Food for thought

Solutions Investissements

  • Luca Carrozzo
  • Chief Investment Officer
  • Banque CIC Suisse

L’industrie alimentaire, un secteur dynamique, en croissance 

L’industrie alimentaire est en pleine mutation. Avec une offre qui s’Ă©tend, pour rĂ©pondre aux nouvelles habitudes de consommation. De jeunes entreprises innovantes prennent dĂ©sornais place Ă  cĂ´tĂ© d’acteurs plus Ă©tablis. Cette mutation, explique Luca Carrozzo, doit aussi faire rĂ©flĂ©chir Ă  la manière de structurer un portefeuille d’investissement dans ce secteur. 

Francesco MandalĂ 

Avec la multiplication de nouvelles habitudes alimentaires, l’industrie alimentaire est redevenue intĂ©ressante pour les investisseurs. Comment rĂ©sumer ce qui se passe actuellement dans ce secteur ? 

En fait, il se passe pas mal de choses en ce moment et, effectivement, il y a un potentiel pour les investisseurs. Dans la production alimentaire, nous constatons que l’accent est mis sur les produits locaux, et sur plus d’efficience. Parallèlement, la population mondiale augmente. Par consĂ©quent, la consommation de protĂ©ines va croĂ®tre. RĂ©pondre Ă  cette demande tout en prĂ©servant les ressources sera un grand dĂ©fi. Nous voyons Ă©galement un Ă©norme potentiel dans le transport. En effet, pour diminuer le gaspillage alimentaire, il faudra s’y intĂ©resser tout au long de la chaĂ®ne de livraison. Enfin, il faut Ă©galement mentionner les nouvelles habitudes de consommation. En Suisse comme ailleurs, on trouve dĂ©sormais de plus en plus de produits de substitution au lait et Ă  la viande, jusque dans les rayons des grands distributeurs. 

Comment expliquer ces nouvelles tendances ? 

Il y a bien sĂ»r, d’abord, le changement climatique et la croissance dĂ©mographique. Par ailleurs, la guerre en Ukraine nous a montrĂ© Ă  quel point une grande partie du monde dĂ©pend de la Russie et de l’Ukraine pour les denrĂ©es alimentaires de base comme le blĂ©. Ce qui va entraĂ®ner un profond rĂ©examen de la chaĂ®ne d’approvisionnement mondiale.  

Quelles en seront les consĂ©quences pour l’investisseur ? 

Il faut ici faire la distinction entre l’Ă©volution fondamentale et les valorisations du marchĂ©. Les deux cheminent souvent en parallèle, mais, parfois, elles divergent. L’Ă©volution fondamentale est structurelle et prend Ă©normĂ©ment d’ampleur. Les chiffres d’affaires et les bĂ©nĂ©fices de ceux que l’on appelle les “pure players” de l’industrie alimentaire sont en croissance constante et, surtout, ils rĂ©sistent Ă  la crise.

D’un autre cĂ´tĂ©, les valorisations du marchĂ© Ă©voluent de manière très volatile. Il y a deux ans encore, nombre de ces entreprises se nĂ©gociaient sur des multiples très Ă©levĂ©s et, dans certains domaines, on pouvait clairement parler de “hype”. Cette situation a changĂ© de manière significative suite Ă  la correction des 18 derniers mois, qui a surtout touchĂ© les petites capitalisations. Les valorisations ont presque diminuĂ© de moitiĂ© depuis le pic de 2021 et un assainissement du marchĂ© a eu lieu. Pour les investisseurs, cela signifie qu’il y a dĂ©sormais des points d’entrĂ©e intĂ©ressants. 

À quoi ressemblerait un portefeuille qui voudrait parier sur la croissance ? 

Il faudrait y intĂ©grer, dans un portefeuille diversifiĂ©, les pure players des secteurs de croissance, auxquels l’industrie alimentaire appartient. Mais attention, il est important d’analyser attentivement ces entreprises et de toujours garder un Ĺ“il sur leurs valorisations.  

Les innovations ont dĂ©sormais lieu autant dans les startups que dans les grands groupes. Quel en est l’impact sur la stratĂ©gie d’investissement ?

Ce qui se passe dans le secteur de l’alimentation est assez similaire Ă  ce qui s’est passĂ© dans l’industrie pharmaceutique. Pour simplifier, l’innovation a lieu dans les petites entreprises et les grands groupes sont responsables du dĂ©veloppement et de la mise Ă  l’Ă©chelle de ces innovations. Le changement structurel que vit le secteur a donc besoin des deux types d’acteurs. Du point de vue de l’investisseur, il est donc nĂ©cessaire de les considĂ©rer tous les deux. Par ailleurs, pour des questions de risques, nous ne recommandons pas d’investir uniquement dans des pure players, mĂŞme si ces derniers doivent bien entendu faire partie d’un portefeuille diversifiĂ©. 

Y a-t-il des entreprises particulièrement intéressantes dans ce secteur de l’industrie alimentaire ? 

Avec NestlĂ© et les grands producteurs pharmaceutiques, la Suisse serait prĂ©destinĂ©e Ă  devenir un hub dans le domaine de la foodtech/agritech. Pour les investisseurs, c’est un excellent point de dĂ©part. Ceci dit, nous sommes d’abord intĂ©ressĂ©s par des investissements aux États-Unis. On peut citer John Deere dans le domaine de la gestion des terres et Ecolab dans celui de la gestion de l’eau. Dans le domaine des protĂ©ines alternatives, Benson Hill nous semble bien placĂ©. Et pour finir, je citerai quand mĂŞme un nom suisse que nous connaissons tous mais dont on ignore parfois qu’il joue un rĂ´le important dans l’industrie mondiale de l’emballage : SIG Group.

Luca Carrozzo

Banque CIC (Suisse)

Luca Carrozzo est responsable de la politique d’investissement de la Banque CIC, dont il est Chief Investment Officer. Cet analyste ESG diplĂ´mĂ© est titulaire d’un brevet fĂ©dĂ©ral en Wealth Management (CFPI). Il travaille depuis 2009 pour la banque CIC, notamment dans la gestion de portefeuille et le conseil. Depuis 2017, Luca Carrozzo fait Ă©galement partie du comitĂ© d’investissement de la banque. Sur mandat de la Banque CIC, il a en outre travaillĂ© de 2019 Ă  2021 pour l’Investment Advisory de la Banque Transatlantique Ă  Londres.

Rising Sun

Solutions Investissements

  • Gregor Trachsel
  • Chief Investment Officer
  • SG Value Partners

La réhabilitation progressive des actions japonaises

En mai, l’indice Nikkei a squattĂ© la Une des journaux lorsqu’il est parvenu Ă  son plus haut niveau depuis 33 ans. Les observateurs du marchĂ© ont avancĂ© toute une sĂ©rie d’arguments pour expliquer cette hausse imposante. Gregor Trachsel avance ici les siens.

Francesco MandalĂ 

Dans les portefeuilles, la sous-pondĂ©ration des investisseurs mondiaux au Japon reste Ă©norme. Pourtant, les arguments en faveur d’une augmentation de cette exposition sont nombreux. La rentabilitĂ© des entreprises s’est rĂ©gulièrement amĂ©liorĂ©e et les bilans des entreprises sont extrĂŞmement solides. De plus, il existe de plus en plus de mesures favorables aux actionnaires, comme l’augmentation des dividendes et les rachats d’actions, ce qui est encore relativement nouveau au Japon. Pour finir, le gouvernement japonais tente d’inciter les citoyens Ă  investir dans des actions avec des plans d’Ă©pargne fiscalement avantageux.

Quoi que l’avenir rĂ©serve, les actions “value” japonaises demeurent toujours bon marchĂ© et se montrent donc très attrayantes. Nous attribuons les fortes dĂ©cotes du moment Ă  trois facteurs structurels. D’abord, les pratiques commerciales japonaises reposent traditionnellement sur un modèle holistique de parties prenantes, qui prend en compte les perspectives des employĂ©s, des clients, des partenaires commerciaux et de la sociĂ©tĂ© dans son ensemble. Les investisseurs occidentaux, quant Ă  eux, placent gĂ©nĂ©ralement leurs intĂ©rĂŞts d’actionnaires au premier plan.

Deuxièmement, il est toujours plus difficile d’obtenir des informations de première main au Japon par rapport Ă  ce qui se pratique dans le reste du monde. Les autoritĂ©s de surveillance et les bourses mettent pourtant la pression sur les entreprises pour qu’elles renforcent la qualitĂ© des relations investisseurs. Ce dĂ©calage reprĂ©sente un obstacle majeur pour les investisseurs Ă©trangers au cas oĂą utilisent les mĂŞmes formulaires que sur leurs marchĂ©s nationaux. De plus, les analyses de marchĂ© des courtiers japonais ne sont pas aussi complètes que pour d’autres marchĂ©s dĂ©veloppĂ©s : La raison en est que Japon est restĂ© trop longtemps, plusieurs dĂ©cennies durant, une zone d’investissement assez impopulaire. Ce manque de profondeur et d’Ă©tendue de l’analyse conduit Ă  une formation inefficace des cours, en particulier sur le segment des Small & Mid Caps.

Troisièmement, de nombreux investisseurs occidentaux hĂ©sitent Ă  acheter des actions japonaises pour des raisons pĂ©riphĂ©riques. Les Ă©volutions dĂ©mographiques ont l’air dĂ©favorables. Les entreprises passent pour plutĂ´t ennuyeuses avec des marges bĂ©nĂ©ficiaires et des perspectives de croissance modĂ©rĂ©es. La dĂ©prĂ©ciation du yen inquiète les investisseurs sensibles aux devises Ă©trangères. Enfin, les inconvĂ©nients en termes d’accessibilitĂ© et de communication, le problème du dĂ©calage horaire pour les traders dans les mĂ©tropoles financières occidentales et la barrière linguistique en dissuadent plus d’un.

MalgrĂ© l’actuelle tendance Ă  la hausse des actions japonaises, le proverbial “Wall of Worry” paraĂ®t donc toujours aussi abrupt et piĂ©geux aux yeux des investisseurs mondiaux. Certains de ces obstacles et inquiĂ©tudes s’attĂ©nueront lentement mais sĂ»rement avec le temps, Ă  mesure que les entreprises pourront s’appuyer sur leurs rĂ©cents succès en termes d’amĂ©liorations fondamentales de la gouvernance d’entreprise.

Gregor Trachsel

SG Value Partners

Gregor Trachsel est Chief Investment Officer de SG Value Partners Ă  Zurich. Avec son Ă©quipe, il gère depuis plus de 20 ans des mandats d’actions globales Deep Value et des fonds de placement avec un horizon de placement Ă  long terme. Depuis 2020, il privilĂ©gie la voie de l’indĂ©pendance avec SG Value Partners. Auparavant, il a travaillĂ© sur la mĂŞme stratĂ©gie pour M.M. Warburg (Switzerland) et Credit Suisse Asset Management Ă  Zurich.

Tableau de bord

Solutions Investissement

  • Marouane Daho
  • Analyste-gĂ©rant
  • Iteram Capital

Q3 2023 – le baromètre des stratégies hedge funds

Le premier semestre 2023 a été surprenant par la vigueur du rebond sur les actifs à risque après un contexte plus qu’incertain au sortir d’une année 2022 turbulente. Les actions ont globalement affiché des performances remarquables alors que le crédit ne connait pas encore de réel trouble grâce à la résilience inattendue des économies occidentales. Néanmoins, une grande partie de cet engouement a été concentré sur quelques sociétés de technologie du fait des nouvelles perspectives de croissance suggérées par l’essor de l’intelligence artificielle. Ces conditions ont été plutôt défavorables à une grande partie des stratégies alternatives décorrélées qui n’ont pas anticipé ce brusque regain de confiance.

 

Francesco MandalĂ 

RV Arbitrage/Multi-Strategy – Positif

  • La volatilitĂ© Ă©levĂ©e des taux et la normalisation de la politique monĂ©taire continuent Ă  fournir un ensemble d’opportunitĂ©s robustes pour les stratĂ©gies de relative values
  • Le potentiel d’alpha devrait encore s’amĂ©liorer avec l’augmentation de l’imprĂ©dictibilitĂ© sur les marchĂ©s actions

Commodities – Positif

  • Les disparitĂ©s entre offre et demande sur de nombreuses matières premières continuent d’offrir des conditions uniques aux gĂ©rants fondamentaux
  • Certains facteurs macro-Ă©conomiques (notamment la croissance chinoise) devraient toutefois peser sur les mĂ©taux et le pĂ©trole
  • Nous maintenons notre prĂ©fĂ©rence pour les approches relative value afin de minimiser la corrĂ©lation avec les prix des matières premières

Global Macro – Positif

  • Nous restons positifs sur les stratĂ©gies global macro en raison d’une amĂ©lioration de la dispersion rĂ©gionale, notamment en matière de politiques monĂ©taires
  • Les divergence entre les Ă©conomies en termes de trajectoire de dĂ©sinflation et de sensibilitĂ© au resserrement monĂ©taire constituent un terreau fertile pour ce type de stratĂ©gies
  • Les tensions gĂ©opolitiques peuvent Ă©galement apporter de l’instabilitĂ© sur les marchĂ©s macro, ainsi que de nouvelles opportunitĂ©s

Fixed Income/Credit Arbitrage – Positif

  • Les rendements obligataires se situent Ă  des niveaux très attractifs et la dispersion Ă©levĂ©e entre Ă©metteurs et secteurs favorise les stratĂ©gies long/short
  • L’arbitrage de convertibles semble intĂ©ressant en vue d’une augmentation des Ă©missions Ă  mesure que les sociĂ©tĂ©s cherchent de nouvelles options de refinancement et une volatilitĂ© peu onĂ©reuse
  • Nous restons attentifs aux opportunitĂ©s distressed avec une hausse attendue des situations de dĂ©faut dans les trimestres Ă  venir

CTA/Managed Futures – NĂ©gatif

  • Les changements rĂ©pĂ©tĂ©s de sentiment de marchĂ© ont pĂ©nalisĂ© les stratĂ©gies de trend-following, Ă  cause de la faiblesse des signaux de momentum notamment sur les taux et les matières premières
  • Nous attendons la fin du cycle de hause des taux pour rĂ©ajuster notre conviction sur ces stratĂ©gies

Event Driven – Neutre

  • Les stratĂ©gies de merger arbitrage restent en difficultĂ© face Ă  un cadre rĂ©glementaire de plus en plus complexe Ă  naviguer et une baisse de l’activitĂ© de fusions-acquisitions. Les spreads sont nĂ©anmoins très attractifs
  • Les pressions pour restructurer certaines sociĂ©tĂ©s en difficultĂ© dans un environnement de taux Ă©levĂ©s crĂ©e des opportunitĂ©s intĂ©ressantes, cependant la directionalitĂ© inhĂ©rente aux stratĂ©gies de Special Situations les rend vulnĂ©rables Ă  une correction des marchĂ©s

Equity Long/Short – Neutre

  • Les marchĂ©s actions prĂ©sentent aujourd’hui des valorisations Ă©levĂ©es et une prime de risque trop faible pour justifier des positions directionnelles, nous maintenons notre prĂ©fĂ©rence pour les stratĂ©gies low-net et market neutral
  • A mesure que la volatilitĂ© des facteurs macro-Ă©conomiques se normalise, nous devrions constater une augmentation de la dispersion ce qui reprĂ©sente un environnement favorable aux stratĂ©gies de sĂ©lection de titres long/short

Marouane Daho

Iteram Capital

Marouane est analyste/gĂ©rant chez Iteram Capital et membre du comitĂ© d’investissement. Ses principales responsabilitĂ©s consistent en la recherche de gĂ©rants et la gestion de portefeuilles de hedge funds. Avant de rejoindre Iteram, il Ă©tait en charge des hedge funds et des investissements sur les marchĂ©s privĂ©s au sein d’un single-family office Ă  Genève. Il a dĂ©butĂ© sa carrière chez Lyxor Asset Management Ă  Paris en tant qu’analyste hedge funds. Marouane est diplĂ´mĂ© de l’Ă©cole de commerce NEOMA avec un MSc en finance.

A la loupe

Solutions Investissements

  • Interview Kathleen Gailliot
  • Responsable de la Recherche, Small & Mid Caps europĂ©ennes
  • Kepler Cheuvreux

« Les Small & Mid Caps présentent plusieurs aspects structurellement attractifs » 

Malmenées ces deux dernières années, les petites et moyennes capitalisations européennes semblent enfin retrouver des couleurs. Servies par des valorisations très basses, ces valeurs devraient pouvoir à nouveau profiter des spécificités qui font leur force.

Francesco MandalĂ 

Quels sentiments vous inspirent les valorisations actuelles des Small & Mid Caps européennes ?

D’abord, elles sont très basses et, ensuite, elles proposent aujourd’hui d’excellents points d’entrée. Entre décembre 2021 et fin juin 2023, elles ont perdu 22 % par rapport au Large Caps. Les conséquences de la guerre en Ukraine ont bien évidemment pesé sur elles. Les Small & Mid Caps ont par nature une orientation plus domestique que les Large Caps. Le chiffre d’affaires qu’elles réalisent en Europe est de l’ordre de 60%, contre 40% pour les Large Caps. Les investisseurs ont donc été particulièrement sensibles à l’accroissement des risques géopolitiques en zone euro. La dégradation des Small & Mid Caps ces deux dernières années est du même ordre qu’au moment de la crise financière. Elles avaient alors sous-performé les Large Caps de 24% entre fin 2007 et fin 2008.

Certains secteurs ont-ils échappé à la récente correction ?

Dans l’ensemble, non. Certaines capitalisations ont été plus impactées. Les Small Caps, qui se situent sous le milliard d’euros en termes de capitalisation boursière, ont souffert du « flight to liquidity » qui a suivi le crash de la Silicon Bank Valley en début d’année. Les investisseurs ont préféré éviter pour un temps les titres dont le volume traité journalier est faible. La barre d’un million d’euros est le plus souvent le seuil minimal que se fixent les investisseurs All Caps.

Le deuxième semestre 2023 vous paraît-il plus favorable aux Small & Mid Caps européennes ?

Oui, le mouvement semble s’être engagé en juillet. Nous avions déjà vu une amorce de reprise en début d’année mais elle a vite été douchée par la crise de liquidité due à la chute de SVB. En janvier, les Small & Mid avaient surperformé les Large de 7%. Le point d’inflexion semble avoir été franchi et le rebond devrait se poursuivre alors que les valorisations restent encore très basses, comme en témoigne le price-to-book, où les Small & Mids se négocient avec une décote de 20%.

Si les MidCaps ont commencé à rebondir, les Small Caps restent encore délaissées et affichent toujours des valorisations très décotées. Au premier semestre, beaucoup de retraits ont été effectués dans cette catégorie et les flux sont en train de se rééquilibrer.

Ce qui plaide également pour le rétablissement des Small & Mid Caps en Europe, c’est la volonté des gérants All-Caps de revenir sur des dossiers qui sont plus limités en taille, mais qui ont l’avantage de générer de l’alpha dans les phases de reprise de marchés. Dans un contexte international, il faut souligner également que Small & Mid Caps européennes se traitent à une forte décote comparée à leurs homologues américaines. Cette décote, en price-to-book value est de l’ordre de près de 40%, soit plus du double de leur décote habituelle !

Par quelles tendances les Small & Mid caps peuvent- elles aussi se laisser porter aujourd’hui ?

Avant même d’en venir aux tendances, autant rappeler que les Small & Mid Caps présentent plusieurs aspects structurellement attractifs : leur exposition domestique, leur pouvoir de fixation des prix et leur rythme de croissance. A cela s’ajoute le faible suivi qui permet de jouer des inefficiences de marché pour générer de l’alpha.

Pour ce qui est des tendances, il est vrai que les Small & Mid Caps profitent de l’importance grandissante que prennent les thĂ©matiques dans les stratĂ©gies d’investissement. Pour les gĂ©rants qui souhaitent exploiter un thème en particulier – hydrogène, captage du carbone, digital … – les Small & Mids offrent des pistes intĂ©ressantes car elles contiennent de nombreux « pure players ».

A terme, il va enfin falloir prendre en compte leur dimension ESG. Nous trouvons beaucoup de ces valeurs appelées ESG-Improvers dans les rangs des Small & Mids. Ce sont des entreprises qui ont un impact positif, mais manquent de ressources pour structurer leur communication ESG, à l’inverse des Large Caps. Sous l’effet des évolutions règlementaires, cette communication s’améliorera fortement dans les années à venir, ce qui devrait entrainer le relèvement de certaines recommandations et donc attirer plus d’investisseurs ESG sur la catégorie.

Kathleen Gailliot

Kepler Cheuvreux

Kathleen Gailliot dirige la recherche sur les petites et moyennes capitalisations europĂ©ennes chez Kepler Cheuvreux. L’univers SMID englobe environ 700 valeurs, ayant une capitalisation boursière infĂ©rieure Ă  5 milliards d’euros. Elle est responsable Ă©galement de la « SMID Selected List » europĂ©enne et d’autres rapports thĂ©matiques. Avant de rejoindre Kepler Cheuvreux en 2018, elle a travaillĂ© chez Natixis pendant huit ans. Elle a dĂ©butĂ© en tant qu’analyste Auto puis a couvert les SMID françaises, actives principalement dans les biens d’Ă©quipement et les services aux entreprises. Kathleen est diplĂ´mĂ©e de Grenoble Ecole de Management et de l’Aston Business School.

Hybrides Corporate

Solutions Investissement

  • GaĂ«lle Boucher
  • Head of Research
  • bridport & cie

Hybrides corporate : un couple rendement risque attractif sur des crédits solides

Dans un environnement empreint d’incertitude, la recherche de rendement reste d’actualité. L’inversion des courbes de taux est un élément de support aux maturités courtes. Bien que la volatilité du marché reste élevée, les investisseurs avec une vision à long terme peuvent aujourd’hui obtenir des rendements attrayants sur des émetteurs non financiers solides au travers de la dette dite hybride, à mi-chemin des actions et des obligations.

 

Francesco MandalĂ 

Les hybrides corporate sont des titres subordonnĂ©s Ă©mis par des entreprises non-financières. Leur structure combine des caractĂ©ristiques propres aux obligations – le coupon – et aux actions – maturitĂ© très longue voire perpĂ©tuelle, et coupon discrĂ©tionnaire. Point de comparaisons avec le rĂ©cent Ă©pisode de CrĂ©dit Suisse, ce ne sont pas des instruments règlementaires: elles n’ont pas de rĂ´le d’absorption des pertes. Il s’agit avant tout d’un instrument de gestion du bilan: les agences de notation les considèrent Ă  50% comme de la dette, l’autre moitiĂ© Ă©tant des fonds propres. C’est la notion d’equity content, ou EC. Une perpĂ©tuitĂ© qui n’en est pas une puisque des options de remboursement anticipĂ©e (call) sont prĂ©vues, dont la première en moyenne 5 ans après la date d’émission est, dans les faits, presque toujours exercĂ©es. Dans le cas contraire, l’investisseur reçoit une rĂ©munĂ©ration supplĂ©mentaire pour conserver l’instrument plus longtemps (step-up).

Comprendre leur risque pour mieux les maitriser

Elles présentent une valorisation similaire à celui des crédits à haut rendement les mieux notés, mais avec une composition du risque différente. En effet, au-delà du risque crédit et du risque de taux, cet instrument a un taux de recouvrement faible en cas de défaut. Cependant, le risque de défaut est plus faible car l’exposition sous-jacente est un crédit de notation investment grade dans la majorité des cas. Son risque d’extension en cas de non-paiement à la première date de remboursement créera un choc important sur la valorisation, sans compter un risque de non-paiement du coupon, et le risque de remboursement anticipé en cas de changement de méthodologie de la part des agences ou d’évènements spécifiques.

Les hybrides comportent des clauses sur les coupons leur permettant d’en reporter le versement si l’émetteur n’est pas en mesure de verser son dividende. Ce risque est néanmoins très faible pour les émetteurs de qualité et l’impact en termes de réputation serait très important. A noter que le coupon est en général cumulatif.

Le risque d’extension est le plus important car souvent le moins bien compris. Il s’agit du risque de non remboursement à la première date de call. En période de stress économique ou en cas de renchérissement des couts de financement, l’inquiétude des investisseurs augmente ce qui les conduit à appliquer une prime de risque additionnelle, les obligations traitant avec une décote.

La méthode S&P assure la certitude du call

Au-delà de la première date de call, l’agence de rating S&P ne prend plus en compte ces obligations hybrides dans le calcul de fonds propres, ce qui en réduit l’intérêt pour l’émetteur. Dès lors, une notation S&P réduit de facto le risque d’extension. A ce titre il est donc primordial de comprendre comment les agences de notation traitent ce type d’instrument.

Une base d’investisseur plus stable

La majorité du marché est représenté par des émetteurs de notation Investment Grade avec un profil financier solide et un rating peu volatile, à l’exception du secteur immobilier, lourdement affecté par la hausse des taux (risque idiosyncratique). Leur présence dans les indices crédit (à l’inverse des AT1) implique une base de clientèle différente et plus stable, ce qui les rend de facto moins volatiles que les subordonnées bancaires AT1s.

Une alternative à l’augmentation de capital

La grande majorité des émetteurs provient de secteurs très lourds en dépenses d’investissement (Utilities, énergie, télécoms), qui utilisent l’instrument pour améliorer leurs ratios de crédit et éviter une baisse de leur rating tout en évitant de diluer les actionnaires. Plus de 90% des émetteurs sont de qualité Investment Grade et affichent des profils financiers solides avec une visibilité sur les flux de trésorerie. C’est une différence notable avec des émetteurs notés dans la catégorie High Yield.

Des valorisations attrayantes pour des émetteurs de qualité

Leur caractère subordonné conduit les agences de notation à leur assigner un rating inférieur à leur dette Senior. Bien que le taux de recouvrement soit faible pour les porteurs de dettes subordonnées, le risque de défaut est très limité chez les émetteurs Investment Grade. La majorité des émetteurs non actifs dans le secteur immobilier continueront de refinancer leurs obligations et la notation S&P garantit l’exercice du call. Ces investissements offrent un rendement supérieur à ceux du segment Investment grade sans pour autant avoir le même risque de défaut que le segment High Yield, aux prix certes d’une plus grande volatilité. A noter que la remontée des taux de défaut favorise le risque de subordination au détriment du High Yield. Il existe aujourd’hui des dettes hybrides «vertes» dont le développement devrait se poursuivre.

Croissance du PIB réel en Chine et indice de confiance des consommateurs.

Gaëlle Boucher
bridport & cie
Gaëlle Boucher dirige la recherche chez bridport depuis 2020. Elle a occupé auparavant différents postes de gérant obligataire chez CCBP, CCR Gestion, AXA et Pictet Asset Management. Elle a été également responsable du Fixed Income Advisory chez Lombard Odier. Gaëlle est titulaire d’un Master II en Finance de l’Université Paris-Dauphine, de la certification Wealth Management Advisor CWMA, du certificat du CFA Institute en investissement ESG et de deux Certificats Executive en Corporate Finance d’HEC Paris.

Rétrospective

Solutions Investissements

  • Interview Philip Best
  • GĂ©rant de portefeuilles Small & Mid Caps
  • Quaero Capital

Les vingt ans animés du fonds Argonaut

Voilà vingt ans, Philp Best et Marc Saint John Webb ont lancé le fonds Argonaut, axé Small & Mid Caps européennes, qu’ils continuent de gérer aujourd’hui chez Quaero Capital. Vingt ans passés à dégager de la perf et à collectionner des souvenirs assez marquants.

Francesco MandalĂ 

Quelle performance a réalisé le fonds depuis son lancement ?

A la fin mai, il avait généré 782% de rendement !

En vingt ans, quel est le meilleur investissement que vous ayez réalisé ?

C’est Danieli, une entreprise italienne d’aciéries de classe mondiale, mais dont le bilan n’a pas convaincu le marché après le scandale Parmalat en 2003. Il s’est avéré que le marché avait tort et que nous avions bien fait nos devoirs. Depuis 2007, elle a produit +948%. Et l’entreprise est toujours aussi performante aujourd’hui.

Et le pire investissement ?

Il nous est arrivé deux fois de perdre la totalité de notre investissement.  D’abord, avec Smoby en 2008. Il semble que la direction et la famille se soient placées au-dessus des actionnaires et se soient servies elles-mêmes dans la caisse. Malheureusement, cela arrive. Ensuite, avec CNIM en 2022. Cette entreprise était restée aux mains de la même famille depuis 1856, mais tout a dérapé à la sixième génération. Le responsable du fiasco ne doit pas être populaire au sein du clan…

Dans combien d’entreprises avez-vous investi au total ?

Plus de 300. 321 entreprises au total, pour être précis.

Combien en avez-vous visitées ?

Nous nous sommes rendus dans plus d’une centaine d’entreprises pour rencontrer leur direction.

Quelles ont été les visites les plus marquantes ?

La société Heiler Software à Stuttgart en Allemagne nous a accueillis avec des panneaux « Wilkommen » à la réception et des petits drapeaux suisses dans la salle de réunion. Nous avons appris qu’ils n’avaient pas reçu une seule visite d’analystes ou de gérants de fond en trois ans ! 

Votre plus grand moment de solitude ?

Lorsque nous sommes arrivés chez Rinol Flooring à Renningen en Allemagne, on nous a demandé de signer un accord de confidentialité. Puis avons été informés qu’ils venaient de déposer le bilan !

Le titre que vous avez conservé le plus longtemps ?

Nous sommes investis dans NRJ depuis 2013. En 10 ans, le cours n’a progressé que de +15%, soit une performance annualisée de seulement 1%. C’est bien d’être un investisseur patient, mais parfois, cela nous démange aussi d’appuyer sur le bouton «Vendre».

Les trois entreprises qui vous ont le plus impressionnés ?

IndĂ©pendamment de la qualitĂ© du business, la visite la plus impressionnante a sĂ»rement Ă©tĂ© la sociĂ©tĂ© Camellia au Royaume-Uni. Elle possède, entre autres, de grandes plantations de thĂ©. Leur siège social Ă©tait un château magnifique dans le Kent avec une collection d’art extraordinaire. Une Ă©norme caverne d’Ali Baba avec Ă©normĂ©ment d’actifs cachĂ©s…

Il y aussi l’iconique Studio Babelsberg à Potsdam, où ont été tournés les films de Marlène Dietrich dans les années 1920, puis les films de propagande nazis  dans les années 1930. Lors de notre visite, ils étaient en train de tourner « Inglorious Basterds » de Quentin Tarentino. Ca sortait vraiment de l’ordinaire pour nous. Le retour sur investissement a pris du temps mais l’investissement s’est bien terminé au travers d’une OPA.

Et terminons avec Orell Füssli, à Zürich, qui imprime les billets de banque suisses. Une histoire fascinante : ils sont dans le même métier depuis le XVe siècle et leur premier client était Zwingli pour qui ils ont imprimé des bibles !

Philip Best

Quaero Capital

Philip Best est l’un des co-fondateurs de Quaero Capital. Il a débuté sa carrière en 1983 comme gérant de fonds chez Warburg Investment Management, dont il gérait le fonds Mercury European Income. En 1987, il rejoint Enskilda Securities, en tant que broker spécialisé dans les petites capitalisations européennes. En 1994, il ouvre et dirige le bureau parisien de The Europe Company Limited, un courtier orienté sur la recherche spécialisé dans les petites valeurs européennes, racheté par Jefferies & Co en 2000. Philip Best a lancé le fonds Argonaut en 2003 avec John Saint Webb. Tous deux continuent à le gérer aujourd’hui.