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« Les gérants se contentent d’utiliser leur PMS à 10-20% de ses capacités »

Les PMS Next Gen promettent des avancées majeures dans les années à venir, notamment grâce à l’IA. Cependant, selon Pierre Dupont, des changements plus profonds sont à prévoir dans la manière dont les gérants indépendants utilisent cet outil, qu’ils exploitent aujourd’hui bien en deçà de son potentiel.

Par Jérôme Sicard

En quoi les PMS de demain vont-ils radicalement changer par rapport à ce qu’ils proposent aujourd’hui ?

Je ne crois pas à un changement radical, mais plutôt à une évolution mesurée. Après bientôt deux ans d’existence, la LSFin a généré plus de coûts que de revenus supplémentaires pour les gérants indépendants. La gestion de ces coûts devient pour eux une priorité et, dans ce contexte, il va leur permettre d’assumer plus facilement un nombre grandissant de tâches et de besoins.

De mon point de vue, le PMS devra couvrir 90% des besoins des gérants. Le changement radical, ce sera plutôt dans la façon dont ils exploitent leur PMS. Aujourd’hui, ils sont souvent loin d’en utiliser la profondeur fonctionnelle.

Qu’est-ce que les gérants pourront faire demain avec un PMS qu’ils ne peuvent pas faire aujourd’hui?

En fait, ils pourraient déjà s’en servir beaucoup plus aujourd’hui. Très souvent, ils se contentent de l’utiliser comme un iPhone, à 10-20% de ses capacités maximales. Les gérants assument encore beaucoup de tâches manuellement, alors qu’ils devraient les déléguer au PMS. Je prends un exemple. Je gère un compte à l’étranger dans une banque qui n’est pas la filiale d’une banque suisse, et je dois facturer le timbre. Aujourd’hui, les gérants le calculent manuellement alors que le PMS s’en charge automatiquement. Des exemples de ce genre, j’en ai malheureusement plein d’autres…

J’insiste également sur cette règle des 90-10. Il est crucial aujourd’hui pour les éditeurs PMS de se positionner en sachant définir ce qui est leur cœur de métier. Ce qui ne l’est pas, les clients devront l’intégrer dans leur PMS de la manière la plus fluide possible sous forme d’API.

Quel type d’APIs les gérants indépendants peuvent-ils – ou doivent-ils – justement être amenés à utiliser pour optimiser leur gestion de portefeuille ?

Les API concernent toutes sortes de données, entrantes et sortantes. La qualité de la donnée entrante va énormément s’améliorer. En guise de rappel, sur nos cinquante collaborateurs, nous en avons dix qui travaillent à plein temps sur la réconciliation des données reçues des banques. Etonnamment, c’est encore une réalité en 2024. Dans les APIs qui portent sur les données entrantes, nous allons voir également d’énormes progrès grâce à l’IA sur certains actifs listés et non listés, aujourd’hui encore traités manuellement.

Mais pour moi, les évolutions majeures des APIs seront liées aux données sortantes. La LSFin oblige désormais les gérants à effectuer des pre trade checks, en rentrant leurs ordres dans le PMS pour différents contrôles avant exécution. Or, je doute que le gérant ait envie de rentrer ses ordres une seconde fois dans une autre plateforme.

Enfin, le PMS de demain devra être en mesure d’organiser et de distribuer les données Customer Lifecycle Management. Il faudra qu’il adresse aux banques dans un nombre d’itérations le plus petit possible, les informations nécessaires aux efforts de due diligence sur tout type de compte. Ce sera une nouvelle dimension fondamentale dans les PMS de la prochaine génération.

Comment les PMS doivent-ils être repensés, reconfigurés pour intégrer ces APIs ?

On revient à la question initiale. Le PMS de demain aura forcément une approche all-in pour couvrir 90% des besoins des gérants. Il aura aussi une approche en architecture ouverte pour intégrer toutes les API imaginables qui assureront les 10% restants, comme par exemple des systèmes spécifiques de reporting ou de stress tests.

Sans API, un PMS va vite devenir obsolète car, au final, la vocation d’un PMS est de couvrir 100% des besoins du gérant, d’une manière ou d’une autre, avec beaucoup de flexibilité pour tout ce qui n’est pas propre au cœur de métier du PMS. Les logiciels de name checking illustrent parfaitement ce point. Il n’y a aucun intérêt pour un éditeur PMS à développer ce type d’application alors qu’il est tellement plus facile de se tourner vers des fintechs spécialisées.

Quelle place va prendre l’IA dans les PMS NextGen ?

Elle va d’abord permettre d’optimiser la qualité de la donnée, principalement entrante, de la part des banques dépositaires. Sur un plan plus général, l’IA va venir enrichir un ensemble de données entrantes et sortantes qui, au bout du compte, diminuera le travail manuel associé à la réconciliation de données.

L’IA pourra aussi jouer un rôle très important dans le narratif qui accompagnera le reporting, selon les évènements macroéconomiques qui se sont déroulés lors de la période d’investigation.

Et demain, grâce à l’IA, il sera possible de parler à son PMS comme on parle aujourd’hui à Siri avec son iPhone…

Pierre Dupont

WIZE by Teamwork

Pierre est managing partner chez Wize by TeamWork, une solution « all-in-one » axée Wealth & Asset Management. Son expertise porte autant sur les plateformes IT que sur les opérations bancaires. Avant de rejoindre Wize, il a en effet dirigé le développement commercial des services de Global Custody et Reporting de la banque Lombard Odier et il a occupé pendant 10 ans les fonctions de Private Banking Client Executive chez IBM Genève. Son rôle tout au long de sa carrière a été de comprendre les difficultés opérationnelles des clients, de les traduire aux experts capables de les résoudre et de définir le bon niveau d’attentes des deux côtés.

 

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