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Solutions Investissements

  • Dramane Meite
  • Responsable Produits
  • Hashdex

Smart contracts: l’infrastructure pour un avenir décentralisé

Avec les « smart contracts » que la blockchain a rendu possibles, le web est en pleine évolution. Sous le label Web3, comme l’explique Dramane Meite, il ouvre de nouvelles opportunités dans des domaines tels que les plateformes de type Ethereum, les places de marché, les jeux « play-to-earn » et quelques autres concepts 100% décentralisés.

Francesco Mandalà

Le potentiel des crypto-actifs va bien au-delà des simples paiements. La technologie blockchain a permis de créer une large gamme d’applications qui suppriment le besoin d’intermédiaires grâce à des réseaux décentralisés soutenus par des actifs numériques.

Les “smart contracts”, des accords auto-exécutables qui automatisent les transactions et éliminent les intermédiaires, sont l’une des utilisations les plus marquantes de la blockchain. Ils sont employés pour des transactions financières ou juridiques, pour le paiement direct d’artistes, ainsi que pour de nombreux autres cas. Des entreprises comme Starbucks, Nike et JPMorgan les utilisent pour offrir à leurs clients de nouveaux services nouveaux, plus efficaces.

Basés sur la transparence et l’efficacité, les smart contracts favorisent aussi l’adoption des produits et services du Web3. Comment définir alors le Web3 et pourquoi les investisseurs devraient-ils s’y intéresser ?

Les trois phases de l’internet

Internet a connu une transformation spectaculaire depuis sa création. A ses débuts – le Web1 – il était une vaste bibliothèque d’informations, facilement accessible mais avec une interaction limitée. Le Web2 – l’ère actuelle – a entraîné une révolution sociale, permettant aux utilisateurs de se connecter, créer et partager du contenu sur des plateformes comme Facebook et YouTube. Cependant, ces plateformes ont la main mise sur le data de même que sur le contenu généré, soulevant des préoccupations liées à la vie privée et la propriété.

Le Web3, porté entre autres par les smart contracts, s’accompagne d’un changement de paradigme où les individus sont les seuls propriétaires de leurs données, contrôlent leurs actifs numériques et interagissent directement les uns avec les autres sans dépendre d’autorités centrales.

Grâce aux marchés décentralisés, le Web3 offre de nombreux avantages. Il permet à ses utilisateurs de posséder et d’échanger des œuvres d’art numériques via des NFT. Le modèle de jeu « play-to-earn » leur permet aussi de gagner des récompenses quand ils jouent, et les primes obtenues deviennent des actifs échangeables. Enfin, les plateformes de création de contenu décentralisées donnent aux créateurs le contrôle sur leur travail et un accès direct à leur audience.

Voici quelques exemples les plus marquants développés autour de ces smart contracts

Plateformes de contrats intelligents

Ethereum

La plateforme la plus établie, connue pour son écosystème de développeurs robuste et sa sécurité.

Solana

Une alternative rapide et à faible coût à Ethereum, gagnant en traction pour sa scalabilité.

NFT Marketplaces

OpenSea

Le plus grand et le plus populaire des marketplaces pour acheter et vendre des NFTs dans diverses catégories.

Rarible

Marketplace NFT décentralisé avec un accent sur l’autonomisation des créateurs et la gouvernance communautaire.

Jeux Play-to-Earn

Axie Infinity

Un pionnier dans l’espace play-to-earn, où les joueurs élèvent et combattent des créatures pour gagner des récompenses.

Decentraland

Jeu de métavers où les joueurs possèdent des parcelles de terrain virtuel et peuvent créer des expériences ou monétiser leurs créations.

Finance décentralisée (DeFi)

Uniswap

Le principal échange décentralisé (DEX), permettant le trading pair-à-pair de cryptoactifs sans intermédiaires.

Aave

Plateforme de prêt DeFi où les utilisateurs peuvent emprunter et prêter des cryptoactifs, gagnant des intérêts sur leurs avoirs.

Risques et opportunités

Le potentiel du marché pour les applications Web3 est immense. Pour les investisseurs, le champ des possibles est tout aussi étendu, mais il comporte aussi des risques. Les vulnérabilités des contrats intelligents et les problèmes opérationnels de la blockchain peuvent entraîner des pertes financières. Parfois, le pouvoir de décision pour certains nouveaux projets est concentré, avec des droits de vote distribués de manière inégale. De plus, les cadres réglementaires pour le Web3 sont en cours d’évolution, créant une certaine incertitude pour les entreprises et les investisseurs.

L’avenir du Web3 n’en reste pas moins prometteur. Ethereum est actuellement la principale plateforme de contrats intelligents, mais des solutions concurrentes comme Solana émergent. De nouvelles solutions construites sur ces réseaux, appelées « Layer-2 », aident à la scalabilité de ces réseaux et réduisent les frais et autres coûts ayant créé des obstacles à l’adoption.

À mesure que cette industrie évolue, le Web3 offre une opportunité massive de remodeler internet et de redéfinir la propriété à l’ère numérique. Les plateformes de contrats intelligents et leurs applications continueront de perturber les industries traditionnelles et de libérer toute la capacité d’un internet véritablement décentralisé.

Dramane Meite

Hashdex

Dramane Meite est responsable des nouveaux produits chez Hashdex, avec plus de 10 ans d’expérience dans les marchés financiers, la gestion d’actifs et la fintech. En poste auparavant chez Pimco, il a piloté les initiatives stratégiques et l’innovation en tant que Business Manager au bureau exécutif, puis en tant que stratège produit dans le groupe Solutions Client et Analytics. Il a également travaillé dans la vente, le trading et la trésorerie à la Standard Chartered Bank et à la Société Financière Internationale. Dramane Meite détient un MBA de l’Université Stanford, ainsi qu’une maîtrise en statistiques et économie. Il est titulaire du CFA.

Modération

Sustainable Solutions Week

  • Marc Lemaire
  • Chief Executive Officer
  • Citadel Finance

« Pas vraiment de demande pour une gestion globale entièrement tournée sur l’ESG »

Chez Citadel Finance, comme chez beaucoup de gestionnaires de fortune, les investissements durables ne représentent encore qu’une moindre proportion dans les portefeuilles. La demande se précise, mais elle se heurte encore à une certaine inertie. Marc Lemaire en livre ici quelques explications.

 

Francesco Mandalà

Quels sont les attentes de vos clients en matière d’investissements durables ?

Elles sont relativement limitées. Jusqu’aujourd’hui, nous n’avons été que très peu sollicités sur ces questions. Elles ne semblent pas préoccuper nos clients outre mesure. Ils sont plus sensibles aux meilleures performances qu’il est possible d’obtenir avec leurs portefeuilles. Alors oui, nous avons quelques clients qui souhaitent exclure certaines valeurs, mais nous n’avons pas vraiment de demande pour une gestion globale entièrement tournée sur l’environnemental, le social et la gouvernance.

Quelles proportions représentent les investissements durables dans les portefeuilles que vous gérez ?

C’est difficile à mesurer précisément, mais je ne pense pas que nous allions au-delà des 10%. Attention, nous ne sommes bien évidemment pas hermétiques aux investissements durables. Deux des fonds appartenant à la gamme que propose Trillium, notre filiale asset management, l’un investi en actions et l’autre en obligations, répondent d’ailleurs à l’article 8 de la SFDR. Mais la prise de conscience n’est peut-être pas aussi profonde que certains le laissent penser.

Comment expliquez-vous ce décalage ?

Il y a d’abord des perspectives qui divergent entre les générations. Les plus seniors n’ont pas grandi avec cette conscience aigüe de l’environnement et de la gouvernance. Il faut tenir compte de ce décalage. Chez les seniors, nous sentons également une certaine crispation par rapport au matraquage ou à la surabondance d’informations qui accompagne la thématique ESG. Le retour de nos clients est que le discours servi tourne parfois à la culpabilisation.

Voyez-vous un changement d’attitude dans le comportement des nouvelles générations parmi vos clients ?

Oui, c’est clairement un sujet que nous abordons davantage avec les nouvelles générations, quel que soit leur profil. Les uns héritent de leurs parents, les autres se sont construits comme entrepreneurs, mais dans la plupart des cas, ils considèrent que leur engagement ESG doit se manifester dans leur manière de vivre et de diriger leurs affaires plutôt que dans leurs placements financiers

Avec nos clients, nous sommes encore loin de la dimension prise par l’ESG chez les investisseurs institutionnels qui ont remodelé la structure de leurs portefeuilles, ou chez certains gestionnaires d’actifs qui ont complètement repensé leur offre. Ils sont un peu en avance car il me semble que cette tendance de long terme n’a pas encore trouvé chez les investisseurs privés autant de résonnance. Il faut en effet noter que les critères d’évaluation sont parfois discutables. A titre d’exemple, une compagnie pétrolière qui investit beaucoup dans les énergies renouvelables doit-elle être exclue d’un portefeuille ou pas ?

Dans tous les produits estampillés ESG que vous voyez circuler, lesquels vous semblent plus particulièrement intéressants ?

Je regarde par exemple les ratings ESG que propose une plateforme en ligne sur plusieurs milliers d’entreprises, à partir des évaluations que lui transmettent ses membres. Je trouve ce modèle participatif très original, avec des infos et des données qui remontent du terrain, plutôt que des rapports ESG de prestataires parfois influencées par le greenwashing des compagnies qu’ils évaluent.

Pour s’en tenir aux produits, je trouve par exemple intéressante l’offre d’un de nos confrères qui propose un fonds exclusivement investi dans de l’or physique traçable et bénéficiant de labels de production éthiques. A mon sens, c’est le genre de produits qui peut avoir un réel impact sur le respect des droits humains et sur l’environnement, même si l’investisseur doit accepter de payer une prime raisonnable.

Marc Lemaire

Citadel Finance

Marc Lemaire est le directeur général de Citadel Finance depuis 2014. Il a rejoint en 2010 la société de gestion créée par Anne de Boccard. Gestionnaire de formation, Marc Lemaire a entamé son parcours professionnel au Credit Suisse, d’abord à Genève, puis au bureau d’Istanbul qu’il a lancé en 1998. En 2001, il a choisi de poursuivre sa carrière au sein de HSBC Private Bank pour se consacrer essentiellement à la clientèle turque.

 

Greenwashing

Sustainable Solutions Week

  • Céline Kohler
  • Avocate UE, Commission du barreau de Genève
  • Kohler Gotzev

« Green Mirage » : gérer les risques pour les professionnels de la finance en Suisse

Attention au mirage vert, prévient Céline Kohler. Avec le volume qu’ils prennent, les  investissements durables s’accompagnent aussi à la marge de risques accrus de greenwashing, un procédé abusif que les gestionnaires de fortune doivent forcément prendre en compte dans leurs grilles d’allocation.

 

Francesco Mandalà

Le secteur financier mondial s’oriente de plus en plus vers la durabilité, sous l’effet d’une sensibilisation accrue à l’environnement et de la demande d’investissements verts de la part des investisseurs. Une étude réalisée par Swiss Sustainable Finance (SSF) met en évidence cette tendance, en révélant que les investissements durables en Suisse ont augmenté de 31 % l’année dernière, atteignant 1,52 trillion de francs suisses. Cependant, cette croissance a conduit au phénomène du « mirage vert » – la surestimation des investissements respectueux de l’environnement, qui se traduit par un blanchiment écologique. Pour les intermédiaires financiers suisses, la gestion de ces risques est cruciale pour maintenir la confiance et la conformité dans un paysage réglementaire en constante évolution.

Le paysage financier suisse

La Suisse s’est engagée progressivement en faveur de la finance durable, s’alignant sur les initiatives mondiales visant à promouvoir les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) en étoffant son cadre législatif applicable aux grandes entreprises mais aussi pour le climat, l’innovation et le renforcement de la Sécurité énergétique. Les intermédiaires financiers suisses sont réglementés par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) et la Loi suisse sur les services financiers (LSFin), ce qui garantit la protection des investisseurs. Toutefois, une grande partie de la réglementation sur la transparence durable est encore soumise à l’autorégulation du secteur.

Malgré ces efforts, le secteur croissant de la finance verte en Suisse est confronté à des risques accrus d’écoblanchiment et il est légitime de se demander si les mesures réglementaires actuelles protègent suffisamment les intermédiaires financiers des dangers des produits écologiques faussement commercialisés, ce qui pourrait compromettre la confiance et le respect des règles. Le renforcement des cadres réglementaires et des efforts de conformité est essentiel pour atténuer ces risques et garantir la transparence et la responsabilité des acteurs de la finance durable.

Comprendre l’écoblanchiment

L’écoblanchiment consiste à faire des déclarations trompeuses sur les avantages environnementaux d’un produit financier, d’un service ou d’un investissement financier, créant ainsi un « mirage vert » qui trompe les investisseurs. Les tactiques les plus courantes sont les déclarations vagues sur le développement durable, la divulgation sélective et les initiatives superficielles. Les appellations trompeuses telles que « vert » ou « fonds d’impact » peuvent donner lieu à des enquêtes réglementaires et à des poursuites judiciaires, ce qui souligne la nécessité de faire preuve de vigilance et de diligence raisonnable.

Risques juridiques et responsabilités

Pour les intermédiaires financiers en Suisse, et outre le risque réputationnel, l’écoblanchiment pose des risques juridiques importants. En vertu du droit suisse, le fait d’induire les investisseurs en erreur par de fausses déclarations sur le développement durable peut entraîner des sanctions sévères, notamment des amendes et des atteintes à la réputation. L’article 69 de la loi suisse sur les services financiers (LSFin) interdit explicitement les déclarations trompeuses et fausses, et l’article 90 décrit les sanctions pour de telles violations, qui peuvent inclure des amendes et d’autres pénalités.

En outre, la circulaire 05/2021 de la FINMA fournit des lignes directrices détaillées sur les attentes et les exigences en matière de transparence et d’exactitude dans les déclarations de durabilité. Elle souligne la nécessité pour les intermédiaires financiers de fournir des informations claires et véridiques sur les aspects de durabilité de leurs produits et services. La pression exercée sur la Suisse va probablement s’accroître, avec l’adoption par l’UE de la directive sur le devoir de diligence des entreprises en matière de développement durable (DDDDC) et la future directive européenne sur les allégations écologiques (EGCD). Ces directives visent à améliorer la transparence et la responsabilité des déclarations de durabilité dans l’UE et, bien que la Suisse ne soit pas membre de l’UE, ces réglementations influencent les intermédiaires financiers suisses qui opèrent sur le marché de l’UE ou qui traitent avec des clients basés dans l’UE.

Stratégies d’atténuation des risques

Pour éviter les risques associés au mirage vert, les intermédiaires financiers disposent de plusieurs options pour s’aligner aux meilleures pratiques :

– Faire preuve de diligence raisonnable pour tous les investissements verts, y compris en procédant à des évaluations indépendantes de la durabilité.

– Maintenir la transparence avec les clients en fournissant des informations claires et précises sur l’impact environnemental des investissements.

– Sensibiliser et former régulièrement le personnel à la finance durable et aux tactiques d’écoblanchiment.

– Utiliser des services de vérification tiers pour authentifier les déclarations de durabilité.

– Contrôler en permanence les investissements pour s’assurer qu’ils respectent les objectifs de durabilité énoncés et remédier aux écarts.

Conclusion

Pour maintenir et protéger la réputation de la place financière suisse, il est crucial de renforcer la réglementation et d’atténuer les risques d’écoblanchiment en donnant la priorité à la transparence et à l’intégrité des données. Malgré les progrès en finance durable, les risques accrus d’écoblanchiment exigent des efforts constants en matière de conformité. En s’engageant dans une diligence raisonnable, une transparence totale et une formation continue, les intermédiaires financiers suisses peuvent renforcer la confiance des investisseurs et la crédibilité du secteur financier tout en s’adaptant à un paysage réglementaire en constante évolution

Céline Kohler

Kohler Gotzev

Céline Kohler est la fondatrice du cabinet d’avocats Kohler Gotzev, présent au Luxembourg et à Genève. Elle conseille les fonds d’investissement, les sociétés de gestion et les professionnels de la MIFID2/LSFin sur des questions juridiques, réglementaires et de conformité impliquant des aspects transfrontaliers. Elle est également active dans l’éducation et la formation professionnelle liées à la finance durable à Genève et au Luxembourg. Céline Kohler est titulaire d’une maîtrise en droit international de l’Université de Paris 1 – Panthéon Sorbonne et d’un LL.M. en droit de l’Union européenne de l’Université de Lausanne. Elle est inscrite au Barreau du Luxembourg et au Barreau de Genève.

 

Actions suisses

Solutions Investissements

  • Interview Daniel Steck
  • Senior portfolio manager
  • Banque Piguet Galland

« ON tient fermement tête aux stars du secteur, Nike ou Adidas »

En Suisse, la récente baisse des taux de la BNS ouvre des perspectives plus engageantes pour le segment des Small & Mid Caps, et surtout pour les valeurs les mieux orientées à l’export. Elles sont d’ailleurs nombreuses, comme le rappelle Daniel Steck, qui cite ON Holding en exemple.

Francesco Mandalà

Où en sont les valorisations des Small & Mid Caps suisses ?

Aujourd’hui, elles sont particulièrement attractives, notamment si on les compare au reste de la cote. Historiquement, en Suisse, les Small Caps se sont traitées avec une prime de valorisation par rapport aux Large Caps. Cette prime, qui s’élevait en moyenne à 30%, n’est que de 16% actuellement, alors que les perspectives de croissance pour ces sociétés sont en général supérieures à celles de leurs grandes sœurs. La remontée des taux d’intérêt, qui a considérablement durci les conditions de financement pour ces entreprises ainsi que la force persistante du franc suisse durant les derniers trimestres a passablement pesé sur leurs valorisations. Un retournement est toutefois en train de s’opérer, notamment après l’assouplissement de la politique monétaire de la BNS.

Que peuvent-elles justement espérer des récentes mesures prises par la BNS pour affaiblir le franc ?

Les petites et moyennes capitalisations sont les premières bénéficiaires de la récente décision de la BNS de couper ses taux directeurs. En effet, la force du franc suisse est particulièrement pénalisante pour ces entreprises. A l’inverse des grandes multinationales, présentes physiquement sur plusieurs continents, les petites sociétés génèrent une grande partie de leurs coûts en Suisse, alors qu’elles exportent la majorité de leurs biens et services à l’international. Il en résulte un impact négatif important sur leurs marges, auquel on doit rajouter une perte de compétitivité par rapport aux entreprises étrangères. La faiblesse actuelle du franc contre l’euro et le dollar est donc une excellente nouvelle pour ce segment de marché.

Dans ce segment Small & Mid, quelles valeurs se signalent le plus à l’export ?

En effet, malgré leur petite taille, de nombreuses entreprises suisses se distinguent à l’international. Elles bénéficient d’une image de marque reconnue dans le monde entier. Citons par exemple Lindt ou Logitech, qui ne génèrent qu’une partie infime de leurs revenus sur le sol helvétique. Le secteur de la santé compte également de nombreuses entreprises résolument tournées vers l’international, à l’image de Straumann, Bachem, Ypsomed ou encore Tecan.

Quelles sont les entreprises qui vous fascinent le plus parmi ces Small & Mid Caps ?

ON Holding, un véritable David qui se bat contre plusieurs Goliaths. C’est une success story remarquable dans le secteur de la chaussure de sport. Avec une capitalisation d’à peine 12 milliards de dollars, la société introduite en bourse en 2021, tient fermement tête aux stars du secteur, Nike ou Adidas. D’un point de vue de ses fondamentaux, ON Holding n’a rien à envier aux leaders du marché, puisque l’entreprises affiche déjà une profitabilité nettement supérieure à celle de ses concurrents et ce grâce à un positionnement résolument tourné vers le haut de gamme. ON a su se différencier sur un marché de la chaussure de sport morose et capitaliser sur l’image d’une figure reconnue, celle de Roger Federer. Signe clair de ses ambitions, ON Holding a choisi New York pour effectuer son entrée en bourse il y a trois ans.

Certaines de ces Small & Mid Caps sont-elles taillées pour entrer un jour au SMI ?

Il y a fort à parier que la prochaine entreprise à intégrer l’indice SMI soit une fois encore une société active dans le domaine de la santé. La première candidate est bien sur Straumann, première capitalisation de l’indice SPI Extra, qui inclut les valeurs du SPI à l’exception de celles du SMI. Cependant, une nouvelle venue pourrait lui griller la priorité. Sandoz, leader mondial des médicaments génériques, qui a effectué son IPO il y a moins d’un an, semble très bien positionnée pour prétendre à une place parmi les vingt stars de la bourse helvétique.

Daniel Steck

Piguet Galland

Daniel Steck cumule près de 25 années d’expérience dans le domaine de la finance. Après une première expérience dans l’analyse financière chez Lombard Odier, notamment sur le secteur de la santé, il a continué sa carrière chez Reyl & Cie, comme analyste et gérant de portefeuille. Il a rejoint Piguet Galland en 2018 comme gestionnaire senior pour prendre en charge de la gestion des différents fonds actions et certificats thématiques sur la Suisse et l’Amérique du Nord.

Piétinement

Solutions Investissements

  • Interview Pierre Mouton
  • Responsable des stratégies long only
  • NS Partners

«L’Europe n’a pas su se fondre dans l’extraordinaire écosystème qui s’est créé autour du smartphone»

Depuis 2007, l’Eurostoxx50 a progressé d’à peine 10%. Le S&P500, de son côté, a plus que triplé. Les actions européennes se traînent, pour plusieurs raisons que Pierre Mouton passe ici en revue. A commencer par l’absence de grands leaders dans la tech.

 

Francesco Mandalà

Depuis le lancement de l’euro en 2002, les valeurs européennes ont systématiquement sous-performé les grands indices mondiaux, y compris le SMI. Quelles raisons justifient cette mise en retrait ?

En réalité, les actions européennes se sont plutôt bien comportées, jusqu’à l’éclatement de la crise des subprimes. Les performances des financières étaient particulièrement bonnes. C’est l’époque où les banques européennes ont atteint leur plus haut historique. En avril 2007, l’action UBS avait dépassé les 70 francs !

En revanche, depuis 2008, l’écart de performance se dessine clairement. Par rapport aux marchés nord-américains, les plus faciles à comparer en termes de de population, de développement ou d’investissements institutionnels, les marchés européens souffrent beaucoup.

Alors comment l’expliquez-vous ?

L’absence de grands leaders dans le secteur de la technologie, en dehors d’ASML et de ses 350 milliards de capitalisation, pénalise énormément l’Europe. Il faut s’intéresser ensuite à la répartition sectorielle de ses marchés. Ils sont dominés par les financières, l’énergie, et les utilities. Sans vouloir sombrer dans l’ultralibéralisme primaire, ce sont quand même des secteurs relativement soumis au bon vouloir des états et de leur gouvernement.

Dans quel sens ?

Les banques en sont pour moi la parfaire illustration. Aux Etats-Unis, depuis la crise financière, elles ont opéré un redressement exemplaire. A l’inverse, en Europe, elles se traînent. Elles restent très loin de leurs niveaux de 2007 car elles doivent d’abord obéir à des considérations politiques. Le régulateur a la main mise sur le système bancaire européen. Les règles prudentielles mises en place ont bien évidemment du sens mais elles sont beaucoup plus favorables aux porteurs d’obligations qu’aux porteurs d’actions. Autre frein, il y a un protectionnisme latent qui règne en Europe où chaque pays veille jalousement à préserver ses banques nationales, plutôt que de laisser une saine concurrence se développer avec la création de grands groupes à l’échelle continentale.

Quels facteurs ont bien pu empêcher l’Europe de produire elle-même ses propres Magnificent Seven ?

Elle n’a malheureusement pas su se fondre dans l’extraordinaire écosystème qui s’est créé autour du smartphone, après l’apparition du iPhone d’Apple en 2007. Cet écosystème a rassemblé aussi bien des fabricants de semi-conducteurs que des opérateurs de data centers, des éditeurs de logiciels ou encore des plateformes de services. Il a pris encore plus de volume ces dix dernières années avec l’essor de la digitalisation, que la percée de l’intelligence artificielle va encore amplifier. Dans cet univers, l’Europe n’a réussi à se positionner nulle part.

Je crois aussi que les Etats-Unis ont un autre rapport au capital, à sa dynamique et à son emploi. A l’image des compagnies pétrolières, les entreprises américaines n’hésitent pas à sortir de leur bilan tout ce qui consomme du capital sans contribuer aux activités stratégiques. Or, en Europe, il se trouve encore beaucoup de sociétés qui préfèrent tout garder dans leur bilan sans trop se soucier des coûts d’opportunité.

Quels sont les déséquilibres structurels dont souffre éventuellement l’Europe ?

La fluidité des échanges commerciaux en Europe est encore loin d’être optimale. Ses États membres peuvent se montrer assez protectionnistes dans certains secteurs où il est nécessaire de protéger des champions nationaux, pas forcément armés pour concourir à l’international.

L’approvisionnement en énergie rend également l’Europe très vulnérable. Elle importe beaucoup et la facture est lourde, à la différence des Etats-Unis qui profitent depuis maintenant vingt ans de l’exploitation des hydrocarbures de schiste. Depuis 2010, leur production de pétrole a plus que doublé et ils sont d’ailleurs aujourd’hui numéro un mondial. Du coup, les coûts énergétiques ont eu un impact marginal pour les entreprises américaines,

Quelles perspectives voyez-vous se dégager ces prochaines années pour les actions européennes, prises dans leur ensemble ?

Il est intéressant de noter aujourd’hui que la plus importante contribution sectorielle à la performance des marchés européens est due aux valeurs financières.  C’est souvent bon signe, d’autant que les banques européennes sont assez fortement capitalisées. Le régulateur s’en est assuré ! Le scénario idéal serait que les banques européennes aient la voie libre pour fusionner, comme Sergio Ermotti l’a souhaité et comme Emmanuel Macron l’a laissé envisager. L’Europe doit maintenant se construire ses champions européens.

Pierre Mouton

NS Partners

Pierre Mouton a rejoint NS Partners en 2003. Il dirige les stratégies Long Only du groupe et il est membre également du comité d’allocation d’actifs. Pierre a débuté sa carrière financière en 1993 chez AG2R La Mondiale, où il a successivement géré des portefeuilles monétaires, obligataires et actions, avant de rejoindre en 2000 Fiduciary Trust à Genève et d’entrer ensuite chez NS Partners comme gestionnaire de portefeuille. En 2004, il a co-fondé Messidor Finance, avant de revenir chez NS Partners en 2010. Pierre Mouton est titulaire d’une licence et d’un master en finance, actuariat et gestion de portefeuille de SKEMA Business School à Lille, France.