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  • Alexandre Drabowicz
  • Chief Investment Officer
  • Indosuez Wealth Management

« Il s’agit plus d’un phénomène de dominance que de concentration »

Les dix plus grosses entreprises du S&P 500, où figurent en bonne place les Magnificent Seven, ont pris ces dernières années un poids considérable. Elles s’annexent à elles-seules le tiers de l’indice, un niveau de concentration qui n’inquiète pas Alexandre Drabowicz outre mesure.

Francesco Mandalà

Les dix plus grandes entreprises du S&P500 représentent aujourd’hui près du tiers de l’indice, en termes de capitalisation. Comment expliquez-vous une aussi forte concentration ?

Il vaut mieux relativiser d’abord ce qui apparait en effet comme une forte concentration. En Angleterre, les dix plus importantes entreprises du Footsie représentent 50% de l’indice. Et si nous prenons le MSCI Emerging Markets, qui rassemble 1’440 sociétés, son Top10 vaut pour environ le quart de sa capitalisation globale ! La concentration sur le S&P500 ne me paraît donc pas inhabituel. Je pense en réalité qu’il s’agit plus d’un phénomène de dominance que de concentration. Aux Etats-Unis, il se trouve en ce moment quelques grandes entreprises qui ont réussi à conquérir leur secteur, leur industrie, à l’échelle mondiale. C’est bien évidemment le cas de la tech.

Il est par ailleurs assez difficile de parler de bulle, si l’on se réfère à celle que nous avons connue au début des années 2000. Pour les Magnificent Seven – que je préfère appeler les Sept Fantastiques, le terme me semble plus juste – les valorisations se traitent à 25 fois les bénéfices sur ces deux prochaines années. C’est plutôt raisonnable. De plus, contrairement à l’épisode dot.com, nous nous retrouvons avec des sociétés extrêmement profitables, dont les ventes présentent de très bons taux de croissance, trois fois supérieurs à la moyenne du S&P500. Il est donc assez naturel que les investisseurs veuillent s’inscrire dans ce mouvement, quitte à payer une prime substantielle pour participer à cette croissance.

Cette concentration peut-elle laisser planer certaines menaces ?

Dans la mesure où les sociétés répondent aux attentes du marché, voire les dépassent, comme le fait Nvidia, je ne vois pas de menace tangible dans l’immédiat. Il y a bien évidemment des risques à prendre en considération. Les profits peuvent chuter, la croissance peut s’enrayer, de nouveaux entrants peuvent se présenter sur le marché avec des technologies profondément disruptives, mais rien de tout cela ne me parait envisageable sur le court terme.

Il est aussi très intéressant de voir comment évoluent les Sept Fantastiques d’une année sur l’autre. L’an dernier, leurs performances étaient relativement homogènes. Elles faisaient bloc. Ce n’est plus le cas en 2024. Au premier trimestre, Tesla et Apple déçoivent. Elles se montrent en retrait comparées à Meta ou à Nvidia qui enregistrent des plus hauts historiques. Il y a de la dispersion qui réapparait dans ce groupe, mais ce n’est pas pour autant que les marchés se replient, bien au contraire. La performance s’étend au-delà des Sept fantastiques, et c’est une excellent nouvelle.

Comment est-il alors possible pour les gestionnaires de fonds de générer de l’alpha avec une dizaine d’entreprises qui commandent le tiers du marché ?

Oui, c’est un vrai sujet mais je reste persuadé qu’il est possible de trouver des solutions à ce problème de diversification dû essentiellement au secteur technologique. Dans ce secteur, si l’on veut bien regarder au-delà du hardware ou software, il existe encore des opportunités à exploiter dans les semi-conducteurs avec de gros fabricants installés en Europe comme en Asie. Et il y a encore de la diversification à aller chercher autour de l’intelligence artificielle.

Pour s’en tenir au marché américain, je vois plusieurs options. Se diversifier par exemple sur les valorisations en se calant sur un indice équi-pondéré comme le S&P Equal Weight. C’est un indice construit autour de la diversification du risque, dont la différence de performance par rapport à l’indice pondéré des capitalisations peut être plus difficile à expliquer à la clientèle privée. L’an dernier, il n’a produit que 12%, contre 24% au S&P500, mais il permet d’adresser en partie ce problème de concentration.

Travailler avec l’indice CAPE Shiller a également du sens. Il est construit de manière très intelligente. Il prend en considération les bénéfices réalisés sur les dix dernières années, corrigés de l’inflation, pour limiter les effets de la volatilité à court terme. Il me semble plus approprié pour limiter les incidences de la concentration rencontrée, sans pour autant sacrifier la performance.

Et enfin, il faudra revenir dans le temps sur les segments Small & Mid Cap où des dizaines de titres présentent aujourd’hui des profils de diversification très intéressants, susceptibles de contribuer à la génération d’alpha. Il est cependant un peu prématuré pour y retourner dans l’immédiat, mais le débat est ouvert.

 

Alexandre Drabowicz

Indosuez Wealth Management

Alexandre Drabowicz a commencé sa carrière à la Société Générale en 1993 où il a occupé différentes fonctions, en Australie puis au Japon. De 2001 à 2008, il a été gérant de portefeuilles chez Systeia Capital Management. Il a rejoint ensuite Amundi où il est devenu, en 2018, devient directeur adjoint des gestions Actions. Alexandre Drabowicz est diplômé de l’école de commerce Neoma, et titulaire d’un BA de la Middlesex Business School de Londres ainsi que de la certification CAIA.