Déferlante

Solutions d’investissement

    • Thibault Morel
    • Analyste
    • Silex

La prochaine vague de l’IA : l’électronique grand public

L’intelligence artificielle s’accompagne aujourd’hui d’investissements qui, eux, n’ont rien d’artificiel. Le récent lancement de GPT-4o par OpenAI ouvre ainsi de nouvelles perspectives dans le secteur de l’électronique grand public, où les entreprises s’efforceront ces prochaines années d’intégrer des fonctionnalités IA dans leurs appareils

Pour l’instant, la montée en puissance de l’intelligence artificielle s’est essentiellement ressentie dans les data centers. En effet, vu le stade précoce de développement où en sont les algorithmes d’intelligence dite « généraliste », le besoin s’est concentré jusqu’à présent sur la construction de capacité de calcul haute puissance. Cette capacité CHP est utilisée pour entraîner des modèles d’IA toujours plus performants, qu’il s’agisse de Machine Vision ou de Large Language Models, afin de découvrir de nouveaux cas d’usages et d’employer les modèles existants de manière plus économique.

Cependant, la présentation en mai de GPT-4o par OpenAI a entrouvert une nouvelle phase de développement pour l’Intelligence Artificielle.  GPT-4o inaugure un nouveau champ d’applications pour les consommateurs grâce à sa fluidité d’utilisation – on peut s’entretenir naturellement avec cette IA en lui parlant – et sa capacité à ingérer de plus en plus d’informations de toute sorte. L’IA peut par exemple fournir en temps réel des renseignements en temps réel sur l’environnement immédiat de l’utilisateur : quelle est la note Google du restaurant qui se trouve en face de moi ? Peux-tu me dire quel est ce monument et me raconter son histoire ? Peux-tu m’aider à résoudre ce problème de maths ? Peux-tu me servir d’interprète pour que je puisse discuter avec cet étranger qui ne parle pas ma langue ? Ce sont autant de requêtes auxquelles le modèle peut répondre en temps réel. Nous assistons à l’émergence d’un véritable assistant personnel, très loin des piètres performances de Siri.

Ces nouvelles fonctionnalités déclencheront nécessairement un super-cycle de ventes dans l’électronique grand public – smartphones, tablettes, objets connectés, PCs… Ce marché a mûri ces dernières années, en particulier sur le segment du smartphone où les durées moyennes de renouvellement de produit se sont allongées.

Ce cycle exceptionnel sera alimenté par deux impératifs qui sont déjà apparus mais qui vont devenir encore plus fondamentaux pour l’IA. D’une part, une excellente fluidité de l’expérience, essentielle pour l’adoption d’une fonctionnalité IA – la moindre latence est intolérable lorsqu’on parle avec son appli, au même titre qu’on ne supporte pas un pixel mort sur une télévision. Et, d’autre part, la confidentialité des données. L’IA en tant qu’assistant personnel apporte une dimension très intime à l’utilisateur, ce qui en retour renforcera sa méfiance vis-à-vis de l’utilisation de ses données personnelles.

Quel lien entre le renouvellement des terminaux et ces deux exigences ? Il est très simple : les appareils actuels n’ont pas la capacité technique d’y répondre. La plupart des smartphones actuels n’ont pas la puissance de calcul disponible pour « processer » une partie de la data IA au sein même du terminal, et se déchargent plutôt sur les serveurs des entreprises fournissant le service IA. Le résultat est une forte latence dégradant la fluidité du service – la data doit effectuer un aller-retour entre le terminal et le serveur situés à une distance de plusieurs centaines ou milliers de kilomètres, et l’utilisateur contrôle difficilement l’utilisation de ses données.

Les entreprises qui fourniront donc cette puissance de calcul de proximité, déjà nommé « Edge AI », en particulier sous la forme de nouveaux semiconducteurs, bénéficieront d’une croissance très significative dans les semaines à venir. Elle se traduira par un raccourcissement des cycles de renouvellement des appareils existants – Smartphone, tablettes, PCs… – et l’ouverture de nouveaux marchés, tel que celui des lunettes connectées. Il en va ainsi du partenariat entre Meta et EssilorLuxottica pour proposer aux consommateurs des Ray Ban reliées à l’intelligence artificielle de Meta, LLaMA 3, un concurrent direct d’OpenAI.

Les entreprises du secteur des semiconducteurs se retrouveront au cœur de cette bataille, en tant que conceptrices de ces puces Edge IA dédiées aux terminaux. Cependant, les acteurs intégrés auront aussi une place à jouer, comme l’a démontré Apple il y a quelques jours à l’occasion de sa conférence développeurs. Dans tous les cas, l’ensemble de la chaîne des semi-conducteurs sera de nouveau sollicité, malgré la surcharge actuelle, et le fait que les principaux acteurs pensent ne pas pouvoir satisfaire la forte demande en IA avant au moins 2027. Ces développements ouvrent selon nous de nouvelles opportunités d’investissement au sein de cet écosystème.

Thibault Morel

Silex

Thibault Morel a rejoint Silex en 2024 en tant qu’analyste actions. Il a couvert pendant 5 ans comme analyste sell-side les valeurs des secteurs technologiques européens, en particulier ceux du semiconducteur, de l’automatisation et de l’électrification. Il est diplômé du Master ingénierie financière et finance d’entreprise de l’université Paris Dauphine.

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    Metallica

    Solutions d’investissement

      • Interview David Mitchell
      • Fondateur & Président
      • Auctus Metal Portfolios

    « La crise imminente de la dette devrait favoriser les métaux précieux »

    A 2’300 dollars l’once, l’or accapare toujours autant l’attention. Mais d’autres métaux précieux reviennent sous le feu des projecteurs en raison de leur potentiel de performance. C’est le cas notamment du platine, pour lequel David Mitchell livre ici une fine analyse.

    Aujourd’hui, avec une once à 2’300 dollars, tout tourne autour de l’or. Mais qu’en est-il des autres métaux précieux comme le platine, le palladium, l’argent et le rhodium ?

    Chaque métal a son propre cycle, influencé par sa propre dynamique de l’offre et de la demande. Les cours évoluent donc en fonction de facteurs spécifiques, de tendances industrielles, de variables macroéconomiques plus larges, d’investissements réalisés à travers des produits dérivés et enfin de projections liées aux coûts de production et aux anticipations sur la demande.

    Le rhodium et le palladium ont connu par exemple d’importants déséquilibres entre l’offre et la demande, dus aux politiques gouvernementales menées contre la pollution et aux contraintes techniques de l’industrie. Entre 2015 et 2021, les prix du rhodium ont augmenté d’environ 3600 % et ceux du palladium de plus de 600%. Historiquement, des mouvements de prix aussi spectaculaires ne sont pas rares dans le secteur des métaux précieux. Depuis, les prix ont néanmoins corrigé à la baisse et se rapprochent désormais de leur juste valeur marchande.

    Pour mieux comprendre l’influence de ces facteurs, il faut classer les métaux précieux en deux catégories : monétaires et industriels.

    L’or est considéré comme un métal monétaire pur, garant de fait du système monétaire. L’argent est aussi un métal monétaire, mais avec une composante industrielle importante.

    Le platine, le palladium et le rhodium sont des métaux industriels, mais peuvent être vus aussi comme de purs investissements, d’où leur classification en “métaux précieux”.

    Les événements géopolitiques tendent à orienter les flux de capitaux vers les valeurs refuges que constituent les métaux monétaires. Les métaux industriels, eux, réagissent surtout aux sanctions et aux ruptures d’approvisionnement, effets qui apparaissent en général plus graduellement.

    Comment expliquez-vous la sous-performance du platine par rapport à l’or, depuis plus de dix ans ?

    Le resserrement monétaire à l’échelle mondiale, de même que les faillites bancaires, l’escalade des conflits géopolitiques, et les troubles civils en recrudescence ont favorisé les métaux monétaires. L’or, en particulier, a réagi de façon substantielle en raison de la sensibilité extrême de son cours aux événements actuels.

    En revanche, les marchés mettent plus de temps pour saisir l’impact que ces évènements ont sur la dynamique supply & demand des métaux industriels, nécessaires à maintes applications dans le monde industriel.

    Pourquoi voyez-vous un tel potentiel dans le platine aujourd’hui ?

    La baisse de l’offre sera son principal soutien à la hausse. La production de platine est fortement concentrée en Afrique du Sud, en Russie et au Zimbabwe, qui représentent ensemble 93% de la production mondiale. 73% pour la seule Afrique du Sud ! Au cours de la dernière décennie, ce pays a été confronté à des difficultés croissantes. L’augmentation des coûts d’exploitation, la baisse de la qualité du minerai et la réduction significative des investissements internationaux ont conduit l’industrie du platine à un déclin non seulement de sa production, mais aussi de sa rentabilité. Aujourd’hui, il est moins cher d’acheter du platine de qualité investissement que de l’extraire du sol, d’où la récente décision d’Anglo American Platinum de cesser ses activités minières dans le platine.

    Quels facteurs seront déterminants pour l’évolution de son cours ?

    La crise imminente de la dette sera pour moi le facteur prédominant. Elle va décider d’une réévaluation significative des prix au sein de l’écosystème des matières premières. Vu l’improbabilité mathématique d’une croissance suffisamment forte pour assurer le service de la dette, l’inflation apparaît comme une solution inévitable.

    Ce cycle d’inflation, ou plus exactement de dépréciation monétaire, devrait entraîner une hausse des prix des métaux industriels. Ce sera le cas en particulier des métaux qui connaissent déjà de graves déséquilibres entre l’offre et la demande, et qui sont essentiels à de nombreuses applications dans la vie de tous les jours, comme le platine.

    En réaction, les décideurs politiques pourraient dévaluer leurs monnaies. De telles mesures devraient renforcer la valeur des métaux précieux et la fuite vers des actifs de qualité, qui bénéficient traditionnellement d’une corrélation inverse avec le DXI, l’indice du dollar.

    David Mitchell

    Auctus Metal Portfolios

    David Mitchell est le cofondateur et le président d’Auctus Metal Portfolios. Au cours de sa carrière, il a dirigé des desks de trading au sein d’institutions de premier plan comme Swiss Bank Corp, Bank of America, HSBC ou HypoVereinsBank. Fin 2006, David a quitté la banque d’investissement pour créer plusieurs sociétés de gestion à l’intention des family-offices. Il s’est installé à Singapour d’où il dirige Indigo Precious Metals Group, Auctus Metal Portfolios – en partenariat avec GBA Australia – et Bullion Software Solutions.

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      Solutions Investissements

      • Interview Pierre-Yves Lécureux
      • Fondateur & directeur 
      • VMR Optimum

      « Nous menons à bien tout le processus de due diligence pour les gérants »

      Pierre-Yves Lécureux a créé VMR Optimum pour régler quelques-uns des problèmes qu’il rencontrait comme GFI. Il met donc en relation aujourd’hui des émetteurs de dette privée et des gestionnaires de fortune, après avoir effectué en amont tout le travail d’analyse et de sélection.

      Francesco Mandalà

      Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur la dette privée ?

      J’ai travaillé longtemps comme gérant indépendant. Dans ce rôle, je me suis rendu compte au fil des années que le nombre toujours plus important de retraités et la baisse inéluctable des rentes imposaient des alternatives aux propositions des caisses de pension. Les rentiers vont en effet avoir de plus en plus tendance à prendre tout ou partie de leur prévoyance sous forme de capital. Or, il se trouve que des solutions existent dans le domaine de la dette privée, en raison des primes de rendement qu’elle génère et de la diversification supplémentaire qu’elle apporte à la gestion de portefeuille.

      Nous avons donc créé VMR Optimum pour mettre en relation des émetteurs de titres obligataires non cotés et des gestionnaires de fortune. Nous sélectionnons les émetteurs, nous les analysons et nous menons à bien tout le travail de due diligence, pour simplifier le processus d’investissement chez les gérants.

      Sur quel type d’opérations, vous positionnez-vous ?

      Nous voulons d’abord et surtout que les opérations envisagées soient associées à des sous-jacents bien réels. Les sociétés émettrices doivent avoir des activités tangibles. Il peut s’agir par exemple d’immobilier en Suisse ou en Allemagne, d’agroforesterie en Thaïlande ou de déploiement de panneaux photovoltaïques en Suisse et en Europe. Les gérants, de même que leurs clients, doivent se sentir à l’aise avec ces sous-jacents et comprendre immédiatement dans quels actifs sont investis leurs fonds. Ce côté tangible, très matériel, est pour VMR Optimum le critère majeur.

      Il faut ensuite que l’émetteur recourt assez régulièrement à l’emprunt, de manière à développer de solides partenariats sur le long terme et à nous épargner des one-shots d’autant plus fastidieux qu’aucune suite ne leur est donnée.

      Par ailleurs, il est essentiel que nos émetteurs soient sensibles aux dimensions ESG, qu’ils les intègrent aussi bien dans la conduite de leurs activités que dans les projets pour lesquels ils recherchent du financement. De notre côté, nous voyons bien que les investisseurs se concentrent de plus en plus sur ces aspects.

      Et enfin, nous privilégions pour le moment les émissions libellées en francs suisses, quand bien même l’euro et le dollar sont disponibles.

      Quels montants avez-vous pu lever à ce jour ?

      Depuis maintenant un peu plus de trois ans que VMR Optimum existe, nous avons permis de produire un volume d’investissement qui atteint désormais les vingt millions de francs. Et nous sommes aujourd’hui en relation avec cinq émetteurs.

      En termes d’investissements, où voyez-vous aujourd’hui les principaux blocages rencontrés par les gérants ?

      Dans un monde en pleine transformation, la conduite du changement n’est pas forcément spontanée. Les gérants indépendants sont habitués – peut-être un peu trop – à se concentrer sur les actifs cotés. C’est leur zone de confort, et ils ont parfois du mal à en sortir. Il leur est difficile d’élargir le cadre, de sortir de leurs allocations habituelles. Ce n’est pas qu’ils manquent de curiosité ! Ils s’inquiètent surtout de la charge qui peut en résulter, en termes de compliance, d’audit ou de surplus administratif. Ils peuvent se créer assez vite des barrières virtuelles. Et c’est là où nous intervenons avec VMR Optimum. Nous les aidons à lever ces barrières, en leur simplifiant les processus d’investissement dans de nouvelles classes d’actifs.

      Quels développements voulez-vous donner à VMR Optimum?

      Depuis que VMR Optimum a été lancé, nous nous sommes concentrés avec nos partenaires sur le marché romand. D’ici la fin de l’année, nous voulons élargir nos contacts à l’ensemble du marché suisse, en nous rapprochant de Zurich comme de Lugano. C’est la prochaine étape que nous nous sommes fixés. A plus long terme, nous avons aussi envie de nous tourner vers l’Union européenne.

      Pierre-Yves Lécureux

      VMR Optimum

      Pierre-Yves Lécureux est le fondateur de VMR Optimum, une plateforme de dette privée lancée en juillet 2021. Avant de créer VMR Optimum, il a travaillé pendant 25 ans dans le conseil financier et la gestion de fortune. Pierre-Yves détient un Master en sciences économiques de HEC Lausanne. Il a également obtenu deux certifications, de l’UNIGE et de la Swiss Banking School, en gestion quantitative de portefeuille en Wealth & Tax Planning.

      Bêta

      Solutions Investissements

      • Interview Michael Geke
      • Fondateur & CEO
      • Quantmade

      « La demande pour des modèles quantitatifs augmente »

      Le développement des dernières générations de modèles quantitatifs modernes tendent de plus en plus vers la Market Phase Neutrality. Le principe consiste à identifier des modèles dans des unités de temps plus petites à partir de plus grands ensembles de données et de prévoir ainsi l’évolution des trades, comme l’explique Michael Geke.

      Francesco Mandalà

      Comment les modèles quantitatifs ont-ils évolué au cours des dernières années ?

      Les modèles quantitatifs permettant d’identifier des opportunités de trading ont fait des progrès considérables ces dernières années, notamment grâce à l’intégration du Big Data et de l’apprentissage automatique. Cependant, hormis les quants dans le trading à haute fréquence, de nombreux modèles basés sur l’algo utilisent encore des méthodes statistiques simples, souvent dans le domaine du suivi de tendance.

      Le développement des modèles quantiques modernes vise de plus en plus la Market-Phase Neutrality. L’objectif principal est ici de réduire les corrélations dans l’évolution de la performance et d’effectuer des transactions plus précises afin d’obtenir de meilleurs indicateurs de performance ajustés du risque. Les modèles actuels sont en mesure d’identifier des schémas même dans des unités de temps plus petites à partir de grands ensembles de données et de prévoir l’évolution des trades avec une probabilité relativement élevée. Il est ainsi possible d’atteindre des valeurs bêta de portefeuille inférieures à 0,1 avec des systèmes « long only » dans le domaine des actions. Des progrès significatifs dans la puissance de calcul permettent d’évaluer plus de données de manière plus efficace, ce qui conduit à des prévisions plus robustes.

      Comment voyez-vous la demande du point de vue des investisseurs et quelles sont les considérations qui entrent en jeu compte tenu de l’environnement de marché actuel ?

      L’environnement de marché est toujours une question d’interprétation. Le fait est que de nombreux investisseurs craignent le risque, mais cherchent en même temps à obtenir des rendements supérieurs à la moyenne – idéalement sur un horizon de 3 à 5 ans. Une gestion de portefeuille active sur la base de titres individuels est donc nécessaire. C’est là qu’interviennent les quants, qui peuvent réduire les risques et les fluctuations du portefeuille grâce à une gestion active. Cette robustesse à travers différentes phases de marché a entraîné une demande accrue de modèles quantitatifs, car ils permettent de prendre des décisions cohérentes, basées sur des systèmes et non sur l’émotion.

      Comment utilisez-vous les modèles quantiques en tant que gestionnaire d’actifs ?

      Nous utilisons les modèles quantiques pour calculer l’allocation d’actifs entre les systèmes low-beta et higher-beta. Nous contournons ainsi la problématique liée à l’évaluation de l’environnement et à l’évolution du marché, dans la mesure où nos modèles s’adaptent aux changements de manière adaptative et systémique. L’univers d’investissement que nous utilisons est principalement constitué de titres individuels américains très liquides issus des indices S&P 100 et NASDAQ 100. Au total, nous calculons six portefeuilles avec différentes valeurs alpha et bêta. Nous sommes ainsi en mesure de concevoir le rendement, le risque et les corrélations en fonction des exigences du client et de l’environnement de marché, grâce à une combinaison judicieuse de systèmes.

      Comment composer un portefeuille comprenant des quants ?

      Les quants n’entrent pas en conflit avec l’approche fondamentale. Ils viennent en complément des méthodes classiques dans  un portefeuille bien géré. Chaque investisseur doit ensuite décider lui-même de la pondération.

      Quelles sont les principales sources de données que vous utilisez pour vos modèles quantitatifs et comment garantissez-vous la précision et la fiabilité de ces données ?

      Nos sources de données primaires sont les données historiques à long terme des cours des actions individuelles. Nous assurons la précision et la fiabilité de ces données par plusieurs moyens : nous travaillons avec des fournisseurs de données renommés, nous utilisons des techniques de nettoyage et de validation des données et nous avons un processus digital d’assurance qualité.

      Dans quelle mesure l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle ont-ils influencé vos stratégies d’investissement quantitatives ?

      L’apprentissage automatique a élargi nos stratégies d’investissement quantitatives du point de vue du système, en permettant d’identifier des modèles et des relations complexes dans les données de prix, d’évaluer des modèles de corrélation plus avancés que les méthodes traditionnelles pourraient manquer. C’est particulièrement important pour l’évaluation simultanée de différents niveaux temporels. 

      Cela nous a permis d’améliorer la performance ajustée au risque des portefeuilles quantiques, en nous permettant de gérer encore mieux les fluctuations grâce à une meilleure sélection des transactions. L’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle sont toutefois des méthodes et nous avons pour objectif de réaliser des rendements attrayants avec des fluctuations minimales. C’est pourquoi nous ne nous focalisons pas sur l’utilisation de l’apprentissage automatique ou de l’intelligence artificielle dans les systèmes quantiques, simplement parce que c’est à la mode. Nous avons déjà vu des systèmes qui utilisent l’IA mais dont les résultats sont nettement moins bons.

      Michael Geke

      Quantmade

      Michael Geke est le CEO et le fondateur de la wealthtech Quantmade depuis 2018. Pendant son doctorat à l’EPF de Zurich, il s’est intéressé de près aux modèles de simulation mathématiques. Avant la création de Quantmade, il avait déjà monté avec succès deux entreprises. Après sa dernière sortie en 2012, il a été partenaire chez KPMG jusqu’à fin 2014.

      Crypto

      Solutions Investissements

      • Dramane Meite
      • Responsable Produits
      • Hashdex

      Smart contracts: l’infrastructure pour un avenir décentralisé

      Avec les “smart contracts” que la blockchain a rendu possibles, le web est en pleine évolution. Sous le label Web3, comme l’explique Dramane Meite, il ouvre de nouvelles opportunités dans des domaines tels que les plateformes de type Ethereum, les places de marché, les jeux « play-to-earn » et quelques autres concepts 100% décentralisés.

      Francesco Mandalà

      Le potentiel des crypto-actifs va bien au-delà des simples paiements. La technologie blockchain a permis de créer une large gamme d’applications qui suppriment le besoin d’intermédiaires grâce à des réseaux décentralisés soutenus par des actifs numériques.

      Les “smart contracts”, des accords auto-exécutables qui automatisent les transactions et éliminent les intermédiaires, sont l’une des utilisations les plus marquantes de la blockchain. Ils sont employés pour des transactions financières ou juridiques, pour le paiement direct d’artistes, ainsi que pour de nombreux autres cas. Des entreprises comme Starbucks, Nike et JPMorgan les utilisent pour offrir à leurs clients de nouveaux services nouveaux, plus efficaces.

      Basés sur la transparence et l’efficacité, les smart contracts favorisent aussi l’adoption des produits et services du Web3. Comment définir alors le Web3 et pourquoi les investisseurs devraient-ils s’y intéresser ?

      Les trois phases de l’internet

      Internet a connu une transformation spectaculaire depuis sa création. A ses débuts – le Web1 – il était une vaste bibliothèque d’informations, facilement accessible mais avec une interaction limitée. Le Web2 – l’ère actuelle – a entraîné une révolution sociale, permettant aux utilisateurs de se connecter, créer et partager du contenu sur des plateformes comme Facebook et YouTube. Cependant, ces plateformes ont la main mise sur le data de même que sur le contenu généré, soulevant des préoccupations liées à la vie privée et la propriété.

      Le Web3, porté entre autres par les smart contracts, s’accompagne d’un changement de paradigme où les individus sont les seuls propriétaires de leurs données, contrôlent leurs actifs numériques et interagissent directement les uns avec les autres sans dépendre d’autorités centrales.

      Grâce aux marchés décentralisés, le Web3 offre de nombreux avantages. Il permet à ses utilisateurs de posséder et d’échanger des œuvres d’art numériques via des NFT. Le modèle de jeu “play-to-earn” leur permet aussi de gagner des récompenses quand ils jouent, et les primes obtenues deviennent des actifs échangeables. Enfin, les plateformes de création de contenu décentralisées donnent aux créateurs le contrôle sur leur travail et un accès direct à leur audience.

      Voici quelques exemples les plus marquants développés autour de ces smart contracts

      Plateformes de contrats intelligents

      Ethereum

      La plateforme la plus établie, connue pour son écosystème de développeurs robuste et sa sécurité.

      Solana

      Une alternative rapide et à faible coût à Ethereum, gagnant en traction pour sa scalabilité.

      NFT Marketplaces

      OpenSea

      Le plus grand et le plus populaire des marketplaces pour acheter et vendre des NFTs dans diverses catégories.

      Rarible

      Marketplace NFT décentralisé avec un accent sur l’autonomisation des créateurs et la gouvernance communautaire.

      Jeux Play-to-Earn

      Axie Infinity

      Un pionnier dans l’espace play-to-earn, où les joueurs élèvent et combattent des créatures pour gagner des récompenses.

      Decentraland

      Jeu de métavers où les joueurs possèdent des parcelles de terrain virtuel et peuvent créer des expériences ou monétiser leurs créations.

      Finance décentralisée (DeFi)

      Uniswap

      Le principal échange décentralisé (DEX), permettant le trading pair-à-pair de cryptoactifs sans intermédiaires.

      Aave

      Plateforme de prêt DeFi où les utilisateurs peuvent emprunter et prêter des cryptoactifs, gagnant des intérêts sur leurs avoirs.

      Risques et opportunités

      Le potentiel du marché pour les applications Web3 est immense. Pour les investisseurs, le champ des possibles est tout aussi étendu, mais il comporte aussi des risques. Les vulnérabilités des contrats intelligents et les problèmes opérationnels de la blockchain peuvent entraîner des pertes financières. Parfois, le pouvoir de décision pour certains nouveaux projets est concentré, avec des droits de vote distribués de manière inégale. De plus, les cadres réglementaires pour le Web3 sont en cours d’évolution, créant une certaine incertitude pour les entreprises et les investisseurs.

      L’avenir du Web3 n’en reste pas moins prometteur. Ethereum est actuellement la principale plateforme de contrats intelligents, mais des solutions concurrentes comme Solana émergent. De nouvelles solutions construites sur ces réseaux, appelées “Layer-2”, aident à la scalabilité de ces réseaux et réduisent les frais et autres coûts ayant créé des obstacles à l’adoption.

      À mesure que cette industrie évolue, le Web3 offre une opportunité massive de remodeler internet et de redéfinir la propriété à l’ère numérique. Les plateformes de contrats intelligents et leurs applications continueront de perturber les industries traditionnelles et de libérer toute la capacité d’un internet véritablement décentralisé.

      Dramane Meite

      Hashdex

      Dramane Meite est responsable des nouveaux produits chez Hashdex, avec plus de 10 ans d’expérience dans les marchés financiers, la gestion d’actifs et la fintech. En poste auparavant chez Pimco, il a piloté les initiatives stratégiques et l’innovation en tant que Business Manager au bureau exécutif, puis en tant que stratège produit dans le groupe Solutions Client et Analytics. Il a également travaillé dans la vente, le trading et la trésorerie à la Standard Chartered Bank et à la Société Financière Internationale. Dramane Meite détient un MBA de l’Université Stanford, ainsi qu’une maîtrise en statistiques et économie. Il est titulaire du CFA.

      Trompe-l’œil

      • Par Francesco Mandalà
      • Chief Investment Officer
      • MBaer Merchant Bank

      Les entreprises technologiques ralentissent l’innovation et entravent la croissance

       La publicité “Crush!” d’Apple, qui présente la démolition brutale de divers objets créatifs et culturels pour promouvoir un nouveau modèle d’iPad, évoque un monde d’innovation constante et de perturbation, menant à la croissance économique et à une meilleure qualité de vie. Pour Francesco Mandalà, cette impression est trompeuse.

      Francesco Mandalà

      Pour commencer, il est un fait que le progrès technologique incarné dans le capital physique, le capital immatériel (idées) et le capital humain (éducation) est le moteur fondamental de la croissance économique, plutôt que la simple accumulation de travail et de capital. Les modèles économiques récents intègrent l’idée que les incitations au profit poussent les entrepreneurs à innover, créant ainsi de nouveaux produits, processus et modèles commerciaux qui révolutionnent les industries et génèrent une croissance économique.

      L’idée n’est pas nouvelle. En 1942, Joseph Schumpeter a introduit le concept de destruction créatrice, processus par lequel les dernières innovations rendent les innovations précédentes obsolètes. Ce cycle de destruction et de création est essentiel pour le progrès économique. Il est intrinsèque au capitalisme.

      Vagues d’innovation

      La mesure courante de l’innovation est la productivité, dont le niveau est déterminé par l’efficacité et l’intensité avec lesquelles le capital et le travail sont utilisés dans la production de biens et services. Au début du XXe siècle, la révolution électrique a donné lieu à une “grande vague” d’innovation, qui a pris naissance aux États-Unis et s’est étendue à l’Europe après la Seconde Guerre mondiale. Une période de croissance rapide et soutenue s’en est suivie, et la qualité de vie s’est radicalement améliorée. Mais depuis le premier choc pétrolier au début des années 1970, la croissance de la productivité a commencé à décliner, à l’exception d’une courte période liée à la révolution informatique et à la diffusion des technologies de l’information et de la communication dans les années 1990. Après la Grande Récession de 2008, la productivité est tombée à des niveaux historiquement bas aux États-Unis et en Europe malgré les avancées significatives dans le secteur informatique.

      Ce déclin est difficile à concilier avec la vague spectaculaire d’inventions qui ont remodelé notre vie quotidienne : smartphones, plateformes de réseaux sociaux, cloud, édition génomique CRISPR, véhicules électriques, pour n’en nommer que quelques-uns.

      Léthargie des affaires

      Qu’est-ce qui explique alors le ralentissement de la productivité aux États-Unis ?

      Un argument plausible est que la dynamique des affaires s’est affaiblie avec le temps. La principale raison en est que les entreprises leaders dans un secteur spécifique découragent l’innovation développée par des entrants potentiels dans leurs secteurs respectifs – par exemple, en acquérant des brevets à des fins défensive. En raison de leurs investissements dans des technologies propriétaires et de la concentration de la propriété intellectuelle entre leurs mains, les entreprises leaders consolident leur position dominante, obtiennent des marges plus élevées et acquièrent un poids plus important dans l’économie au détriment de l’innovation et de la croissance économique.

      Le deuxième argument, avancé par l’économiste Ken Arrow il y a environ 60 ans, est que les entreprises monopolistiques ont moins d’incitations à innover parce que leurs rentes monopolistiques existantes sont sécurisées. L’innovation pourrait alors menacer leurs profits. En revanche, les entreprises sur des marchés concurrentiels ont plus d’incitations à innover, car elles ont plus à gagner des technologies innovantes qui pourraient conduire à des profits monopolistiques. L’incitation à innover d’Arrow fonctionne dans la direction opposée de l’incitation à entreprendre de Schumpeter.

      Les symptômes de la dynamique des affaires plus faible aux États-Unis incluent l’augmentation de la concentration du marché, l’augmentation des marges bénéficiaires et de la part des profits dans le PIB, la diminution de la part de la production de la main-d’oeuvre, la diminution des taux d’entrée des entreprises, la diminution de la part économique des jeunes entreprises et la diminution de la réallocation des emplois.

      Essentiellement, les leaders du marché, en particulier dans le secteur technologique américain, sont moins motivés à innover tandis qu’ils construisent rationnellement des barrières artificielles qui réduisent la capacité d’innovation de leurs rivaux. En fin de compte, les vents contraires qui soufflent contre les entreprises innovantes affectent l’ensemble de l’économie. Les consommateurs aiment les produits tech, mais les entreprises tech, plutôt que d’innover et de stimuler la concurrence, semblent aujourd’hui plus portées à entraver le progrès et freiner la croissance.

      Francesco Mandalà

      MBaer Merchant Bank

      Francesco Mandalà a rejoint MBaer Merchant Bank en février 2021. Il possède une vaste formation en économie et en ingénierie financière. Ses principales compétences sont la gestion de portefeuille, la modélisation des revenus fixes, la macrostratégie, la gestion des risques et l’analyse de fonds, qu’il a d’abord appliquées en tant qu’économiste à la BCE, puis à l’UBS et à Julius Baer. Francesco Mandalà a étudié l’économétrie à l’université de Bocconi et à l’université de Southampton et a finalement obtenu son doctorat à l’université de Pavie.