Tableau de bord

Solutions Investissement

  • Marouane Daho
  • Analyste-gérant
  • Iteram Capital

Q2 2023 – le baromètre des stratégies hedge funds

Le début d’année 2023 a valu aux gérants de hedge funds des conditions de marché relativement compliquées, après un exercice 2022 qui a remis au goût du jour les stratégies décorrélées. Tout d’abord, bon nombre de stratégies ont sous-performé en raison de leur positions short du fait d’une amélioration soudaine du sentiment des investisseurs. Ensuite, certains événements, notamment les faillites de banques régionales américaines depuis le mois de mars, ont provoqué une nouvelle vague de volatilité et d’incertitude sur certains marchés.

Les hedge funds se positionnent ainsi comme l’une des rares alternatives à pouvoir apporter des rendements décorrélés face aux incertitudes macroéconomiques croissantes. A moyen terme, l’évolution de l’inflation, des tensions dans le secteur bancaire et de la croissance économique mondiale pourraient recréer une pression baissière sur les actifs traditionnels.

 

Francesco Mandalà
P

RV Arbitrage/Multi-Strategy – Positif 

– Ces stratégies maintiennent une exposition directionnelle faible, ce qui leur permet d’être plus résistantes aux retournements de marchés.

-L’accroissement de la dispersion entre les actifs permet aux stratégies relative value d’identifier d’avantage d’opportunités.

-Néanmoins, la volatilité des actions a été étonnement faible en 2023 malgré un certain nombre d’événements macroéconomiques importants.

Commodities – Positif

-Des déséquilibres structurels entre l’offre et la demande continuent d’exister sur plusieurs marchés, permettant également de bénéficier de tendances pluriannuelles favorables soutenues par les initiatives environnementales d’acteurs publics et privées.

-Les prix des matières premières répondent avant tout à des facteurs fondamentaux ce qui offre des opportunités uniques à des spécialistes aguerris. Par ailleurs, leur corrélation aux marchés traditionnels reste plus faible.

-Les stratégies relative value devraient mieux se comporter, minimisant les renversements liés aux changements de perspectives économiques mondiales, surtout en Chine.

Global Macro – Positif

-Une évolution plus claire des politiques monétaires devrait apporter de nouvelles opportunités sur les marchés des taux et de devises.

-Les rotations de marchés successives depuis novembre 2022 ont été couteuses, notamment sur les positions short taux courts et long dollar.

-La divergence croissante de vues entre les marchés et les banques centrales crée un risque binaire à court terme.

Fixed Income/Credit Arbitrage – Neutre

-Une majorité de stratégies crédit reste directionnelle et éprouve des difficultés à naviguer dans des marchés volatils.

-Le risque accru de récession et des conditions financières plus restrictives pourraient mettre à l’épreuve les marchés obligataires à moyen terme. Les stratégies low-net semblent mieux équipés pour ce type d’environnement.

-Les opportunités en distressed devraient augmenter avec la hausse des taux de défaut, mais il encore tôt pour se positionner.

CTA/Managed Futures – Neutre

-Ces stratégies ont souffert de retournements rapides des marchés depuis le quatrième trimestre 2022, elles continuent d’être vulnérables à ce type d’instabilité.

-La normalisation des politiques monétaires pourrait apporter des opportunités lucratives pour les stratégies de trend following.

-Avec la hausse des taux d’intérêts, le carry sur l’excès de cash est susceptible de devenir une composante importante des rendements

Event Driven – Négatif

-Des taux plus élevés et un ralentissement économique mondial devraient réduire l’activité globale de financement (fusion-acquisition, émissions primaires, spin-off, IPO …).

-La hausse des risques réglementaires et géopolitiques constitue un réel obstacle pour les stratégies de merger arbitrage. Cependant, les primes de risque augmentent avec une volatilité plus élevée.

-Le bruit macroéconomique peut avoir une plus grande influence sur l’évolution des prix que les facteurs idiosyncratiques.

Equity Long/Short – Neutre

-Le bêta structurel de ces stratégies pourrait souffrir si les marchés actions venaient à corriger après la forte hausse de ce début d’année.

-Après une décennie de marchés haussiers, le constat est à une pénurie de véritables compétences de short selling parmi les gérants ELS.

-Les opportunités alpha sont toujours présentes, mais les prix des actions sont plus sensibles aux développements macroéconomiques.

-Une plus grande dispersion des résultats devrait améliorer les perspectives des stratégies à exposition nette faible /neutre.

Marouane Daho

Iteram Capital

Marouane est analyste/gérant chez Iteram Capital et membre du comité d’investissement. Ses principales responsabilités consistent en la recherche de gérants et la gestion de portefeuilles de hedge funds. Avant de rejoindre Iteram, il était en charge des hedge funds et des investissements sur les marchés privés au sein d’un single-family office à Genève. Il a débuté sa carrière chez Lyxor Asset Management à Paris en tant qu’analyste hedge funds. Marouane est diplômé de l’école de commerce NEOMA avec un MSc en finance.

Conjoncture

  • Solutions Investissement
  • Beat Thoma
  • Chief Investment Officer
  • Fisch Asset Management

Baisse inquiétante de la largeur du marché et de la liquidité

En raison d’une consommation très solide à l’échelle mondiale, du risque de reprise de l’inflation et d’une prochaine augmentation des dépenses publiques – après le relèvement du plafond de la dette US – il ne faut pas s’attendre à un revirement rapide de la politique monétaire.

 

Francesco Mandalà

Malgré le ralentissement de la conjoncture, les banques centrales sont contraintes de continuer à retirer des liquidités du système. De plus, une forte baisse de l’octroi de crédits en raison de la crise bancaire qui couve toujours aux États-Unis et de la fuite des dépôts bancaires qui en découle, réduit encore les liquidités. Par ailleurs, les conditions d’octroi de crédit (‘lending standards’) sont nettement plus strictes. En Europe aussi, l’octroi de crédits par les banques est en baisse. Les débiteurs dont la solvabilité est faible, en particulier, ressentent déjà des vents contraires croissants lors du refinancement de leurs dettes.

La faiblesse persistante des marchés immobiliers, tant aux États-Unis qu’en Europe, ainsi que la vente d’obligations d’État par les banques centrales (Fed, BCE) et le Trésor américain, estimée à plus de 900 milliards de dollars dans les mois à venir, renforcent en outre le retrait déjà significatif de liquidités sur les marchés financiers. Tous les facteurs de réduction de la liquidité mentionnés ont été partiellement compensés ces derniers mois par des facteurs spéciaux (liquidités d’urgence, réduction du ‘Treasury General Account’, création monétaire privée). Mais ces effets de compensation disparaissent désormais pour la plupart et il faut s’attendre à ce que l’influence de la politique monétaire restrictive se renforce à nouveau.

Il est en outre frappant de constater que sur les marchés boursiers américains, la largeur du marché diminue dans une mesure rarement observée dans l’histoire. Depuis la mi-mars, le marché élargi, mesuré par l’indice Russel 2000, fait nettement moins bien que le S&P 500. Les investisseurs n’ont plus rien gagné avec la grande majorité des actions depuis mars. Sur les 500 actions du S&P 500, seuls huit ( !) titres ont progressé (Apple, Tesla, Microsoft, Nvidia, Facebook/Meta, Amazon, Netflix et Google/Alphabet). En revanche, les investisseurs ont perdu de l’argent avec tous les autres. Il s’agit là d’un signal indirect d’une liquidité des marchés financiers qui s’écoule rapidement et qui devrait peser sur le moral des investisseurs dans un avenir proche.

Malgré les sommets atteints par certains indices, de nombreux investisseurs sont dans le rouge, même sur une base annuelle, et devraient donc être de plus en plus inquiets. La diminution de la largeur du marché peut être décrite de manière imagée comme une armée en pleine offensive, où seuls quelques généraux avancent encore, mais où les troupes se retirent déjà dans la direction opposée – une entreprise désespérée. Par conséquent, les fluctuations de la largeur du marché ont toujours été de bons signaux de timing à moyen terme. Elles sont l’expression d’une tension croissante entre les forces de hausse et la diminution des liquidités.

 

Beat Thoma

Fisch Asset Management 

Beat Thoma est Chief Investment Officer et, en tant que Head of the Investment Office, il est responsable de la création et de la mise en œuvre de la politique d’investissement. Avant de rejoindre Fisch Asset Management en 2000, il a travaillé pendant 14 ans pour UBS et Security Pacific Bank à Genève, où il était responsable du trading et de la vente d’obligations convertibles. En parallèle, il a publié deux livres, dont « Dynamische Prozesse in der Ökonomie und an den Finanzmärkten ».

Marchés émergents

Solutions Investissement

  • Gaëlle Boucher
  • Head of Research
  • bridport & cie

Le processus de mondialisation touche à sa fin

La réouverture du marché chinois et la baisse de l’inflation a permis aux pays émergents de retrouver des perspectives de croissance plus favorables. Et ce malgré les efforts de relocalisation menés par de nombreux pays développées aux lendemains de la crise du covid.

 

Francesco Mandalà

La pandémie et les tensions géopolitiques ont été lourdes de conséquence pour l’économie mondiale, exacerbant les pressions inflationnistes sur l’ensemble de la planète et poussant les grands argentiers mondiaux vers des hausses de taux inédites. Les pays émergents ont souffert de la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, ainsi que de la vigueur du dollar pour les exportateurs, conduisant leurs banques centrales à se montrer restrictives.

La crise, au-delà de ses méfaits économiques, n’a fait qu’accroitre les divergences entre les deux grandes puissances mondiales et révélé au grand jour les failles d’une dépendance des pays développés à certaines économies émergentes.

Des écarts de croissance en faveur des pays émergents

Selon les dernières prévisions du FMI, la croissance mondiale devrait ralentir cette année mais dans une moindre mesure dans les pays émergents. Cependant, les pressions sous-jacentes sur les prix se révélant tenaces, l’inflation pourrait résister et les principaux taux directeurs devraient rester élevés. Si les marchés émergents ont été soutenus par l’approche de la fin de la hausse des taux directeurs aux Etats-Unis et la réouverture de la Chine, un ralentissement économique mondial ainsi que le durcissement des conditions de crédit pourraient les impacter. A noter que les pays émergents ont été relativement protégés de l’impact de la crise des banques régionales américaines. Ayant tiré les leçons nécessaires des crises passées, les banques des marchés émergents ont fait preuve de résilience, compte tenu des progrès réalisés en matière de surveillance réglementaire

Tensions géopolitique et risque de fragmentation géoéconomique

Les pays émergents ont tiré profit d’une vague d’investissements directs étrangers. Mais ce processus de mondialisation touche à sa fin. Dans un contexte d’exacerbation des tensions géopolitiques, les pays développés se penchent de plus en plus sur des stratégies destinées à renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement en transférant la production à l’intérieur de leur pays ou dans des pays plus alignés d’un point de vue géopolitique. Les incitations aux entreprises qui relocalisent leur production dans des secteurs clés en sont un bel exemple : American Inflation Reduction Act, US CHIPS, Science Act, subventions vertes.

Selon le FMI, plusieurs pays émergents et pays en développement sont fortement vulnérables à la relocalisation des investissements directs étrangers au travers de pertes de production. Pour le cabinet McKinsey Global Institute, la relocalisation de certaines multinationales hors de Chine pourrait bénéficier à certaines économies émergentes comme l’Inde, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande, le Vietnam et l’Indonésie. Les économies appelées à en bénéficier sont celles qui proposent des normes de gouvernance élevées et un environnement commercial attractif, ou bien qui sont capables d’exporter les ressources essentielles à la transition énergétique.

La Chine comme moteur de croissance?

«La Chine était le moteur économique du monde, aujourd’hui le pays emprunte une toute nouvelle voie» a déclaré voilà peu Joerg Wuttke, un de ses grands spécialistes.  Après plusieurs décennies de croissance économique, de réformes et d’ouverture, la politique économique de la Chine sera moins tournée vers l’Occident et plus vers son marché intérieur – « la double circulation» – ainsi que le reste de l’Indo-pacifique au travers du Partenariat économique global régional. Sa politique étrangère sera plus conflictuelle, surtout avec les Etats Unis. Ces deux économies se disputent la place de première puissance dans de nombreux domaines : économie, diplomatie, technologie, idéologie. La Chine peut-elle en sortir gagnante ? Les Etats Unis restent son premier partenaire commercial. Son système de production s’est développé sur un modèle d’exportations que la seule consommation intérieure n’absorbera pas. Quels seront ses nouveaux partenaires ?

Des rendements attrayants mais pas à n’importe quel prix

Soutenus par des fondamentaux macroéconomiques plus solides, un environnement inflationniste plus favorable et la réouverture de la Chine, certains marchés émergents offrent ainsi des rendements intéressants aux investisseurs à la recherche de possibilités de diversification sur des pays ayant les meilleurs ratios (déficits, dette, réserves de change).

Les devises émergentes avec des taux d’intérêt réels positifs offrent des portages intéressants sur un horizon court. Autant privilégier les émetteurs « corporates » de qualité, BB et plus.

Croissance du PIB réel en Chine et indice de confiance des consommateurs.

Gaëlle Boucher
bridport & cie
Gaëlle Boucher dirige la recherche chez bridport depuis 2020. Elle a occupé auparavant différents postes de gérant obligataire chez CCBP, CCR Gestion, AXA et Pictet Asset Management. Elle a été également responsable du Fixed Income Advisory chez Lombard Odier. Gaëlle est titulaire d’un Master II en Finance de l’Université Paris-Dauphine, de la certification Wealth Management Advisor CWMA, du certificat du CFA Institute en investissement ESG et de deux Certificats Executive en Corporate Finance d’HEC Paris.