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Solutions Real Assets

  • Interview Peter Beske Nielsen
  • Partner
  • EQT, Client Relations & Capital Raising

“Nous allons beaucoup nous investir en Suisse ces prochaines années »

En trente ans, EQT, dont les encours dépassent les 200 milliards d’euros, s’est imposé parmi les acteurs de référence qui animent les marchés privés. Dans ses plans de développement figurent des stratégies B2B2C comme Nexus destinées à ouvrir la classe d’actifs au segment HNWI et la montée en puissance sur le marché Suisse.

Francesco Mandalà

Quelles tendances animent le marché privé en ce moment ?

Si l’on se place du point de vue du du GP – les objectifs restent les mêmes : identifier de bonnes entreprises qui se négocient à des valorisations très attrayantes. Récemment, les gérants ont étendu leurs recherches aux sociétés cotées en bourse. En raison des difficultés rencontrées sur les marchés, il devient de plus en plus intéressant de délister certaines entreprises et de créer de la valeur après les avoir ramenées dans le privé.

Les gérants ont également tendance en ce moment à porter leur attention sur les secteurs qui restent performants dans des conditions de marché contraignantes. Avec EQT, nous nous concentrons sur le healthcare, traditionnellement non cyclique, où il il y a toujours de belles opportunités à exploiter pour stimuler la performance dans notre portefeuille.

Si vous vous placez maintenant du point de vue de l’investisseur – du LP – l’environnement a clairement changé. Il y a trois ans, les exits étaient très faciles. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Dans des marchés devenus chahutés, comme ceux  des 6 à 12 derniers mois, les investisseurs veulent se concentrer beaucoup plus sur la performance et s’assurer que les GP sont en mesure de la générer.

Comment expliquez-vous la croissance impressionnante des marchés privés au cours de la dernière décennie ?

Pendant ces dix dernières années, beaucoup de clients se sont rendus compte qu’ils n’étaient pas suffisamment alloués en marchés privés dans leur portefeuille. Beaucoup ont alors entrepris de remonter leur allocation aux alentours des 20%. Ce travail leur a été facilité par un environnement macro-économique très favorable. C’est la combinaison de ces deux facteurs qui, selon moi, a permis aux marchés privés de croître autant.

Depuis 18 mois, la situation a quand même changé. Les marchés privés restent toujours attractifs mais les investisseurs se montrent beaucoup plus sélectifs.

On parle beaucoup en ce moment de la démocratisation des marchés privés. Où pensez-vous que nous en soyons aujourd’hui dans ce processus ?

Nous n’en sommes vraiment qu’au tout début. C’est le premier jeu du premier set. Il reste beaucoup de chemin à parcourir avant d’arriver à une véritable démocratisation. A ce jour, très peu de GPS ont mis sur le marché des produits réellement destinés aux particuliers. Ces dix dernières années, des plateformes de distribution ont rendu différents produits plus accessibles mais, au final, ils étaient surtout réservés aux Ultra High Net Worth et au segment supérieur des High Net Worth. Or, le segment inférieur des High Net Worth besoin de solutions un peu plus liquides. Et c’est essentiellement l’idée derrière des stratégies comme Nexus.

Vous venez en effet de lancer EQT Nexus au printemps dernier pour jouer un rôle clé dans ce mouvement. Quelle en est plus exactement la stratégie?

Nous entretenons d’excellentes relations avec les gestionnaires de fortune. Avec le temps, beaucoup nous ont exprimé leur souhait de disposer de solutions private markets plus liquides de manière à en faire profiter un plus grand nombre de leurs clients. C’est ce qui a initié le lancement de EQT Nexus. Nous voulions répondre à cette demande. Pour ce qui est de la stratégie à proprement parler, nous allons mettre l’accent sur l’éducation et la formation, autant auprès des clients que des gérants dans la mesure où ce sont eux qui assureront les relais.

Il s’agit donc d’une stratégie B2B2C…

Oui, il très important pour nous que le produit soit consommé de la bonne façon. Les clients doivent bien en comprendre le mode d’emploi, les barrières, les contraintes et c’est là que leur gestionnaire est appelé à jouer un rôle clé.

Comment EQT se positionne en Suisse ?

Initiée par la famille Wallenberg, EQT a été créée en 1994, à Stockholm. Depuis, l’entreprise s’est énormément développée. Nous avons des bureaux dans toute l’Europe, nous sommes présents dans 24 pays à travers le monde, nous gérons plus de 200 milliards d’euros que nous avons investis dans plus de 200 entreprises.  Dans ce contexte, la Suisse est un marché essentiel pour nous. Christian Sinding , notre CEO, est d’ailleurs basé à Zurich, de même que Lennart Blecher, qui dirige chez nous le pôle Real Assets, et William Vettorato, le responsable du fonds Nexus. Leur présence ici à Zurich laisse clairement entendre que nous allons beaucoup nous investir en Suisse ces prochaines années.

Peter Beske Nielsen

EQT 

Peter Beske Nielsen a rejoint EQT Partners à Copenhague en janvier 2021 en tant qu’associé. Il travaille au sein de l’équipe chargée des relations avec les clients et de la levée des capitaux. Il dirige également les initiatives d’EQT en matière de gestion privée.

Avant de rejoindre EQT Partners, Peter a occupé le poste de managing director chez BlackRock de 2006 à 2021, où il a rempli plusieurs fonctions. Il a eu entre autres la responsabilité EMEA du programme de partenariat stratégique et celle, à l’échelle mondiale, de la distribution des produits alternatifs. Au cours des 15 années passées chez BlackRock, il s’est partagé entre New York, Londres et Copenhague.

Immobilier

Solutions Real Assets

  • Interview Roland Voegele
  • CEO
  • MV Invest

« Les investissements durables augmentent l’attractivité et le rendement d’un bien immobilier ».

Après le lancement de l’indice de durabilité pour les immeubles suisses, MV Invest a introduit en octobre le premier groupe de placement centré sur la durabilité. Alors même que les marchés sont latéraux et que les placements immobiliers indirects n’ont pas encore récupéré du choc. Roland Voegele n’y voit là aucun problème.

Francesco Mandalà

Comment les investisseurs évaluent le marché immobilier aujourd’hui ?

Actuellement, de nombreux biens sont proposés sur le marché. Ceux qui sont les mieux situés, et qui ont fait l’objet de rénovations durables, sont recherchés par les investisseurs à long terme et achetés avec de faibles décotes. A l’opposé du spectre, les biens qui nécessitent des rénovations importantes et dont l’emplacement, n’est pas forcément idéal, peinent à trouver preneurs. En outre, les investisseurs institutionnels sont devenus plus prudents, alors que les particuliers et les family offices sont désormais très actifs. Ils profitent d’opportunités devenurs attrayantes pour effectuer des investissements ciblés.

Regardons les placements immobiliers indirects. Quels changements avez-vous constatés dans ce domaine?

Après une année 2022 difficile, les fonds immobiliers indirects cotés n’ont pas encore enregistré de reprise. Beaucoup de ces fonds se négocient actuellement en dessous de leur valeur intrinsèque. De nombreux investisseurs s’attendent à des valorisations plus faibles, même si cela ne se produira pas nécessairement. En ce qui concerne les actions immobilières, les portefeuilles investis dans des immeubles résidentiels sont moins chers que les investissements directs sur le marché. L’incertitude actuelle se reflète toutefois déjà dans les prix. Les signaux rassurants des banques centrales pourraient entraîner une reprise des fonds immobiliers et des actions d’ici la fin de l’année ou au printemps. Actuellement, les signes ne laissent pas présager de nouvelles hausses des taux d’intérêt. De nombreux investisseurs n’ont pas encore acquis de nouveaux produits immobiliers en 2023, ce qui pourrait éventuellement entraîner une ruée des acheteurs d’ici la fin de l’année. 

Qu’est-ce que cela signifie de votre point de vue ?

Depuis le mois d’octobre, les loyers des biens immobiliers résidentiels ont été augmentés de 4% à 8% en Suisse. Dans le même temps, les taux hypothécaires sont restés inchangés ou ont même eu tendance à baisser, en particulier pour les hypothèques d’une durée de 2 à 3 ans. Comparés aux obligations, les placements immobiliers restent très attractifs et doivent être considérés à moyen terme comme une protection contre l’inflation. Les défis supplémentaires découlant de la situation du Credit Suisse sont désormais en grande partie surmontés. En termes de stratégie, une réorientation progressive de la gestion d’actifs immobiliers par UBS, est attendue.

En raison de la forte immigration et de la réduction importante dans les activités de construction, les appartements et les immeubles collectifs seront extrêmement rares et plus chers d’ici 1 à 2 ans. Dans de nombreuses communes, le taux de vacance est déjà inférieur à 1%. Cela laisse présager une crise du logement. Les politiques sont confrontés à un dilemme et n’ont malheureusement pas de solutions globales. Tous ces facteurs plaident en faveur d’une reprise du marché de l’immobilier indirect, et nos clients profitent de cette occasion pour augmenter leurs positions.

Malgré les incertitudes, vous lancez un nouveau groupe de placement, MV Swiiterra. Quelle en est la logique ?

Nous constatons que les investisseurs professionnels recherchent toujours des placements intéressants dans le domaine de l’immobilier indirect. Et ils misent clairement sur la durabilité. Nous voulons en tenir compte. Après le lancement du SSREI, le premier indice de durabilité indépendant pour les immeubles suisses en portefeuille, nous misons à nouveau sur ce thème. Avec ce groupe de placement, nous sommes en mesure de refléter l’évolution de la durabilité des fonds immobiliers. Les investisseurs disposent ainsi d’un instrument de diversification innovant.

Durabilité et placements immobiliers – quel impact pour le rendement ?

Je connais le reproche : la durabilité coûte cher. Ce n’est pas vrai. Bien sûr, le propriétaire immobilier doit d’abord investir, mais s’il a intégré les coûts dans son évaluation à long terme, cela n’entraîne pas de frais supplémentaires importants. D’autre part, si un immeuble répond aux critères de durabilité actuels, sa valeur et ses revenus ne seront pas réduits. Notre avis est clair : cela s’avère payant à long terme, tant en ce qui concerne l’attrait de la propriété que le rendement lui-même.

Roland Vögele

MV Invest

Roland Vögele est le fondateur et propriétaire de MV Invest, une société de conseil indépendante dont le siège se trouve à Zurich. Avec son équipe, ce romand d’origine conseille les investisseurs professionnels dans la mise en place et l’optimisation de stratégies d’investissement dans l’immobilier suisse. En tant qu’initiateur et co-organisateur du Salon suisse de l’immobilier pour les investisseurs, il met depuis plus de dix ans déjà à la disposition de la branche une plateforme d’échanges, qui permet aux professionnels de renforcer leur réseau. Roland Vögele est membre du comité de placement de la fondation de placement AXA, président de la DUFOUR Investment Foundation et président du conseil d’administration de SSREI, l’organisme de vérification du Swiss Sustainable Real Estate Index.

Marketplace

Solutions Real Assets

  • Interview Anthony Touboul
  • Co-fondateur et COO 
  • Smat

« Permettre à tous les acteurs des marchés privés d’interagir plus facilement »

Fintech lancée en 2020, Smat facilite la distribution d’instruments financiers non cotés tels que private equity, dette privée et actifs réels auprès d’investisseurs professionnels comme les gérants indépendants, les family offices et les banques privées. Un concept de marketplace d’autant plus pertinent dans des marchés qui prennent de plus en plus d’ampleur. Anthony Touboul en livre son analyse.

Francesco Mandalà

Comment les investisseurs professionnels  appréhendent aujourd’hui les marchés privés et les actifs alternatifs ?

Au cours des dernières années, le marché s’est accéléré et la classe d’actifs a suscité de plus en plus de convoitises. Beaucoup d’acteurs de la gestion privée ont fait face à une demande croissante de leurs clients, en particulier en ce qui concerne le private equity et la dette privée.

Bien qu’il s’agisse de belles sources d’opportunités, les tiers-gérants et les multi family offices restent toutefois prudents et leur exposition demeure limitée. La conjoncture actuelle y est pour beaucoup : les investisseurs redoutent les placements illiquides dans cette période trouble. Mais nous avons relevé d’autres obstacles qui expliquent leurs réticences, et notamment le fait que le marché soit très fragmenté et nécessite une grande technicité. Les tiers-gérants se retrouvent ainsi sur-sollicités avec des produits de qualité inégale, qu’ils ont du mal à analyser et à intégrer dans les portefeuilles de leurs clients.

Comment proposez-vous de résoudre cette problématique avec Smat?

Nous avons une offre globale orientée sur plusieurs axes. Elle se fonde sur une plateforme digitale sur laquelle sont listées plusieurs opportunités sélectionnées par notre comité d’investissement. Nous proposons en moyenne 2 à 3 opportunités par mois, fonds thématiques ou club deals.

La plateforme évolue constamment. Nous y intégrons de nouvelles fonctionnalités et bientôt un PMS dédié sera accessible grâce à notre partenariat avec Keesystem. En parallèle, nous organisons aussi plusieurs évènements physiques dans l’année qui rassemblent wealth managers et asset managers.

Quels sont les critères de sélection de votre comité?

Depuis la création de Smat, nous avons toujours travaillé « main dans la main » avec nos clients pour leur construire des solutions dédiées. Ils ont joué un rôle déterminant dans notre développement. Lorsqu’il a fallu sélectionner les premiers produits de la plateforme, nous nous sommes naturellement tournés vers eux pour avoir leur ressenti. C’est ainsi qu’ils ont rejoint ce comité. Ils sont tous spécialisés dans différents domaines – private equitz, private debt, immobilier – et leur rôle est de nous valider l’intérêt des produits proposés pour un tiers-gérant.

Les critères de sélection sont classiques, ils varient selon les produits mais comprennent la structuration, le profil de risque, le potentiel de rendement, les garanties, les hypothèses de sorties, la structure de frais, la performance ESG, etc.

Il ne s’agit pas d’une due diligence mais d’un sentiment de marché. En ce qui concerne la due diligence, nous avons établi un partenariat avec Grant Thornton qui propose des missions spécifiques à ce sujet.

Quels sont les derniers développements en cours chez Smat?

Nous sommes convaincus que les marchés privés ne sont pas un « effet de mode » mais un relais de croissance et une source de création de valeur à long terme. Nous mobilisons donc nos efforts sur le développement d’une large gamme de services personnalisés pour permettre à tous les acteurs de l’industrie d’interagir plus facilement. Nous proposons par exemple aux asset managers, qui référencent des produits sur la plateforme, d’augmenter leur capacité de distribution et de renforcer leur force commerciale grâce à une offre de third-party marketing. Nous avons constitué une équipe de spécialistes de la vente, qui assistent les asset managers dans le cadre de missions de commercialisation.

Par ailleurs, nous aidons également nos clients investisseurs à construire une stratégie d’allocation personnalisée afin d’améliorer leur exposition aux marchés privés. C’est notre offre « CIO as-a-service ». Elle permet à nos clients de s’adjoindre les services de professionnels reconnus ayant une expérience significative en banques privées ou family offices pour intégrer de manière optimale la classe d’actifs dans leur stratégie de gestion. Nous proposons également une offre de « Wealth Planner as-a-service » pour traiter les problématiques fiscales et juridiques.  Notre objectif est d’élargir progressivement cette gamme.

 Anthony Touboul

Smat

Anthony a débuté une carrière de fiscaliste en 2008 chez EY à Genève. En 2012 il a rejoint l’équipe fiscale de l’Etude d’avocats Schellenberg Wittmer puis Julius Baer en 2017 en qualité de directeur du wealth planning. Il est expert dans le domaine de la fiscalité suisse et internationale et a eu l’opportunité de conseiller une importante clientèle composée notamment de GFI, de banques privées, sur leurs enjeux – et ceux de leurs clients – en matière de planification fiscale ou patrimoniale. Fin 2019, Anthony a co-créé Smat où il est responsable du développement et de l’offre pour la communauté des gestionnaires de fortune.