôles « Global Advisory » et « Europe &Asie ». Avant de rejoindre Flexstone, qui s’appelait alors Euro Private Equity, en septembre 2016, David Arcauz a travaillé pendant six ans comme partenaire chez Adams Street à Londres. Auparavant, il a passé cinq ans chez UBS Global Wealth Management et chez Swiss Life Private Equity. David a commencé sa carrière en tant qu’analyste de crédit à la Banque Cantonale Vaudoise à Lausanne pour devenir ensuite conseiller en corporate finance au sein de KPMG à Zurich. David Arcauz est titulaire d’un Master of Law de l’Université de Lausanne et il détient la certification CFA.

Outlook

Solutions Real Assets

  • Remy Pomathios  & Matthieu Roumagnac
  • Responsables des investissements Private Markets et Real Assets
  • Indosuez Wealth Management

Les marchés privés abordent un nouveau cycle

Les private markets sont devenus une classe d’actifs à part entière. Leur démocratisation, de même que la hausse des taux d’intérêt, transforment le secteur en profondeur et soulignent la grande disparité entre les gérants.

Francesco Mandalà

L’année 2023 a constitué un tournant pour les Private Markets avec la persistance de l’inflation et la perspective de taux d’intérêt durablement élevés jetant les bases de la « nouvelle normalité » de l’environnement macroéconomique. À plus long terme, ce nouvel environnement pourrait profiter aux investisseurs des Private Markets, car il distinguera les gérants sur leur capacité à générer de la valeur via des améliorations opérationnelles plutôt qu’à travers de l’ingénierie financière. La sélectivité s’avère donc plus importante. Les actifs non cotés étant confrontés à un nombre croissant de défis de transformation, notamment dans les domaines du numérique et de l’environnement, seuls les gérants profondément impliqués sur le plan opérationnel continueront à dégager d’excellentes performances.

Les gérants les plus expérimentés et sophistiqués, dotés d’une expertise opérationnelle avérée, bénéficieront de manière disproportionnée du nouveau paradigme, en concentrant à la fois un pouvoir d’attraction en termes de levée de fonds et un accès privilégié aux transactions. Une solide équipe d’investissement ne suffit plus. Elle doit désormais être complétée par des professionnels exclusivement dédiés à l’accompagnement des entreprises en portefeuille afin de les soutenir dans la mise en œuvre des plans de création de valeur. Par conséquent, nous anticipons une accélération du mouvement de consolidation au sein de l’industrie, susceptible de renforcer les acteurs en position dominante. Les rachats de gérants par des concurrents plus importants ont déjà commencé, plusieurs transactions significatives ayant eu lieu en 2023. La tendance à la consolidation est néanmoins encore dans sa phase initiale, car la classe d’actifs va continuer à se développer, alimentée par de nouveaux types d’investisseurs – notamment les particuliers fortunés.

Nouvelles opportunités en 2024

Du côté du Private Equity, nous observons des signes encourageants sur le marché des fusions et acquisitions, la dynamique des transactions s’étant légèrement redressée au troisième trimestre 2023. Nous anticipons une reprise progressive de l’activité en 2024, susceptible d’entraîner un rebond du volume des distributions aux investisseurs. L’ajustement à la baisse des valorisations à l’entrée pourrait s’accélérer tout au long de l’année 2024. Les cessions initialement prévues en 2022 ou 2023 et retardées du fait de l’environnement macroéconomique devront finir par se concrétiser, les gérants de fonds étant sous pression pour restituer du capital à leurs investisseurs. Les fonds de Private Equity bénéficieront dès lors en 2024 de prix d’entrée attractifs dans ce qui sera, selon nous, un marché d’acheteurs. L’important réservoir de petites et moyennes entreprises restera un segment très pertinent.

En ce qui concerne la dette privée, une forte accélération des capitaux levés a eu lieu ces 18 derniers mois sur fond de hausse des taux d’intérêt. Les investisseurs devront toutefois rester prudents et sélectifs, car les taux de défaut pourraient augmenter significativement dans les deux prochaines années en raison des pressions liées aux ratios de couverture des intérêts. En complément des stratégies directes traditionnelles, les investissements en dette distressed et en capital structuré seront des sous-segments attractifs pour prendre position sur le marché de la dette privée qui devraient bénéficier du contexte actuel. Enfin, les investissements dans les actifs d’infrastructure devraient continuer à bénéficier du déficit structurel de capitaux visant à financer la transition énergétique et la numérisation de pans entiers de la société.

La persistance de l’inflation sera incontestablement un moteur de la performance dans les années à venir, notamment pour les actifs réels. Après plus de quinze ans de taux bas et d’inflation négligeable, les private markets entrent dans une nouvelle phase. Forte d’une vision à long terme, à l’écart de la volatilité des marchés publics, la classe d’actifs des Private Markets dispose des outils nécessaires pour continuer à générer de la surperformance.

Point sur l’immobilier

 Des corrections de 10 % à 20 % en moyenne sont à l’œuvre depuis plus de 12 mois maintenant, ayant impacté les volumes d’investissement de près de 40 % en 2023. La croissance des loyers liée à l’inflation en 2023 devrait se poursuivre en 2024. Le resserrement des conditions de crédit et l’augmentation du coût de la dette ont accéléré la tendance baissière qui pourrait se poursuivre jusqu’à mi-2024, ouvrant ainsi des opportunités attractives. À noter que certains secteurs affichent une relative résilience.

Les hôtels et les actifs d’exploitation ont retrouvé, voire dans certains cas dépassé, leurs performances pré-COVID et sont tirés par un fort déséquilibre demande/offre en Europe. Le commerce de détail continue à générer de solides rendements. Et l’immobilier de luxe est pour l’essentiel peu impacté par les mouvements des taux d’intérêt qui semblent approcher un point haut. Une reprise progressive de certains segments pourrait donc se matérialiser. En particulier sur les actifs de logistique et sur les meilleurs actifs de bureaux offrant de bonnes performances environnementales situés dans les zones QCA à faibles taux de vacance. Par ailleurs les actifs résidentiels continuent à bénéficier de fondamentaux robustes.

Startups

Solutions Real Assets

  • Interview Andreas Bezner
  • Chief Executive Officer
  • Stableton

“Le climat dans le secteur technologique s’est sensiblement amélioré”

En 2023, le marché du private equity a été confronté à de sérieux défis, notamment dans le secteur technologique. Les investisseurs en capital-risque se sont montrés plus prudents et les startups de la tech ont souffert de la disponibilité limitée des capitaux. Néanmoins, le private equity et le capital-risque offrent toujours des opportunités d’investissement à long terme, comme l’explique Andreas Bezner.

Francesco Mandalà

Comment percevez-vous le marché dans le domaine du private equity, du point de vue des investisseurs en capital-risque ?

Après les excès de 2021, des opportunités d’investissement intéressantes réapparaissent sur les radars. Les stratégies secondaires, c’est-à-dire l’achat et la vente de placements déjà émis sur les marchés privés, ont justement pris plus de volume. Elles permettent aux investisseurs d’acquérir des actifs auparavant illiquides, d’obtenir des rendements plus rapides et d’améliorer la liquidité de leur portefeuille. Ce segment jouit actuellement d’une grande popularité auprès des investisseurs.

Quelles perspectives voyez-vous se dégager pour les entreprises de la tech, dans le non coté, en raison notamment du revirement de la politique des taux d’intérêt – qui pourraient même baisser aux États-Unis ?

Le sentiment à l’égard de ces entreprises s’est sensiblement amélioré grâce aux prévisions de baisse des taux d’intérêt et à la diminution des anticipations d’inflation. Le marché est actuellement un marché d’acheteurs, en raison du besoin de liquidités de certains acteurs.

Qu’est-ce qui caractérise le secteur technologique, en particulier lorsqu’il s’agit d’entreprises privées ?

 Le marché connaît une croissance rapide et ses sociétés atteignent presque la taille des petites et moyennes entreprises cotées en bourse. Les licornes font désormais partie intégrante du quotidien des investisseurs et de leur espace médiatique. L’intérêt qu’elles suscitent est de plus en plus grand, bien que l’accès à ces entreprises reste encore assez limité à ce jour. 

Quelles sont les transactions M&A que vous prévoyez dans ce domaine ?

Nous nous attendons à plusieurs introductions en bourse en 2024, ce que laisse supposer la nette tendance à la hausse des prix sur le marché secondaire. En outre, les valorisations dans la tech dans les marchés privés progressent généralement avec un décalage d’environ 9 à 12 mois, après que les entreprises cotées aient réalisé des plus-values significatives. On s’attend donc à ce que ces facteurs poussent l’indice vers de nouveaux sommets en 2024.

Que peut-on dire de l’appétit des investisseurs pour le risque sur la base de l’indice que vous avez lancé en 2023 en collaboration avec Morningstar Indexes ?

Sur la base des indices Morningstar, nous constatons que l’appétit pour le risque des investisseurs a augmenté l’an passé. Pourtant, ils sont encore trop peu nombreux à se laisser tenter par ce genre d’investissement. Il offre pourtant de nombreux avantages, notamment une liquidité bien meilleure, une grande transparence, une approche systématique qui privilégie les entreprises les mieux valorisées et, dernièrement, des frais peu élevés sans aucune commission de performance. Ce sont des facteurs clés qui ont contribué à ce que les investisseurs montrent davantage d’intérêt pour les placements sur les marchés privés.

Dans quelle direction l’indice évoluera-t-il en 2024 ? Quels sont vos prévisions et vos projets à cet égard ?

Morningstar Indexes prévoit d’améliorer considérablement l’indice Morningstar PitchBook Unicorn Select 20 en février, en supprimant les sociétés les moins liquides. Ce changement améliorera la liquidité globale et rendra l’indice plus représentatif du marché privé au sens large. En outre, l’indice représentera de nombreux nouveaux secteurs, notamment l’intelligence artificielle avec des entreprises comme OpenAI (ChatGPT), Anthropic ou Databricks.

 

Andreas Bezner

Stableton

Andreas Bezner est le CEO, CIO et co-fondateur de Stableton. Il a bâti son expérience en matière d’investissement grâce aux différents qu’il a tenus rôles dans les domaines du conseil M&A, de la gestion de portefeuilles tech, de la gestion de fonds spéculatifs et de plus de 70 transactions directes en capital-risque sur le marché secondaire chez Stableton. Andreas Bezner est titulaire d’un master en économie et il a obtenu la certification CFA.