Solutions d’investissement
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- Interview Emmanuelle Sée
- Responsable Gestion Actions
- Swiss Life Asset Managers
« La biodiversité est la nouvelle priorité des investisseurs engagés »
La préservation de la biodiversité est devenue un élément fondamental dans la lutte contre le réchauffement climatique. Elle s’impose d’ailleurs comme l’une des thématiques clés pour les investisseurs engagés dans une approche à impact, notamment pour les réponses qu’elle apporte à trois des dix-sept des objectifs de développement durable des Nations Unies.
Comment définir la biodiversité, en se référant par exemple aux Objectifs de Développement Durable des Nations Unies ?
La biodiversité représente la richesse et la variété de la vie sur Terre, depuis les plus simples structures génétiques jusqu’aux organismes complexes tels que les humains. On associe le plus souvent la biodiversité à la Nature. Elle englobe non seulement les différentes espèces animales et végétales, mais aussi les micro-organismes, ainsi que les écosystèmes qui les soutiennent. Les contours de cette définition ont notamment été fixés par la Convention de la Diversité Biologique en 1992. Cette définition est souvent utilisée en référence aux Objectifs de Développement Durable des Nations Unis. Elle en concerne trois plus particulièrement. Le 14 – conserver et exploiter durablement les océans – le 15 – protéger et restaurer l’utilisation durable des écosystèmes terrestres- et je rajouterais aussi le 12, qui vise à établir des modes de consommation et de production durables.
Quels sont pour vous les grands enjeux liés à la biodiversité ?
Après la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité représente aujourd’hui un immense défi. De multiples facteurs sont responsables de la dégradation de nos écosystèmes : les changements d’utilisation des terres et des mers, l’exploitation directe des espèces, le changement climatique, la pollution et les espèces invasives, pour citer les principaux. Par ailleurs, la perte de la biodiversité s’est accélérée – et ce à l’échelle globale. De nombreuses espèces animales et végétales disparaissent à un rythme alarmant. Or, les crises de la biodiversité et du climat sont liées dans la mesure où nos écosystèmes jouent un rôle central dans l’absorption du carbone. La dégradation de la nature induit des répercussions sanitaires, sociales mais également économiques. Heureusement, le cadre réglementaire progresse. Il encourage les investisseurs à agir. 196 pays se sont réunis lors de la COP15 sur le thème de la biodiversité et sont parvenus à un accord historique, avec un cap clair et des objectifs quantifiés pour réduire significativement sa perte.
En termes d’investissements, comment se caractérise ce thème?
Selon le World Economic Forum, les investissements relatifs à la biodiversité représentent un marché potentiel valorisé à 10’000 milliards de dollars par an, auquel s’ajoutent 395 millions d’emplois à horizon 2030. Il forme donc un important vivier d’opportunités où émergent entre autres de nouvelles solutions et de nouvelles technologies.
Pourquoi cette thématique vous semble si importante que vous décidiez de lui consacrer un fonds ?
Chez Swiss Life Asset Managers, nous sommes convaincus que le respect de la biodiversité est la nouvelle thématique prioritaire pour les investisseurs engagés. Nous avons donc été un des premiers acteurs du marché à lui consacrer un fonds. Il est possible de saisir ainsi des opportunités de croissance durable à travers des entreprises qui œuvrent contre la perte de biodiversité.
Quelle est la taille de l’univers d’investissement sur lequel vous opérez ?
Pour être prise en compte dans notre univers d’investissement, une entreprise doit démontrer une intentionnalité matérielle. Cela implique une vision claire de la part du management ainsi qu’un stade de développement avancé post Recherche et Développement. De fait, c’est un univers dynamique qui reflète le réservoir d’opportunités où nous voyons émerger les nouvelles solutions et les nouvelles technologies dont je vous parlais plus tôt. Il comprend, à date d’aujourd’hui près de 350 valeurs.
Quel est le profil des entreprises sur lesquelles vous vous concentrez ?
Le fonds présente des biais marqués sur des secteurs, des facteurs et des zones géographiques. Nos valeurs sont orientées petites et moyennes capitalisations. Elles démontrent une matérialité impact significative ainsi qu’un fort potentiel de croissance et d’innovation. Nous avons une préférence marquée pour les marchés japonais et européens, et nous avons tendance à privilégier certains secteurs clés tels que les cleantechs, les matériaux durables et la consommation de base. L’approche factorielle est stratégiquement orientée vers la croissance future, en maintenant une légère surpondération sur les valeurs dites “value”. Cette orientation reflète notre engagement en faveur de solutions innovantes et durables qui contribuent à la préservation de la biodiversité. Nous ajustons régulièrement ces biais pour nous adapter aux évolutions du marché. C’est une stratégie qui s’est avérée efficace dans le contexte des fluctuations de marché et des fluctuations environnementales que nous avons rencontrées des dernières années.
Quels sont les critères, voire les indicateurs clés utilisés dans vos analyses et vos évaluations ?
Ils reposent sur des indicateurs scientifiques et académiques. Notre rôle est d’évaluer entreprise par entreprise comment ces critères de respect de la biodiversité sont réellement intégrés. Cela passe, tout d’abord, par l’exclusion des entreprises à impact négatif, dont l’activité contribue directement à dégrader nos écosystèmes. Je rappelle que nous investissons dans des sociétés qui proposent des solutions pour protéger et/ou restaurer nos écosystèmes. Nous basons également notre analyse sur le cadre des Objectifs de Développement Durable des Nations Unis – les ODD 14 et 15, que j’ai déjà mentionnés, ainsi que l’ODD 12, davantage lié à l’économie circulaire. Pour ce qui relève de la gestion à proprement parler, elle est de type « quantamental ». Elle repose sur des inputs combinant top-down et bottom-up. Le prisme quantitatif permet de construire une structure de portefeuille solide, en maîtrisant à la fois les contraintes liées à la réglementation et au risque. Quant à l’approche fondamentale, elle est essentielle dans la sélection des entreprises en tenant compte de leurs activités et de leurs sensibilités envers la biodiversité.
Où identifiez-vous aujourd’hui les opportunités les plus évidentes ?
Nous voyons beaucoup d’opportunités dans des domaines assez diversifiés. Parmi elles, je mettrais en avant les sociétés spécialisées dans le traitement de l’eau, des déchets ou dans le recyclage des métaux pour encourager l’émergence d’une économie circulaire. On peut également retrouver bon nombre de technologies, comme des appareils de cartographie de fonds sous-marins ou encore le segment de l’agri-tech de même que celui des activités régénératrices.
Sur un plan plus géographique, le Japon, tourné vers l’océan, compte plusieurs sociétés spécialisées dans la protection de l’écosystème marin que nous trouvons très intéressantes. L’Australie, où la faune et la flore sont menacées, se distingue aussi avec ses acteurs dédiés à l’économie circulaire. En Europe et aux Etats-Unis, on trouve davantage de sociétés qui se concentrent sur la lutte contre la pollution à travers par exemple la préservation des écosystèmes, sur terre ou en eau douce.
Emmanuelle Sée
Swiss Life Asset Managers
Emmanuelle Sée est responsable du pôle Actions et de l’Impact Investing chez Swiss Life Asset Managers France depuis 2022. Elle a débuté sa carrière en banque d’investissement auprès de ICBC et Bank of China comme analyste, puis elle a rejoint le groupe Amundi, à Tokyo et à Paris. Elle y a évolué dans différents postes de gestion dédiés aux solutions ESG/Impact, de 2014 à 2021. Gérante Multi-Asset à ses débuts, Emmanuelle s’est spécialisée ensuite comme gérante Actions Globales sur la thématique Impact liée plus spécifiquement aux solutions climatiques, environnementales et sociales. Pour Swiss Life Asset Managers, elle gère notamment le fonds Equity Environment & Biodiversity Impact. Emmanuelle Sée est diplômée d’un Master en Finance de l’Institut National des Langues Orientales. Elle est également titulaire de trois licences en chinois, en japonais et en commerce international.
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