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  • Maurizio Caputo
  • CEO
  • Bridport

«La dette émergente profite aujourd’hui de ses excellents fondamentaux»

Après avoir énormément souffert en 2022, la dette émergente a retrouvé de l’aplomb cette année. Les investisseurs internationaux redécouvrent ses solides fondamentaux et sa capacité à générer de l’alpha.

Francesco Mandalà

La dette des pays émergents est souvent sous-pondérée dans les portefeuilles, mais elle représente aujourd’hui une part de marché importante en forte croissance au cours des dernières deux décennies. Injustement, elle est toujours considérée comme un pilier tactique plutôt que stratégique. Or, cette classe d’actifs pourrait à nouveau attirer l’attention des investisseurs internationaux à l’avenir.

Extrêmement hétérogène, la dette EM comprend des pays avec des notations de crédit élevées – comme les pays du Moyen-Orient – et d’autres où le risque de crédit reste très élevé. Il en va ainsi de l’Argentine, de la Turquie et de l’Afrique Subsaharienne. Une gestion active est donc essentielle pour gérer risque de crédit et génération d’alpha.

 Sur le marché de la dette EM, trois principaux domaines d’investissement captent la majorité de l’intérêt des investisseurs mondiaux : le marché de la dette souveraine en monnaie forte, le marché de la dette souveraine en monnaie locale et le marché de la dette d’entreprise en monnaie forte.

 Plusieurs éléments lui valent cet intérêt de plus en plus marqué.

 Tout d’abord, les risques d’inflation accrus et des gouvernements plus « dépensiers » ont poussé les rendements obligataires des marchés développés à la hausse, réduisant ainsi l’écart avec leurs homologues EM. Au cours des deux dernières années, la volatilité des rendements des obligations d’État à 10 ans a généralement été beaucoup plus élevée dans les pays développés que dans les marchés émergents. Cela est principalement dû à deux raisons : l’inflation a été un problème plus aigu dans les pays développés, tout comme la détérioration des déficits et des dettes publics. Au contraire, la plupart des marchés émergents a, en règle générale, adopté des politiques plus rigoureuses dans un passé récent.

Au cours des deux dernières décennies, nous avons généralement assisté à une amélioration progressive de la solvabilité moyenne des pays compris dans les indices de référence EM. Les notations de crédit ont généralement convergé vers la catégorie « investissement », notamment tirées par le Moyen-Orient.

L’explication tient à différents facteurs. Le cadre institutionnel a évolué vers les normes adoptées dans les pays développés. La plupart des pays émergents plus avancés ont accru l’indépendance de leurs banques centrales et sont passés à des régimes de ciblage de l’inflation. Les mauvais élèves – Argentine et Turquie- ont payé un lourd tribut pour ces lacunes. Pour les bons élèves, le cadre légal est devenu plus stable et fiable, les régimes de change sont devenus plus libéraux, entraînant une plus grande stabilité des flux de capitaux étrangers.

Autre fait appréciable : de nombreuses banques centrales des pays émergents ont adopté des politiques monétaires proactives en les resserrant plus rapidement et plus énergiquement en 2021-22 par rapport à celles des pays développés. Elles sont désormais en mesure de commencer à réduire leurs taux d’intérêt. C’est plus particulièrement le cas en Amérique Latine, comme au Brésil, où la BCB a déjà commencé à réduire ses taux.

Les autres arguments clés qui plaident en faveur de ces économies sont leur richesse en matières premières – Chili, Pérou et Chine- une dynamique économique plus vigoureuse et une grande disponibilité de main d’œuvre grâce à leur population active jeune, notamment en Inde. Beaucoup de ces économies possèdent non seulement des matières premières traditionnelles, mais abritent également des terres rares et d’autres intrants clés pour les produits technologiques et la « révolution verte ». Ces ressources leur permettront d’accroître leur importance géopolitique, d’attirer des investissements étrangers et d’augmenter leur potentiel économique à long terme.

En termes de valorisations, la dette EM, notamment en monnaies locales, offre désormais un cadre rarement vu au cours des dernières décennies. Après avoir subi l’une des plus importantes corrections depuis plusieurs années en 2022, elle offre désormais des rendements réels historiquement élevés, de la diversification (faible corrélation avec actions et obligations US), tout en donnant accès à des devises très sous-évaluées. Dans un portefeuille largement diversifié, la dette émergente, surtout locale, pourrait donc être très attractive.

 

Maurizio Caputo

bridport & co

Senior managing partner de bridport, Maurizio Caputo en est également le Chief Executive Officer depuis janvier 2019. Fondée voilà maintenant 30 ans à Genève, bridport propose à ses clients un accompagnement dans l’univers du fixed income avec une gamme qui s’étend de la sélection individuelle d’obligations à l’analyse complète d’un portefeuille obligataire, en passant par le conseil en investissement. Avant d’en être nommé CEO, Maurizio a occupé pendant dix ans les fonctions de Chief financial officer de bridport. Diplômé de HEC Lausanne, il a débuté sa carrière chez PricewaterhouseCoopers au sein de la ligne métier Financial services. Ancien auditeur agréé Finma, Maurizio Caputo est membre de l’AICPA.