Rétrospective

Solutions Investissements

  • Interview Philip Best
  • Gérant de portefeuilles Small & Mid Caps
  • Quaero Capital

Les vingt ans animés du fonds Argonaut

Voilà vingt ans, Philp Best et Marc Saint John Webb ont lancé le fonds Argonaut, axé Small & Mid Caps européennes, qu’ils continuent de gérer aujourd’hui chez Quaero Capital. Vingt ans passés à dégager de la perf et à collectionner des souvenirs assez marquants.

Francesco Mandalà

Quelle performance a réalisé le fonds depuis son lancement ?

A la fin mai, il avait généré 782% de rendement !

En vingt ans, quel est le meilleur investissement que vous ayez réalisé ?

C’est Danieli, une entreprise italienne d’aciéries de classe mondiale, mais dont le bilan n’a pas convaincu le marché après le scandale Parmalat en 2003. Il s’est avéré que le marché avait tort et que nous avions bien fait nos devoirs. Depuis 2007, elle a produit +948%. Et l’entreprise est toujours aussi performante aujourd’hui.

Et le pire investissement ?

Il nous est arrivé deux fois de perdre la totalité de notre investissement.  D’abord, avec Smoby en 2008. Il semble que la direction et la famille se soient placées au-dessus des actionnaires et se soient servies elles-mêmes dans la caisse. Malheureusement, cela arrive. Ensuite, avec CNIM en 2022. Cette entreprise était restée aux mains de la même famille depuis 1856, mais tout a dérapé à la sixième génération. Le responsable du fiasco ne doit pas être populaire au sein du clan…

Dans combien d’entreprises avez-vous investi au total ?

Plus de 300. 321 entreprises au total, pour être précis.

Combien en avez-vous visitées ?

Nous nous sommes rendus dans plus d’une centaine d’entreprises pour rencontrer leur direction.

Quelles ont été les visites les plus marquantes ?

La société Heiler Software à Stuttgart en Allemagne nous a accueillis avec des panneaux « Wilkommen » à la réception et des petits drapeaux suisses dans la salle de réunion. Nous avons appris qu’ils n’avaient pas reçu une seule visite d’analystes ou de gérants de fond en trois ans ! 

Votre plus grand moment de solitude ?

Lorsque nous sommes arrivés chez Rinol Flooring à Renningen en Allemagne, on nous a demandé de signer un accord de confidentialité. Puis avons été informés qu’ils venaient de déposer le bilan !

Le titre que vous avez conservé le plus longtemps ?

Nous sommes investis dans NRJ depuis 2013. En 10 ans, le cours n’a progressé que de +15%, soit une performance annualisée de seulement 1%. C’est bien d’être un investisseur patient, mais parfois, cela nous démange aussi d’appuyer sur le bouton «Vendre».

Les trois entreprises qui vous ont le plus impressionnés ?

Indépendamment de la qualité du business, la visite la plus impressionnante a sûrement été la société Camellia au Royaume-Uni. Elle possède, entre autres, de grandes plantations de thé. Leur siège social était un château magnifique dans le Kent avec une collection d’art extraordinaire. Une énorme caverne d’Ali Baba avec énormément d’actifs cachés…

Il y aussi l’iconique Studio Babelsberg à Potsdam, où ont été tournés les films de Marlène Dietrich dans les années 1920, puis les films de propagande nazis  dans les années 1930. Lors de notre visite, ils étaient en train de tourner « Inglorious Basterds » de Quentin Tarentino. Ca sortait vraiment de l’ordinaire pour nous. Le retour sur investissement a pris du temps mais l’investissement s’est bien terminé au travers d’une OPA.

Et terminons avec Orell Füssli, à Zürich, qui imprime les billets de banque suisses. Une histoire fascinante : ils sont dans le même métier depuis le XVe siècle et leur premier client était Zwingli pour qui ils ont imprimé des bibles !

Philip Best

Quaero Capital

Philip Best est l’un des co-fondateurs de Quaero Capital. Il a débuté sa carrière en 1983 comme gérant de fonds chez Warburg Investment Management, dont il gérait le fonds Mercury European Income. En 1987, il rejoint Enskilda Securities, en tant que broker spécialisé dans les petites capitalisations européennes. En 1994, il ouvre et dirige le bureau parisien de The Europe Company Limited, un courtier orienté sur la recherche spécialisé dans les petites valeurs européennes, racheté par Jefferies & Co en 2000. Philip Best a lancé le fonds Argonaut en 2003 avec John Saint Webb. Tous deux continuent à le gérer aujourd’hui.

Stratégie

Solutions Investissements

  • Roberto Bartolomei
  • Responsable des ventes de la gamme THEAM Quant
  • BNPP Paribas Global Markets

Les portefeuilles défensifs dans un contexte de hausse des marchés

Les turbulences économiques de l’année dernière ont abouti à l’entrée de nombreux grands marchés boursiers en territoire baissier. La situation n’a pas été différente pour les obligations, les rendements annuels de la plupart des indices étant dans le rouge. Toutefois, ce scénario a permis aux secteurs et aux actifs défensifs de surperformer.  Mais à l’heure où les marchés d’actions entrent en territoire positif, cette approche défensive est-elle toujours la bonne pour les investisseurs?

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Francesco Mandalà

Si les rendements des titres à revenu fixe sont nettement meilleurs qu’il y a deux ans, les attentes des investisseurs sont également plus élevées. Cela signifie qu’une allocation plus importante aux titres à revenu fixe est rarement suffisante pour attirer ou retenir les investisseurs finaux.

Dans ce scénario, les investisseurs désireux de tirer davantage de rendement des actions ont généralement deux options: soit augmenter la part des actions présentant des caractéristiques plus défensives, soit ajouter une composante défensive en achetant des options. Ils peuvent également envisager d’ajouter d’autres titres, tels que des matières premières, à la composition de leurs actifs.

Mais que se passerait-il si vous pouviez combiner toutes ces sources de rendement dans le cadre de stratégies d’investissement transparentes visant à optimiser le rendement du capital alloué?

Le rôle des actions défensives

Les valeurs défensives jouent un certain rôle, mais il y a des limites: non seulement les portefeuilles peuvent se concentrer s’ils sont trop exposés à certains secteurs, mais leur performance peut être affectée par des facteurs macroéconomiques.

Il s’agit d’une menace réelle en cas d’inflation élevée, lorsque les secteurs défensifs ont tendance à souffrir. Les actions à tendance “value” ont tendance à mieux se comporter, mais elles se trouvent souvent dans des secteurs procycliques (finances, énergie, matériaux) qui ne sont clairement pas “défensifs” face aux récessions.

Innovation systématique pour les portefeuilles d’actions défensives

Cette situation appelle une autre approche de la diversification des portefeuilles – une approche qui n’exacerbe pas les risques ou les coûts, où le processus d’investissement en actions peut être construit de manière à transformer un risque purement directionnel en un investissement orienté vers le rendement. Pour ce faire, il est possible d’utiliser les options comme une couverture défensive.

Par exemple, un portefeuille diversifié d’actions sélectionnées sur la base des fondamentaux peut être complété par la vente d’options d’achat à court terme et l’achat d’options de vente à long terme; tandis que les options d’achat visent à améliorer le rendement et à atténuer la volatilité, les options de vente visent à améliorer le rapport risque/rendement de la stratégie, par rapport à un investissement direct dans les actions.

Au-delà des actions

Toutefois, si l’on recherche des rendements supérieurs à ceux des titres à revenu fixe, mais sans le risque de baisse des actions, s’aventurer au-delà des actions devrait être un moyen approprié de construire un portefeuille plus robuste de manière rentable pour tous les climats.

Par exemple, les stratégies de portage de matières premières sont bien connues pour offrir une combinaison défensive de type “Graal”, avec des rendements positifs moyens à long terme et une forte performance absolue ou relative pendant les baisses ou les récessions des actions.

Prises isolément dans un portefeuille, elles peuvent être utiles, mais combinées à d’autres stratégies non corrélées, elles peuvent réellement faire passer un portefeuille à la vitesse supérieure.

Préservation du patrimoine à long terme

Les investisseurs souhaitant augmenter les rendements corrigés du risque et obtenir des rendements à long terme proches des indices de référence traditionnels pendant les périodes de crise financière, les stratégies de superposition défensives ont gagné en popularité.

Bien menées, les stratégies les plus robustes devraient viser à produire des rendements à long terme qui ne s’éloignent pas trop des indices de référence traditionnels, tout en réduisant sensiblement la volatilité du portefeuille.

Pour l’instant, les marchés mondiaux restent imprévisibles. Pour ceux qui se concentrent sur la préservation à long terme, sans tolérance pour les périodes de fortes baisses, une certaine allocation aux stratégies défensives sur actions, ou une superposition défensive au portefeuille de base, devrait être judicieuse, que ce soit au sein des actions ou au-delà.

 

Roberto Bartolomei

BNP Paribas Global markets

Roberto Bartolomei dirige l’équipe de vente de THEAM Quant Funds pour BNP Paribas Global Markets. Il a auparavant occupé des postes de spécialiste des ventes et des produits chez Nomura, Morgan Stanley, AMP Asset Management et National Australia Bank entre Londres, Sydney, New York et Milan. Roberto est titulaire d’une licence en gestion des technologies et en économie de l’université de Western Sydney et d’un certificat en gestion des investissements de la CFA Society, au Royaume-Uni.

Tableau de bord

Solutions Investissement

  • Marouane Daho
  • Analyste-gérant
  • Iteram Capital

Q2 2023 – le baromètre des stratégies hedge funds

Le début d’année 2023 a valu aux gérants de hedge funds des conditions de marché relativement compliquées, après un exercice 2022 qui a remis au goût du jour les stratégies décorrélées. Tout d’abord, bon nombre de stratégies ont sous-performé en raison de leur positions short du fait d’une amélioration soudaine du sentiment des investisseurs. Ensuite, certains événements, notamment les faillites de banques régionales américaines depuis le mois de mars, ont provoqué une nouvelle vague de volatilité et d’incertitude sur certains marchés.

Les hedge funds se positionnent ainsi comme l’une des rares alternatives à pouvoir apporter des rendements décorrélés face aux incertitudes macroéconomiques croissantes. A moyen terme, l’évolution de l’inflation, des tensions dans le secteur bancaire et de la croissance économique mondiale pourraient recréer une pression baissière sur les actifs traditionnels.

 

Francesco Mandalà

RV Arbitrage/Multi-Strategy – Positif

– Ces stratégies maintiennent une exposition directionnelle faible, ce qui leur permet d’être plus résistantes aux retournements de marchés.

-L’accroissement de la dispersion entre les actifs permet aux stratégies relative value d’identifier d’avantage d’opportunités.

-Néanmoins, la volatilité des actions a été étonnement faible en 2023 malgré un certain nombre d’événements macroéconomiques importants.

 

Commodities – Positif

-Des déséquilibres structurels entre l’offre et la demande continuent d’exister sur plusieurs marchés, permettant également de bénéficier de tendances pluriannuelles favorables soutenues par les initiatives environnementales d’acteurs publics et privées.

-Les prix des matières premières répondent avant tout à des facteurs fondamentaux ce qui offre des opportunités uniques à des spécialistes aguerris. Par ailleurs, leur corrélation aux marchés traditionnels reste plus faible.

-Les stratégies relative value devraient mieux se comporter, minimisant les renversements liés aux changements de perspectives économiques mondiales, surtout en Chine.

Global Macro – Positif

-Une évolution plus claire des politiques monétaires devrait apporter de nouvelles opportunités sur les marchés des taux et de devises.

-Les rotations de marchés successives depuis novembre 2022 ont été couteuses, notamment sur les positions short taux courts et long dollar.

-La divergence croissante de vues entre les marchés et les banques centrales crée un risque binaire à court terme.

Fixed Income/Credit Arbitrage – Neutre

-Une majorité de stratégies crédit reste directionnelle et éprouve des difficultés à naviguer dans des marchés volatils.

-Le risque accru de récession et des conditions financières plus restrictives pourraient mettre à l’épreuve les marchés obligataires à moyen terme. Les stratégies low-net semblent mieux équipés pour ce type d’environnement.

-Les opportunités en distressed devraient augmenter avec la hausse des taux de défaut, mais il encore tôt pour se positionner.

CTA/Managed Futures – Neutre

-Ces stratégies ont souffert de retournements rapides des marchés depuis le quatrième trimestre 2022, elles continuent d’être vulnérables à ce type d’instabilité.

-La normalisation des politiques monétaires pourrait apporter des opportunités lucratives pour les stratégies de trend following.

-Avec la hausse des taux d’intérêts, le carry sur l’excès de cash est susceptible de devenir une composante importante des rendements

Event Driven – Négatif

-Des taux plus élevés et un ralentissement économique mondial devraient réduire l’activité globale de financement (fusion-acquisition, émissions primaires, spin-off, IPO …).

-La hausse des risques réglementaires et géopolitiques constitue un réel obstacle pour les stratégies de merger arbitrage. Cependant, les primes de risque augmentent avec une volatilité plus élevée.

-Le bruit macroéconomique peut avoir une plus grande influence sur l’évolution des prix que les facteurs idiosyncratiques.

Equity Long/Short – Neutre

-Le bêta structurel de ces stratégies pourrait souffrir si les marchés actions venaient à corriger après la forte hausse de ce début d’année.

-Après une décennie de marchés haussiers, le constat est à une pénurie de véritables compétences de short selling parmi les gérants ELS.

-Les opportunités alpha sont toujours présentes, mais les prix des actions sont plus sensibles aux développements macroéconomiques.

-Une plus grande dispersion des résultats devrait améliorer les perspectives des stratégies à exposition nette faible /neutre.

Marouane Daho

Iteram Capital

Marouane est analyste/gérant chez Iteram Capital et membre du comité d’investissement. Ses principales responsabilités consistent en la recherche de gérants et la gestion de portefeuilles de hedge funds. Avant de rejoindre Iteram, il était en charge des hedge funds et des investissements sur les marchés privés au sein d’un single-family office à Genève. Il a débuté sa carrière chez Lyxor Asset Management à Paris en tant qu’analyste hedge funds. Marouane est diplômé de l’école de commerce NEOMA avec un MSc en finance.

Conjoncture

  • Solutions Investissement
  • Beat Thoma
  • Chief Investment Officer
  • Fisch Asset Management

Baisse inquiétante de la largeur du marché et de la liquidité

En raison d’une consommation très solide à l’échelle mondiale, du risque de reprise de l’inflation et d’une prochaine augmentation des dépenses publiques – après le relèvement du plafond de la dette US – il ne faut pas s’attendre à un revirement rapide de la politique monétaire.

 

Francesco Mandalà

Malgré le ralentissement de la conjoncture, les banques centrales sont contraintes de continuer à retirer des liquidités du système. De plus, une forte baisse de l’octroi de crédits en raison de la crise bancaire qui couve toujours aux États-Unis et de la fuite des dépôts bancaires qui en découle, réduit encore les liquidités. Par ailleurs, les conditions d’octroi de crédit (‘lending standards’) sont nettement plus strictes. En Europe aussi, l’octroi de crédits par les banques est en baisse. Les débiteurs dont la solvabilité est faible, en particulier, ressentent déjà des vents contraires croissants lors du refinancement de leurs dettes.

La faiblesse persistante des marchés immobiliers, tant aux États-Unis qu’en Europe, ainsi que la vente d’obligations d’État par les banques centrales (Fed, BCE) et le Trésor américain, estimée à plus de 900 milliards de dollars dans les mois à venir, renforcent en outre le retrait déjà significatif de liquidités sur les marchés financiers. Tous les facteurs de réduction de la liquidité mentionnés ont été partiellement compensés ces derniers mois par des facteurs spéciaux (liquidités d’urgence, réduction du ‘Treasury General Account’, création monétaire privée). Mais ces effets de compensation disparaissent désormais pour la plupart et il faut s’attendre à ce que l’influence de la politique monétaire restrictive se renforce à nouveau.

Il est en outre frappant de constater que sur les marchés boursiers américains, la largeur du marché diminue dans une mesure rarement observée dans l’histoire. Depuis la mi-mars, le marché élargi, mesuré par l’indice Russel 2000, fait nettement moins bien que le S&P 500. Les investisseurs n’ont plus rien gagné avec la grande majorité des actions depuis mars. Sur les 500 actions du S&P 500, seuls huit ( !) titres ont progressé (Apple, Tesla, Microsoft, Nvidia, Facebook/Meta, Amazon, Netflix et Google/Alphabet). En revanche, les investisseurs ont perdu de l’argent avec tous les autres. Il s’agit là d’un signal indirect d’une liquidité des marchés financiers qui s’écoule rapidement et qui devrait peser sur le moral des investisseurs dans un avenir proche.

Malgré les sommets atteints par certains indices, de nombreux investisseurs sont dans le rouge, même sur une base annuelle, et devraient donc être de plus en plus inquiets. La diminution de la largeur du marché peut être décrite de manière imagée comme une armée en pleine offensive, où seuls quelques généraux avancent encore, mais où les troupes se retirent déjà dans la direction opposée – une entreprise désespérée. Par conséquent, les fluctuations de la largeur du marché ont toujours été de bons signaux de timing à moyen terme. Elles sont l’expression d’une tension croissante entre les forces de hausse et la diminution des liquidités.

 

Beat Thoma

Fisch Asset Management 

Beat Thoma est Chief Investment Officer et, en tant que Head of the Investment Office, il est responsable de la création et de la mise en œuvre de la politique d’investissement. Avant de rejoindre Fisch Asset Management en 2000, il a travaillé pendant 14 ans pour UBS et Security Pacific Bank à Genève, où il était responsable du trading et de la vente d’obligations convertibles. En parallèle, il a publié deux livres, dont “Dynamische Prozesse in der Ökonomie und an den Finanzmärkten”.

Marchés émergents

Solutions Investissement

  • Gaëlle Boucher
  • Head of Research
  • bridport & cie

Le processus de mondialisation touche à sa fin

La réouverture du marché chinois et la baisse de l’inflation a permis aux pays émergents de retrouver des perspectives de croissance plus favorables. Et ce malgré les efforts de relocalisation menés par de nombreux pays développées aux lendemains de la crise du covid.

 

Francesco Mandalà

La pandémie et les tensions géopolitiques ont été lourdes de conséquence pour l’économie mondiale, exacerbant les pressions inflationnistes sur l’ensemble de la planète et poussant les grands argentiers mondiaux vers des hausses de taux inédites. Les pays émergents ont souffert de la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, ainsi que de la vigueur du dollar pour les exportateurs, conduisant leurs banques centrales à se montrer restrictives.

La crise, au-delà de ses méfaits économiques, n’a fait qu’accroitre les divergences entre les deux grandes puissances mondiales et révélé au grand jour les failles d’une dépendance des pays développés à certaines économies émergentes.

Des écarts de croissance en faveur des pays émergents

Selon les dernières prévisions du FMI, la croissance mondiale devrait ralentir cette année mais dans une moindre mesure dans les pays émergents. Cependant, les pressions sous-jacentes sur les prix se révélant tenaces, l’inflation pourrait résister et les principaux taux directeurs devraient rester élevés. Si les marchés émergents ont été soutenus par l’approche de la fin de la hausse des taux directeurs aux Etats-Unis et la réouverture de la Chine, un ralentissement économique mondial ainsi que le durcissement des conditions de crédit pourraient les impacter. A noter que les pays émergents ont été relativement protégés de l’impact de la crise des banques régionales américaines. Ayant tiré les leçons nécessaires des crises passées, les banques des marchés émergents ont fait preuve de résilience, compte tenu des progrès réalisés en matière de surveillance réglementaire

Tensions géopolitique et risque de fragmentation géoéconomique

Les pays émergents ont tiré profit d’une vague d’investissements directs étrangers. Mais ce processus de mondialisation touche à sa fin. Dans un contexte d’exacerbation des tensions géopolitiques, les pays développés se penchent de plus en plus sur des stratégies destinées à renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement en transférant la production à l’intérieur de leur pays ou dans des pays plus alignés d’un point de vue géopolitique. Les incitations aux entreprises qui relocalisent leur production dans des secteurs clés en sont un bel exemple : American Inflation Reduction Act, US CHIPS, Science Act, subventions vertes.

Selon le FMI, plusieurs pays émergents et pays en développement sont fortement vulnérables à la relocalisation des investissements directs étrangers au travers de pertes de production. Pour le cabinet McKinsey Global Institute, la relocalisation de certaines multinationales hors de Chine pourrait bénéficier à certaines économies émergentes comme l’Inde, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande, le Vietnam et l’Indonésie. Les économies appelées à en bénéficier sont celles qui proposent des normes de gouvernance élevées et un environnement commercial attractif, ou bien qui sont capables d’exporter les ressources essentielles à la transition énergétique.

La Chine comme moteur de croissance?

«La Chine était le moteur économique du monde, aujourd’hui le pays emprunte une toute nouvelle voie» a déclaré voilà peu Joerg Wuttke, un de ses grands spécialistes.  Après plusieurs décennies de croissance économique, de réformes et d’ouverture, la politique économique de la Chine sera moins tournée vers l’Occident et plus vers son marché intérieur – « la double circulation» – ainsi que le reste de l’Indo-pacifique au travers du Partenariat économique global régional. Sa politique étrangère sera plus conflictuelle, surtout avec les Etats Unis. Ces deux économies se disputent la place de première puissance dans de nombreux domaines : économie, diplomatie, technologie, idéologie. La Chine peut-elle en sortir gagnante ? Les Etats Unis restent son premier partenaire commercial. Son système de production s’est développé sur un modèle d’exportations que la seule consommation intérieure n’absorbera pas. Quels seront ses nouveaux partenaires ?

Des rendements attrayants mais pas à n’importe quel prix

Soutenus par des fondamentaux macroéconomiques plus solides, un environnement inflationniste plus favorable et la réouverture de la Chine, certains marchés émergents offrent ainsi des rendements intéressants aux investisseurs à la recherche de possibilités de diversification sur des pays ayant les meilleurs ratios (déficits, dette, réserves de change).

Les devises émergentes avec des taux d’intérêt réels positifs offrent des portages intéressants sur un horizon court. Autant privilégier les émetteurs « corporates » de qualité, BB et plus.

Croissance du PIB réel en Chine et indice de confiance des consommateurs.

Gaëlle Boucher
bridport & cie
Gaëlle Boucher dirige la recherche chez bridport depuis 2020. Elle a occupé auparavant différents postes de gérant obligataire chez CCBP, CCR Gestion, AXA et Pictet Asset Management. Elle a été également responsable du Fixed Income Advisory chez Lombard Odier. Gaëlle est titulaire d’un Master II en Finance de l’Université Paris-Dauphine, de la certification Wealth Management Advisor CWMA, du certificat du CFA Institute en investissement ESG et de deux Certificats Executive en Corporate Finance d’HEC Paris.

Suspense

  • Solutions Investissement
  • Matthew Benkendorf
  • CIO
  • Vontobel Quality Growth Boutique

Plafond de la dette US : le défaut encore possible

L’accord conclu entre le président Joe Biden et le président de la Chambre des représentants Kevin McCarthy ce week-end laisse penser que la solution au plafond de la dette américaine est en bonne voie et que le défaut de paiement de la plus grande économie du monde sera évité. Pourtant, il reste encore un obstacle de taille à franchir, car les membres du Parti républicain ont promis de s’opposer à l’accord dans les deux chambres cette semaine.

 

Francesco Mandalà

Même si M. McCarthy estime que la majorité des membres de son parti acceptera au final l’accord, son rejet n’est pas à exclure. Dans ce cas, il ne resterait alors que quelques jours pour éviter que les États-Unis ne se retrouvent en défaut de paiement, ce qui, en l’état actuel des choses, pourrait se produire le 5 juin.

Les marchés financiers réagiraient violemment en cas de défaut de paiement, la gravité de leur réaction incitant en fin de compte à une action politique décisive, comme ce fut le cas lors de la crise financière mondiale. Si la possibilité d’un défaut de paiement existe, il est peu probable que le gouvernement américain n’assure pas le service de sa dette pendant une période prolongée. Mais, même dans le cas d’un défaut de paiement de courte durée, le mal serait fait.

La question des dommages durables qu’un défaut de paiement technique causerait à la stabilité économique et, plus important encore, à la confiance reste primoridiale. Comme le montrent les données économiques, les États-Unis sont confrontés à une détérioration progressive et constante de leur économie, l’impact de la hausse des taux d’intérêt commençant à se faire sentir – la crise bancaire du premier trimestre et la contraction du crédit qui s’en est suivie en étant les exemples les plus frappants. Dans cet environnement, un événement exogène risquerait d’ébranler la confiance dans l’économie et d’ébranler les esprits moteurs des économies, et il deviendrait plus difficile de relancer l’économie et de rétablir la confiance.

Ainsi, les risques de récession aux États-Unis vers la fin ou le début de l’année prochaine se multiplieraient. Cela aurait probablement des répercussions sur l’économie mondiale, entraînent le reste du monde, y compris l’Asie, dans leur chute. Toutefois, le Royaume-Uni et l’Europe au sens large bénéficient d’une croissance plus soutenue que les États-Unis, tout comme l’Asie, qui se remet encore de la pandémie, ce qui pourrait les aider à traverser la tempête et à gérer l’éventuelle volatilité du marché. Reste également à voir si la Chine, deuxième économie mondiale, serait disposée à adopter une politique de relance plus agressive à l’égard de son économie nationale, contrebalançant l’impact d’une récession américaine sur les économies mondiales.

Un défaut de paiement des États-Unis affecterait également le marché boursier américain, qui n’est pas aussi solide qu’il n’y paraît. N’oublions pas qu’il s’agit d’un marché restreint, dont les performances sont dues à une douzaine d’entreprises seulement. D’une manière générale, la valeur des actions américaines a augmenté, mais individuellement, la plupart d’entre elles sont restées stables ou ont baissé. Les entreprises ont également été stimulées par des perspectives positives concernant les taux d’intérêt en fin d’année. Les marchés s’attendent encore généralement à ce que les taux d’intérêt soient réduits au cours du second semestre de cette année. Une hypothèse irréaliste compte tenu de la situation inflationniste actuelle.

L’euphorie actuelle autour de l’intelligence artificielle (IA) masque également cette situation. Si l’IA entraînera, à terme, une transformation profonde des économies en aidant de nombreuses entreprises et de nombreux consommateurs, il est peu probable qu’elle ait déjà un impact sur le marché.

Les investisseurs exposés aux États-Unis devraient faire preuve de prudence en se positionnant sur des entreprises plus résistantes et moins sensibles à la conjoncture. Un moyen d’y parvenir est d’examiner les entreprises de secteurs tels que les biens de consommation de base et les soins de santé. Par ailleurs, la prudence reste de mise pour les entreprises trop cycliques, dont les valorisations sont trop élevées ou qui ne sont pas prévisibles.

Mathew Benkendorf

Vontobel Asset Management

Matthew Benkendorf est le Chief Investment Officer de la boutique Quality Growth depuis mars 2016. Il a rejoint Vontobel Asset Management en 1999 dans le support au trading, avant d’être promu au rang de trader en 2000. Il est ensuite devenu Research Analyst en 2002, puis s’est orienté vers la gestion de portefeuille en 2006 au titre de la stratégie European Equity. Il a joué un rôle essentiel dans la mise au point de l’approche d’investissement appliquée à l’ensemble de la boutique Quality Growth de Vontobel. Matthew Benkendorf est titulaire d’un Bachelor of Science in Business Administration (Finance) de l’université de Denver, dans le Colorado.