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Philipp Leibundgutt & Patric Käser
Briese Schiffahrt
« Contre toute attente, la crise du covid a remis le transport maritime sur la bonne route. »
Longtemps fragilisé par la surcapacité et la pression sur les taux de fret, le transport maritime s’est réinventé ces dernières années. Briese Schiffahrt, qui transporte une éolienne sur deux dans le monde, illustre cette mutation : renouvellement de flotte, efficacité énergétique et montée en puissance du project cargo. Patric Käser et Philipp Leibundgut en livrent ici leur analyse.
Par Jérôme Sicard
Comment le transport maritime a-t-il évolué au cours de la dernière décennie, de part et d’autre du COVID?
Au début des années 2010, le secteur a connu une vague massive de constructions de navires, bien au-delà des besoins réels. Il en a résulté une surcapacité chronique et des tarifs de transport durablement déprimés. Le ralentissement du commerce mondial n’a fait qu’aggraver cette pression, entraînant une série de faillites, de rachats et de consolidations.
Et puis le Covid est arrivé. Contre toute attente, la crise a redonné de l’air à l’industrie. L’encombrement des ports et la désorganisation des chaînes logistiques ont fait exploser les taux de fret, provoquant ainsi une forme de rééquilibrage brutal mais salutaire.
Depuis, le paysage s’est transformé. Le secteur s’est consolidé, les acteurs restants sont financièrement solides et se mettent à réinvestir. Pour eux, l’enjeu désormais est de renouveler les flottes, améliorer l’efficacité opérationnelle, et réduire les consommations de carburant.
Quelles grandes tendances façonnent actuellement le secteur?
Pendant plusieurs années, la priorité a été relativement claire. Il fallait investir « vert », à tout prix. Une injonction compliquée à suivre pour le transport maritime, où le fioul lourd reste, pour l’instant, incontournable. Les batteries? Dans l’immédiat, elles produisent trop peu d’énergie par volume. Il en va de même pour l’hydrogène. Il s’en est suivi une course aux solutions alternatives — parfois innovantes, souvent gadgets — comme les voiles rigides ou les scrubbers, qui n’ont pas tenu leurs promesses.
Aujourd’hui, nous revenons à l’essentiel. La tendance est à l’efficacité. Briese Schiffhart conçoit et commande des navires nouvelle génération, plus sobres, mieux conçus, sans technologies superficielles. Ils consomment jusqu’à 35 % de carburant en moins et embarquent 20 % de cargaison en plus. C’est simple, concret, mesurable.
Dans cette industrie, quel positionnement revendiquez-vous?
Dans de nombreux secteurs du shipping, l’armateur n’est guère plus aujourd’hui qu’un chauffeur Uber de luxe. Les grands groupes qui contrôlent les flux – Glencore, Cargill, Maersk -cherchent toujours l’opérateur le plus vulnérable, celui qui acceptera le tarif le plus bas. Difficile, dans ce contexte, de générer de la valeur.
Briese Schiffhart suit une autre approche. Notre activité est centrée sur le project cargo et le transport de pièces lourdes – autrement dit, sur des cargaisons industrielles spécialisées. L’environnement est tout autre. Nous travaillons en relation étroite avec des groupes comme GE, Vestas ou Shell, avec qui nous entretenons des relations de long terme. Ces clients réservent leurs capacités de transport bien en amont, et concentrent leurs flux sur un nombre restreint de transporteurs agréés. Nous profitons ainsi d’une visibilité renforcée, d’une planification fiable, et de taux de fret beaucoup moins volatils.
Vous-mêmes, comment avez-vous abordé le renouvellement de votre flotte?
Briese Schiffahrt occupe une place de leader sur ce secteur du project cargo et du transport de pièces lourdes. Nous avons donc pu entamer notre cycle de renouvellement dans de bonnes conditions financières. Cela nous a permis d’agir tôt, en passant commande auprès des chantiers navals à des conditions particulièrement attractives — un avantage dont nos investisseurs, qui participent au financement des navires, ont beaucoup profité.
Aujourd’hui, nous avons réalisé environ la moitié de notre programme. Le reste suivra dans un second temps, lorsque le marché offrira à nouveau de bonnes opportunités. Et il se pourrait bien que la guerre commerciale relancée par Donald Trump joue, cette fois, en notre faveur.
Comment avez-vous défini votre modèle d’investissement pour accompagner ce renouvellement permanent?
Le renouvellement en continu nous a poussés à adapter notre approche vis-à-vis des investisseurs. Lancer un fonds et l’investir rapidement n’aurait pas de sens. C’est pourquoi nous avons mis en place un modèle souple : les investisseurs participent navire par navire, selon les opportunités.
Ce qui fait notre singularité, c’est que la famille Briese investit un dollar pour chaque dollar apporté par un investisseur externe. Ce mécanisme aligne parfaitement les intérêts et élimine les conflits potentiels.
À quoi ressemblent les navires de dernière génération?
Les évolutions sont progressives, car un navire reste en service environ 25 ans. L’un des changements les plus visibles concerne la position de la passerelle, désormais placée à l’avant. Nous pouvons ainsi charger des volumes bien plus importants sur le pont principal, sans gêner la visibilité depuis le poste de pilotage. Pour nous, il s’agit d’une avancée stratégique dans la mesure où près de la moitié des éoliennes installées dans le monde transitent sur nos navires. Avec ce nouveau design, un navire de même taille peut embarquer environ 30 % de pales supplémentaires. Côté propulsion, les moteurs sont désormais entièrement gérés électroniquement – non plus par contrôle mécanique – ce qui améliore considérablement le rendement énergétique.
Comment se fait-il qu’une éolienne sur deux dans le monde soit transportée par Briese?
Avec 130 navires en propre, auxquels s’ajoutent régulièrement une quarantaine d’unités affrétées, nous opérons la plus grande flotte de notre secteur à l’échelle mondiale. Ce volume nous permet de générer d’importantes économies d’échelle, à tous les niveaux, depuis la manutention jusqu’au pilotage des coûts.
Dans un marché de l’éolien marqué par une concurrence féroce, notre capacité à offrir un service fiable, à un prix compétitif, fait forcément la différence. Ce positionnement — difficile à répliquer — constitue pour Briese Schiffahrt ce que Warren Buffett appelle un moat, une sorte de douve, de fossé défensif, qui nous protège durablement.
En quoi votre métier a-t-il le plus changé ces dernières années?
Avec le temps, les marins européens ont progressivement laissé la place à des officiers russes et ukrainiens sur la passerelle, et à des équipages philippins sur le pont. C’est un métier toujours aussi exigeant, avec de longues heures de travail. Là-dessus, les choses n’ont pas vraiment changé.
Ce qui me frappe, en revanche, c’est le professionnalisme exceptionnel de nos marins russes et ukrainiens. Malgré la guerre, ils continuent de travailler côte à côte, sur le même navire, sans qu’aucune tension ne soit perceptible. C’est une sacrée leçon.
Quels rôles sont appelés à jouer le digital et l’IA dans un secteur vieux de plusieurs millénaires?
Il va de soi que l’intelligence artificielle est également un sujet au sein du groupe. Elle a déjà un impact tangible, qui va encore s’amplifier. Sur le plan technique, de plus en plus d’équipements sont supervisés ou contrôlés à distance. Cela nous permet de détecter les défaillances avant qu’elles ne surviennent, et d’améliorer la disponibilité opérationnelle de nos navires.
Côté navigation, les outils numériques ont aussi changé la donne. Les prévisions météo et l’analyse des courants sont nettement plus fines, ce qui nous aide à optimiser les routes et à réduire sensiblement la consommation de carburant.
A quels types de clients ou de projets donnez-vous la priorité?
Nous mettons en oeuvre des solutions pour acheminer tout type de cargaisons de projet ou de pièces lourdes, depuis et vers pratiquement tous les ports du monde. En raison des exigences particulières liées à ces marchandises, nous sommes fortement engagés dans le secteur de l’énergie – aussi bien dans l’industrie pétrolière et gazière traditionnelle que dans les énergies renouvelables, comme l’infrastructure éolienne et hydrogène. Parmi nos clients réguliers figurent notamment GE, Vestas, ABB et Siemens.
Nous assurons également des transports d’envergure pour l’industrie minière, qu’il s’agisse d’appareils de forage, de tombereaux géants ou d’autres infrastructures pour des entreprises telles que BHP, Rio Tinto ou Glencore. Nous convoyons aussi des trains entiers – par exemple pour Schindler –, des denrées alimentaires pour le Programme alimentaire mondial des Nations Unies, ainsi que des yachts, déplacés notamment de la Méditerranée vers les Caraïbes. À titre d’anecdote, l’un de nos navires, le BBC Pearl, a transporté le célèbre galion Black Pearl, de la saga Pirates des Caraïbes, jusqu’au plateau de tournage dans les Caraïbes.
Patric Käser
Briese Schiffahrt (Schweiz)
Patric Käser, économiste d’entreprise de formation, est le directeur et cofondateur de Briese Schiffahrt (Schweiz). Il conseille et accompagne les investisseurs professionnels dans leurs participations à des navires de fret de haute mer. Il a travaillé auparavant pendant plus de vingt ans dans la banque d’investissement d’UBS en Suisse et à l’étranger. C’est là qu’il a commencé à se passionner pour le secteur du transport et de l’expédition. Patric Käser est depuis longtemps membre de la commission économique de Spedlogswiss – Association suisse des transitaires et des entreprises de logistique.
Philipp Leibundgut
Briese Schiffahrt (Schweiz)
Philipp Leibundgut est président du conseil d’administration de Briese Schiffahrt (Schweiz). Il a commencé sa carrière chez Hansa à Baar. Il a rejoint ensuite la direction de Valartis Bank pour y piloter les activités de corporate finance, finance structurée et gestion de fonds. Il a cofondé également Eastern Property Holdings, une société immobilière cotée à la SIX, qu’il a suivie en tant qu’administrateur pendant plusieurs années. En 2016, il participe au démantèlement de Massoel Shipping à Genève et s’ouvre au secteur du transport maritime polyvalent. Il initie alors un partenariat avec Briese Schiffahrt, leader mondial du segment, afin de structurer une offre de co-investissement pour le marché suisse.
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Dans un marché de l’emploi plutôt poussif, les dynamiques salariales évoluent à plusieurs vitesses. L’intensification des exigences réglementaires tire la demande – et les rémunérations – pour les fonctions liées à la conformité et au contrôle. En parallèle, l’automatisation érode les métiers du support, tandis que l’IA redéfinit les besoins côté IT. Dans ce paysage en recomposition, de nouveaux profils apparaissent mêlant finance, technologie, data et durabilité.
Par Jérôme Sicard
Comment qualifieriez-vous l’état actuel du marché suisse?
Le marché suisse enregistre un ralentissement notable depuis deux ans, qui contraste avec la reprise post-Covid de 2022 et 2023. Nous observons un marché de l’emploi atone, particulièrement dans le secteur bancaire, en phase de consolidation. Les banques privées rationalisent leurs coûts tout autant que les gérants indépendants. À cela s’ajoute un contexte macroéconomique incertain, accentué par des tensions géopolitiques persistantes. L’économie suisse reste résiliente, mais le dynamisme de l’emploi marque clairement le pas.
Quelles sont les principales différences salariales entre Genève et Zurich?
Les salaires à Zurich sont historiquement plus élevés, avec un écart de 15% en moyenne par rapport à Genève. Cela s’explique par la taille du marché, la concentration des sièges sociaux, et un tissu économique plus dense. Cependant, le coût de la vie y est également plus élevé, même si les charges fiscales restent globalement plus faibles qu’en Romandie.
Et en termes de recrutement, les profils recherchés sont-ils différents d’une ville à l’autre?
Les profils sont assez similaires, mais Zurich bénéficie d’un volume d’opportunités plus importants lié à la taille d’un marché trois fois plus large que la place genevoise. La banque d’investissement et la gestion d’actifs sont beaucoup mieux implantées à Zurich, grâce à la proximité du SIX Swiss Exchange et à la forte concentration de grandes institutions financières.
À Genève, les recruteurs recherchent plutôt des profils orientés private wealth, avec une forte demande pour des private bankers, ou des wealth planners. À Zurich, la logique est tout autre. Les profils recherchés relèvent davantage du corporate banking, du sales & trading ou encore de la gestion de comptes clés dans un cadre institutionnel. La fonction de key account manager y prend plus d’ampleur.
Les fonctions liées à la banque d’investissement sont quasi exclusivement concentrées à Zurich et nous voyons aussi un découpage clair dans les fonctions de support. À Genève, on observe une demande ciblée sur le data management, en lien avec des structures souvent plus souples et intégrées. À Zurich, les recrutements portent plutôt sur des operations managers, des spécialistes post-trade, ou encore des collateral analysts, au service d’organisations plus imposantes.
Ces différences de profils reflètent deux cultures de place assez distinctes. Genève fonctionne sur des structures souvent plus petites, plus flexibles, avec une clientèle internationale et des circuits décisionnels courts. Zurich, en revanche, s’inscrit dans un univers de groupes institutionnels, aux organigrammes complexes, à la culture plus hiérarchique, où la spécialisation des rôles est la norme.
Quels sont en fait les profils les plus recherchés?
Les profils en conformité, KYC, et réglementation restent très demandés. Par ailleurs, les fonctions commerciales conservent une place centrale : banquiers privés, gestionnaires de fortune, Sales en private markets ou en asset management, avec une vraie demande sur les profils capables de générer du revenu.
Quelles fonctions étaient très demandées auparavant et le sont moins aujourd’hui?
Les fonctions de support – telles que le back-office, la gestion du fichier central – le sont aujourd’hui beaucoup moins, en grande partie en raison de l’automatisation et de la digitalisation croissante des process.
Quel impact a eu l’absorption de Credit Suisse par UBS?
Cette fusion a drainé un nombre significatif de candidats sur le marché – majoritairement en Suisse Allemande. Les autres banques privées, cantonales ou régionales, ont profité de cette opportunité pour récupérer aussi bien de nouveaux collaborateurs que de nouveaux clients. Certaines équipes entières ont ainsi changé d’établissement, permettant à des acteurs plus petits de gagner en parts de marché. A noter toutefois que l’organisation des ressources humaines chez Crédit Suisse n’est pas toujours facile à décrypter pour le marché de l’emploi, avec des postes très spécialisés et des intitulés parfois obscurs en dehors du cadre interne de la banque.
Quels profils ont le plus facilement rebondi?
Les profils front-office, notamment les banquiers privés, investment advisors et assistants de gestion ayant une relation forte avec leur clientèle. Ils ont rebondi rapidement, souvent en équipe ou grâce à leur réseau.
Quel rôle joue l’IA dans la transformation des métiers du back-office et de l’IT?
L’IA accélère une transformation déjà amorcée depuis une dizaine d’années. Les métiers du support – réconciliation, reporting, comptabilité des opérations… – tendent à se réduire. En IT, les profils évoluent vers des compétences en data, en cybersécurité, et en développement d’outils intégrant l’IA.
Certaines fonctions sont-elles menacées de disparition?
Oui, notamment celles qui reposent sur des tâches répétitives ou standardisables, comme dans le back-office ou le service client traditionnel. Ces activités sont de plus en plus remplacées par des solutions automatisées – chatbots, traitement algorithmique – ou délocalisées vers des centres d’externalisation à l’étranger, souvent dans des environnements à moindre coût. Le mouvement, déjà amorcé, est porté à la fois par la recherche d’efficience et par les évolutions technologiques.
Quels nouveaux profils vont apparaître?
De nouveaux profils hybrides entre finance, technologies, data et durabilité. Les data analysts, spécialisés par exemple dans les investissements et les technologies IA, sont promis à un bel avenir. L’analyse climat, la modélisation ESG ou la réglementation crypto font également émerger des compétences pointues et très recherchées. Ce sera également le cas dans l’analyse climat, la modélisation ESG ou la crypto.
Concrètement, les exemples se multiplient. Une grande banque suisse a récemment nommé un « digital banking lead » pour piloter le développement de son interface mobile nouvelle génération, dédiée aux clients fortunés. À Genève, plusieurs cabinets d’avocats financiers recrutent désormais des juristes spécialisés dans la régulation crypto, qu’il s’agisse du cadre MiCA ou des exigences FINMA. Toujours à Genève, une importante société de gestion est allée jusqu’à intégrer un data scientist pour affiner ses modèles de scoring ESG sur les actions cotées. Une autre banque privée a structuré une équipe ESG dédiée, avec notamment l’embauche d’une analyste climat chargée de modéliser l’empreinte carbone des portefeuilles d’investissement.
Quelles compétences les jeunes diplômés doivent-ils développer?
Des compétences techniques liées aux produits financiers, à la data et à la programmation, combinées à de solides compétences linguistiques, deviennent essentielles, notamment en Suisse, où le multilinguisme reste un véritable atout.
Il y a une prise de conscience réelle, et on observe une évolution positive des filières de formation, mais il reste encore du chemin à parcourir. Les universités et écoles suisses comme l’Université de Genève, HEC Lausanne, l’Université de Saint-Gall ou l’EPFL intègrent de plus en plus de modules en finance durable, en data science, ou en technologies financières. De nouvelles formations mixtes émergent également, mêlant finance et informatique, ou finance et développement durable.
Cela dit, la filière est encore en cours de structuration. Il existe parfois un décalage entre les compétences académiques et les attentes opérationnelles du marché.
Les employeurs investissent-ils suffisamment dans la montée en compétences?
Malheureusement pas assez, que ce soit pour former de nouveaux collaborateurs ou pour développer les connaissances des collaborateurs déjà en place. Il y a un vrai déficit de formation à l’entrée avec des apprentis de moins en moins nombreux dus à la consolidation des banques et des formations académiques supérieures souvent trop éloignées du champ pratique.
Nous voyons une pression constante sur la productivité et les résultats. Elle pousse certains employeurs à privilégier la rapidité d’intégration plutôt que le temps long nécessaire à la montée en compétences. Investir dans la formation est un levier essentiel pour créer de la valeur, mais cela suppose une vision à long terme et des moyens que toutes les entreprises n’ont pas, en particulier les PME, souvent moins bien armées que les grands groupes sur le plan budgétaire.
Les profils NextGen ont-ils des attentes différentes?
Clairement oui ! Ils recherchent avant tout du sens, de la transparence et une vraie stratégie d’entreprise. Les avantages extra-salariaux, la flexibilité, le temps partiel, les opportunités d’évolution et de formation de même que l’équilibre de vie sont des critères déterminants. Selon notre dernière étude, Talent Trends 2025, 87 % des jeunes talents placent la flexibilité au coeur de leurs priorités. Ils attendent de leur employeur des valeurs vécues – pas affichées – et surtout une culture fondée sur la confiance.
Julie Guittard
Michael Page
Spécialisée dans le recrutement au sein du secteur bancaire et des services financiers en Suisse romande, Julie Guittard est senior manager chez Michael Page. Elle a plus de 14 ans d’expérience dans la gestion de talents. Au cours de sa carrière, elle a dirigé des équipes et couvert un large éventail de postes dans les domaines du risque, de la conformité, de la finance, des investissements, des opérations et du front office pour des banques privées, des asset managers et des gestionnaires de fortune.
Mathieu Raynot
Michael Page
Diplômé d’un Master en Management, Spécialisation Négociation d’Affaires, Mathieu Raynot a rejoint la Division Banking & Financial Services de Michael Page à Genève en 2014. Onze années plus tard, il s’est spécialisé sur les métiers techniques en opérations, en risque & compliance, en investissement et en gestion de fortune pour une clientèle composée de banques privées, de sociétés de gestion, de family offices, d’assets managers, de trusts, de fintechs et d’acteurs de l’assurance. Il accompagne aujourd’hui tant des jeunes diplômés que des profils experts sur ces métiers de la finance, et intervient également dans des écoles et différents cercles économiques locaux.
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En repensant son infrastructure de base avec WIZE, Quilvest franchit une étape majeure dans sa transformation numérique. Ce nouveau core banking system de dernière génération redéfinit les standards du private banking : plus flexible, plus intégré et véritablement centré sur le client. Simon Gassmann, CIO et maître d’œuvre du projet, en livre une analyse détaillée et revient sur les choix qui ont guidé cette évolution.
Par Jérôme Sicard
Quelles motivations ont poussé Quilvest à remplacer son core banking system?
L’ancien système avait atteint ses limites naturelles. Il était fiable, mais rigide — une infrastructure pensée pour un monde qui n’existe plus. Pour une institution comme la nôtre, qui accompagne des clients sophistiqués, des familles multigénérationnelles et des structures transfrontalières complexes, cette rigidité était devenue un véritable frein.
Chaque nouvelle structure client, chaque exception nécessitait des contournements manuels. Cela reste gérable avec quelques centaines de portefeuilles, mais les inefficacités tendent à se multiplier dès que vous changez d’échelle, en raison des exigences réglementaires, opérationnelles et de reporting en constante hausse, Nous avons fini par comprendre que les améliorations à la marge ne suffiraient jamais à nous donner l’agilité nécessaire.
La question n’était donc pas « faut-il changer ? », mais « comment changer ? ». Nous avons choisi une voie ambitieuse : concevoir et construire un système sur mesure, depuis la base, qui reflète pleinement la manière dont Quilvest fonctionne et anticipe les besoins de ses clients.
Quelles fonctionnalités recherchiez-vous que les solutions existantes ne proposaient pas ?
Notre priorité absolue était la flexibilité. La plupart des systèmes standards fonctionnent bien pour la banque de détail ou la banque privée traditionnelle, mais ils peinent à gérer des structures multi-entités, multi-devises et multi-juridictions. Nous avions besoin d’une plateforme capable d’offrir une vision consolidée et en temps réel, couvrant les membres d’une famille, les trusts, sociétés et fondations, avec un haut degré de précision et de transparence.
Nous voulions également garder la maîtrise de nos données, de notre architecture et de notre feuille de route technologique. Les systèmes classiques enferment les institutions dans une dépendance aux fournisseurs et des cycles de mise à jour longs. Nous recherchions une plus grande liberté de mouvement pour adapter notre infrastructure,’y intégrer de nouveaux modules, API ou applications tierces au rythme de l’innovation.
L’expérience utilisateur était un autre critère essentiel. Nous avons donc misé sur la clarté et la simplicité : des interfaces épurées, une navigation intuitive, un accès direct aux informations pertinentes.
Enfin, l’intégration devait être totale. Le nouveau système devait dialoguer naturellement avec nos outils PMS, CRM, de conformité et de reporting. Il est en effet devenu impératif que les données puissent circuler automatiquement, sans double saisie ni information fragmentée.
Quels ont été les aspects les plus difficiles dans la création de ce core banking system à partir de zéro ?
Le principal défi n’était pas technique, mais culturel. Lorsque l’on annonce la construction de son propre core banking system, beaucoup pensent qu’une institution de notre taille n’en est pas capable. Il a fallu convaincre en interne, démontrer qu’agilité et taille peuvent être complémentaires.
Sur le plan technique, la difficulté résidait dans la hiérarchisation des priorités. Quand on part d’une feuille blanche, tout semble possible, mais il faut savoir se concentrer sur l’essentiel : les données clients, les transactions, les positions, les rapprochements et le reporting. Nous avons ensuite ajouté les modules étape par étape.
Nous avons adopté une approche agile : livraisons successives, boucles de retour d’expérience, et forte implication des utilisateurs de chaque département. C’était un facteur clé de réussite. Le projet n’a pas été imposé par l’informatique ; il a été construit par le métier, pour le métier.
Nous avons sans doute sous-estimé l’effort lié à la migration des données. Nettoyer, cartographier et valider des années d’historique est un chantier en soi. Mais une fois terminé, le bénéfice a été immense : exactitude, cohérence et traçabilité totale.
Quels éléments vous ont conduit à choisir WIZE comme partenaire ?
Nous avons évalué plusieurs options — fournisseurs traditionnels, fintechs modulaires et développement sur mesure. L’option WIZE est ressortie pour une raison simple : l’éditeur comprend véritablement les tenants et aboutissants d’una banque privée. Son équipe venait du monde de la gestion de fortune, pas de l’informatique générique. Cela a changé la donne. Dès les premiers échanges, ils ont saisi nos besoins : structures de comptes complexes, reporting consolidé, exigences de discrétion et de conformité.
Sur le plan technologique, leur plateforme était API-first et modulaire, parfaitement alignée avec notre vision à long terme. Nous voulions un système capable d’évoluer avec nous, pas de nous contraindre. WIZE offrait cette ouverture et cette évolutivité. Mais la vraie différence, c’était l’esprit du partenariat. Nous avons construit l’architecture ensemble, ligne par ligne. La confiance et la compréhension mutuelle ont été les fondations du projet.
Comment avez-vous convaincu votre conseil d’administration ?
Nous avons présenté une combinaison d’arguments stratégiques, opérationnels et financiers. Sur le plan stratégique, il s’agissait de reprendre le contrôle : devenir maîtres de notre propre infrastructure technologique. Sur le plan opérationnel, le nouveau système allait réduire drastiquement les interventions manuelles et le risque d’erreurs. Et, sur le plan financier, l’investissement initial important se justifie par ce qu’impliquait une plus grande efficacité : moins de maintenance, plus de productivité, et l’absence de licences coûteuses.
J’ai aussi insisté sur le fait que la technologie n’est plus une fonction de support : elle est devenue un facteur de différenciation. Les clients, les régulateurs et les collaborateurs attendent désormais transparence, rapidité et fiabilité. Une plateforme moderne soutient ces trois dimensions. Enfin, le partenariat avec un acteur expérimenté comme WIZE a rassuré le Conseil : il s’agissait d’un projet d’innovation maîtrisé, pas d’une aventure.
Qu’est-ce qui vous apporte le plus de satisfaction aujourd’hui ?
D’abord, la simplicité. Nous avons éliminé des couches de complexité et rendu nos processus beaucoup plus fluides. Les équipes peuvent se concentrer sur les clients, plutôt que sur les dysfonctionnements techniques. Ensuite, le sentiment d’appropriation : chacun perçoit ce système comme le nôtre, conçu pour nous et par nous. C’est extrêmement fédérateur.
Il y a aussi la fierté d’avoir transformé le scepticisme initial en engagement. Beaucoup de collègues, d’abord prudents, sont désormais les premiers à promouvoir le système et à proposer des améliorations. Quand la technologie devient partie intégrante de la culture de l’entreprise, c’est que le pari est réussi.
Combien de temps le projet a-t-il pris ?
Environ deux ans et demi, de la définition initiale à la mise en œuvre complète. La phase de migration, à elle seule, s’est étalée sur plusieurs mois et a nécessité un travail considérable.
Nous en avons profité pour nettoyer nos données et rationaliser nos structures de reporting. À bien des égards, cette migration a été aussi précieuse que le système lui-même : elle nous a obligés à repenser la manière dont nous structurons et livrons l’information à nos clients.
Aujourd’hui, avec la maturité acquise par la plateforme WIZE, si nous devions réimplémenter le système en ne conservant que la phase de migration, nous pourrions probablement achever l’ensemble du processus en moins d’un an.
En quoi ce nouveau système se distingue-t-il des solutions classiques ?
Les systèmes traditionnels sont transactionnels : ils enregistrent et stockent. Le nôtre est relationnel : il connecte, analyse et anticipe. Il ne se contente pas d’exécuter des opérations, il soutient la prise de décision. Les tableaux de bord en temps réel permettent par exemple aux relationship managers de visualiser instantanément les expositions, les performances et la liquidité, sur tous les comptes.
L’automatisation a également changé la donne : rapprochements, reporting et contrôles de conformité sont désormais largement automatisés. Ce qui prenait des heures de vérification manuelle se fait en quelques minutes. Et grâce à son architecture modulaire, le système évolue en continu – intégration de données ESG, suivi des marchés privés, reporting assisté par IA – sans refonte complète.
En résumé, nous sommes passés d’une infrastructure statique à un système vivant, qui évolue avec l’entreprise et avec nos clients.
En quoi cette transformation technologique constitue-t-elle un levier de croissance pour Quilvest ?
La technologie n’est plus un simple outil de support. Elle est devenue un véritable moteur de croissance. Ce nouveau système nous permet d’intégrer plus rapidement de nouveaux clients, de gagner en efficacité opérationnelle et d’offrir une qualité de service supérieure à moindre coût. C’est un avantage compétitif direct.
Mais au-delà de l’efficacité, il y a la perception. Les clients voient que nous investissons dans l’innovation, et cela renforce la confiance. Les jeunes générations, en particulier, attendent une transparence et une maîtrise digitale accrues. Cette nouvelle plateforme positionne Quilvest comme une institution moderne, agile,tournée vers l’avenir.
C’est aussi un levier d’attraction pour les talents. Les meilleurs professionnels veulent travailler dans un environnement où les outils les libèrent au lieu de les freiner. Ce projet envoie un signal fort : nous investissons dans l’avenir — le leur, comme celui de nos clients.
Simon Gassmann
Quilvest (Switzerland)
Simon Gassmann a débuté sa carrière comme développeur de logiciels avant de rejoindre Quilvest (Switzerland), où il a occupé diverses fonctions avant d’en être nommé Chief Information Officer en 2007. Responsable du département informatique, il agit également en tant que conseiller IT pour les différentes entités du groupe Quilvest. Il est titulaire d’un diplôme en informatique de la Haute école spécialisée OST.
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La digitalisation du secteur financier en Suisse, très en retard, se joue aussi sur la capacité des banques à repenser leur culture et leurs priorités. Pour Dorothée Borca Dumortier, elles doivent apprendre à fluidifier les parcours et à construire des expériences digitales cohérentes, transparentes sans friction. Dans un environnement où la rapidité, la personnalisation et la data redéfinissent les règles du jeu, elles sont désormais tenues de conjuguer agilité technologique et intelligence relationnelle.
Par Jérôme Sicard
Dans le récent classement mondial de Deloitte sur le digital et le secteur bancaire, la Suisse a chuté au 27e rang. Comment expliquez-vous ce recul alarmant ?
Ce classement reflète une réalité : la Suisse excelle peut-être dans les domaines de la sécurité et de la conformité, mais elle a tardé à investir dans l’expérience utilisateur et l’agilité technologique. Or, l’enjeu est colossal. D’ici 2048, ce sont environ 85’000 milliards de dollars qui vont être transférés entre générations. Les héritiers de ces fortunes ont des attentes radicalement différentes en matière d’expérience digitale. Les banques et institutions financières qui ne se transforment pas maintenant risquent tout simplement de louper le coche.
Dans quelle mesure le legacy des core banking systems freine-t-il la digitalisation des services financiers en Suisse ?
Il freine considérablement, mais pas de manière insurmontable. Le vrai problème n’est pas technique – il est selon moi plus culturel et organisationnel. Les banques doivent faire évoluer leur état d’esprit pour « raisonner client », en cherchant constamment à retirer toute friction dans le parcours, sans se laisser limiter par les contraintes techniques. Beaucoup de banques suisses manquent encore d’un processus end-to-end entièrement digitalisé pour l’ouverture de comptes, perdant des clients durant le tout le cycle onboarding. Trop d’institutions semblent attendre la solution parfaite plutôt que d’adopter une approche modulaire. Chez IG, nous avons fait le choix inverse : privilégier le progrès à la perfection, avec une architecture ouverte supportant des APIs sophistiquées, des protocoles multiples comme FIX ou Bloomberg EMSX, et une intégration progressive qui permet des solutions en temps réel. Le legacy se contourne par l’agilité et une approche pragmatique centrée sur l’expérience utilisateur.
Qu’est-ce qui distingue aujourd’hui les digital champions dans les services financiers, et plus particulièrement dans la gestion de fortune ?
Trois éléments font la différence : la rapidité d’exécution et de décision, la capacité à personnaliser l’expérience de chaque client grâce à une exploitation intelligente des données, et surtout, la création de cycles vertueux où chaque interaction génère de la valeur et renforce la relation client. Mais ce qui sépare vraiment les champions des autres, c’est leur proposition de valeur. Elle doit être claire, différenciante, et immédiatement perceptible par le client. Dans la gestion de fortune, ceux qui gagneront demain seront ceux qui orchestreront des écosystèmes digitaux où conseil, trading et analyse de données sont intégrés de manière fluide – tout en délivrant une expérience utilisateur irréprochable à chaque point de contact.
Vous-même IG Bank, où pensez-vous avoir pris le plus d’avance ?
Notre avance se situe dans deux domaines concrets. D’abord, l’exécution en temps réel. Nos clients tradent sur plus de 17’000 instruments financiers avec une latence minimale et une transparence sur les prix et l’exécution. Ensuite, l’innovation produit : nous développons actuellement une approche de segmentation client entièrement repensée, basée sur l’engagement réel plutôt que sur des critères statiques. C’est notre direction stratégique – créer une expérience qui évolue avec l’activité du client et qui récompense l’engagement, pas simplement le volume d’actifs.
Deloitte insiste sur la nécessité d’un « mobile-first mindset » et d’une expérience utilisateur « future proof ». Comment faut-il le comprendre ?
« Mobile-first » ne signifie pas simplement adapter un site web à un écran plus petit. C’est concevoir l’expérience complète pour des utilisateurs qui attendent une réactivité instantanée, une navigation instinctive, et surtout, une continuité parfaite entre mobile, desktop et API. « Future proof » signifie bâtir une architecture qui s’adapte aux comportements émergents – voice, AI agents, embedded finance – sans refonte complète à chaque innovation. L’embedded finance permet d’intégrer des services de trading directement dans d’autres applications, comme votre outil de gestion patrimoniale, sans jamais en sortir. Ces tendances continueront à se développer. Les banques doivent impérativement rester pertinentes face à une génération qui a grandi avec Netflix, Uber et Amazon.
Comment travaillez-vous concrètement sur la fluidité, la personnalisation et la conformité de vos parcours digitaux ?
Nous avons engagé un travail de fond sur trois axes simultanés, avec l’obsession de raisonner client. La fluidité d’abord. Nous avons lancé un processus de cartographie systématique de nos parcours clients pour identifier et éliminer les frictions. Notre démarche consiste à remettre en question chaque clic superflu, chaque formulaire redondant, chaque délai injustifié. Le client doit atteindre son objectif dans le minimum de temps et d’étapes possible. Ensuite la personnalisation. Nous travaillons sur la capacité à délivrer le bon contenu analytique au bon moment. Nos analystes produisent des contenus riches – analyses de marché, perspectives sectorielles, webinaires – et notre enjeu est de les acheminer de manière pertinente selon les intérêts et l’activité de chaque client. Enfin la conformité. Nous sommes en train d’accélérer nos processus digitaux KYC/AML, avec pour objectif de réduire les délais et la complexité pour le client tout en maintenant la rigueur réglementaire. Le défi est de transformer ce qui est perçu comme une contrainte administrative en une étape fluide du parcours client. C’est là que l’UX fait toute la différence.
L’étude Deloitte souligne également le rôle stratégique de la personnalisation dans la conversion des interactions digitales en revenus. Comment, chez IG Bank, abordez-vous la donnée client et l’intelligence artificielle pour y parvenir ?
Nous travaillons à développer une approche pragmatique et progressive. L’intelligence artificielle chez IG doit servir trois objectifs mesurables. L’anticipation du comportement client, l’optimisation des interactions, et la personnalisation de l’expérience. En tant que plateforme digitale execution-only, nous ne faisons pas de recommandations d’investissement, mais nous proposons un contenu analytique riche produit par nos analystes. L’IA nous permettra d’acheminer le bon contenu au bon moment – qu’il s’agisse d’analyses de marché, de webinaires ou d’insights sectoriels – pour que chaque trader puisse prendre ses décisions de manière informée. La clé n’est pas d’accumuler des données – c’est de construire les systèmes qui les transforment en actions commerciales concrètes générant des revenus mesurables, tout en renforçant la proposition de valeur perçue par le client.
Que faut-il changer rapidement pour que les gestionnaires de fortune en Suisse – banques privées, multi-offices, gérants indépendants… se découvrent enfin une vocation de « digital champions » ?
Le digital doit devenir une priorité stratégique au même titre que la performance des portefeuilles. Pour les gérants indépendants et family offices, cela signifie investir dans des solutions qui automatisent le reporting, simplifient l’agrégation des données et fluidifient la conformité. Tout ce qui libère du temps pour le conseil à haute valeur ajoutée.
Il faut repenser également les indicateurs de succès. Intégrer des KPIs centrés sur le client : Net Promoter Score, taux d’adoption des plateformes digitales, satisfaction par parcours. Ces métriques doivent être intégrées aux tableaux de bord stratégiques. Ce qui n’est pas mesuré n’est pas amélioré.
Enfin, il faut accepter qu’on ne peut pas tout construire seul. Le dilemme build versus buy doit être tranché pragmatiquement : développer les compétences cœur de métier, mais s’ouvrir massivement aux partenariats pour le reste. API banking, outils de visualisation patrimoniale, solutions de reporting enrichi – tout existe déjà.
L’urgence est là. La croissance explosive des néo-banques qui cassent les codes traditionnels montre que les attentes ont radicalement changé. Si l’industrie suisse ne se transforme pas dans les 2-3 prochaines années, ces capitaux migreront ailleurs. La Suisse a toujours su se réinventer – l’horlogerie l’a fait, la pharma l’a fait. La gestion privée en est capable aussi.
Dorothée Borca Dumortier
IG Bank
Forte de 20 ans d’expérience partagée entre banque privée et finance digitale, Dorothée Borca Dumortier est la CEO d’IG Bank., où elle pilote le développement et la vision stratégique de la banque. Elle en était auparavant la Chief Commercial Officer. Dans ces fonctions, elle a façonné la stratégie commerciale tout en renforçant l’expérience client et la performance organisationnelle.
Avant de rejoindre IG en 2020, Dorothée Borca Dumortier a évolué dans des postes de direction chez HSBC Private Bank — où elle s’est spécialisée dans la gestion de clients HNWI et institutionnels en Suisse, Europe, Royaume-Uni et Moyen-Orient — ainsi que chez Piguet Galland, où elle se consacrait aux Gérants Indépendants.
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Avec l’acquisition de la banque genevoise Thaler, Indosuez Wealth Management a franchi une nouvelle étape dans sa stratégie de développement. Plus qu’une opération de croissance externe, cette intégration illustre la volonté du groupe de renforcer sa présence en Suisse tout en élargissant sa base de clientèle à l’international, notamment au Benelux. L’essentiel étant, pour Isabelle Jacob-Nebout, de privilégier la cohérence du modèle.
Par Jérôme Sicard
Dans quel cadre stratégique s’inscrit l’acquisition de la banque Thaler ?
L’acquisition de Thaler s’inscrit dans une logique très claire de développement. Elle renforce notre présence à Genève et nous ouvre une clientèle de grande qualité, essentiellement au Benelux. Elle complète donc parfaitement notre dispositif actuel. Nous y voyons là un potentiel de croissance important. Cette opération vient dans le prolongement de l’acquisition de Degroof Petercam qui est désormais la marque sous laquelle nous opérons en Belgique. Nous ne cherchons pas à multiplier les acquisitions, mais à enrichir notre proposition de valeur pour nos clients. Thaler illustre cette approche : elle nous permet de consolider notre position en Suisse tout en préparant l’avenir avec une structure locale, forte et reconnue.
En dehors des trois milliards d’AUM, qu’apporte Thaler au dispositif existant d’Indosuez ?
La valeur de Thaler ne se résume pas à ses encours. La banque a su rassembler avec le temps une équipe de grande qualité, composée de professionnels expérimentés, très proches de leurs clients. Leur expertise est complémentaire à la nôtre et s’intègre parfaitement dans notre organisation. Thaler nous apporte aussi une culture entrepreneuriale et agile, qui est précieuse dans un marché aussi compétitif que le nôtre. De notre côté, nous apportons l’accès à toutes les possibilités offertes par les différents métiers et implantations du Groupe, ainsi qu’à notre offre Private Markets et nos capacités de financement.
Comment se conduit, concrètement, l’intégration d’une banque comme Thaler, que ce soit sur le plan culturel ou opérationnel ?
Intégrer une banque, ce n’est pas seulement une question de systèmes ou de processus, c’est avant tout une question de personnes. Nous avons choisi une approche progressive, en prenant le temps de comprendre la culture de Thaler et de préserver ce qui en fait la valeur. Pour les collaborateurs comme pour les clients, il est essentiel de sentir une continuité et une stabilité, même au cœur du changement. Sur le plan opérationnel, bien sûr, nous travaillons à harmoniser les systèmes informatiques, la conformité, les process de contrôle et de gestion. Mais nous veillons à ne pas détruire ce qui fait la spécificité de Thaler : sa proximité avec les clients, son agilité, sa rapidité de décision. Réussir une intégration, c’est justement trouver l’équilibre entre la robustesse d’un grand groupe et la souplesse d’une structure entrepreneuriale.
En dehors de la croissance externe, quels sont aujourd’hui les axes stratégiques sur lesquels vous articulez le développement d’Indosuez ?
Notre stratégie repose sur trois grands piliers. D’abord, la personnalisation et la proximité. La gestion de fortune reste avant tout une affaire de confiance et de relation humaine. Nous voulons que chaque client se sente écouté, compris et accompagné dans sa singularité. Ensuite, l’innovation et la digitalisation. Nos clients attendent des outils modernes, fluides et sécurisés, qui leur permettent de suivre et de gérer leur patrimoine avec simplicité, tout en donnant à nos conseillers les outils nécessaires pour les accompagner. Enfin, la durabilité. C’est au cœur de l’ADN du groupe Crédit Agricole, et cela répond à une attente forte de nos clients. Ils veulent que leurs investissements aient du sens, qu’ils soient alignés avec leurs valeurs, et nous devons leur proposer des solutions responsables, transparentes et performantes.
Quels sont les ambitions du groupe Crédit Agricole pour Indosuez ?
Elles sont importantes. L’objectif est d’en faire un acteur mondial dans la gestion de fortune, à partir d’un modèle solide et responsable. Ce qui implique une croissance sélective, une présence renforcée sur nos marchés clés comme la Suisse, mais aussi des investissements massifs dans la technologie, la digitalisation et les talents. Nous devons également nous montrer exemplaires sur la durabilité et les critères ESG, qui deviennent des facteurs de différenciation majeurs. Le Crédit Agricole est un actionnaire solide, qui nous apporte la stabilité et la vision à long terme qui sont indispensables pour porter ces ambitions. Du point de vue d’Indosuez, c’est une opportunité formidable de se développer tout en restant fidèle à nos valeurs.
Où en êtes-vous de votre progression sur le marché suisse ?
Il est au cœur de notre stratégie. Avec l’acquisition de Thaler, nous avons renforcé notre présence à Genève, mais nous investissons également à Lugano et à Zurich. Nous avons ainsi recruté récemment une équipe de six banquiers pour couvrir le marché tessinois. Ce sont trois pôles complémentaires, qui nous permettent de couvrir ce marché dans toute sa diversité, en adressant à la fois une clientèle locale et internationale. Nos intentions sont claires. Indosuez entend s’affirmer comme un acteur de premier plan en Suisse, reconnu pour la qualité de ses services, la solidité de son groupe, et sa capacité à gérer le patrimoine de ses clients dans toutes ses dimensions.
Quelles sont les conditions à remplir aujourd’hui pour être un acteur mondial sur le marché de la gestion de fortune ?
Il faut réunir plusieurs conditions. D’abord, avoir une taille critique. Sans cela, il est impossible d’investir dans la technologie, la conformité, les talents, qui sont autant de leviers indispensables. Ensuite, la capacité à rester proche des clients. La taille ne doit jamais se faire au détriment de la personnalisation : nos clients veulent un service humain, adapté à leurs besoins, pas une approche standardisée. Il faut pouvoir accompagner les clients dans leurs investissements en actifs réels et financiers, comme dans leurs besoins de financement, ce qui distingue un acteur universel d’un pure player au bilan et aux compétences moins étoffées dans ce domaine. Enfin, il faut un engagement fort dans la durabilité. C’est devenu un critère de confiance, mais aussi un facteur d’attractivité pour les générations futures. Les clients veulent savoir où et comment leur argent est investi. Les acteurs qui sauront conjuguer ces trois conditions – la solidité, la proximité et la responsabilité – sauront s’imposer à l’avenir.
Isabelle Jacob-Nebout
Indosuez Wealth Management
Depuis mars 2020, Isabelle Jacob-Nebout dirige l’activité Wealth management de CA Indosuez (Switzerland). Dans le cadre de ses fonctions, elle figure également au comité exécutif de la filiale suisse du groupe. Avant de rejoindre la banque, elle a occupé différents postes au sein du groupe BNP Paribas. Isabelle est diplômée de l’Inseec, à Paris. Elle a ensuite approfondi sa formation en finance et en marketing à l’Université de Californie, à Berkeley. Isabelle est également membre du conseil d’administration de l’Institut Supérieur de Formation Bancaire (ISFB) à Genève.
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DNB Asset Management, filiale à 100 % du Groupe DNB, vient d’ouvrir un bureau de représentation à Zurich, placé sous la responsabilité de Christoph Salzmann, aux côtés de Michael Bächtiger. Cette implantation marque une étape clé dans la stratégie de croissance de DNB, qui entend se positionner comme une véritable « boutique alpha » sur le marché suisse.
Par Jérôme Sicard
Quel rôle allez-vous assumer chez DNB Asset Management à Zurich?
Avec mon collègue Michael Bächtiger, nous couvre le marché suisse pour DNB Asset Management, tant pour la clientèle wholesale que pour les investisseurs institutionnels. Notre mission est double. Nous voulons développer des relations de long terme et positionner clairement nos stratégies dans un environnement concurrentiel et réglementé. Ce travail implique une présence sur le terrain, des échanges réguliers sur les portefeuilles et une communication transparente sur la performance comme sur les risques.
Quels sont vos produits phares ?
Notre fonds phare est le DNB Fund Technology. Avec environ 12 milliards d’euros d’actifs, il figure parmi les plus grands fonds technologiques mondiaux et il est certainement l’un des plus performants. Nous mettons également l’accent sur le DNB Fund Nordic Small Cap, qui se concentre sur les entreprises scandinaves innovantes, en croissance. Notre présence historique dans la région nous vaut aussi une expertise reconnue sur les obligations nordiques. Pris dans leur ensemble, les marchés nordiques, les stratégies thématiques et l’investissement durable forment notre cœur de compétences et créent des complémentarités utiles dans la construction de portefeuilles.
Quelles solutions DNB sont, selon vous, les plus adaptées au marché suisse ?
La stratégie du DNB Fund Technology, en place depuis 2001, offre un profil risque/rendement attractif. Il allie une surperformance sur le long terme à une volatilité contenue. Grâce à son approche High Conviction / Contrarian — la capacité assumée de se positionner parfois à contre-courant — il se distingue nettement d’autres fonds dans sa catégorie. Quant au DNB Nordic Small Cap Fund, il donne accès à des sociétés nord-européennes dynamiques et vient en complément des small caps européennes ou américaines. Plus globalement, nous constatons que le marché nordique s’impose comme une niche de plus en plus recherchée par les investisseurs suisses, aussi bien pour les actions que pour les obligations.
Comment expliquer que le fonds technologique ait dépassé les 10 milliards d’euros d’encours ?
L’équipe de gestion est stable. Sur cette stratégie, les portfolio managers cumulent 78 années d’expérience. L’équipe est encore placée sous la direction des deux gestionnaires qui ont créé le fonds, Anders Tandberg-Johansen et Sverre Bergland. Avec la diffusion de la technologie dans tous les secteurs, l’univers d’investissement s’est élargi et l’équipe s’est structurée autour de cinq spécialistes couvrant des segments complémentaires. Les décisions clés sont collégiales. Cette approche, à la fois ciblée et attentive aux valorisations, a démontré son efficacité dans des phases de marché exigeantes, permettant de surperformer l’indice et de nombreux concurrents sur de longues périodes.
Quelles tendances et priorités guident aujourd’hui ce fonds technologique ?
Le portefeuille se concentre sur des tendances structurelles de long terme : intelligence artificielle, logiciels B2B, infrastructure cloud et cybersécurité. Notre recherche privilégie des modèles d’affaires résilients, des avantages compétitifs tangibles et une croissance soutenable, en évitant les effets de mode. Concrètement, un poids lourd du secteur peut être exclu ou sous-pondéré si sa valorisation est jugée excessive, tandis que des sociétés bien gérées et correctement valorisées sont sélectionnées pour améliorer le couple rendement/risque du fonds.
Comment la gestion du fonds a-t-elle évolué depuis sa création ?
Le fonds figure parmi les leaders mondiaux de sa catégorie. Depuis le lancement de la part Institutional EUR A du fonds UCITS en avril 2014, il a enregistré, au 31 juillet 2025, une performance annuelle moyenne de 19,87 % en euros, avec une volatilité inférieure à 18 % sur les cinq dernières années. Cette constance s’appuie sur une discipline de gestion éprouvée, un processus d’investissement reproductible et un pilotage rigoureux des risques.
Pourquoi DNB a-t-elle choisi d’ouvrir un bureau en Suisse ?
La Suisse occupe une place centrale dans la stratégie d’expansion européenne de DNB Asset Management. Aujourd’hui, notre offre vient compléter celle déjà disponible sur le marché. Les clients suisses recherchent proximité, échanges directs et suivi à long terme. L’ouverture d’un bureau sur place répond donc à ces attentes. Elle permet d’assurer un accompagnement soutenu, adapté, et elle confirme aussi la force de notre engagement.
Comment voyez-vous le développement de DNB en gestion de fortune sur le marché suisse ?
Nous pensons que les atouts de la région nordique et de DNB — stabilité, robustesse, crédibilité — correspondent aux attentes de nombreux investisseurs suisses. Les perspectives sont donc favorables, non seulement pour nos fonds phares, mais aussi pour d’autres stratégies.
Christoph Salzmann
DNB Asset Management
Avant de rejoindre DNB Asset Management, Christoph Salzmann a passé six ans chez Principal Asset Management, où il dirigeait la distribution des fonds pour la clientèle suisse. Il a également occupé différentes fonctions, dans la gestion d’actifs comme dans le wealth management, chez UBS et BNP Paribas Asset Management, où il a pu développer une solide expertise du marché helvétique. À Zurich, pour DNB Asset Management, il codirige désormais, avec Michael Bächtiger, le développement des relations dans le segment wholesale, auprès des banques suisses, gérants indépendants, family offices et investisseurs institutionnels.
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