Fixed Income

Solutions Investissements

  • Ray Jian
  • Responsable Obligations émergentes
  • Amundi

En 2024, les marchés émergents montreront à nouveau leurs muscles 

En 2024, tant le cycle de croissance que le cycle de politique monétaire des banques centrales promettent de bonnes opportunités pour les fonds obligataires des marchés émergents. C’est ce qu’il ressort de l’analyse proposée par Ray Jian.

Francesco Mandalà

Commençons par un bref retour en arrière : Pour renforcer leur crédibilité, de nombreuses banques centrales de pays émergents ont devancé la Fed en 2021 et ont resserré leur politique monétaire à un stade précoce. Elles ont ainsi pu maintenir l’inflation sous contrôle. Aujourd’hui, l’inflation est stable dans de nombreux pays émergents, de sorte que de nombreuses obligations de pays émergents offrent des rendements réels élevés. En 2024, il existe toujours des banques centrales dans les pays émergents qui sont prêtes à entamer leur cycle de resserrement. Toutefois, personne ne souhaite aujourd’hui commencer avant la Réserve fédérale américaine. Si la Fed baisse ses taux dans les prochains mois, le cycle de baisse des taux devrait toutefois s’accélérer dans les pays émergents également. Dans cette mesure, le plus grand risque pour les investisseurs n’est pas un éventuel atterrissage brutal, mais une accélération de la croissance aux Etats-Unis et une baisse de l’inflation plus lente que prévu.

Le Brésil et la Chine font ici figure d’exception, car ils ont déjà commencé à baisser leurs taux d’intérêt. Toutefois, le rythme du resserrement est nettement plus modéré au Brésil, tandis que la Chine agit plutôt de manière détachée du cycle mondial.

Dans l’ensemble, les pays émergents devraient à nouveau montrer leurs muscles en 2024 et atteindre des taux de croissance compris entre 3 % et 3,5 %. En comparaison, les pays industrialisés ne seront guère en mesure de suivre ce rythme. Nous pensons même que nous verrons en 2024 un pic de cinq ans dans l’écart de croissance entre les deux blocs.

Focalisation sur l’Amérique latine

L’Amérique latine reste aujourd’hui la région préférée de nombreux investisseurs. Le Mexique, le Brésil et surtout l’Argentine présentent à nos yeux les plus grandes opportunités de rendement. Les ambitions du nouveau président Javier Milei de réduire les dépenses publiques, de restreindre la politique monétaire et de relancer les ventes d’hydrocarbures plaident peut-être davantage en faveur de l’Argentine.

 

Avec un pays comme l’Argentine, il faut toutefois noter que le point d’entrée doit être choisi avec soin. L’obligation se négocie toujours à 35 cents par dollar et paie toujours le coupon. Le carry est donc à deux chiffres. Il est tout à fait possible que l’obligation monte à 50 cents par dollar si Milei parvient à mener à bien ses réformes et à faire passer la balance commerciale dans le vert. Toutefois, la volatilité est élevée et il existe des risques réels que les réformes ne puissent pas être mises en œuvre comme prévu.

Dans le cas du Brésil et du Mexique, des changements structurels soutiennent aussi la thèse de l’investissement. Le Brésil est devenu plus fort depuis la crise grâce aux mesures rapides prises par sa banque centrale. De plus, la croissance y dépend actuellement plus de facteurs internes qu’externes. En parallèle, la tendance des États-Unis à réorienter les chaînes d’approvisionnement et à réduire la dépendance vis-à-vis de la Chine joue en faveur du Mexique.

Des élections auront lieu en 2024 dans de nombreux pays émergents. Toutefois, le résultat des élections présidentielles aux États-Unis est plus important que ces dernières. Ainsi, l’élection de Donald Trump pourrait assombrir les perspectives de nombreux marchés, à l’exception du Mexique.

Autant dire, en fin de compte, qu’il est temps de dissiper la perception négative qu’ont pu avoir les obligations émergentes ces dernières années.

Ray Jian

Amundi

Ray Jian est gestionnaire de portefeuille au sein de l’équipe Emerging Market Fixed Income Il co-gère les fonds Amundi Emerging Markets Bond Fund et Emerging Markets Sovereign Bond Fund. Ray Jian a débuté sa carrière en 2007 en tant qu’analyste crédit au sein de l’équipe Fixed Income de la Bank of China, à Londres. Il y était responsable de l’analyse crédit fondamentale et de la recherche sur les valeurs financières et les entreprises en Asie, aux Etats-Unis et en Europe.

Equity content

Solutions Investissements

  • Corrado Varisco
  • Responsable de la recherche
  • bridport & cie

La dette hybride européenne envoie des signes rassurants

Le marché de la dette hybride européenne a connu une correction importante au cours des dernières années. Des politiques monétaires plus restrictives et la hausse des taux ont eu sur lui des effets négatifs. Cependant, les opportunités restent entières pour les investisseurs, car la majorité des émetteurs assureront les remboursements, comme l’explique Corrrado Varisco.

Francesco Mandalà

Pour rappel, les hybrides combinent les caractéristiques des obligations et des actions. Les agences de notation les considèrent comme moitié dette et moitié actions, leur appliquant le concept de « equity content ». La dette hybride peut être rappelée par l’émetteur à sa discrétion, lorsqu’un délai minimal de 5 ans s’est écoulé après son émission. L’émetteur paie un coupon fixe jusqu’à la première date de call. Si elle n’est pas remboursée par l’émetteur, le coupon est réinitialisé au taux de swap majoré du spread auquel l’hybride a été émis. L’émetteur a la possibilité de suspendre ou de différer le paiement des coupons sous certaines conditions sans déclencher d’événement de défaut. Cela dit, les coupons sont usuellement cumulatifs.

De nombreuses émissions hybrides approcheront leur date de remboursement (call) au cours des prochaines années. Plus de la moitié de la valeur notionnelle des hybrides en circulation sera rachetable jusqu’en 2026. Les émetteurs devront décider s’ils souhaitent refinancer, racheter ou prolonger ces titres. Nous pensons que la majorité des émetteurs optera pour le refinancement.

Pour l’émetteur, les avantages d’émettre des hybrides sont plutôt évidents : coûts moins élevés qu’une introduction en bourse ou une augmentation de capital, possibilité de déduire fiscalement les versements de coupons et soutien à la notation des obligations « senior », grâce au concept de « equity content ». Ce dernier facteur est essentiel pour soutenir la thèse selon laquelle la majorité des émetteurs optera pour le refinancement de leurs hybrides.

Même si d’un point de vue purement économique, il serait avantageux de ne pas refinancer cette dette hybride, nous pensons que d’autres caractéristiques clés de ce type d’instrument prévaudront et encourageront la majorité des émetteurs à suivre cette voie à la première date de call.

Tout d’abord, pour les émetteurs d’hybrides avec des solides notations investment-grade, la prolongation après la première date de rachat soulèvera probablement des inquiétudes quant à leur crédibilité, poussant à la hausse les coûts d’emprunt. Deuxièmement, refinancer la dette hybride en émettant des obligations senior, moins coûteux, pourrait paraître une stratégie judicieuse. Toutefois, cela entraînerait un ré-endettement des bilans, exerçant une pression à la hausse des coûts d’emprunt. Étant donné que les agences de notation traitent les hybrides à hauteur de 50 % en actions (equity content), les émetteurs réguliers dotés de bilans solides sont clairement incités à refinancer, même à des taux plus élevés.

L’univers des hybrides est dominé par les Utilities, pour un tiers de l’indice, suivi par l’énergie (18 %), les télécommunications (14 %), l’automobile (10 %) et l’immobilier (10 %). À l’exception de l’immobilier, les autres secteurs sont fondamentalement solides. On remarque aussi que presque tous les hybrides en circulation sont émis par des sociétés dont la dette senior est notée IG. Il convient de noter qu’en termes de valorisation, les obligations hybrides se sont fortement redressées au cours des deux derniers trimestres, mais les rendements  -5,95% en EUR – et les spreads – 250 bps – restent à des niveaux historiquement intéressants. En conclusion, bien qu’il n’existe pas de solution « universelle » pour investir dans les hybrides, les valorisations actuelles montrent qu’il existe un large éventail d’opportunités attrayantes dans ce secteur.

Corrado Varisco

bridport & cie

Corrado Varisco occupe depuis l’an passé le poste de responsable de la recherche chez bridport & cie. Corrado a plus de vingt ans d’expérience sur les marchés obligataires avec une spécialisation dans la dette à haut rendement et la dette des pays émergents. Il a débuté sa carrière professionnelle en 2021 à la banque BSI, à Lugano, en tant qu’analyste. Il est devenu ensuite co-responsable de la gestion de portefeuille décentralisée pour l’équipe Amérique latine de BSI. En 2011, Corrado a rejoint la banque CBH à Genève où il a officié en tant que responsable de l’offre et de l’analyse obligataires. Il y a également occupé les fonctions de gestionnaire de portefeuille.

Crypto

Solutions Investissements

  • Géraldine Monchau
  • Digital Developer
  • Sphere

Quand le bitcoin apparaît dans le bilan d’une entreprise

Microstrategy, l’entreprise américaine de logiciels, fait apparaître de plus en plus de bitcoins dans son bilan. Géraldine Monchau en analyse la signification pour les investisseurs et les entreprises, en se demandant également si de pareils développements sont envisageables en Suisse.

Francesco Mandalà

En août 2020, MicroStrategy, l’éditeur américain de logiciels d’entreprise, a été la première société cotée en bourse à acquérir et à détenir des bitcoins comme réserve de liquidités. Elle continue à renforcer régulièrement ses positions au point d’être actuellement la plus grande entreprise à détenir des bitcoins. MicroStrategy a de nouveau acheté 9’245 bitcoins à la mi-mars, portant ainsi sa position totale à 214’246 bitcoins. Les achats sont financés entre autres par des obligations convertibles. MicroStrategy en a récemment émis une pour une valeur de 500 millions de dollars US, arrivant à échéance en 2031. L’entreprise avait déjà annoncé le 5 mars une offre privée d’un montant de 600 millions de dollars US.

Le bitcoin comme stratégie de réserve de liquidités

Que dit cette stratégie ? Comment le bitcoin doit-il être comptabilisé dans le bilan d’une entreprise ? Tout d’abord, on peut dire qu’il existe sur le marché une réserve de valeur alternative, le bitcoin, qui est si mature que de grandes entreprises publiques comme MicroStrategy, Tesla et Coinbase lui font confiance.

En fait, en période d’incertitude économique ou d’injections massives de liquidité de la part des banques centrales, les investisseurs se tournent vers des actifs comme l’or, car il sert de réserve de valeur. Au fil du temps, il est donc tout à fait possible que le bitcoin – l’or numérique, comme l’appelle Larry Fink – ne serve pas seulement d’opportunité d’investissement, mais aussi de réserve de valeur pour les entreprises.

A entendre Michael Saylor, ce sont les politiques expansionnistes des banques centrales qui créent de nouveaux risques pour les marchés financiers et qui, à long terme, pourraient entraîner une forte inflation, ce qui aurait un impact sur les rendements réels des investissements financiers. Il a donc décidé d’acheter des bitcoins et de recourir à l’émission d’obligations convertibles pour financer d’autres achats de bitcoins, profitant également d’un environnement de taux d’intérêt plus élevés et d’une hausse des cours des actions. En effet, l’action Microstrategy a enregistré une performance exceptionnelle de 117 % depuis le début de l’année et de plus de 480 % depuis un an, les investisseurs achetant l’action en tant que « proxi bitcoin » après le cours de clôture du 18 mars – certains analystes estiment qu’il y a encore du potentiel : Lebowitz et Roberts de RIA estiment ainsi que l’action se négocie encore à une décote de 40 %.

La comptabilisation du bitcoin en Suisse

Le bitcoin se distingue des actifs traditionnels en raison de sa forte volatilité et de son absence de forme physique. Actuellement, il n’existe pas de normes généralement reconnues pour la comptabilisation des cryptomonnaies, ce qui conduit à des approches différentes dans la pratique. En Suisse, c’est le Code des obligations qui offre un cadre aux entreprises. Le bitcoin y est principalement classé comme actif incorporel ou comme actif à court terme. « L’évaluation se fait au plus bas du coût d’acquisition ou de la valeur de marché à la date de clôture du bilan, afin de refléter la forte volatilité et le risque de marché du bitcoin », soulignent les responsables de Findea. Les directives IFRS, normes comptables internationalement reconnues, traitent également le bitcoin comme un actif incorporel. Elles exigent une publication détaillée des avoirs en bitcoin, ce qui assure la transparence et une meilleure compréhension de la situation financière. Parmi les règles de SWISS GAAP RPC, on trouve une approche pragmatique : les entreprises qui suivent cette norme peuvent développer leurs propres directives pour la classification et l’évaluation des bitcoins, en mettant l’accent sur une présentation réaliste de la situation financière.

Le bitcoin est-il la « stratégie de sortie » ?

Compte tenu de la dette record de nombreux pays et de l’incertitude quant aux décisions concernant l’évolution des taux d’intérêt, les investisseurs agissent avec une certaine méfiance à l’égard des marchés financiers traditionnels. À l’avenir, les investisseurs privés et institutionnels pourraient être plus enclins à utiliser le bitcoin comme valeur refuge et comme moyen de diversification. En marge de sa conférence annuelle à Las Vegas en mai prochain, Microstrategy a organisé le « World 2024 Bitcoin for corporations ». Une occasion pour Michael Saylor d’expliquer pourquoi le bitcoin est techniquement plus performant face à des investissements plus traditionnels comme l’or, l’immobilier et les actions, et de présenter dans la foulée son « exit strategy ».

Géraldine Monchau

Sphere

Géraldine Monchau dirige les développements de SPHERE. Elle a débuté son parcours professionnel dans la finance traditionnelle où elle a occupé des postes à responsabilité liés à la gestion de portefeuille discrétionnaire et à l’advisory. Elle a ensuite rejoint l’industrie de la technologie blockchain et des actifs numériques. Géraldine est diplômée de l’IUHEI, du CFPI et du CAIA. Co-fondatrice de Women in Web3 Switzerland, elle est membre du comité scientifique du CAS Blockchain HEG.

Cryptos

Solutions Investissements

  • Interview Carlos Martin Doncel
  • Product manager, Digital assets
  • Swissquote

« ETF bitcoin : la collecte de Blackrock approche les quinze milliards »

Deux mois après l’autorisation SEC, il apparaît clairement que Blackrock/iShares et Fidelity sont les deux grands gagnants de la mise sur le marché des ETF bitcoins. A eux deux, ils ont collecté près de 25 milliards de dollars, une performance remarquable comme le souligne Carlos Martin Doncel.

Francesco Mandalà

La remontée du bitcoin est-elle due essentiellement à l’agrément SEC sur les ETF bitcoins ou d’autres facteurs entrent-ils en jeu ?

Non, on ne peut pas affirmer que la remontée du bitcoin soit due exclusivement au feu vert de la SEC, mais il est clair que cette décision a exercé une forte influence sur l’évolution du cours. Plusieurs paramètres nous proposent des pistes intéressantes, comme par exemple les mouvements dans les blockchains ou les données publiées par différents exchanges. Il en ressort que les flux d’investissement se sont principalement concentrés sur les wallets qui contiennent de grandes réserves de bitcoins, supérieures à 100. Il y a donc eu un effet d’accumulation. Dans cette remontée du bitcoin après l’aval de la SEC, je crois aussi qu’il y a eu de la part des investisseurs un réflexe FOMO à ne pas négliger.

En termes de collecte, quels gestionnaires ont le plus profité de l’autorisation donnée par la SEC à l’émission d’ETF bitcoins ?

La mise sur le marché des ETF bitcoins a désigné deux grands gagnants qui sont Fidelity et Blackrock, avec iShares. J’y ajoute Coinbase qui est le custodian de huit de ces nouveaux ETFs. En l’espace de deux mois, la collecte de Blackrock approche les 15 milliards de dollars et celle de Fidelity approche les 10. Il faut cependant comptabiliser les sorties de Grayscale. Son ETF bitcoin au comptant a été délesté de 10 milliards par ses investisseurs depuis la mi-janvier. Il n’en reste pas moins que les flux positifs sur les ETF bitcoins approchent les 15 milliards, un record absolu pour l’industrie. Il a fallu par exemple 2 ans aux ETF Or pour atteindre ces montants, contre 2 mois pour l’ETF de iShares (IBIT).

Parmi les milliers de devises qui composent aujourd’hui l’univers crypto, combien ont réussi à s’installer durablement sur le marché ?

En analysant les évolutions du marché année après année, on voit bien que l’intérêt accordé à différents projets dépend énormément du momentum qu’ils sont capables de générer dans des périodes de bull-run. Mais nous nous apercevons également que les projets sérieux sont capables de s’inscrire dans la durée et de parvenir à des valorisations de plusieurs milliards de dollars.

Aujourd’hui, plus de 13’000 cryptos sont officiellement répertoriées ! Mais sur ces 13’000, seules quelques centaines sont dignes d’intérêt. 400 d’entre elles ont des valorisations supérieures à 100 millions de dollars et 300 dépassent les 200 millions. C’est sur ce sous-ensemble qu’il vaut mieux se concentrer. Il y a des sociétés très intéressantes à suivre dans ce segment Small Caps. Je pense par exemple à Request, lancée en 2020, qui pèse aujourd’hui 150 millions. Elle propose des receivables/créances et je pense qu’elle est promise à de beaux développements. Nous trouvons aussi dans le même univers Gnosis, un projet de 2017 reconverti maintenant en écosystème bancaire complétement intégré on-chain, et valorisé à plus de 1 milliard de dollars.

Quelle est la part de marché que contrôlent les 10 plus importantes cryptos du moment ?

Dans ce top 10, on trouve aujourd’hui deux stablecoins – l’USDT et l’USDC – deux meme-coins – Dogecoin et Shiba – et six token natifs – Bitcoin, Ether, Ripple, Binance. Solana et Cardano. A elles dix, elles représentent 85% du marché, même s’il vaut mieux en sortir les stablecoins du fait qu’elles ne présentent pas un caractère spéculatif.

Au cours de ces dernières semaines, la taille du marché crypto a-t-elle suivi la même progression que le cours du bitcoin ?

Oui, mais il faut noter que la part de marché du bitcoin a continué d’augmenter. Elle était d’environ 50% en janvier et elle approche les 52% en mars 2024. Le bitcoin reste donc le projet qui attire encore le plus d’encours. Mais les investisseurs sont quand même allés chercher de la valeur sur des monnaies moins courues, comme Solana par exemple, qui a vu son cours multiplié par onze en quelques semaines à peine !

Carlos Martin Doncel

Swissquote

Présent dans le monde des cryptos depuis plus de dix ans, Carlos Martin Doncel est responsable de la stratégie pour les actifs digitaux chez Swissquote où il est entré en 2022. Son parcours professionnel l’a mené dans la gestion d’actifs, le private equity, la recherche financière, la finance d’entreprise et l’entreprenariat. Carlos est diplômé en économie de l’Université d’Alicante.

 

Match

Solutions Investissements

  • Olivier de Berranger
  • Directeur général
  • La Financière de l’Echiquier

Immobilier vs. crypto-monnaies : comparaison risques et opportunités

Alors que l’on observe un peu partout une baisse des prix de l’immobilier, c’est l’inverse qui se produit dans le domaine des crypto-monnaies. Quel est le rapport entre ces deux tendances ? Et que peut-on envisager sur le long terme ? C’est sur ces questions que se penche Olivier de Berranger.

Francesco Mandalà

A l’évidence, rien de plus réel et solide que l’immobilier : utilité, revenus, réglementations, ancienneté, profondeur de marché… On parle d’ailleurs en anglais de « real estate », de « patrimoine réel ». A l’opposé, rien de plus virtuel que les cryptomonnaies : intangibles, peu utilisées, absconses pour le commun des mortels, sans revenus intrinsèques, peu régulées, sans ancienneté…

Pourtant, l’immobilier d’investissement a vu s’évaporer en quelques mois des sommes gigantesques dans le monde entier, comme si les valorisations des dernières années n’étaient finalement que virtuelles. Pas seulement en Chine, où la faillite de certains des plus grands promoteurs alimente une défiance générale. Mais dans la plupart des pays développés également, au point de faire trembler certaines banques régionales aux Etats-Unis, ou récemment en Allemagne à l’exemple de la Deutsche Pfandbriefbank. En Suède, un des pays où l’immobilier est le plus sous pression, la banque centrale surveille de près un risque bancaire généralisé. En France, plus de vingt sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ont été contraintes de revoir à la baisse la valeur de leurs parts depuis début 2023, dans des ampleurs généralement comprises entre 10 et 15%. Et, de nouvelles dépréciations sont annoncées en ce début 2024.

Dans le même temps, les monnaies virtuelles flambent. Le bitcoin vient d’atteindre 63 000 dollars américain fin février, progressant de près de 50% depuis le début de l’année, tutoyant les records établis en 2021 à plus de 67 000 dollars américains. Le virtuel pur conserverait-il donc mieux la richesse que le « réel » le plus solide en cas de hausse des taux ? Le digital vaut-il mieux que le béton ?

Certaines caractéristiques des monnaies virtuelles sont, il est vrai, à leur avantage : relative facilité de transaction par rapport à l’immobilier, prix ajustés en temps réel, diversité croissante des supports, augmentation des volumes traités, etc. Le régulateur américain lui-même vient d’accepter la création de fonds centrés sur le bitcoin, dans lesquels se sont déversés en deux mois plusieurs milliards. De surcroît, il faut leur reconnaître une certaine transparence sur le risque, les monnaies virtuelles ne cachant pas leur volatilité. A l’inverse, les investisseurs ont parfois tendance à sous-estimer le risque de l’immobilier physique, dont la volatilité ne se déclare que par à-coups, et se terre le reste du temps… Le risque immobilier n’est pas en effet régulier, mais éruptif – ou « sauvage » comme l’écrivait le mathématicien Benoît Mandelbrot.

Cela dit, les risques inhérents au pur virtuel, bien que manifestes, ne sont pas forcément si bien compris. Ainsi, qui peut expliquer – autrement que par la spéculation en premier lieu – que le Bitcoin ait gagné 520% en 7 mois, avant de reperdre peu après 75% en un an? Si le risque de l’immobilier est certes en partie caché, il correspond du moins à des données relativement intuitives – principalement les taux d’intérêt, ainsi que la qualité du bâti, l’emplacement et la solvabilité du locataire. Alors que le risque sur les monnaies virtuelles jusqu’ici, semble très difficile à relier à des paramètres fondamentaux.

Ce caractère « hors sol » constitue un des principaux arguments anti-Bitcoin développés dans le récent pamphlet issu de deux auteurs appartenant à la Banque Centrale Européenne. Selon eux, étant dénué de rendement intrinsèque ou d’autre utilité durable et légitime, sa valeur « fondamentale » serait de … 0 ! Pourtant, le risque que le Bitcoin vaille un jour 0 est certainement peu présent aux yeux des investisseurs. En ce sens, la perception de son risque profond par les épargnants n’est pas forcément adéquate.  Alors que le risque immobilier est au fond limité : comment des actifs immobiliers, même de qualité moyenne, pourraient-ils valoir zéro ?

Il y a donc tout lieu de s’attendre à ce que le « réel » finisse par retrouver sa prédominance sur le virtuel dans les préférences des investisseurs, une fois les prix ajustés – ce qui, il est vrai, pourrait être long. Le pur virtuel restera incontrôlable tant qu’il sera dénué de valeur fondamentale. Sauf à compter comme « fondamental(e) » le plaisir de la spéculation, l’utilité d’une monnaie pour le commerce illégal, ou surtout la défiance à l’égard des monnaies d’Etat. Si ces trois facteurs comptent comme fondamentaux, alors il y a peu de chance en effet que le Bitcoin vaille un jour zéro. De ce fait, actifs réels comme virtuels ont chacun leur place – à condition de bien discriminer leur (dé)mérites respectifs.

Olivier de Berranger

La Financière de l’Echiquier

Olivier de Berranger est le directeur général et le CIO de La Financière de l’Echiquier. Il a occupé depuis 1990 des postes de trader, ainsi que de responsable de desk de trading sur les produits de taux d’intérêt, cash et dérivés au Crédit Lyonnais puis chez Calyon. Il a ensuite été responsable du pôle Capital Markets chez First Finance. Olivier de Berranger rejoint La Financière de l’Échiquier en mars 2007 en qualité de gérant obligataire. Après être devenu directeur de la gestion taux, crédit et diversifié, il est nommé en 2017 directeur de la gestion d’actifs et entre au comité de direction. En décembre 2023, il en devient directeur général de LFDE. Olivier de Berranger est diplômé d’HEC.

 

Sustainable

Solutions Investissements

  • Jon Duncan
  • Chief Impact Officer
  • Reyl Intesa Sanpaolo

« Le greenwashing, un signe de maturation du marché « 

2023 a été marquée par une forte augmentation d’allégations de greenwashing, notamment dans les secteurs de l’énergie et de la finance. Dans de nombreux cas, ces allégations ont donné lieu à des procédures judiciaires formelles et, dans certains cas, à des amendes. Pour Jon Duncan, lutter contre le greenwashing de cette manière est un signe encourageant d’un marché qui fonctionne bien.

Francesco Mandalà

Notre compréhension globale actuelle des questions de durabilité bénéficie de l’appui d’un ensemble diversifié d’institutions universitaires internationales qui se concentrent sur une science des systèmes complexes. La croissance rapide de la surveillance géospatiale en temps réel des indicateurs d’eau, d’air, des sols, de la pollution et de la biodiversité ainsi que les avancées phénoménales en termes de puissance de calcul et de traitement, contribuent au développement de cette compréhension collective. Cet essor rapide des technologies de surveillance en temps réel par satellite fournit une perspective solide et pragmatique des risques émergents auxquels la planète est confrontée. Bien qu’il existe un consensus croissant parmi les organismes scientifiques mondiaux sur l’importance des risques de durabilité, les solutions donnent lieu à un différend politique grandissant.

Aux États-Unis, plusieurs hommes politiques ont adopté un discours « anti-ESG » et, dans l’Union européenne, nous assistons à une « marche arrière » politique sur l’économie verte et les plans de décarbonisation. La politisation de plus en plus forte du thème global de la durabilité fait apparaître plus clairement que le greenwashing est simplement une « preuve » de la tendance persistante du marché à vendre les produits à mauvais escient. Sur ce point, la « finance verte » ne fait pas exception.

Gestion des attentes : impact « direct » contre impact « indirect » 

Une autre preuve de la maturation du monde de la finance durable est la prise de conscience croissante de la différence entre impact direct et impact indirect. En d’autres termes, les titres liquides cotés en bourse ont pour la plupart un impact direct, obtenu grâce à une exposition à des entreprises présentant des niveaux de risques ESG opérationnels plus faibles et/ou une exposition accrue à des « revenus verts ». En revanche, il est possible d’optimiser l’impact direct par le biais d’une exposition à des actifs sur les marchés privés, par exemple au moyen d’un investissement direct dans le capital privé d’une entreprise de protéines alternatives ou par le biais d’une allocation de dette privée à des infrastructures renouvelables ou à des logements abordables. À l’heure actuelle, seules les « obligations vertes/durables » et certaines stratégies actions de niche permettent d’avoir un impact direct via les marchés publics liquides.

La taille des tickets d’entrées et les problèmes de liquidité se traduisent généralement par une sous-représentation des marchés privés dans les portefeuilles de gestion privée. L’exposition moyenne des portefeuilles sur les différents marchés mondiaux varie de 8 % à 12 %, l’immobilier étant l’alternative privilégiée des marchés privés. À titre de comparaison, l’étude 2023 BlackRock Global Private Markets Survey indique que les investisseurs institutionnels mondiaux ont une allocation moyenne de 24 % aux marchés privés. Le fonds de dotation de l’Université de Harvard (Harvard Endowment) est connu pour avoir été l’un des premiers à attribuer une allocation à grande échelle et à long terme aux marchés privés, avec une allocation actuelle de 39 % exclusivement dédiée au capital investissement. Au sein de la communauté des family offices et des investisseurs fortunés, il existe désormais un intérêt croissant pour les actifs des marchés privés, qui s’explique par les avantages qu’ils offrent en termes de diversification, ainsi que par la reconnaissance grandissante du fait que cette classe d’actifs offre un accès direct aux opportunités de l’économie verte émergente.

La demande accrue stimule l’innovation pour l’accès aux marchés privés

En réponse à cette demande croissante émanant de la gestion de patrimoine, plusieurs plateformes, telles que Moonfare et I-Capital, ont vu le jour et offrent un accès digitalisé aux actifs des marchés privés. Du point de vue de l’impact, il est encourageant de constater que ces plateformes digitales reflètent naturellement les opportunités commerciales émergentes associées à différentes initiatives. Il en va ainsi de la réduction des émissions de carbone, de l’utilisation efficiente des ressources et de la promotion de l’inclusion sociale, à savoir la génération automatisée de rapport sur le bilan carbone des sols, le recyclage des déchets plastiques et les micro-entreprises d’énergie hors réseaux. Cet alignement technologique entre les capitaux privés à long terme, les actifs des marchés privés et les opportunités de croissance économique verte est une tendance positive pour le monde de la finance durable en général et pour les investisseurs fortunés en particulier.

Jon Duncan

Reyl Intesa Sanpaolo

Avant de rejoindre Reyl Intesa Sanpaolo, Jon Duncan a dirigé le pôle Investissement responsable de la compagnie d’assurance internationale Old Mutual, basée en Afrique du Sud. Il a été pendant onze ans responsable de de la conception et du déploiement d’un programme d’investissement responsable à l’échelle mondiale. Auparavant, il a été associé chez Environmental Resource Management, où il a participé à la mise en place de pratiques respectueuses envers le climat et le développement durable. Jon est titulaire d’un bachelor en génie civil de l’Université du Cap et d’un master en sciences de l’environnement de l’Université de Natal.