Interview Chairman
- Interview Alfredo Piacentini
- Managing partner
- Decalia
« Le développement de la ligne Private Markets est l’un de nos succès majeurs »
Decalia célèbre cette année ses dix ans. Son co-fondateur, Alfredo Piacentini, revient dans cet interview sur une décennie menée avec la volonté constante d’innover, comme l’illustre notamment le développement de la ligne Private Markets, devenue aujourd’hui la signature de Decalia.
Par Jérôme Sicard
Alors que Decalia fête son dixième anniversaire, quel bilan tirez-vous de cette décennie écoulée ?
Le poids croissant de la réglementation, pour commencer. En dix ans, l’environnement a beaucoup évolué, que ce soit en matière de cadre juridique, de normes ou de typologies d’acteurs. Cela a profondément modifié la donne, pour les banques comme pour les sociétés de gestion, et pas nécessairement en mieux. La gestion privée est aujourd’hui beaucoup plus encadrée, et le dialogue avec la clientèle s’est complexifié. Nous sommes soumis à des réglementations européennes conçues pour des marchés où les connaissances financières des clients sont moindres qu’en Suisse, ce qui rend la gestion plus rigide, avec un degré de personnalisation qui tend à se réduire. Honnêtement, la charge administrative approche un seuil difficilement soutenable.
Pour s’en tenir aux marchés, l’essor des réseaux sociaux et des plateformes en ligne a conduit à une certaine démocratisation, mais il a aussi engendré davantage de volatilité, de distorsions et d’émotivité. Ce sont des phénomènes qui n’existaient pas voilà dix ans, et que nous n’avions donc pas à gérer.
Et pour Decalia, plus spécifiquement, quel regard portez-vous sur ces dix années ?
Nous avons su nous adapter aux nouvelles normes de marché et aux transformations du secteur. L’un de nos succès majeurs est le développement de la ligne Private Markets, destinée à une clientèle sophistiquée recherchant des investissements à moyen et long terme, moins sensibles aux bouleversements du marché. Nous avons été des pionniers, notamment dans les stratégies liées au crédit. De manière générale, ces dix années ont été très constructives : nous avons bâti une structure qui propose aujourd’hui une approche différenciée.
De quoi êtes-vous le plus fier ?
D’avoir réuni une équipe solide autour de cinq associés pleinement investis dans le développement de Decalia : Rodolfo De Benedetti, Sébastien Demole, Xavier Guillon, Nicolò Miscioscia et moi-même. Nous nous entendons bien, nous travaillons dans la même direction, et surtout, nous aimons ce que nous faisons. Nous n’avons pas monté Google, mais nous avons réuni 70 collaborateurs talentueux qui prennent plaisir à évoluer ensemble.
Votre plus grande réussite ?
La ligne Private Markets, sans hésitation. Nous avons levé près de deux milliards de francs en dix ans dans ce domaine. Lorsque nous nous sommes lancés, ce secteur émergeait à peine. A l’époque, aux lendemains de la crise financière, nous avons su profiter du retrait des banques, qui l’ont jugé trop complexe ou trop contraignant en termes de fonds propres.
Et votre principal échec ?
Nous n’avons pas réussi à créer de véritable « blockbuster » parmi nos fonds long only, un produit phare qui aurait marqué une rupture et accéléré notre croissance. Pourtant, nous avons lancé des stratégies innovantes et avant-gardistes, sur des thématiques comme les Millennials ou l’économie circulaire. Depuis trois ans, nous trouvons notre rythme de croisière, mais nous avons mis du temps à y parvenir.
Vous avez dirigé Syz avant Decalia. En quoi la gestion d’une société de gestion diffère-t-elle de celle d’une banque ?
J’ai co-dirigé Syz voilà maintenant plus de dix ans. Depuis, il est clair que la direction d’une banque est devenue encore plus contraignante. Je pensais qu’une société de gestion serait donc plus légère à piloter, mais en réalité, le niveau de complexité est quasiment le même que pour une banque de 2015. À part l’infrastructure bancaire, la gestion d’un établissement de cinq milliards et celle d’un gérant indépendant de taille équivalente présentent aujourd’hui peu de différences.
Quelle expérience acquise chez Syz vous a le plus servi ?
D’abord la gestion des hommes. Il ne faut jamais oublier qu’il s’agit de notre matière première. Il est fondamental de savoir gérer les individus et les amener chacun à donner le meilleur d’eux-mêmes, sur le plan individuel comme sur le plan collectif. Le travail d’équipe est un ressort fondamental dans une structure comme la nôtre. Voilà ce que j’ai appris chez Syz où nous avions quand même réunis 500 collaborateurs qui fonctionnaient bien ensemble.
J’ai aussi appris de mes échecs. J’ai développé une approche plus réfléchie du risque et de la prise de décision. Aujourd’hui, je prends le temps d’analyser les choses en profondeur, ce qui m’est parfois reproché, mais qui s’avère souvent bénéfique.
Enfin, j’ai appris à collaborer avec mes associés, à écouter leurs attentes, à respecter leurs choix et à trouver des compromis quand nécessaire pour assurer la bonne marche de Decalia. C’est tout un art. D’autres que moi auraient été plus enclins à exercer le pouvoir en solitaire.
En quoi pensez-vous vous être le plus démarqué ?
J’espère que nous projetons aujourd’hui l’image d’une structure qui se différencie par rapport à la plupart des gérants indépendants. Nous avons toujours souhaité fonder notre identité sur l’analyse, la recherche fondamentale et une vision macroéconomique forte. L’objectif est que Decalia soit perçue comme une organisation rigoureuse, réfléchie et capable d’anticiper.
Où se situe l’innovation chez Decalia aujourd’hui ?
Dans la gestion privée, qui reste un secteur assez traditionnel, l’innovation réside avant tout dans la relation client et la communication. La manière dont nous interagissons avec nos clients évolue profondément, en raison des avancées qui viennent avec le digital.
Lors de la création de Decalia, c’est dans les thématiques que nous avons vraiment innové, bien qu’elles soient aujourd’hui un peu galvaudées, comme le sectoriel d’ailleurs. Lorsque l’effet tulipe d’un thème finit par s’épuiser et que l’effet de mode disparaît, il perd de son attrait en tant qu’investissement. Il existe un décalage très net entre le développement naturel d’un thème et l’évolution plus artificielle de la valorisation de ses actifs sous-jacents. Un thème s’inscrit dans le long terme, mais l’industrie financière cherche souvent une rentabilité plus immédiate.
Par ailleurs, il est devenu plus facile de copier des stratégies d’investissement. Suivre une idée ne suffit plus pour être innovant. Aujourd’hui, lorsqu’on lance une stratégie ou un produit, il faut s’assurer qu’il ne pourra pas être répliqué immédiatement par un concurrent. Les barrières à l’entrée sont trop faibles.
Qu’en est-il des Private Markets ?
C’est différent. Copier un modèle dans les marchés privés est autrement plus complexe et nécessite du temps. Les barrières à l’entrée sont plus élevées. Il est d’autant plus difficile de monter une équipe que c’est un métier relativement récent, qui demande des compétences techniques très pointues. Dans ce domaine, nous avons pris une avance certaine en nous positionnant tôt et en développant des stratégies originales.
Nous sommes en mesure d’offrir à des investisseurs sophistiqués des solutions avec des ratios risque-rendement très attractifs et des cycles d’investissement plus courts que le private equity classique. Nous parlons ici de cinq à sept ans, plutôt que dix à quinze ans.
Nous avons su être innovants, et nous comptons bien le rester. Les marchés privés, avec le retrait relatif des banques, sont encore loin d’avoir délivré leur immense potentiel.
Alfredo Piacentini
Decalia
Alfredo Piacentini a co-fondé Decalia en 2014, et il en est le managing partner. Il est également membre du conseil d’administration, du comité de direction ainsi que des comités de stratégie et d’investissement. Alfredo Piacentini a travaillé neuf ans chez Lombard Odier, à Genève et à Londres, en tant qu’analyste financier puis gérant de fonds, avant de co-fonder la banque Syz en 1995. Associé et directeur général du groupe, il a dirigé la gestion privée, la gestion centralisée et l’activité de fonds de placement. Il a également géré plusieurs fonds au cours de sa carrière, consacrés entre autres aux marchés émergents, à la région méditerranéenne, au marché italien et à une stratégie Global long/short. Il est titulaire d’un Master en Relations internationales de l’Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationales de Genève.
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