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Arnaud Dubois
Matis
L’art contemporain renforce son statut de valeur refuge
Dans un contexte mondial toujours marqué par des incertitudes économiques, géopolitiques et financières, le segment haut de gamme du marché de l’art contemporain confirme sa résilience et son rôle moteur. Quant à la Suisse, elle rassure. Avec Art Basel, devenu l’un des rendez-vous les plus influents du calendrier international, elle s’impose comme une place incontournable du marché de l’art.
La Suisse ne dispose peut-être pas de la même profondeur de marché que les grandes places de l’art, mais elle sait attirer les collectionneurs internationaux en quête d’une plateforme neutre et efficace. Avec Art Basel – au même titre que les grandes ventes aux enchères de mai et novembre – elle contribue même à donner le tempo du marché de l’art mondial.
L’édition 2025 d’Art Basel, organisée en juin dernier dans un climat d’expectative, a mis en lumière une exigence accrue de cohérence dans les propositions des galeries. Le recentrage sur des valeurs sûres s’est imposé, avec des œuvres de haute qualité proposées à des prix raisonnables, visant un public de collectionneurs plus sélectif, parfois discret ou en retrait. L’attention se tourne désormais vers d’autres rendez-vous, en particulier Art Basel Paris en octobre. Cette évolution reflète une nouvelle logique de marché : moins focalisé sur la hausse continue des prix, davantage orienté vers la qualité – des œuvres comme de l’expérience d’achat.
Avant le rendez-vous dans la cité rhénane, c’est en mai et à New York que la saison de ventes aux enchères a démarré. Avec un total de 1,19 milliard de dollars de ventes pour les deux maisons leaders, Sotheby’s et Christie’s, le marché reste stable, en léger recul par rapport à 2024, mais bien au-dessus de nombreuses attentes.
Plutôt qu’un simple repli conjoncturel, cette saison illustre un recentrage net du marché. Les collectionneurs privilégient désormais les œuvres blue chip, reconnues et établies, se montrant plus prudents à l’égard du segment red chip. Dans ce climat sélectif, plus de 90 % des lots présentés par Christie’s et Sotheby’s ont trouvé preneur — un taux nettement supérieur aux moyennes historiques proches de 70 %. Un résultat qui traduit un appétit toujours soutenu pour des œuvres choisies avec discernement.
Dans ce duel toujours très scruté. c’est Christie’s qui s’impose nettement face à Sotheby’s. Avec 693 millions de dollars de ventes, Christie’s progresse de 8 % sur un an, portée par l’exceptionnelle Riggio Collection, qui a généré à elle seule près de 272 millions. Sotheby’s, en revanche, recule de 21 % et termine juste sous la barre des 500 millions, malgré un nombre supérieur de lots proposés (650 contre 550 chez Christie’s).
Plusieurs facteurs expliquent l’écart entre les deux maisons. Christie’s a misé sur une sélection plus ciblée, avec des lots emblématiques et des estimations ambitieuses mais crédibles. De son côté, Sotheby’s a bénéficié de l’«effet collection» avec la dispersion des œuvres de Barbara Gladstone, confirmant une fois encore l’importance décisive de ce levier dans la dynamique des ventes.
L’un des principaux leviers de performance de ces ventes est désormais bien connu : le système des garanties. Devenu pratique courante aux États-Unis, il permet à une maison ou à un tiers de s’engager sur un prix plancher, sécurisant ainsi le vendeur. En mai, près de 70 % des lots des ventes du soir chez Sotheby’s et Christie’s bénéficiaient de ce mécanisme. Il offre une prévisibilité accrue et illustre la financiarisation croissante du marché de l’art : une première étape de sécurisation en amont, suivie d’une compétition en salle pour capter une éventuelle marge. Un équilibre subtil, mais souvent gagnant.
Le marché devient plus stratégique et extrêmement sélectif. La demande se concentre désormais sur les artistes blue chip, grandes figures du XXᵉ siècle, avec Calder, Lichtenstein ou Hockney toujours au premier plan. On observe toutefois une certaine rationalisation : les prix n’arrachent plus de records spectaculaires, mais s’alignent davantage sur leur valeur de Une toile de Rothko s’est vendue ainsi 37 millions de dollars – une performance solide mais cohérente avec son historique. Une œuvre de Calder a atteint plus de 8 millions, tandis qu’une autre, pourtant de grande qualité, n’a pas dépassé 1,8 million. L’époque de l’emballement et des records systématiques semble révolue. Les acheteurs se montrent plus prudents, et privilégient les pièces dont les estimations sont réalistes. Résultat : les vendeurs qui acceptent de rester dans une fourchette crédible en sortent gagnants. En clair, le marché ne veut plus surpayer.
Il semble désormais préférer un corpus restreint d’une centaine d’artistes majeurs, impressionnistes et modernes compris. La logique de collection s’impose : les grandes maisons privilégient la sécurité en misant sur des valeurs historiques, validées par les musées et les galeries internationales.
À l’issue de cette saison entre Bâle et New York, une conclusion s’impose : le marché de l’art ne s’essouffle pas, il se transforme. Plus lisible, plus transparent, mais aussi plus exigeant, il offre aux collectionneurs comme aux professionnels l’opportunité de privilégier le long terme, la qualité et la cohérence. Dans un monde instable, l’art demeure une valeur-refuge — à condition de savoir où porter son regard.
Arnaud Dubois
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Arnaud Dubois est le co-fondateur de matis où il dirige aujourd’hui les investissements. Spécialisé sur le marché de l’art contemporain, Arnaud Dubois accompagne depuis une décennie les collectionneurs et les investisseurs en les assistant dans la gestion de leurs actifs artistiques. Depuis 2014, Arnaud enseigne la gestion des actifs artistiques privés dans le cadre du programme de Master en Droit Privé, spécialisé dans le marché de l’art et la gestion des actifs artistiques, à l’Université d’Assas à Paris.
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Sous la pression exercée par Trump, l’Europe a fini par accepter une hausse inédite des droits de douane et s’est engagée à importer massivement énergie et armements. Cet accord déséquilibré met en lumière la faiblesse stratégique de l’Union, aggravée par ses propres blocages internes. Sans pour autant qu’il faille acter sa fin.
Dans la liste des vices du consentement, le code civil français rappelle dans son article 1137 que le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.
Si Donald Trump se présente comme un roi de l’art de la négociation, force est de reconnaître que l’Europe apparaît quant à elle passée maître dans l’art de se soumettre. La ‘’négociation’’ commerciale avec les Etats-Unis s’est en effet résumée à la convocation d’Ursula von der Leyen au milieu de l’été dans un des golfs privés appartenant au Président américain en Ecosse, pour lui annoncer des droits douane de 15%, à quelques exceptions près comme l’aéronautique ou certaines matières premières stratégiques qui n’ont d’ailleurs pas encore été clairement définies.
Un soulagement pour certains puisque ce taux est inférieur aux 20% annoncés lors du Liberation Day en avril, voire aux 30% promis en cas d’absence d’accord commun. Il n’en demeure pas moins astronomique par rapport aux 1 à 2% qui prévalaient jusqu’alors et s’affiche comme le taux de droits de douane le plus élevé depuis près d’un siècle.
Et comme si cela ne suffisait pas, l’Union Européenne s’engage à importer pour 750 milliards de dollars de combustibles, GNL et pétrole, dans les 3 ans qui viennent. S’y ajoute un engagement à augmenter les achats de puces électroniques et d’armements. Cerise sur le gâteau, comme si l’Europe souffrait d’un trop plein d’investissements internes, l’UE s’engage à investir 600 milliards de dollars sur le sol américain. L’excédent d’épargne européen va donc continuer de s’investir outre-Atlantique plutôt que de financer ses propres entreprises domestiques. En « contrepartie », les droits de douane européens sur les importations de produits américains vont être abaissés à 0% …
Tentant de se justifier dans une tribune, Ursula von der Leyen assume que « à défaut d’être parfait, c’est un accord solide ». Solidité dont on peut d’ailleurs douter quand on constate la volatilité et la versatilité des décisions du 47e Président américain. Mais il est vrai que l’Europe sait fort bien se tirer elle-même des balles dans le pied. Mario Draghi remarquait que les barrières réglementaires et normatives intérieures en Europe sont un frein plus important au commerce que les taxes douanières américaines. Le FMI estime que l’ensemble des freins non douaniers au commerce au sein de l’UE est équivalent à 44% de droits de douane pour le secteur manufacturier, et même à 110% pour les services. Si bien que notre commerce intra-Etats européens est inférieur de moitié à celui des Etats fédérés américains entre eux. Mario Draghi ajoute que l’application du RGPD en Europe aurait réduit les bénéfices des petites et moyennes entreprises ainsi que des entreprises de taille intermédiaire de 12% !
Pour sa part, la Suisse se voit infliger un traitement de choc avec 39% de droits de douane et quelques rares exceptions sectorielles. Il est grand temps que l’Europe réagisse et, par une gouvernance retrouvée, affirme son rôle de marché intérieur mondial de premier plan. Si, pour paraphraser Mark Twain, les rumeurs sur la mort de l’UE sont largement exagérées, le temps de l’action est venu, sinon un hypothétique futur accord pour la reconstruction de l’Ukraine tournerait lui aussi au fiasco.
Olivier de Berranger
La Financière de l’Echiquier
Olivier de Berranger est le directeur général et le co-CIO de La Financière de l’Echiquier. Il a occupé depuis 1990 des postes de trader, ainsi que de responsable de desk de trading sur les produits de taux d’intérêt, cash et dérivés au Crédit Lyonnais puis chez Calyon. Il a ensuite été responsable du pôle Capital Markets chez First Finance. Olivier de Berranger rejoint La Financière de l’Échiquier en mars 2007 en qualité de gérant obligataire. Après être devenu directeur de la gestion taux, crédit et diversifié, il est nommé en 2017 directeur de la gestion d’actifs et entre au comité de direction. En décembre 2023, il en devient directeur général de LFDE. Olivier de Berranger est diplômé d’HEC.
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Générer une performance solide tout en préservant les ressources de la planète reste un dilemme apparent pour les investisseurs. Dans l’univers des family offices, où l’horizon se compte en générations, la durabilité n’est pourtant plus un frein au rendement mais plutôt un facteur clé dans la création de valeur.
Dans l’univers des family offices, l’horizon temps de référence est la génération, pas le trimestre. L’objectif n’est pas uniquement de faire croître un capital, mais de le transmettre et de le pérenniser. Pourtant, une évidence s’impose, car il ne peut y avoir de transmission durable sans un monde habitable. Le climat, longtemps perçu comme un sujet périphérique, s’invite désormais au cœur des portefeuilles, au centre des stratégies et au sommet des priorités patrimoniales. Il redéfinit les frontières mais il redessine surtout les zones d’habitabilité, dans la mesure où des communautés entières doivent aujourd’hui envisager leur migration.
Les risques liés au changement climatique ne sont plus abstraits. Ils sont réels, tangibles et déjà intégrés dans les bilans par le biais d’actifs dévalorisés, d’entreprises pénalisées par de nouvelles normes ainsi que de territoires inexploitables. Ils affectent la performance financière autant que la stabilité géopolitique. Face à cette nouvelle réalité, le capital privé ne peut plus rester passif. Il devient un levier indispensable au changement. Les family offices, les asset managers et les grands allocateurs disposent d’un pouvoir d’action colossal qui bien exercé, peut faire basculer des secteurs entiers vers des modèles plus résilients, plus sobres en carbone et aussi plus pérennes.
De ces impératifs émerge un nouveau type de mandat de gestion. Le « mandat dual ». Il repose sur deux piliers indissociables, à savoir préserver la richesse et protéger la planète. Il ne s’agit ni d’un slogan, ni d’une compromission morale. Il s’agit d’un alignement stratégique entre les exigences d’un capitalisme de long terme et les impératifs d’un monde en constante évolution. Car une idée persiste encore dans l’imaginaire collectif : la durabilité serait synonyme de renoncement au rendement. Dans une même veine, performance et engagement environnemental ne feraient pas bon ménage. En réalité, ce sont souvent les actifs les plus vulnérables au climat, tels que l’immobilier obsolète, les infrastructures carbonées ou encore les entreprises à forte intensité d’émissions qui posent les plus grandes menaces pour la stabilité d’un portefeuille.
À l’inverse, les secteurs liés à la transition, à l’innovation verte et à l’efficacité énergétique offrent des opportunités encore largement inexploitées. Le marché ne cesse de le confirmer. Les infrastructures durables démontrent leur résilience, l’immobilier performant sur le plan énergétique devient un actif refuge face aux coûts de l’énergie et aux futures réglementations, et les entreprises alignées sur une trajectoire bas carbone attirent autant le capital que les talents. Car au-delà des chiffres, une pression sociétale s’installe. L’ensemble des parties prenantes s’attend à du rendement mais aussi à une responsabilité écologique des entreprises.
Une des manières de tenir compte de ces contraintes semble être la décarbonation de portefeuille. Contrairement à ce que l’on imagine souvent, il ne s’agit pas d’un geste symbolique, ni d’un greenwashing de façade. Décarboner, c’est réduire l’intensité carbone des actifs détenus, autrement dit, minimiser la quantité de CO₂ émise pour chaque centime investi, tout en conservant un niveau de diversification et de performance stable. Cela suppose d’identifier, secteur par secteur, les entreprises les plus émettrices, et de les exclure, ou de les réduire, au profit d’acteurs plus sobres. Il s’agit là d’une méthode pragmatique, quantitative mais surtout reproductible.
C’est exactement ce qu’ont démontré les professeurs Eric Jondeau et Rüdiger Fahlenbrach en étudiant le portefeuille d’actions américaines détenu dans le bilan de la Banque nationale suisse. Un portefeuille large mais surtout géré de manière passive. L’objectif de leur étude était clair : tester une stratégie de décarbonation sans détériorer la performance du portefeuille.
Leur solution repose sur un filtre simple mais rigoureux à savoir exclure, à l’échelle globale, les entreprises les plus intensives en carbone, celles qui affichent les plus hauts niveaux d’émissions par chiffre d’affaires. Ces exclusions, bien que ciblées, sont suffisamment significatives pour alléger fortement l’empreinte carbone du portefeuille. Les capitaux sont ensuite réinvestis dans l’univers restant, sans chercher à reproduire l’allocation sectorielle initiale, ce qui permet d’obtenir un portefeuille plus sobre, parfois même plus performant, sans dérive de risque excessive.
Le résultat est sans équivoque, En excluant seulement 1 % des entreprises les plus polluantes, l’empreinte carbone du portefeuille diminue de près de 20 %, sans impact négatif sur la performance, ni sur les principaux indicateurs de risque – volatilité, diversification, tracking error. En élargissant l’exclusion à 2,5 %, puis 5 %, la réduction d’émissions grimpe à 45% et 60% respectivement, et surtout, le portefeuille affiche une surperformance nette par rapport à l’original ! Dans le scénario à 5 %, le portefeuille aurait généré un rendement moyen de 15,8 % par an, avec un Sharpe ratio de 0,96, soit une rentabilité ajustée du risque très compétitive par rapport à la version initiale. En d’autres termes, la décarbonation est possible, mesurable et parfois même plus rentable que l’inaction. Ce cas d’école, à la fois simple et efficace, nous amène à nous questionner, car en effet il ne s’agit plus de débattre de sa faisabilité, mais de comprendre pourquoi elle n’est pas déjà la norme.
Et ce constat devrait résonner tout particulièrement dans le monde des family offices. Car s’il existe une catégorie d’investisseurs capable de mettre en œuvre ces stratégies rapidement, efficacement et avec conviction, ce sont bien eux. Leur liberté d’allocation, leur horizon d’investissement de long terme, leur ancrage familial et intergénérationnel en font des vecteurs idéaux de transformation. Ils ne sont pas prisonniers d’indices. Ils peuvent questionner les biais historiques. Ils peuvent initier, tester, mais surtout ajuster.
Néanmoins, encore faut-il poser les bonnes questions : quelle est l’intensité carbone réelle du portefeuille, le niveau d’ambition climatique des gérants, le degré d’influence actionnariale exercé ? Ce sont ces interrogations, concrètes, chiffrées, récurrentes, qui peuvent faire basculer la gestion vers un modèle plus durable, le tout sans renoncer à l’exigence de résultat.
Ce mouvement s’impose avec toujours plus de force auprès des nouvelles générations. Les héritiers d’aujourd’hui ne veulent pas seulement hériter d’un portefeuille performant. Ils veulent savoir ce qu’ils financent, ce qu’ils tolèrent, s’assurer que leurs investissements sont en ligne avec leur idéaux. Pour eux, la performance n’est plus uniquement un chiffre mais la trajectoire que prend leur avenir.
Toutefois, il convient de souligner que l’horizon temporel de cette étude s’arrête peu avant le déclenchement des conflits géopolitiques majeurs du 21ème siècle, notamment ceux ayant bouleversé les équilibres énergétiques, climatiques et économiques. Guerres, tensions internationales et crises d’approvisionnement ont profondément reconfiguré les dynamiques de l’investissement durable. Une mise à jour de l’étude serait donc souhaitable afin de réévaluer la pertinence et la robustesse des conclusions à la lumière de ce nouveau contexte, plus instable, mais aussi plus exigeant pour les investisseurs de long terme.
Investir durablement, ce n’est pas sacrifier du rendement. C’est anticiper et intégrer des risques nouveaux. Mais aussi saisir des opportunités sous-évaluées, redéfinir la performance à l’échelle du monde dans lequel nous vivons. Ceux qui sauront conjuguer rigueur financière avec lucidité climatique et ambition patrimoniale prendront une avance décisive. Et surtout, ils œuvreront pour que la richesse confère un véritable sens à leur patrimoine, en leur offrant la possibilité de construire plutôt que de réparer.
Rean Morinaj
Capitalium Wealth Management
Rean Morinaj est junior analyste chez Capitalium Wealth Management. Titulaire d’un bachelor HEC Lausanne en Economie Politique, il finalise son Master en Finance (Risk & Asset Management). Il est par ailleurs assistant de recherche au Center for Risk Management Lausanne (CRML).
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Le statut de «point d’ancrage fiable» que revendique le marché suisse de la gestion d’actifs demeure solide. Quoique «menacé», comme l’a récemment souligné l’enquête publiée par l’Asset Management Association Switzerland. Menacé par des risques géopolitiques, mais aussi et surtout par des dynamiques internes, insiste Peter Hody, porte-parole de l’AMAS.
Bien que la position de la Suisse demeure solide, l’on constate une stagnation dans la croissance des actifs gérés par les asset managers…
En effet, malgré une croissance annuelle d’environ 5,5 % des actifs sous gestion et un ratio coûts-revenus amélioré à 69 %, la rentabilité globale demeure atone. Dans les faits, près de 90 % des flux nets de capitaux proviennent de la seule performance des marchés. Le secteur apparaît ainsi saturé et fortement tributaire de la conjoncture mondiale.
Quelle serait, selon vous, la cause profonde de ce ralentissement?
Il est utile de rappeler que l’entrée en vigueur en 1985 de la loi fédérale sur la prévoyance, la LPP, a fortement contribué au dynamisme de la gestion d’actifs en Suisse. Toutefois, au cours des dernières années, la part des prestations de prévoyance a sensiblement augmenté, et ce parallèlement à une baisse de la croissance des avoirs. L’argent des clients n’est tout simplement plus aussi abondant. Une tendance similaire s’observe par ailleurs sur le marché suisse du private banking, qui ne croît pratiquement plus, notamment en raison de la concurrence d’acteurs basés dans des centres financiers tels que Hong Kong ou Singapour.
Voyez-vous cependant des aspects positifs dans l’évolution du secteur?
Rappelons qu’au cours des cinq dernières années, la Suisse a suivi plus ou moins le même rythme de croissance que le reste du monde Elle est également parvenue à se hisser au troisième rang européen en 2023 et a encore renforcé sa position avec une croissance de 11% en 2024 avec des avoirs sous gestion s’élevant au niveau historique de 3’450 milliards de francs. Ce après le déclin enregistré en 2022 suite au covid.
Je peux paraître péremptoire en disant cela, mais il se peut que la résilience de la gestion d’actifs en Suisse s’explique tout bonnement par de bonnes performances de la part des asset managers. Sans minimiser pour autant le rôle du franc suisse dans cette performance. La croissance du secteur reflète à mon sens la qualité des services offerts par les gestionnaires d’actifs suisses.
Dans ce contexte, quels sont les axes de croissance à privilégier?
L’expansion sur le marché international et l’extension à d’autres classes d’actifs, notamment les marchés privés, sont clairement les deux axes privilégiés. Cependant, il n’est pas aisé pour les gestionnaires suisses de s’implanter sur les marchés étrangers, notamment en raison de barrières réglementaires. C’est pourquoi l’AMAS promeut à Berne des politiques et des pratiques privilégiant l’accès libre à l’Union Européenne, à l’Asie ou aux États-Unis, ces deux dernières régions étant actuellement les plus dynamiques.
Il est frappant de voir que le léger recul de la part de marché du Royaume-Uni coïncide plus ou moins avec la progression de la Suisse. Faut-il y voir un lien?
Je ne le pense pas, non. Il est vrai que le Brexit n’a pas vraiment aidé, mais prédictions selon lesquelles le Brexit allait nettement favoriser d’autres places financières en Europe ne se sont pas matérialisées pour autant.
Comment expliquez-vous que la réduction des coûts n’apparaisse qu’en cinquième priorité pour les asset managers suisses, selon les résultats de votre enquête?
Cela peut tenir à la formulation des questions ou à la structure même du questionnaire. Il est également possible que la réduction des coûts soit perçue comme un impératif permanent, allant de soi, et donc implicitement considérée comme prioritaire. Je le dis avec prudence, mais ce résultat nous a aussi interpellés au sein de l’AMAS.
On peut par ailleurs comprendre que, face à la nécessité d’accroître les avoirs sous gestion par le biais d’investissements internationaux, certains asset managers aient momentanément relégué la réduction des coûts au second plan. Pour eux, il en va de leur survie : ils n’ont d’autre choix que de mettre en œuvre des stratégies de croissance et d’expansion.
En Suisse, les dix plus grands asset managers gèrent désormais 43% des avoirs, contre 36% il y a encore quelques années. La consolidation demeure-t-elle pour vous un thème central?
Cela dépend de la perspective que l’on prend. Réaliser des économies d’échelle à travers des fusions ou acquisitions peut avoir du sens pour les très grands acteurs. Cela dit, le marché suisse des M&A dans ce secteur a surtout été marqué par deux opérations emblématiques : la reprise de Credit Suisse par UBS, et le rapprochement entre Helvetia et la Bâloise. Dans le premier cas, il s’agissait d’une situation d’urgence, sans lien avec une recherche d’économies d’échelle. Dans le second, la logique était essentiellement propre au secteur de l’assurance, non à celui de l’asset management.
Ce que l’on observe plus fréquemment, en revanche, ce sont des transactions de volumes relativement modestes, visant le plus souvent à acquérir de nouvelles compétences ou capacités. Elles concernent par exemple des maisons comme Vontobel. Mais ces opérations restent rares parmi les acteurs de plus petite taille, qui ont davantage tendance à se spécialiser.
Peter Hody
Asset Management Association Switzerland
Peter Hody est responsable de la communication et porte-parole de l’Asset Management Association Switzerland depuis octobre 2021. À ce titre, il est responsable de la communication et de la stratégie de l’association professionnelle des gestionnaires de fortune suisses. Il a débuté sa carrière comme journaliste de télévision et d’actualité. Cet historien titulaire d’un MBA en gestion des médias a été rédacteur en chef de finews.ch et du magazine d’investissement Stocks, ainsi que membre de la rédaction de Cash.
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Alors que la BCE arrive au terme de son cycle d’assouplissement monétaire, la désynchronisation avec la Fed s’accentue. Emmanuel Petit en détaille ici les implications.
Comme prévu, la BCE a abaissé ses taux pour la quatrième fois cette année lors de sa réunion du 5 juin dernier. L’inflation attendue sous la cible des 2 % en Zone euro à fin 2025 semble annoncer la fin du cycle de baisses entamé en juin 2024. Les taux européens à 2 ans devraient donc être amenés à se stabiliser. Toutefois, si le conseil des gouverneurs reste divisé sur la question, les investisseurs s’attendent encore à une cinquième et dernière baisse d’ici la fin de l’année.
Cette position d’attente de la BCE s’explique par des effets contradictoires sur la croissance et l’inflation poussés, dans un sens, par la guerre commerciale avec les États-Unis et, dans l’autre, par les effets positifs du plan budgétaire allemand qui devraient se faire ressentir à partir de l’année prochaine. Les taux longs, de leur côté, restent sous pression, le financement de la dette demeurant un sujet d’inquiétude pour les investisseurs. Ce mouvement de défiance s’observe d’ailleurs dès que des inquiétudes émergent sur la trajectoire budgétaire d’un État.
À ce titre, la France est perçue en ce moment comme le mauvais élève de la Zone euro. Si un pic sur le spread1 OAT-Bund a été observé au moment des élections législatives l’année passée, il s’est progressivement resserré depuis pour se stabiliser autour de 70 points de base 2. Les investisseurs semblent donc continuer à accorder un certain crédit à son gouvernement, estimant qu’il dispose de nombreux leviers pour parvenir au redressement des finances publiques. Le taux d’emprunt français n’en reste pas moins l’un des plus élevés parmi les 20 pays membres. Plus globalement, la Zone euro reste engluée dans un scénario de croissance molle. Les défauts sont en légère hausse mais restent géographiquement très concentrés et aucune détérioration significative n’est encore à signaler.
Aux États-Unis, la situation est plus délicate. Depuis le début de l’année, les investisseurs se détournent des actifs américains. Les questionnements légitimes sur l’évolution des déficit jumeaux3, les atermoiements de Donald Trump et les doutes sur la pérennité de l’exceptionnalisme américain ont engendré un mouvement de défiance et une chute de plus de 10 % du dollar contre toutes devises 2. L’écart de taux d’intérêt à l’avantage des obligations américaines ne suffit plus à renforcer la monnaie. Pour autant, une accélération de la dépréciation du billet vert dans les mois à venir semble difficile à envisager, dans un contexte présentant peu d’alternatives à la devise américaine.
Le risque inflationniste et les interrogations sur la soutenabilité de la dette restent également prégnants en raison de la politique menée par l’actuel locataire de la Maison Blanche. À ce titre, la « One Big Beautiful Bill Act 4» promulguée début juillet accentue les craintes sur le creusement du déficit, mais tempère néanmoins les scénario les plus pessimistes. L’évolution des négociations sur les droits de douane demeure la principale préoccupation des investisseurs. Les annonces fracassantes et intempestives, ainsi que les différents reports ne font qu’ajouter de l’incertitude à un environnement géopolitique déjà tendu. Dans ce contexte, depuis le début de l’année, la Fed maintient le statu quo.
En effet, avec une inflation attendue en hausse jusqu’au mois de septembre en raison des effets de base, de l’incertitude causée par les tarifs douaniers et d’un marché de l’emploi qui ralentit sans pour autant craquer, il paraît logique que la Fed reste prudente. Au regard des niveaux actuels des taux directeurs, le marché est conscient que la banque centrale dispose d’une marge de manoeuvre conséquente avant d’atteindre le taux neutre qu’elle estime entre 3 % et 3,25 %. Cinq baisses sont anticipées d’ici à fin 2026. Ce scénario reste plausible si l’inflation revient à la cible et que le marché de l’emploi se maintient. Au-delà de la dimension économique, d’autres facteurs, comme la nomination du prochain président de la Fed ou les élections de mi-mandat pourraient amener à revoir ces perspectives.
Face à cette situation, le crédit est en ce moment la classe d’actifs la moins volatile. Ses niveaux de rendement absolu et de spread vis-à-vis des emprunts d’État lui permettent de supporter la volatilité des taux. L’environnement actuel lui est particulièrement favorable: les taux sont peu élevés et l’économie se maintient. Les spreads sont, certes, serrés mais les investisseurs continuent de lui porter un fort intérêt car les fondamentaux des entreprises sont solides et la classe d’actifs offre du portage.
Dans ce contexte, il convient d’être particulièrement réactifs et chaque épisode de volatilité doit être considéré comme une occasion à saisir. Il faut également se montrer sélectifs car, s’il y a peu de dispersion sectorielle, au sein de chaque secteur, l’acteur le plus fragile est rapidement sanctionné par le marché. Nous ajustons donc progressivement nos portefeuilles. Nous augmentons, à la marge, la sensibilité tout en restant sous-pondérés dans l’attente d’une pentification plus importante des courbes. Nous favorisons les obligations corporates les mieux notées de maturité 5 à 10 ans pour bénéficier du rendement excédentaire qu’elles permettent de capter. Les financières restent également un segment de marché privilégié au regard de ses niveaux de valorisation et des fondamentaux des acteurs du secteur. Enfin, nous maintenons la couverture de nos portefeuilles via des CDS5 afin d’amortir de potentiels pics de volatilité.
Emmanuel Petit
Rothschild & Co Asset Management
Emmanuel Petit a débuté sa carrière en 1998 chez HSBC Asset Management comme analyste dans le domaine de l’attribution de performances AIMR-GIPS puis il est devenu analyste crédit en 2001. En 2006, il rejoint Rothschild & Co Asset Management en tant que gérant obligataire sur les obligations privées. Il en est responsable de la gestion obligataire depuis 2011. Emmanuel est diplômé d’un mastère spécialisé en Finance d’entreprise et membre de la SFAF (Société Française des Analystes Financiers).
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Fondée voilà dix ans, la plateforme crypto XBTO conjugue trading systématique, gestion d’actifs, infrastructure et tokenisation. Dans cet entretien, son CEO Philippe Bekhazi revient sur une décennie de rupture et de construction, du premier arbitrage sur Bitcoin aux partenariats long terme avec les allocataires, en passant par les leçons des crises et l’avènement de la finance programmable.
Par Jérôme Sicard
En 2015, au lancement de XBTO, où vous imaginiez-vous dix ans plus tard ?
Quand j’ai lu pour la première fois le livre blanc de Satoshi, j’ai tout de suite compris qu’un basculement venait de se produire. Ce n’était pas une innovation parmi d’autres. C’était une réinvention complète de la manière dont la finance, la valeur et la confiance et pouvaient fonctionner. Cette nouvelle architecture décentralisée, transparente, programmable, offrait les fondations d’un système entièrement différent.
En 2015, je ne savais pas exactement où cette trajectoire allait me mener, mais je savais que je voulais être au cœur de cette transition, pas en simple observateur, mais en bâtisseur. Les marchés crypto étaient fragmentés, peu régulés, inefficients. Mais ils regorgeaient de potentiel pour ceux qui savaient y imposer de la discipline. Je me suis concentré sur deux axes : l’arbitrage quantitatif, à l’intersection de la technologie et de la volatilité, et les investissements dans l’infrastructure. Nous avons investi tôt dans Deribit, devenu un acteur majeur dans les dérivés crypto. Mais je savais que le trading n’était qu’une porte d’entrée. Le vrai enjeu était de contribuer à au développement d’une architecture conçue pour durer.
Quelles étaient vos ambitions en créant XBTO ?
Nous voulions créer un pont entre la finance traditionnelle dont je venais et l’univers émergent des actifs numériques. Pas à travers de la théorie, mais par des systèmes concrets, du capital réel et une exécution sans compromis. Là où beaucoup voulaient tourner le dos aux marchés historiques, j’avais l’intuition inverse. Je croyais que les institutions les plus réticentes au changement seraient celles qui, tôt ou tard, en auraient le plus besoin. L’avenir de la finance ne serait pas une révolution contre l’existant, mais une convergence exigeante entre anciens et nouveaux paradigmes.
Nous avons commencé comme un desk de trading propriétaire, en développant l’infrastructure et les modèles nécessaires pour évoluer dans un environnement rapide et instable. Cela nous a permis d’obtenir des résultats, mais aussi de gagner une certaine légitimité. Puis nous avons élargi notre spectre à la gestion d’actifs, à l’infrastructure, à la fourniture de liquidité. Nous sommes restés agiles, rigoureux, orientés performance, au fur et à mesure que le marché mûrissait. Ce qui avait commencé comme une firme de trading est devenu une plateforme globale. Depuis le début, notre mission est restée la même : offrir à cette industrie un niveau d’exécution et de gestion des risques digne des standards institutionnels.
Comment ces ambitions ont-elles évolué ?
Il s’agissait d’abord de prouver que l’on pouvait trader la crypto de façon systématique. Puis il a fallu démontrer que cette classe d’actifs pouvait être gérée avec rigueur, transparence et performance. Aujourd’hui, nous accompagnons des allocataires institutionnels, des émetteurs de tokens, des places d’échange. Nous avons étendu notre présence réglementaire, des Bermudes à Abu Dhabi, et lancé notre division de gestion d’actifs pour répondre à des besoins de nouvelle génération. Et nous avons toujours suivi les mêmes principes : discipline du risque, avantage technologique, et une lecture stratégique des structures de marché.
Quels ont été les moments clés dans votre parcours ?
Le premier tournant a été 2015, lorsque nous avons commencé à trader le Bitcoin. A l’époque, il fallait opérer sans feuille de route. L’infrastructure n’existait pas, mais c’est dans ce vide que nous avons forgé notre méthode. Le second moment fort a été le lancement de notre division de gestion d’actifs. Cela nous a permis de sortir du trading pur et d’élargir notre mission. En 2022, alors que le secteur traversait ses plus grandes crises, nous avons su tenir bon. Là où certains poursuivaient la croissance à tout prix, nous avons misé sur la prudence, la solidité de notre positionnement, la gestion du risque. Les épisodes Luna, FTX et les autres faillites en chaîne n’ont fait que confirmer ce que nous avions toujours défendu : dans cet univers, la survie ne dépend pas de la vitesse, mais de la lucidité.
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris ces dix dernières années ?
Ce qui m’a le plus surpris, c’est cette tension constante entre la rapidité de l’innovation et la lenteur à laquelle se crée la confiance. La crypto évolue à une vitesse fulgurante. Les cycles se compriment, les technologies se succèdent, les capitaux entrent et sortent. Mais l’adoption, la légitimité, le statut de référence, tout cela prend du temps. Des idées que nous défendions dès le début, comme la liquidité programmatique, la tokenisation ou le Bitcoin comme actif de réserve, étaient vues comme spéculatives. Aujourd’hui, elles deviennent des évidences. Le marché est une course d’endurance, pas un sprint.
Comment définiriez l’ADN de XBTO ?
Quantitatif par nature, institutionnel par conviction, long terme par essence. Nous avons commencé comme une machine de trading. Aujourd’hui, nous sommes un partenaire de marché global. Mais l’ADN est resté le même : précision, résilience, rigueur. Nous n’avons jamais été motivés par les effets de mode, mais par l’idée qu’il fallait construire quelque chose de solide, utile, durable. Une finance transparente, globale, programmable.
Qu’avez-vous mis en place pour répondre à l’évolution du marché ?
Avec la maturation du marché, notre plateforme s’est étoffée. Nous avons lancé XBTO Hub, une infrastructure intégrée pour la garde, le trading et l’exécution. Nous avons développé des fonds actifs pour aider les investisseurs à capter le potentiel asymétrique du Bitcoin avec une gestion rigoureuse. Nous avons étendu notre rôle de fournisseur de liquidité et de solutions de tokenisation, avec une logique de partenariat sur le long terme. Nous avons compris très tôt que la tokenisation n’était pas une simple tendance. C’était une opportunité de reconstruire les instruments financiers à la racine. Que ce soit pour des fonds, du crédit ou des actifs réels, la on-chain permet plus d’efficacité, de transparence et de liquidité.
Comment votre rôle de fournisseur de liquidité a-t-il évolué entre 2015 et 2025 ?
Il a lui aussi profondément changé. En 2015, cela consistait à envoyer des fonds sur une plateforme en espérant que les actifs soient encore là le lendemain. Aujourd’hui, cela signifie être une contrepartie fiable pour des institutions à l’échelle mondiale. Nous sommes passés de faiseur de marché à bâtisseur de marché. Nous sélectionnons les projets avec lesquels nous travaillons. Nous privilégions la durabilité à la performance ponctuelle. La liquidité n’est plus une question d’écarts de prix. C’est une question de confiance.
Quel est le cœur de métier de XBTO aujourd’hui ?
Nous sommes un gestionnaire d’actifs et une société de marchés au service des institutions. Nous opérons des stratégies quantitatives, des solutions de liquidité, de la tokenisation, et de la structuration d’actifs numériques.
Quels leviers comptez-vous activer pour continuer à croître ?
Trois axes guident notre croissance : la performance, via des stratégies conçues pour les investisseurs institutionnels ; la conformité, avec des licences solides dans les principales juridictions ; et l’éducation, pour devenir un acteur de référence dans l’adoption professionnelle des crypto-actifs.
Comment envisagez-vous le potentiel de la tokenisation ?
La tokenisation va transformer en profondeur les marchés de capitaux — non pas parce qu’elle introduit un nouveau produit, mais parce qu’elle propose un meilleur système. Les opportunités résident donc dans la capacité à reconstruire l’infrastructure financière pour un monde numérique : un environnement où les actifs deviennent programmables, les règlements instantanés et la distribution véritablement mondiale. Cela crée de la valeur tangible pour les émetteurs comme pour les investisseurs : réduction des coûts, accès élargi et meilleure liquidité. Nous voyons un potentiel fort dans les obligations, les produits structurés et les fonds tokenisés. Avec les structures adéquates et les bons cadres réglementaires, cela peut libérer des milliers de milliards de valeur à partir d’actifs réels.
Philippe Bekhazi
XBTO Group
Philippe Bekhazi dirige le groupe XBTO, actif dans le market making, le trading OTC, le capital-risque, le mining et dans plusieurs domaines liés aux digital assets. Fondé en 2015, XBTO a été le premier fournisseur de liquidité à grande échelle sur les plateformes d’échange de cryptoactifs. Avant de créer XBTO, Philippe a conçu des solutions de trading, de gestion de portefeuille et de gestion des risques sur les marchés actions, devises, taux et crédit. Il a notamment travaillé pour des groupes de premier plan tels que Calypso Technology et Citibank. Il a également passé quatre années chez SAC Capital Advisors, où il a contribué à la mise en place du desk global macro.
Diplômé de l’Université de Syracuse, Philippe est titulaire d’un double Bachelor of Science en Finance et en Communication.
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