Paradigme
Maria Vassalou
Pictet Research Institute
L’essor des BRICS+ et son impact sur l’économie mondiale
Après un rally appréciable au premier trimestre, les actions suisses ont repiqué du nez en avril, prises sous le feu des taxes douanières exorbitantes envisagées par Donald Trump. A mi avril, le SPI avait perdu 2,6% depuis le début de l’année, et le SMI 3,3%. Rien d’inquiétant cependant au vu des excellents fondamentaux qu’affiche toujours l’économie suisse.
Après deux années de performances catastrophiques, le vent semblait avoir enfin tourné sur les bourses suisses au premier trimestre. A la fin mars, les indices avaient fortement rebondi, tandis que l’optimisme des investisseurs à l’égard de l’économie mondiale laissait place à un net regain de volatilité.
Au mois de janvier, il était en effet assez choquant de constater que la décote de valorisation des titres helvétiques atteignait un niveau sans précédent. Alors qu’historiquement les valeurs domestiques se traitent avec une prime de 5% par rapport aux indices mondiaux, c’est une décote de près de 15% qui prévalait en début d’année. Cette situation anormale parlait clairement en faveur des actifs risqués suisses. Cet argument reste d’ailleurs valable aujourd’hui, malgré la large surperformance du SPI sur les trois premiers mois de 2025.
Les valeurs suisses ont souvent montré leur capacité à bien se comporter dans un environnement de forte volatilité sur les marchés financiers mondiaux. L’escalade actuelle dans la guerre commerciale menée par les USA contre leurs partenaires commerciaux mène à un régime de volatilité extrême qui aurait dû normalement pousser les investisseurs vers la cote locale. C’était sans compter sur le caractère imprévisible du nouveau Président américain.
Il y a encore quelques semaines, les observateurs estimaient que la Suisse échapperait aux taxes douanières, malgré les menaces brandies par Donald Trump à l’égard du monde entier. Tout du moins, il n’était pas envisageable que des taxes supérieures à celles appliquées aux pays européens soient mises en place. C’est pourtant bien ce qui s’est passé la semaine dernière. A la suite de l’application de formules mathématiques obscures, les biens helvétiques exportés aux Etats-Unis risquent une taxe supérieure à 30%, un niveau jusque-là réservé aux produits chinois. Cette surprise explique la sous performance récente des bourses domestiques, qui n’ont pas résisté au crash boursier en ce début avril.
Dans un tel contexte, les petites et moyennes capitalisations sont à la peine. Sans surprise, ces entreprises ont fortement corrigé, en raison de leur fragilité financière plus élevée et de leur présence dans des secteurs plutôt cycliques comme l’industrie ou la chimie. Pas de répit non plus pour les valeurs défensives du secteur de la santé, qui ne seront pas épargnées par la politique tarifaire de Donald Trump. Dans la récente baisse, les investisseurs n’ont pas fait de distinction entre grosses et petites capitalisations, cycliques ou défensives. L’onde de choc s’est généralisée à l’ensemble du marché. Ou presque…
Car certaines valeurs parmi les « small cap » se sont relativement bien comportées dans ce moment de panique. Les plus petites sociétés, celles qui ne sont actives que sur le marché suisse et, par conséquent, ne sont que peu concernées par les taxes américaines, ont semblé bénéficier d’une carte joker. Une société de services comme Swisscom, qui opère en grande partie sur sol suisse ne se soucie guère des récents développements macroéconomiques. Même constat pour BKW, Allreal, les petits assureurs suisses ou l’ensemble des banques cantonales helvétiques. Ces valeurs sont à privilégier dans l’environnement actuel et sont largement représentées dans nos solutions d’investissement dédiées au segment des petites et moyennes capitalisations. L’accent est donc mis dans ce segment sur les sociétés exposées en premier lieu à la conjoncture domestique.
Car il faut souligner l’excellence des fondamentaux dont jouit l’économie suisse. Alors que la croissance du PIB ralentit dans la plupart des économies développées, Etats-Unis et Chine en tête, elle devrait rester stable, voire accélérer dans notre pays durant les deux prochaines années. Certes, des révisions baissières sont attendues au vu des récentes mesures mises en place par les Etats-Unis et de la perte de confiance qui en a suivi chez les entrepreneurs. Mais l’impact devrait rester limité pour le PIB suisse. Idem pour les bénéfices des entreprises suisses, qui s’inscrivent dans une tendance de révisions haussières. Notons que la BNS, en assouplissant fortement sa politique monétaire durant les derniers trimestres, a sans doute contribué à préserver la compétitivité des sociétés exportatrices et à limiter l’appréciation du franc, favorisant ainsi la croissance.
Au vu de ce qui précède, nous considérons comme injustifiée la décote que les actions domestiques continuent d’afficher par rapport à leurs homologues mondiales, même après la surperformance des indices SMI et SPI sur le premier trimestre. Le retour à une prime de valorisation est désormais probable au vu des incertitudes économiques, de la situation géopolitique et de la visibilité réduite qui prévaut quant à l’orientation de la croissance mondiale. Nous recommandons dès lors de conserver une exposition substantielle aux actions helvétiques en privilégiant notamment les petites capitalisations domestiques, qui continueront à tirer leur épingle du jeu sur les prochains mois.
Daniel Steck
Piguet Galland
Daniel Steck cumule près de 25 années d’expérience dans le domaine de la finance. Après une première expérience dans l’analyse financière chez Lombard Odier, notamment sur le secteur de la santé, il a continué sa carrière chez Reyl & Cie, comme analyste et gérant de portefeuille. Il a rejoint Piguet Galland en 2018 comme gestionnaire senior pour prendre en charge de la gestion des différents fonds actions et certificats thématiques sur la Suisse et l’Amérique du Nord.
Le deuxième volet de L’Intégrale s’intéresse à la transition énergétique – ou plutôt, à l’adaptation énergétique, selon l’expression privilégiée par Alexis Sautereau. Ce premier interview de la série propose ainsi un panorama du secteur, et des grandes forces qui décident aujourd’hui de sa dynamique.
Par Jérôme Sicard
Quelles sont les transformations majeures que vous observez actuellement dans le secteur de l’énergie ?
L’émergence des énergies renouvelables bouleverse clairement le paysage énergétique mondial. En 2023, éolien, solaire, biomasse et hydroélectricité ont représenté plus de 20 % de la production mondiale d’électricité. D’ici 2025, elles devraient dépasser le tiers. C’est une progression rapide, mais qui reste insuffisante néanmoins face à une demande qui croît toujours plus vite. De 2 % de croissance annuelle en moyenne, on est passé à 6 % ces dernières années. La consommation mondiale atteint donc des sommets. Toutes les sources d’énergie – sauf le nucléaire – sont exploitées à des niveaux records. Ce bond met forcément à rude épreuve les infrastructures existantes, souvent vieillissantes et sous-dimensionnées. Le problème est d’autant plus sensible que les nouveaux modes de consommation imposent, en parallèle, une nette amélioration de la qualité de service avec des standards qui vont devenir beaucoup plus élevés. Ce sera plus particulièrement le cas en particulier pour l’industrie et le digital.
Autre souci : la disponibilité aléatoire de ces énergies renouvelables. Contrairement au nucléaire, au pétrole, au charbon ou au gaz, dont la production est contrôlée, les énergies renouvelables suivent leur cours naturel, et délivrent parfois trop ou parfois pas assez sans qu’il soit possible à ce jour de stocker leur excédent. Les solutions actuelles ne le permettent pas.
Pourquoi assiste-t-on à une augmentation aussi forte de la demande ?
Les datacenters ont un impact majeur sur cette augmentation. L’explosion du big data, du cloud computing et de l’intelligence artificielle a pour résultat que la consommation de données mobiles pourrait être multipliée par six d’ici 2030. Le trafic internet, lui, pourrait être multiplié par cinq.
A cette date, en 2030, les datacenters pourraient représenter jusqu’à 20 % de la consommation mondiale d’électricité, sachant que leur approvisionnement énergétique représente plus de la moitié de leurs coûts de fonctionnement. Les services que ces centres offrent à leurs clients imposent par ailleurs une continuité sans faille. Ils ne peuvent tolérer aucun blackout.
Comment va évoluer le mix énergétique ?
L’une des évolutions les plus significatives est la réactivation de la filière nucléaire par des acteurs privés soucieux de maîtriser leur facture énergétique. Microsoft, par exemple, s’est associé à Constellation pour relancer la centrale de Three Mile Island. D’autres suivront. La relance du nucléaire civil est également encouragée par plusieurs gouvernements, qui y voient une solution fiable et décarbonée pour répondre à la crise énergétique.
Dans le renouvelable, le potentiel du solaire et de l’éolien reste clairement sous-exploité mais ce potentiel reste encore limité en raison du problème du stockage.
Si l’on veut concilier transition énergétique et décarbonation, les solutions clés restent le renouvelable et le nucléaire, avec à la marge, le remplacement du charbon par le gaz, qui reste l’option fossile la moins sale.
Quels sont les principaux obstacles à surmonter ?
Il reste à résoudre deux grandes équations.
En premier, la rentabilité. Dans le domaine des infrastructures, des réseaux ; de la transmission et du stockage, des éléments de rentabilité se matérialisent clairement. Mais au fur et à mesure qu’on remonte vers la source, les projets se compliquent et les coûts de mise en œuvre évidemment s’envolent.
Vient ensuite le problème du stockage longue durée que nous avons déjà évoqué. Le résoudre constituera un véritable tournant technologique, une avancée décisive au même titre que la découverte de l’atome en son temps. Des recherches sont en cours sur des batteries de nouvelle génération et sur l’hydrogène comme solution de stockage, mais les défis technologiques et économiques restent considérables.
Quelles énergies renouvelables vous semblent avoir aujourd’hui le plus fort potentiel de croissance ?
Le solaire. Il s’est d’abord développé sur le marché résidentiel, mais il commence à s’imposer dans l’industrie. Avec l’optimisation de la gestion des réseaux et l’utilisation de l’intelligence artificielle, mieux comprendre la consommation d’un client permet effectivement d’optimiser l’utilisation des énergies renouvelables sur une échelle plus large.
Ces deux aspects sont d’ailleurs intimement liés. D’un côté, on optimise la distribution de l’énergie en fonction des besoins des consommateurs. De l’autre, on agit sur la consommation elle-même : isolation des bâtiments, ampoules basse consommation, et autres solutions permettant une réduction de la consommation sans perte de confort.
Il s’agit là d’un point fondamental. L’être humain n’est pas prêt à céder sur son confort. La notion de décroissance, la démarche sociale autour d’une révision à la baisse de notre style de vie paraît difficilement envisageable. C’est probablement là où la notion d’innovation rejoint la notion de progrès. Le confort dont nous jouissons aujourd’hui est le fruit du progrès que notre civilisation a pu accomplir au fil du temps. Et c’est de l’innovation dont nous dépendons maintenant pour préserver cette qualité de vie.
Au-delà du stockage quelles solutions plus immédiates faut-il mettre encore en œuvre pour accélérer le développement des énergies renouvelables ?
Nous ne voyons aucun problème sur la partie investissements puisque les investisseurs répondent déjà présents sur différents types de financements. Cependant, pour lever les obstacles initiaux liés à la validation de certaines thématiques, secteurs ou projets d’investissement, il manque encore aujourd’hui une véritable validation de la société civile. Et il est important de rappeler que la politique ne peut pas tout résoudre.
À ce jour, nous sommes encore loin d’une prise de conscience collective. Si les gouvernements étaient véritablement déterminés à modifier nos comportements quotidiens, comme par exemple en fixant des prix de l’électricité ou du pétrole, il serait possible de le faire. Mais cette approche n’est socialement pas acceptable. Ce type de politique risquerait d’affecter principalement les classes sociales les plus vulnérables. Le problème de la production énergétique et de l’évolution du mix énergétique ne pourra pas se résoudre uniquement à travers une question de prix.
Sur quoi concentrez-vous plus particulièrement votre attention aujourd’hui?
Nous nous inscrivons dans une logique purement financière, sans laisser aucune place à l’idéologie dans nos choix d’investissement. Ce qui nous intéresse avant tout, ce sont les modèles économiques véritablement rentables, avec une valorisation justifiée et des fondamentaux solides indiquant un vrai potentiel de croissance. La demande d’énergie et les besoins en économie d’énergie sont des thématiques transversales sur lesquelles de nombreuses entreprises se positionnent et connaissent une forte croissance. Toutefois, dans cet univers, certains modèles économiques ne peuvent être viables sans un soutien financier public massif ou des avantages de l’État. Ce type de modèle ne fonctionne que temporairement, comme l’ont illustré l’an passé les déboires en bourse de Ørsted, la société danoise 100 % éolienne.
Nous cherchons donc à identifier des entreprises qui bénéficieront positivement des investissements dans la transition ou l’adaptation énergétique. Dans cette optique, ce sont souvent des modèles économiques industriels, presque traditionnels, qui présentent des opportunités intéressantes. Prenez l’exemple de Schneider. Si vous regardez sa performance boursière de Schneider sur les 12 à 18 derniers mois, on croirait presque une startup.
Dans ces grandes entreprises, comme Schneider ou Siemens, l’innovation est bien présente, et le développement se concentre notamment sur la rénovation des infrastructures, avec des problématiques nouvelles à résoudre.
Comment abordez-vous cette thématique dans votre fonds Long-Short Global ?
Dans cette thématique, l’allocation hedge fund nous permet d’être exposé à l’ensemble de l’écosystème depuis les matières premières jusqu’aux produits de consommation, en passant par l’infrastructure et les équipements. L’énergie est représentée à hauteur de 50 % du portefeuille si l’on considère l’ensemble du spectre, mais l’exposition net aux marchés est inférieur à 30% avec un levier très modeste. Encore une fois, il s’agit d’une couverture hyper transversale, idéale pour capturer la dispersion de performance significative qui règne au sein de chacun des secteurs concernés.
Comment la transformation du secteur de l’énergie va-t-elle bousculer l’économie mondiale à terme ?
La course à la souveraineté énergétique redessine les équilibres géopolitiques mais, sur le plan économique, l’augmentation de la consommation d’énergie est plutôt une bonne nouvelle. Comme le dit Bill Gates, et comme l’ont dit quelques grands économistes avant lui, le PIB, ce n’est rien d’autre que de l’énergie transformée…
Pierre Mouton
NS Partners
Pierre Mouton a rejoint NS Partners en 2003. Il dirige les stratégies Long Only du groupe et il est membre également du comité d’allocation d’actifs. Pierre a débuté sa carrière financière en 1993 chez AG2R La Mondiale, où il a successivement géré des portefeuilles monétaires, obligataires et actions, avant de rejoindre en 2000 Fiduciary Trust à Genève et d’entrer ensuite chez NS Partners comme gestionnaire de portefeuille. En 2004, il a co-fondé Messidor Finance, avant de revenir chez NS Partners en 2010. Pierre Mouton est titulaire d’une licence et d’un master en finance, actuariat et gestion de portefeuille de SKEMA Business School à Lille, France.
Alexis Sautereau
NS Partners
Alexis Sautereau a rejoint NS Partners en 2020. Il a plus de 20 ans d’expérience dans divers secteurs financiers. Il a commencé par travailler dans le trading d’options et d’actions avant de s’orienter vers le conseil en technologie puis la finance d’entreprise. En 1999, il rejoint Unigestion, l’un des leaders européens de la gestion alternative, dont il devient directeur exécutif, avant de le quitter en 2002 pour fonder Jam Research.
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Dans ce premier opus de L’Intégrale, série d’entretiens explorant en profondeur un même thème, Frédéric Dawance et Thierry Zen Ruffinen nous font découvrir le marché de l’or sous tous ses angles. Le quatrième et dernier interview de cette série est consacré à la traçabilité et à l’impact sociétal appelés à s’imposer sur ce marché, au travers notamment d’initiatives comme Swiss Better Gold.
Par Jérôme Sicard
L’or a toujours eu un caractère très ambigu. D’un côté, il incarne la pureté et l’éclat – on parle d’un « ami en or » comme d’un trésor inestimable. De l’autre, il symbolise la cupidité et la malédiction, à l’image du roi Midas, qui transformait en or tout ce qu’il touchait, jusqu’à sa propre nourriture, et a préféré finir dans la pauvreté. Il y a aussi Alberich, le nain de L’Or du Rhin, décidément prêt à tout pour le posséder, jusqu’à asservir tous ses semblables.
Au-delà des mythes, l’histoire de l’or est aussi jalonnée de conquêtes qui vont souvent de pair avec des tragédies bien réelles. De la ruée vers l’or du Nouveau Monde aux XVᵉ et XVIᵉ siècles, qui précipita la chute des empires incas et aztèques, jusqu’à l’or sud-africain sous l’apartheid, l’or a souvent été synonyme d’exploitation et d’injustice.
Aujourd’hui encore, le marché aurifère a un revers à sa médaille. De grandes places comme la Russie ou la Chine fonctionnent en vases clos, peu concernées par les standards de transparence et de responsabilité fixés par la LBMA. Mais l’un des enjeux les plus préoccupants reste l’or illégal : chaque année, près de 400 tonnes d’or sont exportées clandestinement d’Afrique, principalement issues de l’orpaillage artisanal. Cela représente 15 % de la production mondiale – un phénomène massif, loin d’être un simple effet secondaire marginal.
Quelles mesures sont prises pour contrer ce phénomène ?
C’est une question complexe. L’enjeu principal, c’est l’encadrement des mineurs dans leur pays d’origine. Si on parvient à structurer et formaliser cette activité, notamment pour les 15 % de mineurs qui pourraient intégrer un cadre légal, alors on transforme ce secteur en une industrie comme une autre, avec un impact économique fort. C’est dans cette direction que travaillent les gouvernements. Des initiatives comme Swiss Better Gold collaborent avec les autorités pour aller dans ce sens. C’est une vision à long terme, mais c’est là qu’il faut aller.
En parallèle, il faut empêcher que cet or illégal entre dans le système. Si on refuse d’avoir des matières premières d’origine douteuse dans notre chaîne de valeur – et donc, in fine, dans nos lingots, nos bijoux et nos montres – il faut agir en amont. Aujourd’hui, la principale porte d’entrée semble être les Émirats arabes unis. La Suisse, comme d’autres pays, exerce une certaine pression pour que les Émirats renforcent leurs contrôles.
Il est clair qu’une grande partie de l’or importé en Suisse est déclarée comme provenant des Émirats arabes unis. Or, il n’y a pas de mines d’or là-bas. Cet or vient donc forcément d’ailleurs. C’est pourquoi il y a une demande insistante pour introduire un champ obligatoire dans les documents douaniers indiquant l’origine réelle de la marchandise lors de l’importation en Suisse.
Encore une fois, le recyclage de l’or n’est pas un problème en soi. C’est le manque de transparence autour de cet or recyclé qui crée un immense problème.
Quels standards faut-il établir aujourd’hui pour garantir à l’or une extraction et une commercialisation responsables ?
Le premier standard, c’est la traçabilité. Une fois que les acteurs sont identifiés, on peut les mettre face à leurs responsabilités. Et les progrès suivent vite. Donc, la traçabilité, c’est vraiment essentiel.
Le deuxième enjeu, c’est l’impact sociétal. Aujourd’hui, 20 % de l’or mondial provient de mineurs artisanaux. Cette activité fait vivre des centaines de millions de personnes, mais ces travailleurs restent exclus des chaînes de valeur formelles.
Autrement dit, la traçabilité permet d’écarter les mauvaises pratiques, mais il faut aussi mieux intégrer ces mineurs au marché officiel. C’est sur ces deux axes qu’on doit avancer pour assainir et améliorer le commerce de l’or.
Dans la chaîne d’approvisionnement de l’or, comment renforcer encore sa traçabilité ?
Il y a d’abord l’aspect pratique : il faut des outils concrets, acceptés et adoptés par tous, qui garantissent une traçabilité fiable. Ensuite, il y a la réglementation. On peut très bien imaginer qu’un jour, seul l’or traçable puisse être traité en Suisse. On n’en est pas encore là, mais c’est une piste envisageable.
Il faut également que les producteurs et les mineurs soient parties prenantes dans cette réflexion. Si les exigences sont trop élevées, on risque d’exclure une partie des acteurs de la discussion, ou des échanges, simplement parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’y conformer autant qu’ils le voudraient. Il faut être pragmatique.
Aujourd’hui, 600 tonnes d’or sont échangées chaque jour sur le marché alors que la production mondiale annuelle n’est de 3’000 tonnes. Autrement dit, chaque semaine, c’est l’équivalent de la production annuelle qui est échangé. C’est pourquoi, au-delà de l’or fraîchement extrait, il faut aussi prendre en compte le stock en circulation.
Quel rôle joue plus exactement l’initiative Swiss Better Gold, à laquelle vous vous êtes associés ?
Swiss Better Gold est l’initiative de référence pour l’or artisanal. Elle a l’avantage d’être soutenue à la fois par le gouvernement suisse, via le SECO, par les grands raffineurs suisses qui en sont membres, et par les utilisateurs finaux comme les joailliers – et quelques banques ou institutions financières, dont la nôtre. C’est aujourd’hui un acteur clé qui milite activement pour la réintégration de l’or artisanal dans les chaînes de valeur. On ne peut pas simplement ignorer son existence.
Cela dit, l’initiative reste encore modeste : sur les 3’000 tonnes d’or extraites chaque année dans le monde, 600 tonnes proviennent de mineurs artisanaux formalisés ou non. Swiss Better Gold n’en couvre pour l’instant que 4 à 5 tonnes. Il y a donc une énorme marge de progression. Mais si elle est si lente, c’est aussi parce que les intérêts peuvent diverger au sein de l’industrie.
Pour autant, son existence est essentielle. Quand la Banque centrale du Ghana veut formaliser l’activité des mineurs artisanaux, à qui peut-elle s’adresser ? Il n’existe pas d’autre structure ayant cette expertise. Swiss Better Gold connaît les enjeux, les raffineurs, les clients. C’est une plateforme unique. C’est pourquoi nous la soutenons : elle a le potentiel de fédérer encore plus d’acteurs et de créer un impact positif à grande échelle, sur le long terme.
Frédéric Dawance
De Pury Pictet Turrettini
Frédéric a rejoint de Pury Pictet Turrettini en 2016. Il participe activement à la gouvernance de la société en siégeant au sein du comité de direction, de stratégie et d’audit. Il a débuté sa carrière chez Pictet à Genève, puis chez CSFB à Zurich et à Londres, ainsi que chez Exane à Paris. Après deux ans en tant que CFO d’une société technologique, il a rejoint Lombard Odier & Cie en 2004, d’abord en tant que responsable du trading, puis en tant que co-responsable des produits d’investissement et enfin en tant que responsable d’un important groupe de banquiers privés. Frédéric est titulaire d’un diplôme HEC de l’Université de Saint-Gall et d’une maîtrise en économie de l’Université de Cologne.
Thierry Zen Ruffinen
De Pury Pictet Turrettini
Avec une solide expérience de l’investissement, Thierry Zen Ruffinen a rejoint de Pury Pictet Turrettini en 2021 en tant que responsable de la distribution, où il s’emploie à conseiller une clientèle institutionnelle. Thierry a précédemment été en charge de la distribution des fonds et des mandats de Mirabaud Asset Management auprès de la clientèle institutionnelle romande. Il a commencé sa carrière en 2004 auprès de la Nouvelle Compagnie de Réassurance en tant qu’actuaire tarificateur. Thierry dispose d’un master en actuariat d’HEC Lausanne.
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Dans la gamme alternative, NS Partners lance à présent un fonds de fonds dédié aux marchés privés, le Private Markets Evergreen Fund, avec l’intention de capitaliser sur son expertise dans le domaine de la sélection de fonds. Angel Sanz et Cédric Dingens se chargent ici de la présentation.
Par Jérôme Sicard
Aujourd’hui, à quoi devrait ressembler une allocation aux private markets dans un portefeuille « balanced » ?
Pour un mandat de petite taille, une allocation de 10 % à 15 % semble appropriée. En revanche, pour des mandats plus importants, souvent plus sophistiqués, notamment chez les institutionnels, l’exposition peut facilement monter à 30 % voire 40 % du portefeuille. Certains fonds de type US Endowment, comme celui de Yale, atteignent même les 50 %. Une étude récente d’UBS révèle que les family offices gérant des encours de plus de 100 millions de dollars consacrent jusqu’à 40 % de leurs actifs aux classes alternatives, dont un quart aux marchés privés. Cette tendance traduit bien une montée en puissance des allocations non cotées dans les stratégies patrimoniales.
Les allocations des fonds de type US Endowment représentent-elles l’avenir de la gestion de fortune en Suisse ?
Ça nous paraît difficilement envisageable. Ces fonds sont d’une taille colossale. Le fonds de Yale gère par exemple près de 40 milliards de dollars. Or, les clients privés doivent faire face à plusieurs contraintes, notamment un horizon d’investissement plus court, qui ne permet pas d’immobiliser des capitaux sur de longues périodes. Contrairement aux endowment funds, les investisseurs privés ont besoin de flexibilité et de liquidité, ce qui limite une approche extrême des allocations en private markets.
Quels sont les rendements actuels des différents segments qui composent les private markets ?
Sur 10 ans, le private equity et le venture capital ont affiché des rendements proches de 15 %. Le direct lending et les infrastructures gravitent autour de 10 %. Dans les années à venir, le venture capital et le private equity pourraient enregistrer une légère baisse, mais le potentiel reste important, notamment pour les infrastructures, qui nécessitent des investissements massifs — environ 100’000 milliards de dollars d’ici 2050. Les fonds alternatifs, qui ont dégagé environ 5 % sur dix ans, pourraient de leur côté bénéficier de la remontée des taux d’intérêt et de l’accroissement de la volatilité. Globalement, ces classes d’actifs offrent un couple rendement-risque attrayant sur le long terme.
Quelle est aujourd’hui la taille du marché des private markets ?
À ce jour, ils représentent près de 15’000 milliards de dollars. Le private equity constitue environ un tiers de ce volume, tandis que le private debt et le venture capital en représentent chacun environ un quart. Les infrastructures approchent les 20 %. Le marché secondaire gagne également en importance, pesant aujourd’hui 16 % de ces marchés privés. Sa montée en puissance est due pour beaucoup aux corrections subies ces deux dernières années par le segment private equity.
Quelles tendances structurelles soutiennent ces marchés ?
L’infrastructure est l’un des thèmes les plus porteurs que nous voyons en ce moment. Comme nous le mentionnions, les besoins en investissements pour ces 20 à 25 prochaines années, tournent autour des 100’000 milliards de dollars. La moitié de cette somme concerne l’Asie, notamment pour les réseaux routiers et les infrastructures énergétiques.
L’intelligence artificielle est aussi une tendance majeure, car elle touche tous les secteurs et entraîne d’importants besoins en financement, ne serait-ce que pour la construction et l’alimentation en énergie des data centers.
Enfin, le private debt s’impose comme une alternative au financement bancaire traditionnel en perte de vitesse, particulièrement en Europe, où les réglementations très strictes, surtout en termes de fonds propres, limitent la capacité des banques à prêter. On observe d’ailleurs une montée en puissance des acteurs américains sur le marché européen où les opportunités leur apparaissent clairement. Il y a des espaces à prendre.
Quel est le principe des fonds evergreen, comme celui que vous venez de lancer ?
Ils se distinguent sur plusieurs points. Tout d’abord, la liquidité : la valeur nette d’inventaire est calculée trimestriellement, offrant une certaine liquidité aux investisseurs, avec cependant quelques limites en termes de sortie. Ensuite, les fonds evergreen permettent une mise en action immédiate des capitaux, contrairement aux fonds de private equity traditionnels, où les calls peuvent s’étaler sur de longues périodes avec des valorisations qui ressemblent alors à des courbes en J. Sur ce point, le modèle evergreen suscite d’ailleurs un intérêt croissant chez les investisseurs institutionnels, prêts à revoir légèrement à la baisse leur espérance de rendement attendu pour plus de flexibilité. Enfin, les seuils d’investissement sont plus bas, et offrent ainsi des moyens de diversification immédiats.
Pourquoi vous êtes-vous décidé à lancer ce fonds de fonds ?
Nous avons une expertise reconnue dans la sélection de fonds. Nous maîtrisons particulièrement bien le modèle fonds de fonds où nous mettons en œuvre des processus rigoureux, tant qualitatifs que quantitatifs. Nous avons décidé d’appliquer cette approche aux solutions evergreen car nous avons constaté que le marché s’étoffait, avec un nombre suffisant d’opportunités pour justifier la création d’un véhicule spécialisé. Aujourd’hui, plusieurs dizaines de fonds de qualité existent dans cet univers.
Pourquoi les processus de sélection sont-ils si importants ?
Dans le monde des marchés privés, la dispersion des performances reste quand même assez considérable. L’écart entre le premier et le dernier quartile atteint 21 % pour le private equity, 22 % pour le venture capital et 14 % pour les hedge funds. Une bonne sélection est donc cruciale. Dans le private equity, les fonds les plus performants ont heureusement tendance à maintenir de solides performances sur le long terme.
Comment est investi votre fonds evergreen ?
Nous avons sélectionné sept fonds : cinq en private equity et deux en infrastructures. Parmi eux, on retrouve Blackstone, Partners Group et Hamilton Lane. Certains sont spécialisés, d’autres plus diversifiés, combinant secondaire, primaire, growth et buyout. Chez Partners Group, nous sommes investis dans le fonds Global Value depuis de nombreuses années, celui-ci fêtera bientôt ses 20 ans et qui, malgré les crises successives, n’a jamais eu besoin d’activer ses « gates ».
Quel est l’intérêt d’investir aujourd’hui dans ce type de produit?
Il y a un intérêt flagrant, en termes de diversification et de gestion du couple rendement-risque au sein d’un portefeuille. Une poche de 10% allouée aux marchés privés dans un portefeuille 60-40 peut générer facilement 50 points de base de plus en rendement et réduire d’autant la volatilité.
Il faut voir aussi que les marchés privés donnent accès à un très grand nombre de sociétés. Aux Etats-Unis, dans les entreprises qui génèrent plus de 100 millions de dollars de chiffre d’affaires, 90% appartiennent encore au secteur privé. La proposition de valeur du private equity se situe là, et il en va de même pour le private debt, un marché désormais bien structuré, surtout aux États-Unis.
En 2022, par exemple, quand les marchés ont corrigé, notre exposition aux marchés privés nous a offert une bonne protection. Bien sûr, lorsque les marchés repartent, nous ne capturons pas autant de croissance, mais au final, le profil reste intéressant. Notre objectif est de viser un rendement net de 10 % par an, avec une volatilité contenue. C’est donc une proposition d’investissement qui mérite l’attention. D’autant que le timing nous semble aussi assez propice après la correction dont ont souffert les marchés privés ces deux dernières années.
Angel Sanz
NS Partners
Angel Sanz a rejoint NS Partners en 2012. Il y occupe les fonctions de Chief Investment Officer et il en dirige également la division Asset Management. À ce titre, il supervise le département Allocation d’actifs du groupe de même qu’il encadre les équipes dédiées au long only et à l’alternatif.
Avant de rejoindre NS Partners, Angel a occupé trois postes de CIO chez Bankia, BBVA Asset Management et M&B Capital. Avant de débuter sa carrière financière en 1991, il a travaillé pendant quatre ans en tant qu’ingénieur logiciel chez AT&T Bell Labs, aux États-Unis.
Angel est titulaire d’un MBA de l’Université de Lehigh (États-Unis) ainsi que d’un Master en ingénierie électrique de l’Université de Valladolid, en Espagne.
Cédric Dingens
NS Partners
Cédric Dingens dirige le pôle « Investment Solutions & Institutional Clients » de NS Partners. Cédric a débuté sa carrière à la Banque du Luxembourg en 2001. L’année suivante, il a rejoint Notz Stucki à Luxembourg en tant que gestionnaire de portefeuille. Il a développé le cadre interne de gestion des risques quantitatifs avant d’être nommé responsable de la gestion des risques à Genève en 2010, puis d’être promu à son poste actuel en 2016. Il est titulaire d’un diplôme en finance quantitative de l’École nationale supérieure des mines de Nancy (France) et détient la certification Chartered Alternative Investment Analyst.
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Bien loin du consensus post-élections américaines, depuis le début de l’année, l’Europe donne l’impression de prendre sa revanche sur Wall Street. Antoine Bailly en livre ici son analyse.
La forte surperformance du marché européen s’est accélérée après les craintes de perte du soutien militaire américain. Comme souvent, lorsqu’elle se retrouve dos au mur, l’Europe a resserré ses liens et donné une réponse d’unité se traduisant par une volonté de s’affranchir de la tutelle américaine en matière de défense. L’union européenne s’est lancée dans un vaste plan pour remilitariser la zone et le nouveau chancelier allemand a proposé d’utiliser ses marges de manœuvre pour faire sauter le verrou budgétaire en engageant un plan de relance des infrastructures allemandes en plus de dépenses militaires significatives.
Ce soutien fiscal, susceptible de doper la croissance européenne, s’avère nettement supérieur aux anticipations et a été largement salué par les marchés européens, comme en témoigne la progression de 10,1 % de l’Eurostoxx depuis le début de l’année1. L’indice européen STOXX Europe 600 bénéficie, dans une moindre mesure, de ces annonces mais progresse également de 7,8 %1. La perspective d’une paix en Ukraine dont les modalités restent à définir pourrait soutenir cette tendance.
Les marchés de taux européens ont, de leur côté, nettement réagi à ce changement de paradigme, avec notamment un Bund qui progressait fortement, reflétant la fin de l’ère d’austérité budgétaire allemande. La BCE poursuivait néanmoins son processus de normalisation de son taux directeur, ce qui provoquait une pentification de la courbe des taux.
Par ailleurs, les ambitions affichées par le gouvernement chinois, soutenues par plus de flexibilité budgétaire et un objectif de croissance de 5 % cette année, ont également constitué un facteur de soutien pour l’Europe, principale bénéficiaire indirecte de ces annonces. La récente stabilisation des prix du marché de l’immobilier crédibilise un scénario de sortie de crise. L’ensemble de ces éléments a permis aux marchés chinois de rebondir.
Dans le même temps, les indices américains basculaient dans le rouge, à l’image du S&P 500, en repli de 4,3 % depuis le début de l’année en dollars et de 8.6% en euros2, le billet vert étant directement impacté, comme l’ensemble des « Trump trades ». Les investisseurs ne tremblent plus seulement devant les valorisations du secteur technologique, mises à mal par l’émergence de la concurrence chinoise sur l’IA, même si le Nasdaq souffre davantage que le S&P avec un repli de 13,5 % sur l’année en euros2. Ils se demandent désormais si le nouveau locataire de la Maison Blanche ne va pas, tout simplement, casser la croissance. Le manque de clarté dans ses décisions a créé de l’incertitude et la confiance du consommateur américain est impactée. La baisse des marchés pèse également sur l’effet richesse, et l’inquiétude vis-à-vis du caractère inflationniste des taxes à l’importation commence à poindre.
Sur le plan sectoriel, ces évènements ont profité aux secteurs industriels domestiques européens qui avaient été largement délaissés, notamment la construction, la chimie, les matières premières. Le secteur des biens industriels continuait de bien se comporter, tiré par les valeurs de défense, grandes bénéficiaires des mesures annoncées. Le secteur bancaire profitait, lui aussi, de son exposition domestique, de la pentification de la courbe des taux et de l’impact macroéconomique positif à venir des plans de relance. Cette dynamique a incité certains économistes à revoir d’ores et déjà significativement à la hausse leurs perspectives de croissance en Zone euro à partir de 2026. À l’inverse, les secteurs exposés au consommateur américain étaient sous pression, à commencer par les biens de consommation. Les investisseurs se soucient de l’état de santé de l’économie de la première puissance mondiale et des signes annonciateurs d’une baisse de confiance des consommateurs consécutivement aux atermoiements du président Trump concernant la mise en place de taxes sur les importations.
Pour toutes ces raisons, le consensus de début d’année, qui tendait à privilégier les marchés d’actions américains, est clairement mis à mal. Le niveau de la croissance économique américaine est désormais remis en cause alors que, dans le même temps, la cohésion européenne autour d’un grand plan de réarmement et le plan de relance allemand sur les infrastructures portent les indices européens. L’écart de valorisation est en train de se combler et l’Europe rattrape une partie de sa sous-performance passée. Ce mouvement se révèle soudain puisque l’Eurostoxx fait désormais jeu égal avec le marché américain depuis début 2023. Deux questions se posent désormais : Sommes-nous entrés dans une nouvelle ère caractérisée par une période de surperformance prolongée de l’Europe ? Les marchés européens peuvent-ils résister si un mouvement de baisse s’enclenchait outre-Atlantique ?
La décote des valorisations européennes reflète bien les déficiences structurelles de la zone. Cependant, les facteurs cycliques, tels que l’austérité excessive en Allemagne et le désendettement important du secteur privé, qui ont contribué au moindre niveau d’investissement et à une productivité sous pression en Europe, sont en train de s’atténuer. Les changements dans la sphère politique allemande, une plus grande indépendance énergétique européenne et les plans d’investissement massifs annoncés créeront des vents favorables à long terme. La nouvelle administration Trump présente des menaces immédiates pour l’Europe, mais elle pousse également le continent à réagir rapidement.
Les investisseurs prennent acte de cette nouvelle donne et commencent à se réexposer aux marchés européens qui devraient reprendre une place plus importante au sein des allocations. La Zone euro, largement sous-pondérée jusqu’alors, devrait profiter de flux importants susceptibles de soutenir les indices. Toutefois, malgré le rebond récent, les flux restent pour l’instant mesurés. Les 10 milliards de souscription sur les actions européennes depuis début 2025 ne représentent en effet que 3 % de la décollecte enregistrée sur la zone depuis début 2022. Si le rebalancement du poids de l’Europe dans les allocations venait à se concrétiser, la dynamique positive des flux devraient logiquement se poursuivre.
Par ailleurs, les mouvements récents se sont traduits par une réduction de la décote des valorisations des actions européennes par rapport aux américaines, qui est passée de 43 % fin 2024 à 33% le 7 mars dernier. L’écart reste substantiel et, même si le rattrapage de performance entre États-Unis et Europe est déjà enclenché, la dynamique de croissance des EPS6 devrait désormais être plus favorable au Vieux Continent. Cette situation devrait se traduire par une hausse des valorisations européennes encore proche de leur moyenne historique à 14,2x contre 21,3x côté américain, qui demeurent élevées côté américain, à 21,3x contre 14,2x en Europe.
[1] Source : Bloomberg, 06/03/2025. Performance calculée en euro, dividendes réinvestis.
[2] Source : Bloomberg, 06/03/2025. Performances calculées dividendes réinvestis.
Anthony Bailly
Rothschild & Co Asset Management
Anthony Bailly débute sa carrière en audit financier et commissariat aux comptes dans la division moyennes et grandes entreprises dans les secteurs de la télécommunication et des médias chez Arthur Andersen puis chez Ernst & Young (2001 à 2007). Il a intégré Rothschild & Co Asset Management en février 2007 comme analyste financier sur les secteurs de l’automobile, des médias, des technologies et de la communication. En septembre 2016, il devient co-gérant des fonds actions grandes capitalisations pour la zone Euro/Europe. En 2020, il devient Gérant actions et membre du Comité d’Investissement au sein de Rothschild & Co Asset Management. En 2024, il devient Responsable de la Gestion Actions européennes de Rothschild and Co AM. Anthony est diplômé de Kedge Business School Option Finance et d’un DEUG en Sciences économiques de l’université Bordeaux IV.
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Facilitée et orchestrée par la nouvelle administration Trump, l’adoption des actifs numériques au sein de la plus grande économie mondiale aura un impact durable sur les investisseurs. Bruno Sousa en livre ici l’analyse.
Les États-Unis connaissent une transformation majeure dans leur approche de la régulation des crypto actifs. Des évolutions politiques significatives, des nominations stratégiques et la création d’une Réserve Stratégique de Bitcoin et d’un Stock d’Actifs Numériques témoignent d’un changement radical sous l’administration Trump. Cette nouvelle orientation tranche nettement avec la position adoptée par les gouvernements précédents.
Cet « effet Trump » sur les marchés crypto s’est manifesté ces deux derniers mois à travers plusieurs initiatives majeures :
En parallèle, le président a nommé Brian Quintenz, ancien dirigeant d’un fonds de capital-risque spécialisé dans les crypto actifs, à la tête de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC). Paul Atkins, ancien commissaire de la SEC et critique de la « régulation par l’application », a été désigné pour présider la SEC. D’autres figures influentes de l’administration, notamment aux départements du Trésor et du Commerce, sont des partisans affirmés du Bitcoin et des actifs numériques.
Nous estimons que ces changements réglementaires et politiques auront quatre conséquences clés sur le marché des crypto actifs :
Que signifie cette dynamique pour les investisseurs cherchant une exposition aux crypto actifs ?
En résumé, le cas d’investissement pour les crypto actifs n’a jamais été aussi solide. Pendant des années, l’absence de clarté réglementaire, notamment aux États-Unis, a freiné la maturation de cette industrie. Désormais, avec un cadre clair en construction à tous les niveaux gouvernementaux, le secteur peut se développer pleinement. Cette évolution ouvre des opportunités significatives pour les investisseurs souhaitant s’exposer aux actifs numériques via des produits réglementés tels que les ETPs répliquant un indice de référence comme le Nasdaq Crypto Index (NCI).
Avec l’intégration progressive des crypto actifs dans le système financier et l’élargissement de leurs cas d’usage, l’exposition à ce secteur présente un potentiel de croissance considérable. Depuis 2021, Hashdex gère des ETPs répliquant le NCI, permettant aux investisseurs de bénéficier de cette expansion. Le Hashdex Nasdaq Crypto Index ETP (HASH) est aujourd’hui le plus grand ETP multi-actifs crypto en Europe, et nous anticipons une demande croissante à mesure que les gouvernements adoptent une approche plus ouverte envers les crypto actifs. Cette évolution marque le début d’une nouvelle ère de croissance et de légitimité pour l’industrie, offrant une opportunité sans précédent aux investisseurs en actifs numériques.
Bruno Sousa
Hashdex
Bruno Sousa est Partner et Head of US & Europe chez Hashdex. Il a rejoint Hashdex en tant que Head of Legal & Compliance aux débuts de l’entreprise et a dirigé plusieurs initiatives, notamment le lancement du premier ETF crypto au monde, du premier ETF Bitcoin sous le cadre du ’33 Act aux États-Unis et du programme européen d’ETP de Hashdex. Avant Hashdex, Bruno a travaillé chez Veirano Advogados, où il dirigeait la pratique Fintech, et au sein du département Marchés de Capitaux de Davis Polk & Wardwell à New York. Il est titulaire d’un LLB de l’Universidade de São Paulo et a suivi le programme Fintech de la Saïd Business School de l’Université d’Oxford.
Hashdex est un leader mondial de la gestion d’actifs numériques, avec plus de 1,3 milliard de dollars d’actifs sous gestion et 20 ETPs aux États-Unis, en Europe et en Amérique latine. La société a co-développé le Nasdaq Crypto™ Index (NCI™) avec Nasdaq pour offrir aux investisseurs un benchmark fiable pour la classe d’actifs numériques. Le Hashdex Nasdaq Crypto Index ETP (HASH) est le plus grand ETP crypto multi-actifs en Europe et a récemment remporté le prix du « Digital Asset ETP of the Year » décerné par ETF Stream. Hashdex gère également le plus grand ETF crypto multi-actifs en Amérique latine et a lancé le premier ETF crypto multi-actifs aux États-Unis. La société s’engage à offrir aux investisseurs les moyens de saisir cette opportunité de transformation.
En savoir plus sur www.hashdex.com.
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