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  • Interview Corinne Dubois
  • Economiste senior
  • Wüest Partner

« La forte demande et le faible risque de vacance indiquent un marché immobilier résidentiel stable pour 2024 »

Après des années avec des coûts de financement au plus bas, et peu d’alternatives de placement pour les investisseurs, le contexte est devenu moins favorable pour l’immobilier. Toutefois, les perspectives d’évolution pour le marché résidentiel restent solides pour 2024. La demande demeure importante et le risque de vacance est faible, ce qui assure des revenus stables aux investisseurs, comme le précise Corinne Dubois, économiste senior chez Wüest Partner.

Francesco Mandalà

Quels facteurs impacteront le marché immobilier suisse en 2024 ?

Cette année, on s’attend à une performance économique robuste, bien qu’inférieure à la moyenne des dernières années, avec une croissance de l’emploi de 1%, contre 2,2% en 2023. L’immigration devrait ainsi diminuer, tandis que la croissance démographique devait progresser de +0,7% l’année prochaine. Et si l’inflation a nettement diminué au cours des derniers mois, quelques facteurs de risque persistent. Les prix de l’électricité augmenteront en 2024, ainsi que les loyers. L’inflation pourrait ainsi atteindre 1,9% en 2024. Au vu des risques d’inflation persistants, il est d’ailleurs peu probable que la Banque Nationale Suisse abaisse à nouveau ses taux avant le deuxième semestre.

Le secteur de la construction, qui a stagné en 2023, va-t-il se reprendre ?

On ne voit pour le moment que peu de signaux positifs dans le secteur de la construction. Les prix restent élevés, les contraintes réglementaires et les oppositions sont nombreuses. Les salaires devraient en outre augmenter, ce qui alourdira les charges des entreprises. Les investissements dans la construction neuve devraient continuer à se replier, avec -0,8% pour les immeubles multifamiliaux et -1,0% pour les commerciaux.

Dans le secteur résidentiel collectif, peut-on s’attendre à une détente par rapport à 2023 ?

Les impulsions du côté de la construction neuve sont faibles, tandis que la population s’accroît. Une détente à court terme sur le marché locatif semble donc improbable. On observe d’ailleurs que le nombre de logements vacants baisse de façon continue depuis 2020. Leur taux est aujourd’hui trop faible, au niveau national, mais aussi dans la majorité des cantons, ce qui laisse présager une hausse continue des loyers. Pour les investisseurs, la forte demande et le faible risque de vacance démontrent la solidité et stabilité du marché immobilier résidentiel.

Quid du secteur de la propriété individuelle ?

Début 2023, les taux hypothécaire fixes à long terme se sont stabilisé et sont actuellement même légèrement en baisse. S’ils restent élevés par rapport à la situation de 2021, le pic a désormais été dépassé. Certes, la demande pour du logement en propriété a clairement diminué suite à la hausse des taux d’intérêt, mais il existe des facteurs positifs : la population s’accroît, les alternatives sur le secteur locatif se font rares, l’emploi est stable et le risque de chômage faible. Pour 2024, on s’attend à ce que les prix des appartements en PPE augmentent de 1,2% et ceux des maisons individuelles de 0,3%.

L’immobilier administratif et commercial verra-t-il la fin du tunnel ?

Le secteur des bureaux subit actuellement des influences contraires. D’une part, les créations d’emploi stimulent la demande : on estime qu’elles ont entraîné des besoins supplémentaires de 210’000 m2 d’espaces de bureaux. D’autre part, le recours de plus en plus fréquent au télétravail et au desk-sharing permet aux entreprises d’économiser de l’espace. De manière générale, la demande dans les meilleurs emplacements, notamment en centre-ville, reste élevée, tandis que les emplacements périphériques souffrent davantage.

Compte tenu de ces évolutions, les fonds immobiliers restent-ils des placements sûrs ?

Si les sociétés anonymes immobilières ont renoué avec des performances positives en 2023, ce n’est pas le cas des fonds immobiliers, dont les rendements continuent d’être négatifs. Les agios ont toutefois beaucoup baissé dernièrement, et se situent en dessous de leur moyenne à long terme. Il est de plus en plus probable que les fonds immobiliers évoluent positivement à l’avenir, mais il n’est pas encore possible de déterminer le moment exact de ce redressement.

 

Corinne Dubois

Wüest Partner

Corinne Dubois a rejoint Wüest Partner en 2022 en tant qu’économiste senior. Elle mène pour le cabinet différentes recherches et contribue aux publications sur l’économie et les marchés immobiliers. Macroéconomiste de formation, Corinne est titulaire d’un doctorat ès Sciences de l’EPFL. Pendant près de dix ans, elle a également enseigné l’économie dans plusieurs universités suisses telles que l’EPFL et l’Université de Fribourg.