Le thème de l’or 2/4

Thème de l’or – Intégrale 2/4

    • Interview Frédéric Dawance, associé-gérant, et Thierry Zen Ruffinen, directeur adjoint
    • de Pury Pictet Turrettini

« Les banques centrales commandent le marché avec les volumes pris par leurs achats »

Dans ce premier opus de L’Intégrale, série d’entretiens explorant en profondeur un même thème, Frédéric Dawance et Thierry Zen Ruffinen nous font découvrir le marché de l’or sous tous ses angles. Le deuxième interview de cette série est consacré au rôle que jouent aujourd’hui les banques centrales, notamment en Chine et en Russie.

Par Jérôme Sicard

Dans quelle mesure les banques centrales déterminent elles aujourd’hui les fluctuations du prix de l’or sur les marchés mondiaux?

Il est vrai que les banques centrales figurent aujourd’hui parmi les acteurs principaux de ce marché mais, historiquement, elles l’ont toujours été, à l’achat comme à la vente d’ailleurs. Depuis quelques années, elles jouent davantage un rôle de consommatrices, avec des achats massifs comme ce fut le cas encore en 2024. Elles sont donc à l’origine du rallye sur l’or qui s’est poursuivi l’an passé jusqu’à l’élection de Trump en novembre et qui a valu à l’once une progression annuelle de 25%. Ce qui est frappant, c’est de voir que ce rallye s’est opéré en dehors du secteur financier. Les flux dans les ETF sont négatifs jusqu’au mois d’avril et le redeviennent en novembre. Ce n’est pas donc la communauté financière qui a créé cette demande pour l’or. Ce sont bel et bien les banques centrales.

Comment expliquer les achats massifs réalisés en effet ces dernières années par la Chine et la Russie ?

A la Chine et la Russie, il faut ajouter la Turquie. Les banques centrales de ces pays ne sont pas les seules à stocker de l’or, mais elles commandent le marché au vu des volumes pris par leurs achats. Pour elles, l’intérêt primordial de l’or est d’être un actif liquide qui n’a aucune contrepartie. Personne ne peut venir le saisir une fois qu’il est empilé dans leurs coffres.

Dans le monde post Bretton Woods qui prévaut aujourd’hui, les Américains ont vendu aux banques centrales l’idée qu’il valait mieux pour elles acheter des Bons du Trésor adossés aux réserves colossales de Fort Knox pour produire un minimum d’intérêt. Les lingots n’en génèrent pas.

En revanche, la situation se complique quand apparaissent de fortes tensions sur le plan politique. L’idée de se voir confisquer ses dollars – possible sanction de la part des Etats-Unis – est assez dissuasive. Ce risque s’est accru ces dernières années, à l’image de la Russie mise au ban du système. Plutôt que de détenir des dollars, autant se tourner vers l’or pour s’épargner quelques complications. La Chine et d’autres pays du globe sont dans cette logique et achètent de l’or pour prévenir tout risque d’exclusion.

Dans cette tendance à la dédollarisation, quelles perspectives voyez-vous se dégager sur le long terme?

La Chine, la Turquie ou encore la Russie sont encore loin d’avoir des réserves d’or aussi importantes que des pays développés comme les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Italie, la France ou même la Suisse. Pour prendre ce seul exemple, l’or représente à peine 5% dans le bilan de la banque centrale chinoise. Ces banques possèdent encore énormément de bons du Trésor américain dans leurs réserves. Elles disposent donc d’une grande marge de manœuvre pour acheter encore de l’or.

A ce jour, aucune monnaie n’est capable de le remplacer. L’euro ne sera jamais accepté par tous, et il en va de même, bien évidemment pour le renminbi ou le rouble. Oui, nous voyons davantage de trades s’effectuer en renminbi, mais l’or reste la monnaie universelle acceptée par tous, à un prix sur lequel tout le monde s’accorde. Je ne suis pas nécessairement convaincu par cette tendance à la dédollarisation. En revanche, une multipolarité prend forme sur le plan géopolitique et je vois l’or jouer un rôle important dans cette nouvelle configuration.

Comment les politiques monétaires actuelles, comme la gestion des taux d’intérêt par les banques centrales, influencent-elles le marché de l’or, autant du côté de la demande que de celui de l’offre ?

L’or n’a pas salué l’élection de Trump, avec les perspectives de dollar fort, d’économie prospère et de taux d’intérêt élevés qui l’ont accompagné. L’or peut prendre de la valeur, mais il ne paie pas d’intérêt, comme nous l’avons rappelé plus tôt. Par conséquent, détenir de l’or induit des coûts d’opportunité d’autant plus importants que les taux directeurs de la Fed sont élevés. Cette corrélation a toujours existé. Le cours de l’or a tendance à baisser quand la Fed remonte ses taux.

C’est moins évident aujourd’hui. L’or n’a pas salué l’arrivée de Trump, mais son prix n’a pas baissé énormément en réalité. Sur le plan macro-économique, il est clair que l’or miné voit son coût s’accroître avec la hausse des prix de l’énergie et du travail, comme c’est le cas en ce moment. Son cours augmente d’autant et les quantités extraites diminuent. S’ajoutent à cela des tensions géopolitiques, entre la Chine et les Etats-Unis principalement, qui créent des incertitudes supplémentaires et contribuent à l’appréciation de l’or.

Aujourd’hui plus que jamais, le marché de l’or obéit à de multiples facteurs qui viennent chacun influencer la fixation des cours. Les politiques monétaires ont leur influence mais elles ne sont pas les seules.

Au vu des réserves qu’elles se constituent, les banques centrales sont-elles amenées à développer de nouvelles formes de produits financiers adossés à l’or ?

C’est difficile à envisager. Il fut un temps où toutes les banques centrales ancraient leur monnaie, et ce ne fut ni soutenu ni soutenable. La question reste néanmoins intéressante sur le plan théorique. La croissance de la masse monétaire doit-elle être inférieure, égale ou supérieure à la croissance économique ? Dans le cas d’une devise arrimée, la question devient encore plus sensible car aucun pays ne maîtrise l’or qu’il est capable d’extraire du sol et ne peut donc contrôler sa masse monétaire.

Il y a peu de chance pour que nous revenions à des monnaies-étalon. Les banques centrales peuvent en revanche s’intéresser à d’autres produits, comme ceux qui apparaissent avec le développement de la blockchain et des crypto-monnaies. Je pense d’abord aux stablecoins. Elles sont en général adossées au dollar, mais de plus en plus d’émetteurs, comme Tether, introduisent de l’or dans leurs réserves pour les renforcer. Dans ce cas, on voit bien que les innovations ne sont pas à l’initiative des banques centrales. C’est plutôt le marché qui prend les devants. Il en a toujours été ainsi. À voir la bonne dynamique dans laquelle elles s’inscrivent, les stablecoins ont matière à se développer. Les banques centrales pourraient y avoir recours un jour mais, dans l’immédiat, je doute qu’elles aient envie d’encourager le mouvement.

Frédéric Dawance

De Pury Pictet Turrettini

Frédéric a rejoint de Pury Pictet Turrettini en 2016. Il participe activement à la gouvernance de la société en siégeant au sein du comité de direction, de stratégie et d’audit. Il a débuté sa carrière chez Pictet à Genève, puis chez CSFB à Zurich et à Londres, ainsi que chez Exane à Paris. Après deux ans en tant que CFO d’une société technologique, il a rejoint Lombard Odier & Cie en 2004, d’abord en tant que responsable du trading, puis en tant que co-responsable des produits d’investissement et enfin en tant que responsable d’un important groupe de banquiers privés. Frédéric est titulaire d’un diplôme HEC de l’Université de Saint-Gall et d’une maîtrise en économie de l’Université de Cologne.

Thierry Zen Ruffinen

De Pury Pictet Turrettini

Avec une solide expérience de l’investissement, Thierry Zen Ruffinen a rejoint de Pury Pictet Turrettini en 2021 en tant que responsable de la distribution, où il s’emploie à conseiller une clientèle institutionnelle. Thierry a précédemment été en charge de la distribution des fonds et des mandats de Mirabaud Asset Management auprès de la clientèle institutionnelle romande. Il a commencé sa carrière en 2004 auprès de la Nouvelle Compagnie de Réassurance en tant qu’actuaire tarificateur. Thierry dispose d’un master en actuariat d’HEC Lausanne.

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    Le thème de l’or

    Thème de l’or – Intégrale 1/4

      • Interview Frédéric Dawance, associé-gérant, et Thierry Zen Ruffinen, directeur adjoint
      • de Pury Pictet Turrettini

    « Depuis 1971 et la fin de Bretton Woods, l’or a surperformé la plupart des classes d’actifs »

    Dans ce premier opus de L’Intégrale, une série d’entretiens explorant en profondeur un même thème, Frédéric Dawance et Thierry Zen Ruffinen nous font découvrir le marché de l’or sous tous ses angles. Pour entamer la série, ils en définissent ici les principales lignes.

    Par Jérôme Sicard

    Dans la production et l’approvisionnement de l’or, quelles tendances émergentes pourraient venir influencer son prix?

    Il y a bien sûr la découverte de nouveaux gisements d’or, mais on doit noter qu’il existe déjà un stock important de découvertes non exploitées. Le facteur déterminant, en réalité, c’est le coût de l’exploitation. Si le coût de production augmente et que le prix de l’or baisse, cela pourrait réduire la production. Mais à l’heure actuelle, avec des prix de l’énergie stables, un coût du travail modéré, et un prix de l’or en hausse, on peut s’attendre à une augmentation de la production. Les taux d’intérêt entrent aussi en jeu : le CAPEX est fortement lié aux taux d’intérêt, ce qui peut aussi influencer la production. En somme, on pourrait voir une production en hausse, mais tout dépendra de l’évolution de ces variables.

    Comment les investisseurs abordent-ils l’or aujourd’hui ?

    L’or physique reste un choix privilégié pour les investisseurs privés et leurs banquiers. Les fonds adossés à de l’or physique sont très populaires parce qu’ils sont simples à gérer, avec la garantie d’avoir de l’or tangible derrière. C’est facile à acheter et à vendre, et cela reste très apprécié par ceux qui cherchent une certaine sécurité. Ensuite, il y a l’émergence des tokens basés sur l’or, ou des stablecoins que nous évoquions plus tôt. Cette forme d’investissement numérique attire de plus en plus. Il existe également des fonds qui incluent des actions de sociétés minières, ou qui utilisent des produits dérivés pour compenser les frais de stockage et de logistique tout en cherchant à maximiser la performance. Ces produits peuvent être plus risqués mais ils complètent l’offre de manière originale. Si vous souhaitez conserver la pureté de votre investissement, un fonds adossé uniquement à de l’or physique reste la solution plus sûre.

    Comment s’est comporté l’or depuis la fin des accords de Bretton Woods en 1971 ?

    La fin des accords de Bretton Woods, avec la suspension de la convertibilité du dollar en or, a clairement marqué un tournant. Depuis cette époque, le prix de l’or a littéralement explosé. En 1971, l’once était à 35 dollars. Aujourd’hui, elle dépasse les 2’700 dollars. Son rendement annualisé approche donc les 8%. On peut parler de forte appréciation. L’or a surperformé la plupart des classes d’actifs et sa performance s’aligne quasiment sur celle du S&P500. Depuis 1971, le S&P a produit un rendement annualisé de 9%. Et si vous aviez réinvesti vos dividendes année après année le rendement se serait élevé à 11%. Le comportement de l’or reste donc très impressionnant.

    A quoi ressemble aujourd’hui la production mondiale ?

    Actuellement, elle se situe aux alentours des 3’000 tonnes par année, ce qui représente en volume un cube de 5 mètres de haut qui aurait donc une valeur de 300 milliards de dollars. Les principaux producteurs mondiaux sont la Chine, la Russie, et l’Australie. Ils produisent plus de 300 tonnes chacun. Viennent ensuite les États-Unis et le Canada qui tournent l’un et l’autre autour des 200 tonnes. Il fut un temps où l’Afrique du Sud dominait complètement ce marché.  Dans les années 1980, elle produisait près de 1’000 tonnes par an, soit 70 % de la production mondiale. Depuis, elle a connu un net déclin. Sa production a chuté à environ 130 tonnes par an, soit une baisse de 87 %. D’après une récente étude de Swissaid, la production d’or sur le continent africain pourrait se monter à 800 tonnes par an si on incluait la production artisanale. Mais cette dernière est souvent informelle et n’apparaît donc pas dans les statistiques officielles.

    Et qui sont les grands acheteurs d’or aujourd’hui ?

    Les banques centrales restent les plus gros acheteurs, notamment dans des pays comme la Chine, la Russie et la Turquie. A cette nuance près que leurs réserves restent très faibles, comparés à celles des pays occidentaux. Au cours des dix dernières années, la Chine a acheté plus de 1’000 tonnes d’or et la Russie environ 1’500 tonnes. Au-delà des banques centrales, la Chine et l’Inde sont de loin les plus grands consommateurs privés. Ces derniers temps, la demande en Chine a été soutenue en partie par les incertitudes qui minent le secteur de l’immobilier. Enfin, au niveau des entreprises, un géant du luxe comme Richemont achète environ 40 tonnes d’or chaque année pour alimenter ses différentes marques.

    Selon vous, quels principaux facteurs vont déterminer l’évolution du cours de l’or ?

    Les tensions géopolitiques et les incertitudes économiques devraient continuer à influencer l’or. Les politiques économiques inflationnistes, notamment aux États-Unis, où la machine à billets tourne à plein régime pour financer les déficits, devraient également soutenir la demande. Si les États-Unis flirtent avec des déficits de 8 % et que les économies européennes continuent de dépenser pour rester compétitives, l’or devrait tirer son épingle du jeu. Avec les politiques de relance en Chine et l’imprévisibilité qui règne en ce moment, l’or pourrait dépasser les 3’000 dollars l’once dans les deux prochaines années, voire même cette année.

    Enfin, comment le marché de l’or se compare-t-il aux autres marchés financiers ?

    Les échanges mondiaux d’or, entre les marchés au comptant, les contrats à terme et les transactions physiques, représentent environ 100 à 150 milliards de dollars au quotidien. En comparaison, les échanges sur les marchés actions sont d’environ 150 à 200 milliards de dollars à l’échelle mondiale. L’or représente donc un marché immense, crucial tout autant pour les investisseurs privés que pour les banques centrales. C’est un marché très liquide, qui joue un rôle déterminant dans la diversification des portefeuilles, surtout en période d’incertitude économique. Pour paraphraser John Pierpont Morgan « Gold is money, everything else is credit ».

    Frédéric Dawance

    De Pury Pictet Turrettini

    Frédéric a rejoint de Pury Pictet Turrettini en 2016. Il participe activement à la gouvernance de la société en siégeant au sein du comité de direction, de stratégie et d’audit. Il a débuté sa carrière chez Pictet à Genève, puis chez CSFB à Zurich et à Londres, ainsi que chez Exane à Paris. Après deux ans en tant que CFO d’une société technologique, il a rejoint Lombard Odier & Cie en 2004, d’abord en tant que responsable du trading, puis en tant que co-responsable des produits d’investissement et enfin en tant que responsable d’un important groupe de banquiers privés. Frédéric est titulaire d’un diplôme HEC de l’Université de Saint-Gall et d’une maîtrise en économie de l’Université de Cologne.

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      Treasuries

      Solutions d’investissement

        • Connor Fitzgerald
        • Fixed income portfolio manager
        • Wellington Management

      Bons du Trésor américain : un atout stratégique face à la volatilité du marché

      Bien qu’il existe une multitude d’instruments obligataires plus complexes, proposant des rendements plus élevés, les bons du Trésor américain constituent toujours un élément clé dans portefeuille obligataire. Pour des raisons structurelles, ainsi que l’explique Connor Fitzgerald.

      En raison de leur stabilité par rapport à d’autres instruments de revenu fixe, les bons du Trésor américain peuvent servir à la fois de couverture contre l’exposition au risque de crédit et de source de liquidité efficace. Cela est particulièrement utile en période de volatilité, lorsqu’ils sont plus facilement négociables que les instruments de crédit.

      Dans ces moments-là, les investisseurs ont tendance à se tourner vers des actifs refuges, ce qui entraîne une hausse de la demande pour les Treasuries. Cela étant dit, il est préférable de les intégrer à un portefeuille avant que la volatilité ne frappe. Si un portefeuille obligataire détient déjà ces titres lors d’un choc de marché, les investisseurs peuvent ajuster leurs allocations de manière dynamique. Ils évitent ainsi la ruée vers les obligations d’État et se retrouvent en mesure de réaliser des transactions à des niveaux potentiellement plus attractifs des deux côtés du marché.

      Plusieurs facteurs laissent penser que 2025 pourrait être une année marquée par la volatilité, ce qui en fait un moment opportun pour considérer le rôle des bons du Trésor américain dans un portefeuille obligataire. Ces bons forment la catégorie d’actifs la plus abondante sur les marchés obligataires mondiaux, avec plus de 19’000 milliards de dollars en circulation à fin 2024.

      Concernant ces titres, la duration est un facteur clé. Par rapport à l’an passé, les conditions de marché se sont améliorées pour les bons du Trésor de cinq à dix ans. Ces obligations offrent une opportunité intéressante en termes de rendement total ajusté au risque par rapport aux durations plus courtes ou plus longues. Une duration plus courte expose les investisseurs au risque de sous-estimer la volatilité des prix, tandis qu’une duration plus longue est plus sensible aux variations des taux d’intérêt et aux attentes en matière d’inflation.

      Fin 2023, les taux directeurs étaient plus élevés et la courbe des taux était plus plate. Il était donc difficile d’intégrer des Treasuries à un portefeuille obligataire, car l’extension au-delà des courtes durations n’apportait que peu d’avantages aux investisseurs.

      A présent, les taux directeurs ont baissé, et les obligations de maturité intermédiaire (cinq à dix ans), auparavant moins attractives, le sont devenues. Comme ces titres offrent un équilibre optimal entre rendement et duration, et que les conditions de marché actuelles ainsi que nos perspectives à court et moyen terme sont favorables, il n’y a pas besoin d’en augmenter encore la duration.

      Les bons du Trésor américain sont essentiels dans un portefeuille obligataire. Ils sont plus liquides que d’autres types d’obligations et permettent de couvrir le risque de crédit. Actuellement, les conditions de marché leur sont favorables. Il existe un argument solide en faveur de cette classe d’actifs, qui peut être exploitée plus efficacement via une gestion active plutôt que passive. En s’émancipant d’un simple suivi d’indice, les investisseurs pourraient mieux positionner leurs allocations de manière dynamique, en alternant entre bons du Trésor et autres obligations selon les opportunités, afin de tirer parti des inefficiences du marché et de générer du revenu.

      Connor Fitzgerald

      Wellington Management

      Connor Fitzgerald est gestionnaire de portefeuille pour les stratégies Intermediate Credit et Credit Total Return chez Wellington Management. Il gère également les stratégies Long Credit, Core Bond et Core Bond Plus. Basé à Boston, il est membre de l’équipe US Investment Grade Credit et du Corporate Strategy Group. Avant de rejoindre Wellington Management en 2015, il était gestionnaire de portefeuille chez BlackRock. Connor Fitzgerald a commencé sa carrière chez Lehman Brothers en 2006, avant de rejoindre R3 Capital Management en 2008. Il est diplômé de Bowdoin College et détient également la certification CFA.

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        Perspectives 2025

        Solutions d’investissement

          • Interview Emmanuel Petit
          • Directeur de la gestion obligataire
          • Rothschild & Co Asset Management

        « De nouvelles baisses de taux difficilement envisageables pour la Fed »

        En 2025, une forte désynchronisation entre les économies et les politiques monétaires semble se profiler entre les Etats-Unis et l’Europe. Selon Emmanuel Petit, la bonne performance du marché du crédit dépendra dès lors du bon alignement des politiques monétaires avec l’environnement macroéconomiques propre à chaque région.

        Par Jérôme Sicard

        Quels éléments marquants retenez-vous de 2024 ? 

        Le pivot des banques centrales, avec l’initiation d’un cycle de baisse des taux, reste l’élément majeur de 2024 pour les marchés de taux. Cet ajustement s’est concrétisé dans un contexte où l’inflation, bien qu’en recul, reste encore éloignée de la cible des 2 %. Néanmoins, en dépit de leur décalage, les politiques monétaires de la Fed et de la BCE ont convergé dans la même direction. L’anticipation de ces mouvements par les investisseurs a permis aux marchés de réagir positivement tout au long de l’année. L’incertitude s’est toutefois accentuée au cours du dernier trimestre. L’élection de Donald Trump a engendré une divergence dans les anticipations de part et d’autre de l’Atlantique. Cette situation s’est traduite par une hausse des taux longs aux États-Unis, portée par des promesses de relance économique, quand, en Europe, les taux courts ont baissé sous l’effet de craintes liées à une croissance affaiblie.

        Quelles en ont été les conséquences ?

        Ce sont deux causes distinctes qui ont pourtant engendré les mêmes effets, une pentification modérée des courbes de taux dans chacune des zones. Dans l’ensemble, les banques centrales ont réussi à maintenir un équilibre relatif en 2024. Cependant, des perspectives de dynamiques économiques très distinctes de part et d’autre de l’Atlantique semblent s’esquisser pour 2025. L’année s’achève sur une forte instabilité politique en Europe et, si les urnes ont d’ores et déjà rendu leur verdict aux États-Unis, l’impact des mesures potentiellement mises en œuvre par l’administration Trump pourrait accentuer ces divergences.

        Sur quel scénario central tablez-vous pour 2025 ?  

        Nous nous attendons à une désynchronisation des économies et des politiques monétaires de part et d’autre de l’Atlantique en 2025. Les banques centrales semblent maintenir le cap et les courbes de taux poursuivent leur pentification avec un accroissement du risque sur les taux longs. En se fiant aux anticipations de marché, avec quatre baisses de taux actuellement envisagées, la tendance européenne s’est alignée à la dynamique américaine. Le taux terminal de la BCE pourrait donc se situer au-delà des 2 %.

        Il est toutefois probable que cette dernière soit contrainte d’adopter un rythme plus soutenu. La croissance reste bien évidemment sa principale préoccupation, alors que les incertitudes politiques continuent de peser, au même titre que les velléités protectionnistes du nouveau président américain. Aux États-Unis justement, il paraît difficilement envisageable pour la Fed de procéder à de nouvelles baisses de taux, notamment en raison des risques inflationnistes liés au programme de la future administration américaine. La banque centrale est, jusqu’à présent, parvenue à rapprocher l’inflation de la cible sans engendrer de récession, concrétisant le scénario quasi-idyllique « d’Immaculate Disinflation ». Il semble probable que le taux neutre puisse désormais se situer à un niveau plus élevé qu’elle ne l’envisageait auparavant.

        Comment prendre ses marques dans un tel environnement ?

        Le marché du travail sera à scruter de près, de même que l’impact des mesures promises par le candidat Trump. On ne peut exclure que la banque centrale américaine soit amenée à remonter ses taux courant 2025. Cette nouvelle année devrait néanmoins s’inscrire dans la continuité de 2024 avec une pentification progressive des courbes de taux. L’agilité sera la clé tant les opportunités pourraient émerger d’événements et décisions aux effets contradictoires selon les zones.

        En somme, la bonne tenue du marché du crédit reposera sur le bon alignement des politiques monétaires avec l’environnement macroéconomiques propre à chacune. Dans ce contexte, la flexibilité affichée par la Fed contraste avec l’apparente rigidité du calendrier de la BCE. Toutefois, au regard des fondamentaux actuels, la classe d’actifs continue de bénéficier d’un attrait certain. Nous restons attentifs à la cyclicité de nos positions et à la qualité de crédit en général. Si les valorisations de certains segments peuvent paraître élevées, nous les estimons justifiées au regard des fondamentaux et tant que l’environnement macroéconomique ne se dégrade pas.

        Quels vents contraires – ou favorables – avez-vous identifiés ?  

        Parmi les vents contraires, la donne politique reste la principale source d’inquiétude. Les élections anticipées en Allemagne et un contexte gouvernemental fragile en France pèsent sur la croissance déjà atone des deux principaux moteurs de la zone euro. D’autant que les mesures promises par Donald Trump – baisse de la fiscalité, lutte contre l’immigration et hausse des tarifs douaniers – sont de nature à enfoncer l’Europe afin de dynamiser l’économie américaine. Ces mesures comportent, en outre, un risque inflationniste qui ne doit pas être négligé.

        A quoi s’attendre de la part de la Fed ?

        La Fed pourrait alors être écartelée entre ses deux principales préoccupations : l’inflation et l’emploi. Le marché du travail commence d’ailleurs à envoyer des signaux contradictoires, alors que la volonté affirmée par Donald Trump de réduire l’immigration pourrait accentuer les tensions et renforcer l’inflation salariale. Un retour de l’inflation contraindrait la Fed à remonter ses taux, engendrant de l’instabilité au sein du marché du crédit. Certains éléments demeurent néanmoins porteurs. L’environnement économique reste favorable à la classe d’actifs. Bien qu’en absolu les rendements soient inférieurs à ceux des années passées, en relatif, ils s’avèrent plus attractifs que ceux des actifs monétaires. Les flux devraient, par conséquent, se maintenir. Par ailleurs, face aux fortes incertitudes de la période, la classe d’actifs fait preuve d’une résilience remarquable. De plus, la capacité des banques centrales à opérer les ajustements nécessaires et à se rapprocher de leur cible d’inflation a permis d’assurer une relative stabilité au sein des marchés. On peut espérer qu’elles poursuivent dans cette voie.

        Emmanuel Petit

        Rothschild & Co Asset Management

        Emmanuel Petit a débuté sa carrière en 1998 chez HSBC Asset Management comme analyste dans le domaine de l’attribution de performances AIMR-GIPS puis il est devenu analyste crédit en 2001. En 2006, il rejoint Rothschild & Co Asset Management en tant que gérant obligataire sur les obligations privées. Il en est responsable de la gestion obligataire depuis 2011. Emmanuel est diplômé d’un mastère spécialisé en Finance d’entreprise et membre de la SFAF (Société Française des Analystes Financiers).

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          Quel est votre scénario central pour 2025 ?  

          Nous abordons l’année 2025 avec un positionnement résolument prudent, et nous n’avons pas l’intention de nous réexposer au risque de manière significative dans le contexte actuel. Les répercussions de l’année électorale qui vient de s’écouler, à l’échelle mondiale, associées à un second mandat de Donald Trump aux États-Unis, amplifient les incertitudes autour de l’inflation, de la croissance et des échanges commerciaux. En parallèle, les investisseurs doivent naviguer dans un environnement marqué par une nouvelle réalité géopolitique, des évolutions dans les chaînes d’approvisionnement et l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle. Dans ce contexte nous restons convaincus que des opportunités demeurent.

          Où voyez-vous ces opportunités ?

          Aux États-Unis, le marché actions reste attractif grâce à une croissance économique solide, des bénéfices robustes et une forte innovation. Bien que les flux restent concentrés sur les Magnificent Seven, d’autres opportunités existent, notamment dans les valeurs bancaires qui devraient bénéficier de la déréglementation promise. Au niveau des résultats des entreprises, les attentes de croissances de bénéfices extrêmement forte, autour de 15 %, sont à surveiller. Une déception des investisseurs pourrait entraîner un mouvement de vente important.

          En Europe, malgré les freins liés à l’énergie, à l’instabilité politique et à une faible productivité, des opportunités se trouvent dans les secteurs de la santé, des industries et du luxe, portés par des entreprises compétitives à l’échelle mondiale. Il est difficile de considérer les pays émergents comme un bloc homogène, tant leurs particularités économiques diffèrent. Néanmoins, dans l’ensemble, la croissance a montré une résilience notable, et l’inflation s’est nettement repliée par rapport aux sommets atteints en 2022.

          Et qu’en est-il de la Chine plus particulièrement dans ces marchés émergents ?

          En Chine, malgré des mesures de relance importantes, le Parti peine à dynamiser sa demande intérieure. Les annonces d’assouplissement monétaire de novembre ont déçu, mais le gouvernement conserve une marge de manœuvre pour augmenter le déficit. La réélection de Donald Trump et la menace de nouveaux droits de douane pourraient accentuer cette pression, obligeant Pékin à privilégier la consommation intérieure face à un environnement exportateur plus difficile. Nous conservons notre volonté d’être exposé à la consommation locale en Chine et, plus globalement, en Asie et en Amérique Latine. En conclusion, notre scénario est celui d’un environnement incertain, où les défis liés à la géopolitique, à l’inflation et à la croissance coexistent avec des opportunités, notamment dans des secteurs spécifiques parfois délaissés et des marchés régionaux résilients.

          Dans l’environnement actuel, à quels vents favorables, ou contraires, vous attendez-vous ?

          En 2025, plusieurs éléments clés pourraient influencer les marchés. Parmi eux, la divergence des politiques monétaires entre la Fed et la BCE. La Fed pourrait maintenir des taux élevés pour contenir une inflation stimulée par la politique expansionniste de Donald Trump, tandis que la BCE pourrait adopter une posture plus accommodante pour soutenir une croissance morose en Europe. Les 100 premiers jours du président américain seront décisifs : ses baisses d’impôts et les déréglementations promises pourraient stimuler la croissance à court terme, mais un protectionnisme accru risque de freiner l’économie et d’exacerber l’inflation.

          La perspective d’un dollar fort pourrait peser sur les exportations américaines et mettre en difficulté les économies émergentes endettées en dollars. Parallèlement, la mode de l’intelligence artificielle concentrant les flux boursiers est à surveiller. Une correction significative est à craindre en cas de déception des investisseurs quant à la capacité des entreprises à transformer concrètement cette technologie en résultats. De plus, le développement de l’IA pose des défis énergétiques de par sa forte consommation. Du côté de l’Asie, la Chine doit recentrer sa croissance sur la demande interne pour compenser un environnement commercial international plus difficile. Enfin, à l’échelle mondiale, l’augmentation des dettes publiques reste un défi majeur, avec un déficit budgétaire américain de 6,3 % du PIB en 2024 et une dette globale mondiale atteignant 93 % du PIB.

          Yoann Ignatiew

          Rothschild & Co Asset Management

          Yoann Ignatiew est responsable du pôle de Gestion Actions Internationales et Diversifiée chez Rothschild & Co Asset Management. Il est également gérant de portefeuilles et membre du comité exécutif. Avant d’intégrer Rothschild & Co Asset Management en 2008, Yoann Ignatiew a travaillé successivement chez CCF, Morgan Stanley, Ixis AM et Banque Privée Saint Dominique d’actifs. Chez Rothschild & Co Asset Management il gère notamment R-co Valor, depuis 2008, R-co Gold Mining, depuis 2012, R-co Valor Balanced, depuis 2018 et R-co Valor 4Change Global Equity, depuis 2021. En 2023, il a été nommé associé-gérant de et il est devenu en 2024 responsable du pôle Gestion Actions Internationales et Diversifiée. Yoann Ignatiew est diplômé du master Monnaie, Finance de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

           

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            Hedge Funds 2025

            Solutions d’investissement

              • Interview Cédric Dingens
              • Head of Investment Solutions and Alternative Investments
              • NS Partners

            « La demande pour des stratégies plus sophistiquées, génératrices d’alpha, va croître encore »

            Après avoir dressé la semaine passée le bilan des hedge funds pour 2024, Cédric Dingens présente ici ses perspectives pour 2025 et détaille les stratégies qui affichent les meilleurs potentiels dans un secteur en plein évolution.

            Par Jérôme Sicard

            Pour l’année qui vient, où pensez-vous qu’il soit envisageable d’aller chercher de l’alpha ?

            Les stratégies global macro vont continuer à tirer leur épingle du jeu même si cela ne va pas être un long fleuve tranquille. Les stratégies « relative value » sur les taux n’ont pas bien fonctionné cette année et je pense qu’elles devraient reprendre des couleurs en 2025. La combinaison endettement élevé + incertitudes politiques dans certains pays est propice à des mouvements de taux abruptes. En outre, les spreads de crédits ayant atteint des niveaux proches des plus bas historiques dans un contexte de ralentissement économique en Europe, les stratégies « credit long/short » devraient offrir des performances ajustées au risque intéressantes. De manière générale, les ingrédients sont réunis pour que les hedge funds continuent à bien performer : des taux d’intérêts normalisés, une forte dispersion sectorielle et géographique et une volatilité soutenue des différentes classes d’actifs.

            A quoi ressemble aujourd’hui l’univers des hedge funds ?

            Avec plus de 4’500 milliards de dollars d’actifs, l’univers des hedge funds est dense, varié et intéressant. Les plateformes multi-gérants ont attiré beaucoup d’actifs ces trois à quatre dernières années pour représenter aujourd’hui plus de 20% de l’industrie. Elles allouent de plus en plus de capital à des gérants externes, avec une force de frappe qui n’a jamais été aussi grande dans l’histoire. En témoignent les termes de liquidité plus restrictifs imposés aux investisseurs – on peut y voir ici une forme de convergence entre le monde des hedge funds et le private equity – et les structures de frais « pass-through expenses ». Sur ce dernier point, les investisseurs remboursent directement certaines dépenses spécifiques liées à la gestion et au fonctionnement du fonds, en plus des frais traditionnels de gestion et de performance. La raison est simple : attirer les meilleurs traders. Au final, l’objectif est de bien évaluer si le jeu en vaut la chandelle.

            Mais ne nous y trompons pas, nous trouvons des gérants de grande qualité à forte valeur ajoutée dans tout type de stratégie – global macro, equity long/short, event-driven, credit long/short, systematic – avec des tailles diverses. La culture d’entreprise est importante pour que les traders puissent s’épanouir. La connaissance de l’écosystème et la recherche demeurent des éléments clés pour construire un portefeuille de qualité.

            Comment voyez-vous évoluer cet univers?

            L’industrie des hedge funds est relativement mature mais en constante évolution. Je la vois évoluer favorablement pour plusieurs raisons.

            D’abord, nous avons beau constater l’inexorable ascension de la gestion passive et qui se justifie à bien des égards, la demande pour des stratégies plus sophistiquées, génératrice d’alpha et offrant un « confort psychologique » plus grand va continuer à croître. Les clients privés d’une certaine taille ont en général une allocation en gestion alternative.

            Deuxièmement, sans préjuger de l’évolution des marchés actions, nous sommes désormais dans un « bull market » qui dure depuis plus de 10 ans. L’histoire nous a montré que des cycles existaient et que nous ne sommes pas à l’abri d’une période plus compliquée. De plus, une bonne partie des stratégies ont un profil qui représente une alternative intéressante à une allocation obligataire et les taux courts sont plutôt sur la pente descendante.

            Enfin, la réglementation a été une crainte plus prégnante ces dernières années. Néanmoins, l’élection de Trump aux États-Unis et la nomination au poste de secrétaire du Trésor américain de Scott Bessent – un hedge fund manager qui a fait une bonne partie de sa carrière chez George Soros et que nous connaissons bien – va dans le bon sens.

            En fin de compte, c’est une question de philosophie d’investissement et de savoir si nous souhaitons avoir un portefeuille activement géré en termes de risque ou pas. Par ailleurs, l’alignement d’intérêt reste la pierre angulaire de tout investissement en hedge funds.

            Comment les gérants alternatifs cherchent-ils à innover aujourd’hui pour conserver leur dimension « high tech » ?

            Ils n’hésitent pas à se doter des meilleures infrastructures IT/Cloud pour leur environnement de travail. Posséder un système IT performant donne un accès aux données en temps réel, une capacité de modélisation, d’exécution et de gestion du risque optimal.

            Les hedge funds ont été parmi les précurseurs de l’exploitation des Big Data et notamment de données alternatives innovantes afin de pouvoir identifier des tendances avant les autres dans le marché. C’est une course contre la montre et la recherche permet de faire la différence. Alors qu’ils ont subi une concurrence farouche de la part des sociétés tech pour attirer les meilleurs talents – les geeks d’entre les geeks ! – la tendance est désormais plus à la collaboration.

            Enfin, l’émergence de l’IA permet un gain de temps et donne une capacité d’analyse supérieure dans des ensembles de données complexes. Les algorithmes d’apprentissage automatique aident à modéliser et tester différentes stratégies en temps réel, améliorant la prédictibilité des mouvements de marché.

            Cédric Dingens

            NS Partners

            Cédric Dingens dirige le pôle « Investment Solutions & Institutional Clients » de NS Partners. Cédric a débuté sa carrière à la Banque du Luxembourg en 2001. L’année suivante, il a rejoint Notz Stucki à Luxembourg en tant que gestionnaire de portefeuille. Il a développé le cadre interne de gestion des risques quantitatifs avant d’être nommé responsable de la gestion des risques à Genève en 2010, puis d’être promu à son poste actuel en 2016. Il est titulaire d’un diplôme en finance quantitative de l’École nationale supérieure des mines de Nancy (France) et détient la certification Chartered Alternative Investment Analyst.

             

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