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Solutions Investissements

  • Géraldine Monchau
  • Digital Developer
  • Sphere

Tether, un nouveau Goldman Sachs en puissance

Au dernier trimestre, Tether, l’émetteur du stablecoin USDT, a dégagé plus de profits que Goldman Sachs, une performance notoire qui illustre parfaitement l’ampleur que prend ce segment des crypto-monnaies. Une tendance appelée à durer, comme le souligne Géraldine Monchau, une experte en la matière.

Francesco Mandalà

Ce n’est pas un mince exploit. Tether, qui émet le stablecoin USDT, a réussi à générer 2,86 milliards de profits lors du dernier trimestre 2023. Pourtant habituée aux premières places, la banque Goldman Sachs a dû se contenter de 2,01 milliards de dollars. La performance de Tether est d’autant plus remarquable que la société fonctionne avec une micro-équipe de 125 employés. Chez Goldman Sachs ils ne sont pas loin des 50’000 !

Les 2,85 milliards de bénéfice opérationnel net proviennent des intérêts sur les bons du Trésor américain, qui ont rapporté 1 milliard de dollars, et de l’appréciation des réserves en or et en bitcoins comptabilisées dans les livres. Sur l’année, le bénéfice total s’élève à 6,2 milliards de dollars, renforçant ainsi la réputation de Tether comme acteur de premier plan dans le secteur des crypto-monnaies. Les actifs sous gestion de Tether s’élèvent à 98,5 milliards de dollars, dont 91,6 milliards de dollars en USDT et 5,4 milliards de dollars en réserves excédentaires.

Tether est d’ailleurs devenu le plus grand stablecoin en termes de capitalisation boursière. Elle approche le seuil des 100 milliards de dollars qu’elle devrait franchir sous peu. La valeur de l’USDT, émis par Tether, est adossée au dollar américain. Pour ceux qui auraient raté un épisode, les stablecoins sont des actifs numériques peu volatils qui conservent généralement une valeur stable. Ils sont utilisés par des personnes du monde entier pour transférer et stocker de l’argent sans passer par des banques ou des institutions centralisées. Les négociants en cryptomonnaies emploient par exemple des stablecoins pour effectuer des transferts entre différentes cryptomonnaies ou pour transférer leurs investissements vers ou depuis des monnaies fiduciaires, les FIAT.

Les stablecoins se sont développés très rapidement ces dernières années car ils combinent le caractère décentralisé des crypto-monnaies avec la stabilité des actifs financiers plus traditionnels auxquels ils sont associés. Le marché pèse aujourd’hui 130 milliards de dollars mais le courtier Bernstein le voit atteindre les 3’000 milliards d’ici 2028. Pour Bernstein, ce potentiel de croissance repose à terme sur l’adoption des stablecoins par les plateformes de paiement comme Paypal ou Shopify.

Avec son USDT, Tether s’est donc magnifiquement positionné sur ce secteur. Mais l’entreprise veut également se diversifier en construisant des infrastructures destinées à d’autres secteurs stratégiques tels que l’IA, les télécommunications peer-to-peer, le minage de Bitcoin et la production d’énergie renouvelable.

La montée en puissance de Tether a donné lieu à quelques échanges particulièrement animés entre JPMorgan et Tether. JPMorgan a en effet exprimé des craintes quant à l’impact de Tether sur le marché plus large des crypto-monnaies, s’inquiétant de son “manque de conformité réglementaire et de transparence”. Paolo Ardoino, le PDG de Tether, est alors monté au créneau pour dénoncer l'”hypocrisie” du géant de Wall Street, s’amusant que JPMorgan se soucie de la position dominante de Tether sur le marché des crypto-monnaies alors qu’elle est elle-même est la plus grande banque du monde!

Quelques soient ces mouvements d’humeur, il est clair que le marché des stablecoins ne peut plus être ignoré au vu de la tendance de fond dans laquelle il s’inscrit. Dans les pays touchés par l’hyperinflation, il offre un excellent recours. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que Tether ait annoncé récemment le lancement de Tether Edu. Ce pôle se concentrera sur les marchés émergents, offrant des cours et des programmes hybrides dans les domaines de la blockchain, de l’intelligence artificielle et du design, entre autres domaines. Tether entend bien être un “pivot pour favoriser la prospérité économique et le développement durable” et compte bien s’engager dans la durée. Ayant gagné plus d’argent que 95 % des entreprises du S&P 500 au cours du dernier trimestre, son modèle d’affaire devrait continuer à fasciner l’industrie pendant encore quelque temps.

 

Géraldine Monchau

Géraldine Monchau dirige les développements de SPHERE. Elle a débuté son parcours professionnel dans la finance traditionnelle où elle a occupé des postes à responsabilité liés à la gestion de portefeuille discrétionnaire et à l’advisory. Elle a ensuite rejoint l’industrie de la technologie blockchain et des actifs numériques. Géraldine est diplômée de l’IUHEI, du CFPI et du CAIA. Co-fondatrice de Women in Web3 Switzerland, elle est membre du comité scientifique du CAS Blockchain HEG.

Fixed Income

Solutions Investissements

  • Interview Svein Aage Aanes
  • Responsable Fixed Income
  • DNB Asset Management

“High yield : la dynamique des marchés nordiques”

Des niveaux élevés d’éducation, de maîtrise technologique et un engagement important en faveur de la durabilité portent la réussite économique des pays nordiques. Svein Aage Aanes explique pourquoi, dans ce contexte, les investisseurs qui privilégient le segment obligataire pourraient être positivement surpris par ce marché, malgré les défis posés par le secteur de l’énergie.

Francesco Mandalà

Pourquoi les pays nordiques sont-ils particulièrement intéressants en ce moment ?

Ils se distinguent d’abord par leurs économies robustes et innovantes. Ils sont connus pour leur bonne gouvernance, leur transparence et le caractère durable de leurs pratiques commerciales. Ils offrent donc un mélange de stabilité et de politiques progressistes qui séduit. Leur engagement dans les technologies de pointe, l’importance accordée à l’écologie et le bien-être social les rend en plus particulièrement attrayants pour les investisseurs qui misent sur le long terme.

Si l’on analyse la croissance économique de ces pays nordiques, quels sont les principaux moteurs qui en expliquent la vigueur ?

Leur force économique est principalement due à leurs business models innovants, à leurs niveaux élevés d’éducation et de maîtrise technologique, ainsi qu’à leur engagement en faveur de la durabilité, qu’elle soit sociale ou environnementale. Ces économies bénéficient par ailleurs d’un niveau élevé de confiance dans la société, de la qualité des services publics et d’une vision politique sur le long terme. Tous ces éléments réunis créent une base solide pour une croissance économique durable.

Comment les différents pays nordiques se sont-ils développés ces dernières années ?

Les grandes économies nordiques, telles que la Suède et la Norvège, ont fait preuve de croissance et de résilience. Sur le plan de la croissance, la Suède, grâce à son secteur technologique et ses startups, s’est d’ailleurs imposée comme un leader européen. La Norvège, portée par sa richesse pétrolière, a beaucoup investi dans les pratiques et les technologies durables. L’accent mis par le Danemark sur les énergies renouvelables et les avancées de la Finlande dans les domaines de la technologie et de l’éducation témoignent par ailleurs de la diversité des atouts de la région. Chaque pays, bien qu’ayant des caractéristiques uniques, contribue de manière significative à la stabilité et à l’attractivité globales de toute la région.

En ce qui concerne la classe fixed income, quelle est la dynamique du marché nordique par rapport au reste de l’Europe ?

Dans les pays nordiques, le marché obligataire, et le segment high yield en particulier, ont traversé quelques moments difficiles. Néanmoins, contrairement à certains marchés européens qui ont dû faire face à des défis importants, le marché nordique est resté relativement sécure, sans afficher de grande volatilité. Cela s’explique en partie par les politiques fiscales rigoureuses de ces pays et par la diversité des émetteurs qui attirent tant les investisseurs nationaux qu’internationaux.

A propos des high yield, quelles tendances se sont dégagées ces dernières années ?

Le marché nordique des high yield a connu une croissance significative, avec une augmentation des volumes d’émission parallèle qui a suivi l’intérêt croissant des investisseurs. Ce qui est principalement dû à la stabilité économique de la région, à la bonne gouvernance de ses entreprises et aux rendements relativement attractifs offerts par les obligations à haut rendement de ces pays quand on les compare aux autres marchés européens. Nous avons par ailleurs constaté un intérêt particulier pour les secteurs des énergies renouvelables, de la technologie et de la santé.

Quelle est la stratégie que vous recommandez aux investisseurs qui s’intéressent aux spreads de crédit et se concentrent sur les obligations à haut rendement ?

Les investisseurs qui s’intéressent à ce genre de titres peuvent bénéficier de spreads de crédit relativement stables dans une gamme diversifiée. Mais attention, bien que le marché offre des rendements compétitifs, les investisseurs doivent néanmoins faire leur due diligence et bien tenir compte des risques spécifiques associés à chaque secteur. Une bonne diversification entre les différents secteurs et les différents pays scandinaves peut contribuer à atténuer ces risques.

Comment intégrez-vous les critères ESG dans vos processus d’investissement ?

Pour nous, la prise en compte des critères ESG n’est pas une simple déclaration d’intention. Elle fait partie intégrante de nos processus d’analyse et de prise de décision en matière d’investissement. Nous procédons à des évaluations ESG détaillées pour chaque investissement, en examinant des facteurs tels que l’impact environnemental, la responsabilité sociale et la gouvernance. Nous sommes convaincus que les entreprises qui ont des pratiques ESG solides sont mieux positionnées pour réussir à long terme, ce qui correspond d’ailleurs à notre philosophie d’investissement.

Svein Aage Aanes

DNB Asset Management

Svein Aage Aanes a rejoint DNB Asset Management en 1998 en tant que gérant de portefeuille, spécialisé sur le marché obligataire norvégien. En 2000, il a été nommé à la tête de l’équipe fixed income. Avant de rejoindre la société, il était économiste à la Den Norske Bank. Entre 1991 et 1996, il a été professeur assistant et chercheur en économie à la Norwegian School of Economics and Business. Il a également effectué un séjour de recherche à l’université de Harvard. Svein Aanes est titulaire d’un master en économie de la Norwegian School of Economics and Business Administration

Projecteurs

Solutions Investissements

  • Benoit-Gilles Cambier
  • CEO
  • Conduit Suisse

« C’est maintenant au tour de l’Asie de prendre la lumière »

Benoit-Gilles Cambier dirige le développement en Suisse du groupe Conduit, qui s’est installé en 2015 à Singapour pour approcher au plus près les opportunités qui émergeaient dans la région. Depuis, elles n’ont cessé de se multiplier bien qu’elles ne remontent pas autant qu’elles devraient dans les stratégies d’allocation.

Francesco Mandalà

Comment se fait-il que Conduit Group soit aussi canalisé sur l’Asie ?

Historiquement, le groupe est né à Singapour en 2015, avec une assise managériale très axée sur l’Asie. Avant de créer Conduit, les fondateurs ont en effet longtemps travaillé dans la banque d’investissement entre Singapour, Hong Kong, Tokyo et Kuala Lumpur. Depuis, le groupe s’est développé à l’international – en Suisse, en Finlande et bientôt en Australie – mais il a conservé ce focus Asie, qui structure son ADN. Conduit Suisse, ouvert en voilà maintenant cinq ans, se veut donc un relais, un “conduit” évident entre les marchés asiatiques et les gestionnaires de fortune présents en Suisse.

Quelles sont les grandes tendances sur lesquelles vous avez voulu vous positionner ?

Il s’agit avant tout d’une histoire de croissance. En Asie, les perspectives sur le long terme sont tout simplement extraordinaires. C’est ce qui a motivé la création de Conduit en 2015 et c’est ce qui drive encore aujourd’hui son développement. Pour nous, nous en sommes arrivés au stade où c’est au tour de l’Asie de prendre la lumière. Je vous donne trois chiffres pour situer le contexte. L’Asie, c’est 60% de la population mondiale, plutôt jeune, éduquée, hautement qualifiée, 50% de son PIB mais elle n’apparait qu’à hauteur de 18% dans l’indice MSCI World. Autant dire que nous anticipons un sérieux effet de rattrapage.

En Asie, les marchés boursiers ont pris énormément de profondeur ces dernières années. Ils présentent encore quelques pièges, mais il est beaucoup plus sûr d’y investir aujourd’hui. Nous trouvons sur ces marchés beaucoup d’entreprises de grande qualité, peu endettées, avec un taux de croissance très supérieure à la moyenne du S&P500 et des valorisations beaucoup plus attrayantes. Elles se négocient à des PE ratios très inférieurs à ceux du S&P500, malgré leurs meilleurs fondamentaux.

Et c’est ainsi que notre offre asset management s’est construite autour de l’Asie. Nous avons d’ailleurs une approche assez semblable avec l’alternatif au sens le plus large : marchés privés, trade finance, métaux précieux, pays émergents voire frontières. Nous avons pris la mesure de ce qu’il apporte en termes de décorrélation avec les autres classes d’actifs et de résilience, surtout en ces temps agités. Il occupe donc une place importante dans nos stratégies.

Comment les faiblesses du marché chinois impactent-elles le reste de la Région ?

Dans l’immédiat, il est vrai que la Chine rencontre des difficultés mais, encore une fois, mous préférons nous projeter sur le long terme. Or, les marchés chinois ne reflètent pas vraiment la puissance de l’économie chinoise, ni sa capacité à s’inscrire dans la durée. Elle bénéficie d’institutions solides qui lui garantissent dans le temps une vraie stabilité. A l’inverse de beaucoup de pays occidentaux, la Chine ne va pas changer de régime ou d’orientation du jour au lendemain.

Quelles sont les stratégies que vous avez mises en place pour aborder ces marchés asiatiques?

Asia Wealth est notre stratégie “maison” qui synthétise ce que nous considérons comme des opportunités exceptionnelles dans cette région. Le fonds a été pensé comme un 60/40 qui permette de capturer ces opportunités, tout en évitant les corrections brutales comme celles qui ont malmené la plupart des stratégies équilibrées traditionnelles en 2022. Je rappelle que nous avons un pôle wealth management à Singapour et que la préservation du capital décide naturellement de nos stratégies d’investissement. Dans ce 60/40, nous avons inclus par exemple une approche trade finance revisitée qui répond à l’énorme déficit de financement des SMEs dans ce domaine et un portefeuille actions qui ne se limite pas exclusivement aux valeurs chinoises. Sa couverture est beaucoup plus large. En ce moment, nous nous intéressons beaucoup au Vietnam, un pays frontière extrêmement prometteur.

 

Benoit-Gilles Cambier

Conduit Suisse

Benoit.Gilles Cambier dirige les activités du groupe Conduit, dont le siège est à Singapour. Il a rejoint ce groupe en 2018, en tant qu’associé, et il en a créé la filiale suisse en septembre 2018. Benoit-Gilles a travaillé pendant plus de vingt ans dans la banque d’investissement et dans l’univers des produits structurés à New York, Londres, Singapour et Madrid. Il a notamment fait partie du comité de direction de Standard Chartered FIC Global et de Santander FIC Europe. Il est titulaire d’un master en ingénierie de Télécom Paris ainsi que d’un MSc en mathématiques financières de l’Université de Paris.

Mindset

Solutions Investissements

  • Aman Kamel
  • Gestionnaire de fonds
  • Trillium

La culture de l’innovation, moteur de l’économie américaine

Les performances des marchés américains répondent à plusieurs variables, mais il est certains facteurs plus structurels qui s’avèrent décisifs sur le long terme. Pour Aman Kamel, il faut commencer par l’entrepreneuriat, la prise de risques et plus encore le goût prononcé pour l’innovation.

Francesco Mandalà

Avec une performance annualisée sur 10 ans de près de 11% pour le S&P 500, à la fin décembre, et de près de 18% pour le Nasdaq-100, le marché américain reste incontournable. L’écosystème qu’il a développé – modèle de performance et d’efficience – a fait des Etats-Unis l’un des pays les plus innovants qui soient. Les Etats-Unis demeurent d’ailleurs à ce jour la première puissance scientifique et technologique à l’échelle planétaire. La culture américaine qui encourage l’entrepreneuriat et l’engagement des universités dans la recherche appliquée a su créer au final un cercle vertueux. En outre, la proximité qui s’est établie avec le temps entre les entreprises et le monde universitaire facilite les interactions et facilite transferts technologiques. Tout au long de leur cursus, les étudiants sont incités à conduire leurs travaux dans une logique entrepreneuriale. La Silicon Valley est la parfaite illustration de cet état d’esprit. Pour s’en persuader, il suffit de regarder du côté de Stanford. Plusieurs géants de la tech ont été lancés sur son campus, à l’image de Google ou de HP. Bien évidemment, le MIT et Harvard ne sont pas en reste.

Pour ajouter à ce socle, le financement de projets est devenu aussi l’une des principales lignes de force de cette économie. Les Etats-Unis peuvent ainsi produire des startups en masse, dans la mesure où des fonds spécialisés sont passés maîtres dans l’art d’en financer le lancement, puis le développement. En 2022, ces startups – présentes essentiellement sur le segment Small & Mid – ont capté plus de 200 milliards de dollars, un montant très largement supérieur à celui qui est octroyé en Asie et en Europe.

Une partie des capitaux ainsi alloués proviennent de plus en plus de grands groupes mondiaux, qui veulent garder le contrôle sur les technologies émergentes, créatrices de valeur à long terme. Nombre d’entre eux se sont aussi renforcés ces dernières années par la voie de la croissance externe en rachetant un nombre record d’entreprises moyennes en pleine croissance sur de nouveaux créneaux. De belles opérations ont ainsi eu lieu en 2023. Amazon s’est emparé de de One Medical pour 3,8 milliards de dollars. IBM, avec le rachat d’Apptio pour 4,6 milliards entend pousser son développement dans le cloud hybride et l’IA. Quant à Cisco, qui veut se renforcer dans la cybersécurité, elle a déboursé pas moins de 28 milliards pour l’acquisition de la Splunk pour 28 milliards. Au passage, tous ces géants mettent la main sur d’importants réservoirs de talent.

Créateurs de valeur sur la durée, les entreprises américaines savent depuis toujours que l’innovation est un formidable levier de croissance et justifie à ce titre des investissements conséquents. En 2022 aux Etats-Unis, le budget alloué au secteur de recherche et développement avoisinait ainsi les 600 milliards de dollars ! Si le R&D était une discipline olympique, les Etats-Unis collectionneraient les médailles. Et près de 70’000 brevets ont été déposés dans le pays cette même année. L’essor de l’Intelligence Artificielle est un parfait exemple de l’évolution que les Américains ont appris à donner chez eux aux nouvelles technologies.

Historiquement, le gouvernement américain a toujours soutenu d’importants programmes de politique industrielle par le biais d’investissements sur le modèle public-privé. Ils ont été essentiels pour asseoir la compétitivité des Etats-Unis au siècle dernier. Aujourd’hui, l’IIJA – 550 milliards sur dix ans, CHIPS – 200 milliards sur cinq ans et l’IRA – 369 milliards sur dix ans – poursuivent cette mission. Ils sont conçus pour attirer et accélérer les investissements privés afin de renforcer la capacité de l’économie américaine, tant au niveau global que dans quelques secteurs clés. Il en va ainsi des semi-conducteurs et des énergies renouvelables. De facto, ces apports ont contribué à augmenter les dépenses en formation afin de s’assurer une main-d’œuvre qualifiée dans des industries en mutation. Il est clair que les valorisations actuelles sur les marchés US peuvent sembler élevées pour certaines sociétés. C’est le cas notamment d’Apple, Amazon et Tesla. Mais il ne faut jamais perdre de vue que le dynamisme et la création de valeur s’accompagnent forcément d’un « premium », d’un coût sur lequel se déterminent les bénéfices futurs.

AMAN KAMEL

Trillium

Aman Kamel a rejoint l’équipe de gestion de Trillium en 2022 pour prendre notamment sous sa responsabilité le fonds Manavest Swiss Equity. Auparavant, il a passé plus de 13 ans en tant qu’analyste et gestionnaire de fonds sur le marché suisse et US, au sein de la BCGE, pour la gamme Synchrony. Aman est titulaire d’un diplôme de gestion de fortune et d’une certification en finance durable de l’Institut Supérieur de Formation Bancaire (ISFB).

Hedge funds

Solutions Investissements

  • Interview Cédric Dingens & Alexis Sautereau
  • Pôle Investment Solutions and Alternative Investments
  • NS Partners

“Hedge funds : les meilleurs résultats s’obtiennent en période de taux d’intérêt élevés”

Cette année, les stratégies alternatives devraient encore bénéficier de l’environnement actuel, dominé par des taux d’intérêts élevés et une inflation persistante. D’autant que la déglobalisation, la transition énergétique et la perspective des élections américaines ajoutent à la dispersion sur les marchés actions, comme le soulignent Cédric Dingens et Alexis Sautereau.

Francesco Mandalà

Dans les grandes lignes, à quoi devrait ressembler 2024 pour la gestion alternative ?

Avec la hausse des taux d’intérêt, les inquiétudes macroéconomiques et le retour de la volatilité sur les marchés, les stratégies long/short devraient à nouveau pouvoir démontrer leur intérêt. De même, des opportunités et des inefficiences semblent émerger dans les thèmes de la transition énergétique et dans le monde des matières premières.

Les données historiques montrent que les gérants de hedge funds obtiennent leurs meilleurs résultats en période de taux d’intérêt élevés, comme ce fut le cas entre 1990 et 2007. Avec des rendements à 5% pour les emprunts à 10 ans, une inflation qui devrait perdurer et des déficits importants, on se trouve donc dans une situation plutôt favorable aux stratégies alternatives. Elles devraient profiter également des tendances majeures que sont la déglobalisation, la transition énergétique et les élections américaines car leurs performances dépendent aussi de la dispersion sur les marchés actions

Dans quelle mesure le nouvel environnement macro profite-t-il le plus aux fonds alternatifs ?

Certaines stratégies, notamment dans le domaine du crédit, trouvent désormais un environnement plus discriminant, qui profite en effet aux gérants alternatifs. La bonne tenue et / ou la faiblesse de certains bilans d’émetteurs se voient prises en compte de manière plus marquée que lorsque les taux persistent à des niveaux très faibles. Les opportunités se développent donc favorablement tant pour les positions longues que pour les positions shorts.        

Quelles stratégies alternatives devraient le mieux performer ?

Après avoir affiché de très belles performances sur la période 2020-2022, les fonds global macro ont marqué le pas en 2023. Nous restons persuadé que l’environnement de marché reste favorable à ces stratégies qui présentent l’avantage d’être décorrélées des marchés actions et obligataires. Même si la baisse des taux a été conséquente ces dernières semaines, nous restons dans une situation de normalisation qui devrait bénéficier aux bons gérants long/short qui investissement sur les actions et le crédit.

Quels sont les facteurs clés qui favorisent aujourd’hui la génération d’alpha dans les fonds alternatifs ?

De nombreux éléments influent à divers degrés sur la génération d’alpha mais le plus importe d’entre eux reste la dispersion des prix ou des rendements, selon les actifs concernés.

La difficulté, liée au contexte de ces dernières années engendré par des taux faibles, persistants, a sans doute réduit le spectre de dispersion. Par conséquent, il est devenu moins évident pour les fonds alternatifs de valoriser leurs deux pôles, long et short. Il est clair par exemple que les stratégies long/short equity n’ont pu générer les performances auxquelles elles auraient pu prétendre dans un environnement moins ordonné, moins soumis à des facteurs exogènes comme les politiques des banques centrales.

Comment a évolué cet alpha depuis la crise des subprimes ?

Depuis 2010 et la mise en œuvre de « l’assouplissement monétaire » orchestrée par les banques centrales à l’échelle planétaire, l’abondance de liquidité a prévalue sur les autres critères capables d’imprimer leur rythme aux mouvements des marchés et les valorisations des actifs. Ces injections massives de liquidités – proches des 9’000 milliards de dollars aux Etats-Unis – a eu tendance, de manière générale, à neutraliser la génération d’alpha, dans la mesure où l’univers d’investissement a fini par se présenter sous un jour moins discriminant. Il est devenu plus délicat d’arbitrer entre les actifs, et de distinguer les bons des mauvais. A l’inverse, la remontée des taux, décidée par les banques centrales pour contrer les pressions inflationnistes, a conduit au rétablissement de critères d’investissement plus sélectifs, historiquement plus favorables à la génération d’alpha. C’est notamment le cas de cette dispersion dont je parlais plus tôt.

Comment les hedge funds exploitent-ils concrètement les hausses prononcées de la volatilité ?

La manière la plus évidente, à défaut d’être la plus simple, c’est d’exploiter une stratégie d’options qui, bien construite, peut offrir des rendements très intéressant dans les phases de dislocation de marché. Cette stratégie peut être isolée, ou bien se retrouver au sein d’un portefeuille long/short equity afin d’augmenter le biais de protection du reste du portefeuille. C’est un exemple parmi d’autres. Ce type de stratégie a cependant un revers à ne pas négliger. Elle peut s’avérer improductive voire légèrement coûteuse dans les phases de prolongées de faible volatilité.

Comment expliquez-vous l’essor des plateformes multi-gérants ces dernières années ?

Les plateformes multi-gérants ont principalement gagné des parts de marché dans l’industrie des hedge funds grâce à leurs bonnes performances ajustées au risque durant les 5 dernières années. Dans un contexte d’augmentation des coûts et de consolidation de l’activité d’asset management elles ont réussi à attirer les meilleurs traders qui ont pu négocier des bonnes conditions de rémunération.

Comment les voyez-vous évoluer ces prochaines années ?

Nous assistons aujourd’hui à une phase de digestion des actifs levés ces 3 dernières années avec une performance en 2023 qui est peut-être un peu en deçà des attentes, notamment lorsque le taux sans risque est de plus de 5% en USD. Certaines vont continuer à dominer tandis que d’autres vont probablement stagner et chercher à se rapprocher d’autres acteurs.

Cédric Dingens

Cédric Dingens dirige le pôle « Investment Solutions & Institutional Clients » de NS Partners. Cédric a débuté sa carrière à la Banque du Luxembourg en 2001. L’année suivante, il a rejoint Notz Stucki à Luxembourg en tant que gestionnaire de portefeuille. Il a développé le cadre interne de gestion des risques quantitatifs avant d’être nommé responsable de la gestion des risques à Genève en 2010, puis d’être promu à son poste actuel en 2016. Il est titulaire d’un diplôme en finance quantitative de l’École nationale supérieure des mines de Nancy (France) et détient la certification Chartered Alternative Investment Analyst.

Alexis Sautereau

Alexis Sautereau a rejoint NS Partners en 2020. Il a plus de 20 ans d’expérience dans divers secteurs financiers. Il a commencé par travailler dans le trading d’options et d’actions avant de s’orienter vers le conseil en technologie puis la finance d’entreprise. En 1999, il rejoint Unigestion, l’un des leaders européens de la gestion alternative, dont il devient directeur exécutif, avant de le quitter en 2002 pour fonder Jam Research.

Turnaround

Solutions Investissement

  • Pedro Lapenta
  • Responsable de la recherche
  • Hashdex

L’Outlook 2024 des crypto-actifs

L’intégration à la finance traditionnelle, la TradFi, l’exploitation des avancées technologiques et un contexte macroéconomique plus favorable pourraient continuer à porter le marché des actifs crypto en 2024. Ce sont les thèmes qui dominent dans l’Outlook 2024 de Hashdex, comme l’explique Pedro Lapenta, son responsable de la recherche.

 

Francesco Mandalà

Alors que nous entamons la nouvelle année, le segment des crypto actifs semble prêt à se fondre dans l’immensité des marchés financiers traditionnels. Cette confluence indique un changement majeur: la crypto, jugée autrefois un peu trop ésotérique, est sur le point de rejoindre les sphères plus établies de la finance mondiale.

2024 s’annonce donc pour elle comme un moment particulièrement significatif, une opportunité rare où d’importants courants séculaires convergent avec des points d’entrée cycliques, attrayants à court terme. Et les principales tendances qui ont animé le secteur fin 2023 restent plus que jamais d’actualité en ce début d’année.

  • Demande croissante pour le bitcoin : l’approbation attendue d’un ETF Bitcoin spot aux Etats-Unis devrait attirer un afflux de nouveaux investissements sur les marchés crypto.
  • Emission réduite de nouveaux bitcoins : le prochain halving, prévu fin avril, devrait réduire la quantité de bitcoins nouvellement émis. Ces événements ont précédé une appréciation considérable du prix du bitcoin par le passé.
  • Conditions macroéconomiques plus favorables : la baisse attendue des taux d’intérêt aux États-Unis et l’amélioration générale de la liquidité mondiale sont susceptibles de créer un environnement plus favorable aux actifs crypto.

Ces forces sont loin d’être des facteurs négligeables. Un nouvel ETF Bitcoin spot a le potentiel pour drainer sur les marchés des milliards de nouveaux dollars au cours des prochaines années, initiant du même coup un nouveau cycle haussier pour la crypto. De plus, une approbation par la SEC représenterait une avancée pour une industrie crypto montrant de bien plus fortes garanties sur le plan de la régulation. L’adhésion de sociétés telles que BlackRock et Fidelity au principe d’un ETF est le plus fort support institutionnel dont les cryptos puissent bénéficier. La combinaison de tous ces facteurs ouvre donc des perspectives très attrayantes pour 2024.

Sur la hausse impressionnante de 2023

Faut-il s’inquiéter d’une éventuelle surchauffe des cryptos ? La hausse impressionnante survenue fin 2023 peut résulter d’un optimisme excessif lié à l’arrivée attendue des ETFs crypto spot aux Etats-Unis. Si les marchés continuent de grimper dans les semaines à venir, une fois les cotations effectives, les acteurs ayant anticipé sur l’événement pourraient alors encaisser une partie de leurs profits. Cependant si les candidatures à la création d’ETF sont retardées – voire refusées – une certaine pression à la vente est à prévoir. Les marchés annuleront alors les gains ayant résulté des paris tenus sur la mise en œuvre de ces ETF.

Indépendamment de tout ralentissement des prix à court terme, il est clair que les cryptos s’inscrive dans une dynamique favorable. Au vu des exercices précédents, en tenant compte du niveau des flux institutionnels attendus, et en ajoutant les caractéristiques risk-on et risk-off présentées par le bitcoin en 2023, ce sont des mouvements majeurs et positifs qui s’annoncent pour l’ensemble de l’industrie crypto en 2024.

Les défis rencontrés ces deux dernières années, à commencer par l’effondrement de FTX, n’ont finalement pas porté de coup fatal aux actifs crypto. En réalité, la chute des cours n’a jamais été qu’une réaction à court terme. En revanche, le rebond qui a suivi a mis en évidence, de belle manière, la robustesse du secteur, son potentiel et sa capacité à se remettre d’incidents provoqués par de pseudo-visionnaires dont les entreprises ne dont pas faites pour résister à l’épreuve du temps. Avec une adoption de plus en plus soutenue de ses actifs, d’importantes avancées réglementaires et l’intérêt accru des principales institutions financières, le marché crypto laisse entrevoir aujourd’hui un avenir axé sur l’innovation et la croissance.

 

Pedro Lapenta

Hashdex

Pedro Lapenta est le responsable de la recherche de Hashdex. Il est titulaire d’une licence en administration des affaires de la Fundação Armando Alvares Penteado à São Paulo et détient un MBA en finances et investissements de la Columbia Business School à New York. Pedro compte plus de 15 ans d’expérience professionnelle, ayant travaillé pour de grandes institutions financières telles que Santander, Citigroup et JP Morgan. Pedro est un passionné de technologie et s’intéresse à la crypto et à la blockchain depuis 2018.