Actions suisses

Solutions Investissements

  • Interview Daniel Steck
  • Senior portfolio manager
  • Banque Piguet Galland

« ON tient fermement tête aux stars du secteur, Nike ou Adidas »

En Suisse, la récente baisse des taux de la BNS ouvre des perspectives plus engageantes pour le segment des Small & Mid Caps, et surtout pour les valeurs les mieux orientées à l’export. Elles sont d’ailleurs nombreuses, comme le rappelle Daniel Steck, qui cite ON Holding en exemple.

Francesco Mandalà

Où en sont les valorisations des Small & Mid Caps suisses ?

Aujourd’hui, elles sont particulièrement attractives, notamment si on les compare au reste de la cote. Historiquement, en Suisse, les Small Caps se sont traitées avec une prime de valorisation par rapport aux Large Caps. Cette prime, qui s’élevait en moyenne à 30%, n’est que de 16% actuellement, alors que les perspectives de croissance pour ces sociétés sont en général supérieures à celles de leurs grandes sœurs. La remontée des taux d’intérêt, qui a considérablement durci les conditions de financement pour ces entreprises ainsi que la force persistante du franc suisse durant les derniers trimestres a passablement pesé sur leurs valorisations. Un retournement est toutefois en train de s’opérer, notamment après l’assouplissement de la politique monétaire de la BNS.

Que peuvent-elles justement espérer des récentes mesures prises par la BNS pour affaiblir le franc ?

Les petites et moyennes capitalisations sont les premières bénéficiaires de la récente décision de la BNS de couper ses taux directeurs. En effet, la force du franc suisse est particulièrement pénalisante pour ces entreprises. A l’inverse des grandes multinationales, présentes physiquement sur plusieurs continents, les petites sociétés génèrent une grande partie de leurs coûts en Suisse, alors qu’elles exportent la majorité de leurs biens et services à l’international. Il en résulte un impact négatif important sur leurs marges, auquel on doit rajouter une perte de compétitivité par rapport aux entreprises étrangères. La faiblesse actuelle du franc contre l’euro et le dollar est donc une excellente nouvelle pour ce segment de marché.

Dans ce segment Small & Mid, quelles valeurs se signalent le plus à l’export ?

En effet, malgré leur petite taille, de nombreuses entreprises suisses se distinguent à l’international. Elles bénéficient d’une image de marque reconnue dans le monde entier. Citons par exemple Lindt ou Logitech, qui ne génèrent qu’une partie infime de leurs revenus sur le sol helvétique. Le secteur de la santé compte également de nombreuses entreprises résolument tournées vers l’international, à l’image de Straumann, Bachem, Ypsomed ou encore Tecan.

Quelles sont les entreprises qui vous fascinent le plus parmi ces Small & Mid Caps ?

ON Holding, un véritable David qui se bat contre plusieurs Goliaths. C’est une success story remarquable dans le secteur de la chaussure de sport. Avec une capitalisation d’à peine 12 milliards de dollars, la société introduite en bourse en 2021, tient fermement tête aux stars du secteur, Nike ou Adidas. D’un point de vue de ses fondamentaux, ON Holding n’a rien à envier aux leaders du marché, puisque l’entreprises affiche déjà une profitabilité nettement supérieure à celle de ses concurrents et ce grâce à un positionnement résolument tourné vers le haut de gamme. ON a su se différencier sur un marché de la chaussure de sport morose et capitaliser sur l’image d’une figure reconnue, celle de Roger Federer. Signe clair de ses ambitions, ON Holding a choisi New York pour effectuer son entrée en bourse il y a trois ans.

Certaines de ces Small & Mid Caps sont-elles taillées pour entrer un jour au SMI ?

Il y a fort à parier que la prochaine entreprise à intégrer l’indice SMI soit une fois encore une société active dans le domaine de la santé. La première candidate est bien sur Straumann, première capitalisation de l’indice SPI Extra, qui inclut les valeurs du SPI à l’exception de celles du SMI. Cependant, une nouvelle venue pourrait lui griller la priorité. Sandoz, leader mondial des médicaments génériques, qui a effectué son IPO il y a moins d’un an, semble très bien positionnée pour prétendre à une place parmi les vingt stars de la bourse helvétique.

Daniel Steck

Piguet Galland

Daniel Steck cumule près de 25 années d’expérience dans le domaine de la finance. Après une première expérience dans l’analyse financière chez Lombard Odier, notamment sur le secteur de la santé, il a continué sa carrière chez Reyl & Cie, comme analyste et gérant de portefeuille. Il a rejoint Piguet Galland en 2018 comme gestionnaire senior pour prendre en charge de la gestion des différents fonds actions et certificats thématiques sur la Suisse et l’Amérique du Nord.

Piétinement

Solutions Investissements

  • Interview Pierre Mouton
  • Responsable des stratégies long only
  • NS Partners

«L’Europe n’a pas su se fondre dans l’extraordinaire écosystème qui s’est créé autour du smartphone»

Depuis 2007, l’Eurostoxx50 a progressé d’à peine 10%. Le S&P500, de son côté, a plus que triplé. Les actions européennes se traînent, pour plusieurs raisons que Pierre Mouton passe ici en revue. A commencer par l’absence de grands leaders dans la tech.

 

Francesco Mandalà

Depuis le lancement de l’euro en 2002, les valeurs européennes ont systématiquement sous-performé les grands indices mondiaux, y compris le SMI. Quelles raisons justifient cette mise en retrait ?

En réalité, les actions européennes se sont plutôt bien comportées, jusqu’à l’éclatement de la crise des subprimes. Les performances des financières étaient particulièrement bonnes. C’est l’époque où les banques européennes ont atteint leur plus haut historique. En avril 2007, l’action UBS avait dépassé les 70 francs !

En revanche, depuis 2008, l’écart de performance se dessine clairement. Par rapport aux marchés nord-américains, les plus faciles à comparer en termes de de population, de développement ou d’investissements institutionnels, les marchés européens souffrent beaucoup.

Alors comment l’expliquez-vous ?

L’absence de grands leaders dans le secteur de la technologie, en dehors d’ASML et de ses 350 milliards de capitalisation, pénalise énormément l’Europe. Il faut s’intéresser ensuite à la répartition sectorielle de ses marchés. Ils sont dominés par les financières, l’énergie, et les utilities. Sans vouloir sombrer dans l’ultralibéralisme primaire, ce sont quand même des secteurs relativement soumis au bon vouloir des états et de leur gouvernement.

Dans quel sens ?

Les banques en sont pour moi la parfaire illustration. Aux Etats-Unis, depuis la crise financière, elles ont opéré un redressement exemplaire. A l’inverse, en Europe, elles se traînent. Elles restent très loin de leurs niveaux de 2007 car elles doivent d’abord obéir à des considérations politiques. Le régulateur a la main mise sur le système bancaire européen. Les règles prudentielles mises en place ont bien évidemment du sens mais elles sont beaucoup plus favorables aux porteurs d’obligations qu’aux porteurs d’actions. Autre frein, il y a un protectionnisme latent qui règne en Europe où chaque pays veille jalousement à préserver ses banques nationales, plutôt que de laisser une saine concurrence se développer avec la création de grands groupes à l’échelle continentale.

Quels facteurs ont bien pu empêcher l’Europe de produire elle-même ses propres Magnificent Seven ?

Elle n’a malheureusement pas su se fondre dans l’extraordinaire écosystème qui s’est créé autour du smartphone, après l’apparition du iPhone d’Apple en 2007. Cet écosystème a rassemblé aussi bien des fabricants de semi-conducteurs que des opérateurs de data centers, des éditeurs de logiciels ou encore des plateformes de services. Il a pris encore plus de volume ces dix dernières années avec l’essor de la digitalisation, que la percée de l’intelligence artificielle va encore amplifier. Dans cet univers, l’Europe n’a réussi à se positionner nulle part.

Je crois aussi que les Etats-Unis ont un autre rapport au capital, à sa dynamique et à son emploi. A l’image des compagnies pétrolières, les entreprises américaines n’hésitent pas à sortir de leur bilan tout ce qui consomme du capital sans contribuer aux activités stratégiques. Or, en Europe, il se trouve encore beaucoup de sociétés qui préfèrent tout garder dans leur bilan sans trop se soucier des coûts d’opportunité.

Quels sont les déséquilibres structurels dont souffre éventuellement l’Europe ?

La fluidité des échanges commerciaux en Europe est encore loin d’être optimale. Ses États membres peuvent se montrer assez protectionnistes dans certains secteurs où il est nécessaire de protéger des champions nationaux, pas forcément armés pour concourir à l’international.

L’approvisionnement en énergie rend également l’Europe très vulnérable. Elle importe beaucoup et la facture est lourde, à la différence des Etats-Unis qui profitent depuis maintenant vingt ans de l’exploitation des hydrocarbures de schiste. Depuis 2010, leur production de pétrole a plus que doublé et ils sont d’ailleurs aujourd’hui numéro un mondial. Du coup, les coûts énergétiques ont eu un impact marginal pour les entreprises américaines,

Quelles perspectives voyez-vous se dégager ces prochaines années pour les actions européennes, prises dans leur ensemble ?

Il est intéressant de noter aujourd’hui que la plus importante contribution sectorielle à la performance des marchés européens est due aux valeurs financières.  C’est souvent bon signe, d’autant que les banques européennes sont assez fortement capitalisées. Le régulateur s’en est assuré ! Le scénario idéal serait que les banques européennes aient la voie libre pour fusionner, comme Sergio Ermotti l’a souhaité et comme Emmanuel Macron l’a laissé envisager. L’Europe doit maintenant se construire ses champions européens.

Pierre Mouton

NS Partners

Pierre Mouton a rejoint NS Partners en 2003. Il dirige les stratégies Long Only du groupe et il est membre également du comité d’allocation d’actifs. Pierre a débuté sa carrière financière en 1993 chez AG2R La Mondiale, où il a successivement géré des portefeuilles monétaires, obligataires et actions, avant de rejoindre en 2000 Fiduciary Trust à Genève et d’entrer ensuite chez NS Partners comme gestionnaire de portefeuille. En 2004, il a co-fondé Messidor Finance, avant de revenir chez NS Partners en 2010. Pierre Mouton est titulaire d’une licence et d’un master en finance, actuariat et gestion de portefeuille de SKEMA Business School à Lille, France.

 

Less is more

Solutions Investissements

  • Peter Kraus
  • Responsable Small Cap Equities
  • Berenberg Wealth and Asset Management

Small Caps européennes : les perspectives s’améliorent sensiblement

En Suisse comme dans la zone euro, il existe de nombreuses petites capitalisations qui n’ont pas à rougir face à leurs aînées. Plusieurs de ces entreprises sont même devenues des leaders mondiaux dans leur domaine et le contexte leur semble en ce moment plutôt favorable, comme le précise Peter Kraus.

 

Francesco Mandalà

Les valeurs secondaires ont connu ces deux dernières années la plus forte chute de leur cours depuis des décennies. Ce sont surtout les Small & Mid Caps européennnes, orientées Growth, qui ont été durement sanctionnées par la hausse très rapide des taux d’intérêt et l’environnement récessif. Il s’agissait d’un scénario extrême. Suite au « Corona Lockdown », au choc de l’inflation, à la hausse conjointe des taux d’intérêt et au déclenchement de la guerre en Ukraine, leurs valorisations sont au plus bas depuis dix ans. Par rapport aux grandes capitalisations, les Small Caps sont même moins bien valorisées qu’au plus fort de la crise financière de 2008. De même, le fait qu’elles réalisent environ 50% de performance relative dans la première année de reprise après avoir atteint un plancher plaide un peu plus en leur faveur.

Actuellement, les indicateurs avancés indiquent que la conjoncture se stabilise à un niveau moindre voire s’améliore, après que le secteur de la production soit lui aussi descendu très bas. Des signaux positifs en provenance des États-Unis laissent même envisager un scénario de type Goldilocks. En Europe, les indicateurs conjoncturels suivent une même tendance. Les taux d’inflation baissent et les banques centrales en ont terminé pour l’essentiel avec leur cycle de hausse des taux. Tout porte donc à croire que nous les heures les plus sombres sont désormais derrière nous.

L’heure des valeurs secondaires

Ce lever de soleil conjoncturel, cette reprise à un stade précoce, marque un tournant pour les valeurs secondaires. La tendance à la surperformance sur long terme, observée depuis plusieurs décennies pour les Small & Mids, ne semble pas interrompue. Il y a toutefois une différence au niveau du potentiel de rattrapage : compte tenu de la hausse des taux d’intérêt, l’endettement net s’avère aujourd’hui un critère important.

Les entreprises fortement endettées, et tenues de se refinancer, rencontrent bien évidemment un problème. Cependant, les entreprises de qualité avec des rendements du capital élevés et des bilans solides profitent des tendances de croissance structurelle. De telles sociétés devraient pouvoir augmenter leurs revenus et leur cash-flow par action plus facilement que la moyenne du marché lorsque les signes de reprise se préciseront.

Une autre particularité structurelle des petites capitalisations européennes est qu’elles sont la plupart du temps négligées par les analystes. Par rapport aux États-Unis, l’Europe ne compte qu’une poignée de Large Caps ou de Mega Caps – comme Louis Vuitton ou ASML – qui impressionnent par leur croissance à deux chiffres et drainent l’attention des analystes et des investisseurs. Au deuxième et au troisième rang, les pépites peinent cependant à clignoter sur les radars.

Nombre d’entre elles, dont la capitalisation ne dépasse pas cinq milliards d’euros, se sont pourtant établies comme des leaders mondiaux dans leur niche. Grâce à leur force d’innovation, elles profitent de la numérisation, des changements dans le secteur de la santé ou des technologies durables, pour générer une croissance de 15% ou plus à moyen terme.

Focus sur les semi-conducteurs

Actuellement, ces champions européens qui restent dans leur cachette se trouvent, entre autres, dans l’industrie des semi-conducteurs. Des entreprises comme Inficon en Suisse ou  Technoprobe en Italie remplissent les pré-requis pour jouer un rôle de précurseur à l’international et viser de fortes marges capables d’amortir les hausses de prix induites par l’inflation. Il leur sera alors d’autant plus facile d’investir de manière significative dans la recherche et le développement.

Mais de tels performers se retrouvent aussi dans d’autres secteurs, à l’image de Skan, le fabricant suisse d’isolateurs pour le remplissage stérile de médicaments injectables. Ses sous-jacents sont robustes : à l’avenir, 75% de tous les nouveaux médicaments seront des produits biologiques/injectables à prix élevé, qui nécessitent des isolateurs pour le remplissage aseptique. L’entreprise affiche une forte croissance associée à des marges en hausse, des rendements élevés ainsi qu’une position de trésorerie nette. Des modèles de ce genre, le segment Small & Mid est loin d’en manquer.

Peter Kraus

Berenberg Wealth and Asset Management

Peter Kraus est responsable Small Cap Equities chez Berenberg depuis octobre 2017. Il a d’abord travaillé pendant trois ans comme analyste actions pour un cabinet de conseil en finance d’entreprise à Munich, avant de rejoindre Deka Investment à Francfort en 2003. En 2006, il a rejoint Allianz Global Investors en tant que gestionnaire de fonds pour les micro et Small/Mid Caps européennes. Peter Kraus a étudié l’économie d’entreprise à l’université de Mannheim et il est titulaire de la certification CFA.

 

Fixed Income

Solutions Investissements

  • Xavier Sanjurjo
  • Senior portfolio manager, Fixed Income
  • Reyl Intesa Sanpaolo

Quelques clés pour mieux comprendre le cycle actuel du crédit

En raison du flou qu’entretiennent les banques centrales ces derniers temps, les marchés obligataires deviennent plus difficiles à décrypter. Xavier Sanjurjo nous propose donc ses éclairages pour mieux s’y retrouver dans le cycle actuel du crédit.

 

Francesco Mandalà

Voici deux ans, les banques centrales se sont lancées dans le resserrement monétaire le plus agressif depuis des décennies afin de restreindre les conditions de financement extraordinairement expansives déployées pendant la pandémie. Ces mesures auront permis d’éviter une crise économique majeure en contenant la vague de défauts alors amorcée sur les marchés du crédit. Bénéficiant de la forte reprise économique, les fondamentaux d’entreprise ont retrouvé leurs niveaux d’avant COVID. Cette situation, ainsi que l’attrait renouvelé pour les rendements offerts, a attiré à nouveau les investisseurs sur le marché des obligations d’entreprises, qui a généré des performances de 8,40 % pour les obligations américaines de qualité (IG) en 2023 et de 13,50 % pour les obligations à haut rendement (HY).

Cependant, avec un cycle économique semblant bien avancé, une résurgence de la volatilité des taux d’intérêt due aux incertitudes relatives au timing d’un assouplissement par la Fed, des risques géopolitiques croissants et des valorisations de crédit serrées, comment se positionner sur les marchés obligataires ?

Le cycle du crédit – Une feuille de route pour un positionnement efficace

Les cycles de crédit décrivent le schéma récurrent d’expansion et de contraction de la disponibilité et du coût du crédit au sein d’une économie. Ils se caractérisent par des changements dans les standards de prêt, la demande de crédit et les conditions générales du marché. Ils sont notamment influencés par les conditions économiques, la politique monétaire et le sentiment du marché et ont un impact important sur les coûts d’emprunt, les décisions d’investissement et l’activité économique globale. Les cycles de crédit consistent généralement en quatre phases : ralentissement, assainissement du crédit, reprise et expansion/fin du cycle.

Où en sommes-nous dans le cycle actuel ?

Un certain nombre d’indicateurs suggèrent que le cycle de crédit américain se situe actuellement dans sa phase d’expansion/fin de cycle, à commencer par une croissance économique solide bien qu’en déclin (1,6 % au 1er trimestre 2024 contre 3,4 % au 4e trimestre 2023) et une inflation de 3,5 % à fin mars, ce qui devrait forcer la Fed à maintenir sa politique restrictive plus longtemps.

Ces développements devraient restreindre davantage des conditions financières qui se sont considérablement assouplies depuis l’année dernière dans un contexte de croissance économique résiliente, permettant aux entreprises de se refinancer sur les marchés des capitaux, bien qu’à un coût plus élevé. Selon les indices ICE BofA, les rendements offerts sur les marchés américains des obligations d’entreprise IG s’élèvent ainsi à 5,74 % (proches de leur plus haut niveau sur 15 ans) et à 8,29 % pour les obligations HY.

Des rendements plus élevés, une liquidité abondante et un appétit pour le risque soutenu (comme en témoigne la surperformance des segments de crédit les plus risqués sur ces deux dernières années) auront ainsi contribué à un regain d’intérêt pour la dette d’entreprise, entraînant un resserrement significatif des spreads de crédit, désormais à des niveaux historiquement bas.

Cet accès aux marchés des capitaux a ainsi permis aux émetteurs d’améliorer le profil de maturité de leur dette, réduisant a priori leur risque de refinancement dans les années à venir. Leurs fondamentaux se sont également fortement améliorés au lendemain de la pandémie, bénéficiant d’une forte reprise économique, avec des ratios d’endettement et de solvabilité retrouvant les niveaux d’avant COVID. Toutefois, nous constatons une légère détérioration dernièrement en raison de la hausse des coûts d’emprunt et du ralentissement de la croissance des bénéfices.

Implications pour les portefeuilles à revenu fixe

Si la Fed semble être parvenue à faire atterrir l’économie américaine en douceur dans le cycle de resserrement monétaire actuel, les risques de turbulences sont nombreux, le plus significatif étant une inflation obstinément élevée. La marge de manœuvre de la Fed se réduit et elle semble préparer les marchés à des taux durablement hauts, ce qui continuera sans doute à générer de la volatilité sur les marchés de taux et de crédit.

Si l’on se réfère à l’histoire, ces considérations, ainsi que les niveaux de valorisation actuellement serrés, plaident en faveur d’un positionnement prudent sur les marchés des obligations d’entreprise, impliquant une réduction du risque de crédit dans le portefeuille et favorisant les obligations IG de haute qualité ainsi que les bons du Trésor américain.

Xavier Sanjurjo

Reyl Intesa Sanpaolo

Xavier Sanjurjo est en charge de la sélection obligataire et de la gestion de mandats spécifiques pour le pôle Asset Management de la banque Reyl. Il a travaillé auparavant pour différentes banques privées et family offices en tant que conseiller en investissements et gérant de portefeuilles. Xavier est licencié en biochimie de l’Université de Genève, il est également titulaire des certifications CFA et FRM, complétées par l’obtention du CFA Certificate in ESG Investing et du CFA Certificate in Climate & Investing.

 

Homemade

Solutions Investissements

  • Céline Kohler
  • Avocate UE, Commission du barreau de Genève
  • Kohler Gotzev

Révolution de l’IA : Redéfinir les pratiques ESG avec la précision suisse

Alors que le monde se précipite vers un déluge de données qui devrait atteindre le chiffre stupéfiant de 175 zettaoctets d’ici 2025, la fusion de l’intelligence artificielle et des critères ESG est en train de remodeler les pratiques des entreprises dans tous les secteurs d’activité.

 

Francesco Mandalà

Au cœur de cette transformation se trouve la capacité de l’IA à naviguer dans des paysages de données complexes et à en extraire des informations exploitables, ce qui modifie fondamentalement la façon dont nous abordons le développement durable.

Décrypter le rôle de l’IA dans l’intégration de l’ESG

Des chatbots quotidiens aux algorithmes sophistiqués d’apprentissage automatique, l’IA englobe un éventail de technologies qui sont sur le point de révolutionner les industries. Au-delà de ses applications conventionnelles, l’IA stimule l’innovation dans des secteurs tels que l’agriculture intelligente, l’optimisation de l’allocation des ressources telles que l’eau ou les engrais, la réduction des émissions de carbone, la promotion des pratiques durables dans l’ensemble des industries et la facilitation de la pratique de l’agriculture de précision.

Exploiter le potentiel de l’IA pour améliorer l’ESG

Le potentiel de l’IA à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 1,5 à 4 % d’ici 2030 est stupéfiant, reflétant son rôle central dans la protection de l’environnement. Cependant, son impact va au-delà de la réduction des émissions et s’étend au domaine des considérations sociales et de gouvernance. En automatisant les processus de données, en améliorant les capacités de prise de décision et en facilitant l’engagement des parties prenantes, l’IA permet aux entreprises d’intégrer la durabilité dans leur éthique opérationnelle, en garantissant la traçabilité et la transparence pour les consommateurs finaux.

Le leadership de la Suisse en matière de solutions ESG basées sur l’IA

Réputée pour sa précision et son innovation, la Suisse est à l’avant-garde des solutions ESG pilotées par l’IA, anticipant une transformation numérique à la fois responsable et durable. Les initiatives suisses illustrent la convergence entre technologie de pointe et conscience environnementale. Anticipant une transformation numérique à la fois responsable et durable, les initiatives suisses illustrent la convergence de la technologie de pointe et de la conscience environnementale. Comme le dit AI Swiss: «L’avenir appartient à ceux qui comprennent l’IA».

AI Swiss, une organisation à but non lucratif, se consacre à la sensibilisation du public au rôle central de l’IA et à ses capacités de transformation. Défenseur déterminé du potentiel de la Suisse en tant que leader dans le paysage de l’IA, AI Swiss vise à propulser le pays à l’avant-garde de l’innovation en matière d’IA. Sa mission englobe l’utilisation de l’IA comme catalyseur de la prospérité économique, l’augmentation de la productivité, la promotion du bien-être sociétal, la promotion de la durabilité environnementale et le respect des principes éthiques.

Relever les défis réglementaires de l’adoption de l’IA

Cependant, la prolifération de l’IA pose des problèmes importants, notamment en matière de partialité, de transparence, de propriété intellectuelle et de responsabilité. L’adoption récente de la loi européenne sur l’IA marque une étape importante dans la définition et la réglementation des systèmes d’IA, soulignant l’importance d’une conception éthique, de la transparence et de la surveillance humaine pour garantir un déploiement responsable.

Le rôle essentiel de la qualité des données dans les rapports ESG pilotés par l’IA

Alors que les organisations utilisent de plus en plus l’IA pour la production de rapports ESG, il devient primordial de garantir la véracité et la conformité des données. Les systèmes de reporting pilotés par l’IA doivent-ils être soumis au même examen minutieux que les mécanismes d’évaluation du crédit ? La nécessité de disposer de données de haute qualité, en particulier lors de l’évaluation des émissions et des impacts environnementaux, souligne l’importance de cadres réglementaires et d’évaluations de conformité (AC) robustes.

Gérer les risques et saisir les opportunités

Malgré les risques inhérents, des efforts concertés sont déployés à l’échelle mondiale pour exploiter de manière responsable le potentiel de transformation de l’IA. L’alignement sur des cadres normalisés, tels que la norme ISO 23894 sur l’IA et la gestion des risques, et la promotion de la collaboration internationale peuvent atténuer les risques tout en maximisant les avantages de l’intégration ESG induite par l’IA.

En cette ère de progrès, la fusion de l’IA et de l’ESG nécessite une stratégie équilibrée qui combine l’innovation et la réglementation. La numérisation marque la première étape, qui est étroitement liée à l’étape suivante de l’intégration de l’IA. En adoptant les processus numériques, l’IA éthique et les cadres réglementaires, nous ouvrons la voie à un avenir durable ancré dans la transparence et l’innovation responsable.

Plus d’informations sur AI Swiss:

www.a-i.swiss

Céline Kohler

Kohler Gotzev

Céline Kohler est la fondatrice du cabinet d’avocats Kohler Gotzev, présent au Luxembourg et à Genève. Elle conseille les fonds d’investissement, les sociétés de gestion et les professionnels de la MIFID2/LSFin sur des questions juridiques, réglementaires et de conformité impliquant des aspects transfrontaliers. Elle est également active dans l’éducation et la formation professionnelle liées à la finance durable à Genève et au Luxembourg. Céline Kohler est titulaire d’une maîtrise en droit international de l’Université de Paris 1 – Panthéon Sorbonne et d’un LL.M. en droit de l’Union européenne de l’Université de Lausanne. Elle est inscrite au Barreau du Luxembourg et au Barreau de Genève.

 

Warning

Solutions Investissements

  • Corrado Varisco
  • Responsable de la recherche
  • bridport & cie

Difficultés de refinancement en vue pour les CRE Loans américains

Aux Etats-Unis, un récent rapport du National Bureau of Economic Research s’est inquiété de la situation délicate des prêts immobiliers commerciaux – les CRE Loans – et de son éventuel impact sur la stabilité du système bancaire américain. Corrado Varisco nous en livre ici l’analyse.

Francesco Mandalà

Aux Etats-Unis, un récent rapport du National Bureau of Economic Research s’est inquiété de la situation délicate des prêts immobiliers commerciaux – les CRE Loans – et de son éventuel impact sur la stabilité du système bancaire américain. Corrado Varisco nous en livre ici l’analyse.

Au cours des prochaines années, la majeure partie de la dette des prêts immobiliers commerciaux aux Etats-Unis devra être refinancée. De nombreux projets affichent déjà des fonds propres négatifs – avec des Loan to Value supérieurs à 100% – et/ou des flux de trésorerie négatifs.

Aux Etats-Unis, ce type de dette représente plus de 6’000 milliards de dollars, dont les banques détiennent près de la moitié. Au cours des deux à trois prochaines années, la majorité devra être refinancée. Rien que pour 2024, selon Goldman Sachs, il est question de 929 milliards. A l’avenir, les taux de ces prêts devraient doubler, voire tripler, et la situation pourrait alors devenir potentiellement explosive.

Dans l’immédiat, elle est ajoute une pression supplémentaire sur les bilans des banques américaines, déjà fragilisées par une correction de de la valeur marchande de leurs actifs, d’un montant supérieur à 2’000 milliards de dollars, à la suite du fort resserrement monétaire de 2022.

La crise bancaire de mars 2023 semble peut-être une perspective lointaine dans la mémoire des investisseurs mais, à y regarder de plus près, les bilans marquent toujours le pas. Les pertes latentes sur leurs titres de placement s’élevaient à 478 milliards de dollars au quatrième trimestre 2023.

Plusieurs facteurs expliquent les difficultés à court terme que posent les CRE loans. En voici quelques-unes : l’impact négatif de la hausse des taux d’intérêt sur leur valeur nominale, l’augmentation de leur coût de financement, le risque de récession, la baisse de la demande pour les bureaux en raison de l’instauration des modes de travail hybrides, etc.

Après la récente baisse de la valeur des propriétés, l’étude du National Bureau of Economic Research révèle qu’environ 14 % de l’ensemble des prêts et 44 % pour les bureaux, semblent être dans une position de « fonds propres négatifs ». En outre, environ un tiers de tous les prêts et la majorité des prêts de bureaux pourraient rencontrer d’importants problèmes de trésorerie et des difficultés de refinancement, non seulement en raison d’un LTV élevé, mais également en raison de faibles ratios de couverture du service de la dette.

Si les taux d’intérêt restent élevés et que la valeur des propriétés ne se redresse pas, souligne le NBER, les taux de défaut pourraient potentiellement atteindre des niveaux comparables, voire supérieurs, à ceux observés lors de la Grande Récession, de l’ordre de 10 à 20 %. A titre d’exemple, un taux de 10 % sur les prêts CRE entraînerait environ 80 milliards de dollars de pertes bancaires supplémentaires. En revanche, si les taux revenaient aux niveaux en vigueur début 2022, aucun de ces prêts n’échouerait.

L’analyse du NBER démontre que les difficultés des CRE peuvent pousser des dizaines, voire quelques centaines de banques régionales, plutôt de petite taille, à rejoindre les rangs des banques exposées à un risque de crise de solvabilité, mettant en danger la stabilité de l’ensemble du système bancaire américain.

Ces facteurs auront forcément des implications fortes sur la politique monétaire, la surveillance des risques bancaires et la stabilité financière. Un système bancaire solide est essentiel pour une transmission efficace de la politique monétaire.

Reste à savoir si la Fed se concentrera davantage sur les risques potentiels liés à une deuxième vague d’inflation ou si elle réduira ses taux pour s’adapter à une politique budgétaire insoutenable et atténuer les risques qui pèsent sur le système bancaire américain.

Corrado Varisco

bridport & cie

Corrado Varisco occupe depuis l’an passé le poste de responsable de la recherche chez bridport & cie. Corrado a plus de vingt ans d’expérience sur les marchés obligataires avec une spécialisation dans la dette à haut rendement et la dette des pays émergents. Il a débuté sa carrière professionnelle en 2021 à la banque BSI, à Lugano, en tant qu’analyste. Il est devenu ensuite co-responsable de la gestion de portefeuille décentralisée pour l’équipe Amérique latine de BSI. En 2011, Corrado a rejoint la banque CBH à Genève où il a officié en tant que responsable de l’offre et de l’analyse obligataires. Il y a également occupé les fonctions de gestionnaire de portefeuille.