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  • Interview Caron Bastianpillai
  • Gestionnaire de portefeuille senior
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“Les hedge funds ont su se recentrer sur la gestion des risques et des liquidités”

Le 28 novembre, à Genève, au Mandarin, pour célébrer ses cinquante ans dans la gestion alternative, NS Partners présente un tour d’horizon complet de la classe d’actifs, revenue en grâce ces dernières années. Caron Bastianpillai en propose ici quelques explications.

Francesco Mandalà

Comment avez-vous vu évoluer le secteur de la gestion alternative ces dix dernières années? Comment s’est-elle réinventée aux lendemains de la crise des subprimes?

Suite à la crise des subprimes, l’environnement est devenu plus difficile pour les hedge funds dans la mesure où les taux d’intérêts à zéro ont supprimé la volatilité des marchés. C’est ce cycle qui a été qualifié de « Lost decade », courant de 2009 à 2018, où il était très difficile de shorter dans un marché ascendant en continu.

Aujourd’hui, l’environnement est redevenu beaucoup plus volatile. Au cours de ces quatre dernières années les marchés boursiers ont perdu plus de 100% en pertes mensuelles cumulées. Du coup, les hedge funds sont revenus sur les devants de la scène. De plus, l’augmentation des taux d’intérêts à la vitesse grand V depuis mars 2022 ainsi que l’augmentation des risques géopolitiques ont pris de court de nombreux acteurs de la gestion financière en rendant le contexte encore plus volatil, encore plus incertain.

Dans ces conditions, la gestion alternative s’en sort d’autant mieux qu’elle a su se recentrer sur la gestion des risques et des liquidités.

Quels sont devenus aujourd’hui les traits dominants de la gestion alternative?

Sa capacité de gestions de risque, qu’il s’agisse de marchés, de facteurs, de taux ou FX, s’est clairement accrue. La concurrence étant plus rude – on dénombre plus de fonds alternatifs que de filiales Burger King aux Etats Unis ! – les gérants doivent se montrer plus compétitifs et plus innovants.

Il est aussi plus difficile aujourd’hui de lancer un fonds alternatif en indépendant au vu du poids pris par les grands fonds du secteur. En revanche, les gérants plus limités en taille savent bien opérer dans des marchés niches qui ne peuvent pas absorber trop d’actifs et s’avèrent alors intéressants pour les plateformes qui dominent l’industrie.

Qui sont aujourd’hui les principaux animateurs de cette industrie?

Sur les cinq dernières années, l’essentiel de la croissance dans l’industrie des fonds alternatifs provient du modèle multi-gérants avec une progression de 150%. Ce modèle représente aujourd’hui 8% de la masse totale des fonds alternatifs – d’environ 4’000 milliards de dollars -24% de la work force et 27% de l’exposition US brute !

Son succès est dû principalement à la cohérence et à la consistance de ses performances pendant ces trente dernières années, malgré les crises financières, géopolitiques ou sanitaires.

En quoi l’environnement actuel vous semble-t-il porteur pour les gérants alternatifs?

Après une mauvaise année pour les portefeuilles balancés de type 60/40 – la pire depuis les années 30 – et trois saisons de pertes consécutives sur le 10-ans américain il y a de quoi remettre en question la gestion traditionnelle.

Le retour à la normale des taux d’intérêt offre un environnement plus propice à la gestion alternative. Les difficultés rencontrées par les entreprises, comme le refinancement à des taux beaucoup plus élevés et un environnement macroéconomique plus incertain sont plutôt propices aux stratégies macro.

La capacité de se positionner short afin de bénéficier de corrections de marchés de plus en plus fréquentes est clairement un avantage aujourd’hui. La cerise sur le gâteau étant le cash rémunéré au-delà de 5%. Il avantage les fonds alternatifs qui ont recours aux shorts ainsi que les fonds crédit ayant besoin de maintenir des marges de cash élevées.

Caron Bastianpillai

NS Partners

Caron Bastianpillai a rejoint NS Partners en 2008 où il supervise les stratégies Long/Short Equity. Après avoir commencé sa carrière en 1990 en tant que gestionnaire de produits actions chez Thomson Financial Services, il a rejoint le groupe Banco Santander en 1994, comme responsable de la recherche, de la due diligence et de la gestion de portefeuille dans le cadre de stratégies alternatives. En 2001, Caron est passé chez Optimal Investment Services, filiale à 100 % du groupe Banco Santander, où il est devenu responsable des investissements (CIO) en 2005, à la tête d’une équipe de recherche sur les stratégies global equity hedge.

Caron est titulaire d’une licence en commerce international du Richmond College de Londres, d’un BBA en marketing de l’université de Houston et d’un MBA en gestion internationale de l’Université Européenne de Genève.