Solutions d’investissement

    • Olivier de Berranger
    • CEO 
    • La Financière de l’Echiquier

Les rumeurs sur la mort de l’UE sont largement exagérées

Sous la pression exercée par Trump, l’Europe a fini par accepter une hausse inédite des droits de douane et s’est engagée à importer massivement énergie et armements. Cet accord déséquilibré met en lumière la faiblesse stratégique de l’Union, aggravée par ses propres blocages internes. Sans pour autant qu’il faille acter sa fin.

Dans la liste des vices du consentement, le code civil français rappelle dans son article 1137 que le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.

Si Donald Trump se présente comme un roi de l’art de la négociation, force est de reconnaître que l’Europe apparaît quant à elle passée maître dans l’art de se soumettre. La ‘’négociation’’ commerciale avec les Etats-Unis s’est en effet résumée à la convocation d’Ursula von der Leyen au milieu de l’été dans un des golfs privés appartenant au Président américain en Ecosse, pour lui annoncer des droits douane de 15%, à quelques exceptions près comme l’aéronautique ou certaines matières premières stratégiques qui n’ont d’ailleurs pas encore été clairement définies.

Un soulagement pour certains puisque ce taux est inférieur aux 20% annoncés lors du Liberation Day en avril, voire aux 30% promis en cas d’absence d’accord commun. Il n’en demeure pas moins astronomique par rapport aux 1 à 2% qui prévalaient jusqu’alors et s’affiche comme le taux de droits de douane le plus élevé depuis près d’un siècle.

Et comme si cela ne suffisait pas, l’Union Européenne s’engage à importer pour 750 milliards de dollars de combustibles, GNL et pétrole, dans les 3 ans qui viennent. S’y ajoute un engagement à augmenter les achats de puces électroniques et d’armements. Cerise sur le gâteau, comme si l’Europe souffrait d’un trop plein d’investissements internes, l’UE s’engage à investir 600 milliards de dollars sur le sol américain. L’excédent d’épargne européen va donc continuer de s’investir outre-Atlantique plutôt que de financer ses propres entreprises domestiques. En « contrepartie », les droits de douane européens sur les importations de produits américains vont être abaissés à 0% …

Tentant de se justifier dans une tribune, Ursula von der Leyen assume que « à défaut d’être parfait, c’est un accord solide ». Solidité dont on peut d’ailleurs douter quand on constate la volatilité et la versatilité des décisions du 47e Président américain. Mais il est vrai que l’Europe sait fort bien se tirer elle-même des balles dans le pied. Mario Draghi remarquait que les barrières réglementaires et normatives intérieures en Europe sont un frein plus important au commerce que les taxes douanières américaines. Le FMI estime que l’ensemble des freins non douaniers au commerce au sein de l’UE est équivalent à 44% de droits de douane pour le secteur manufacturier, et même à 110% pour les services. Si bien que notre commerce intra-Etats européens est inférieur de moitié à celui des Etats fédérés américains entre eux. Mario Draghi ajoute que l’application du RGPD en Europe aurait réduit les bénéfices des petites et moyennes entreprises ainsi que des entreprises de taille intermédiaire de 12% !

Pour sa part, la Suisse se voit infliger un traitement de choc avec 39% de droits de douane et quelques rares exceptions sectorielles. Il est grand temps que l’Europe réagisse et, par une gouvernance retrouvée, affirme son rôle de marché intérieur mondial de premier plan. Si, pour paraphraser Mark Twain, les rumeurs sur la mort de l’UE sont largement exagérées, le temps de l’action est venu, sinon un hypothétique futur accord pour la reconstruction de l’Ukraine tournerait lui aussi au fiasco.

Olivier de Berranger

La Financière de l’Echiquier

Olivier de Berranger est le directeur général et le co-CIO de La Financière de l’Echiquier. Il a occupé depuis 1990 des postes de trader, ainsi que de responsable de desk de trading sur les produits de taux d’intérêt, cash et dérivés au Crédit Lyonnais puis chez Calyon. Il a ensuite été responsable du pôle Capital Markets chez First Finance. Olivier de Berranger rejoint La Financière de l’Échiquier en mars 2007 en qualité de gérant obligataire. Après être devenu directeur de la gestion taux, crédit et diversifié, il est nommé en 2017 directeur de la gestion d’actifs et entre au comité de direction. En décembre 2023, il en devient directeur général de LFDE. Olivier de Berranger est diplômé d’HEC.

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