• Par Francesco Mandalà
  • Chief Investment Officer
  • MBaer Merchant Bank

Alerte à Pékin : vents contraires pour la Chine ?

L’histoire est pleine de revirements de sens épiques. En décembre dernier, la Chine a stupéfié le monde en annonçant l’abandon de sa politique “zero-COVID” en vigueur depuis 2020. Les ménages et les entreprises n’ont certes plus à s’inquiéter du verrouillage, mais la confiance des consommateurs et des entrepreneurs est fragile et l’ambiance reste chancelante.

Francesco Mandalà

Le changement d’attitude du gouvernement chinois à l’égard de la politique “zero-COVID” était un signe de pragmatisme. L’augmentation des coûts économiques et la diminution de l’incitation politique ont été les principaux facteurs qui ont poussé les autorités chinoises à prendre cette décision soudaine. Une autre raison était les preuves croissantes contre l’efficacité de la politique zéro COVID.

La fin des restrictions a certes déclenché une reprise économique, mais il reste à voir si elle permettra de réaliser des progrès durables. En effet, l’économie chinoise a nettement ralenti en 2022 (voir graphique 1) et le ralentissement devrait se poursuivre, car le pays doit faire face à des vents contraires tant conjoncturels que structurels.

Graphique 1: Croissance du PIB réel en Chine et indice de confiance des consommateurs.

Croissance du PIB réel en Chine et indice de confiance des consommateurs.

Source : Bloomberg, calculs mBaer.

Les économistes libéraux estiment que des années de planification centralisée faussent les prix et répartissent mal les ressources, ce qui se traduit finalement par une performance économique plus faible.

L’opinion la plus courante est que la Chine maintiendra sa croissance étonnante et continuera à surpasser les économies de marché libérales, y compris en termes d’innovation.

La Chine est devenue la plus grande économie du monde en 2016, et sa part du PIB mondial est désormais de 19%, contre seulement 15% pour les États-Unis. La Chine est également le leader mondial de la production, un partenaire commercial important, le principal moteur de la croissance économique mondiale et le siège de la plupart des entreprises les plus précieuses de la liste Fortune Global 500. Ce sont là des arguments de poids pour que la croissance chinoise se poursuive sans relâche. Les données les plus récentes montrent que l’économie a connu sa plus forte croissance depuis un an. Le gouvernement a réaffirmé son orientation favorable à la croissance en augmentant son objectif de déficit budgétaire, en s’engageant à protéger les droits des entrepreneurs et en introduisant diverses mesures pour lutter contre le problème du logement. La référence des fonctionnaires à la “nécessité de renforcer la confiance dans le marché” et aux “droits et intérêts des entrepreneurs” sont des changements bienvenus dans la rhétorique du parti.

Les vents contraires font flotter les drapeaux rouges

Les perspectives de la Chine sont aujourd’hui bien moins roses qu’au bon vieux temps de la croissance à deux chiffres du PIB (voir graphique 1).

Tout d’abord, l’économie s’est structurellement affaiblie au cours des dix dernières années. La liste verte des vents économiques contraires structurels comprend le surinvestissement chronique, la mauvaise allocation du capital – immobilier, un pour tous, la faible croissance de la productivité, la détérioration des finances publiques, le vieillissement de la population et un contrôle central plus strict de l’économie.

Deuxièmement, la pandémie a freiné les perspectives de croissance de la Chine. Troisièmement, le marché immobilier s’est fortement effondré ces deux dernières années, depuis la chute du grand promoteur immobilier, Evergrande. Le secteur immobilier est toujours en forte contraction. Il y a un risque que le retard en matière de logements partiellement construits ne puisse être rattrapé. Quatrièmement, l’environnement économique extérieur s’est détérioré, avec des risques croissants de récession aux États-Unis et en Europe, ce qui entraîne une baisse de la demande mondiale pour les exportations chinoises. La rivalité et la méfiance croissantes entre les États-Unis et la Chine, comme l’a montré l’incident du ballon espion, constituent un vent contraire supplémentaire pour l’économie chinoise, alors que les États-Unis augmentent leurs sanctions et leurs droits de douane sur les exportations chinoises.

La récente reprise de l’économie pourrait indiquer que la plus difficile période est terminée. Néanmoins, la Chine est confrontée à des défis économiques considérables et il lui faudra du temps pour se remettre de la politique “zero-COVID”. La trajectoire de croissance de la Chine n’est pas prometteuse.

 

Biographie

Francesco Mandalà, PhD a rejoint MBaer Merchant Bank en février 2021. Il a une formation en économie et en ingénierie financière, et ses compétences sont la gestion de portefeuille, la modélisation des titres à revenu fixe, la stratégie macro, la gestion des risques et l’analyse des fonds. Auparavant, Francesco a occupé diverses fonctions chez UBS et Julius Baer. Auparavant, il a été statisticien à la Banque centrale européenne (BCE) à Francfort et analyste au Comité européen des contrôleurs bancaires (CECB) à Londres. Il collabore actuellement avec le Swiss Finance Institute (SFI) et co-dirige certaines classes de maître avec des universitaires du SFI. Francesco est titulaire d’un certificat en ingénierie financière et gestion des risques (Columbia University), d’un certificat en gestion des investissements avec Python et apprentissage automatique (EDHEC Risk Institute), d’un doctorat en économie (Pavia University), d’un MSc en économie et économétrie (Southampton University) et d’une licence en économie (Bocconi University, notes : 110/110). Francesco parle couramment l’italien et l’anglais.