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Solutions EAM

  • Interview Oliver Amstad
  • Associé fondateur
  • SSI Wealth Management

« Faire partie de Cinerius nous apporte à la fois taille et crédibilité.»

Face à un environnement marqué par la consolidation et la montée des exigences réglementaires, SSI Wealth Management incarne une nouvelle génération de gérants indépendants : structurés, connectés et tournés vers une croissance durable. Oliver Amstad, son CEO, explique ici comment la récente intégration au groupe Cinerius a permis à SSI d’accélérer son expansion tout en préservant sa fibre entrepreneuriale.

Par Jérôme Sicard

Quels facteurs ont soutenu la croissance durable de SSI au cours de la dernière décennie ?
Notre trajectoire au fil des dix dernières années s’est avant tout construite sur les personnes – sur la force et la complémentarité des équipes que nous avons réunies. Dès le départ, SSI a cherché à rassembler des profils qui aient à la fois une expertise approfondie et un esprit entrepreneurial. Cela vaut non seulement pour nos collaborateurs, mais aussi pour nos partenaires, pour le réseau élargi avec lequel nous travaillons et pour notre conseil d’administration. Nous l’avons progressivement remodelé afin qu’il reflète l’évolution et les nouvelles aspirations de l’entreprise.

Depuis 2023, nous nous sommes également réorganisés sous forme de holding, qui regroupe à ce jour environ 3 milliards d’actifs sous gestion. La holding inclut SSI Wealth Management, Huber & Partner, Monaval, SSI Asset Management au Liechtenstein, Carnot – une société de gestion spécialisée dans les investissements durables et l’efficacité énergétique – ainsi que SSI Services, une fiduciaire basée à Zurich. Chacune de ces unités apporte une expertise spécifique ; ensemble, elles forment un écosystème cohérent qui alimente notre croissance.

Notre réussite s’explique aussi par le fait que nous nous concentrons sur des marchés de niche et sur des domaines où nous pouvons offrir une réelle valeur ajoutée. Un bon exemple est notre Gold Equities Fund, passé de 30 millions à plus de 200 millions de francs suisses. La performance du fonds a naturellement attiré de nouveaux investisseurs, mais surtout, elle a démontré la solidité de notre réseau et notre capacité à croître par l’expertise plutôt que par le marketing.

Quels leviers de croissance privilégiez-vous aujourd’hui ?
Notre développement s’inscrit dans la continuité de la collaboration que nous entretenons notamment avec les fiduciaires, les family offices et bien sûr avec nos clients existants. Ces relations de long terme génèrent naturellement de nouvelles recommandations et de nouvelles opportunités. La croissance organique demeure un pilier essentiel, mais elle s’accompagne désormais d’une expansion externe sélective. Les deux se renforcent mutuellement : les acquisitions apportent de nouvelles compétences, tandis que la croissance interne garantit la préservation de notre culture et de nos standards.

Nous concentrons actuellement nos efforts sur notre présence dans la région DACH, tout en explorant de nouvelles perspectives en Scandinavie et en Israël, où nous disposons déjà de solides liens. L’objectif n’est pas une expansion agressive, mais une croissance maîtrisée – en veillant à maintenir la proximité et la qualité du service.

En quoi l’intégration au groupe Cinerius a-t-elle influencé cette trajectoire ?
Rejoindre Cinerius a donné une impulsion très concrète à nos développements. Avant cela, nous avions l’ambition de croître par acquisitions, mais sans disposer de l’infrastructure ni de l’expérience transactionnelle nécessaires pour avancer rapidement. Cinerius nous a fourni ce cadre : des équipes M&A expérimentées, des juristes spécialisés, des processus éprouvés. Sur cette base, nous avons réalisé deux acquisitions en une seule année – un rythme qui nous aurait pris beaucoup plus de temps auparavant.

Au-delà de l’aspect technique, faire partie de Cinerius nous apporte taille et crédibilité. Le groupe représente aujourd’hui près de 15 milliards de francs d’actifs. Cette masse critique est un atout majeur dans un environnement où les coûts liés à la conformité, à l’informatique et à la gestion des risques ne cessent d’augmenter. C’est aussi un avantage pour attirer de nouveaux talents. Cela dit, nous avons conservé une indépendance entrepreneuriale totale : les décisions stratégiques se prennent ici, à Bäch. Le modèle Cinerius fonctionne précisément parce qu’il allie les ressources du groupe à une réelle autonomie en local.

Votre approche de la croissance a-t-elle évolué depuis l’entrée dans Cinerius ?
Absolument. Nous sommes devenus plus rapides, plus structurés et plus stratégiques. Avant, la croissance externe dépendait beaucoup des opportunités : le bon contact, le bon moment. Aujourd’hui, nous disposons d’un processus clair, d’une méthodologie éprouvée et d’experts capables de mener une acquisition de l’idée à la conclusion en moins d’un an.

Dans le même temps, nous sommes devenus plus sélectifs. L’intégration est aussi importante que l’acquisition. Nous avons appris qu’une croissance réussie doit respecter la culture – l’ADN des entreprises que nous rejoignons. Chez SSI, nous procédons de manière progressive : comprendre les personnes, les clients, la philosophie. Cinerius partage pleinement cette approche. Nous intégrons les sociétés étape par étape, en préservant leur autonomie et leur identité.

Dans quelle mesure les fonctions mutualisées – conformité, informatique, RH, marketing digital – ont-elles contribué à optimiser vos opérations ?
Ces fonctions font une différence considérable. Même avant de rejoindre Cinerius, SSI avait mis en place une structure interne de holding centralisant la conformité, l’informatique, le marketing et les ventes pour ses filiales. Aujourd’hui, nous bénéficions d’un soutien supplémentaire à l’échelle du groupe.

En Allemagne, par exemple, Cinerius a développé des outils de marketing digital particulièrement performants pour l’acquisition de clients – que nous envisageons d’adapter pour le marché suisse. Le département RH du groupe nous apporte également une réelle valeur ajoutée, notamment pour le recrutement de relationship managers seniors et la coordination avec des chasseurs de têtes. Ces ressources nous permettent de rester agiles tout en maintenant des standards opérationnels élevés.

Il ne s’agit pas de perdre notre indépendance, mais de gagner en efficacité. Chaque entité conserve son identité, tout en profitant de la force collective du groupe.

En quoi cette collaboration influence-t-elle votre proposition de valeur auprès des clients ?
Pour nos clients, la collaboration avec Cinerius est presque invisible – et c’est exactement ainsi que nous le souhaitons. SSI reste SSI : la même équipe, la même philosophie, le même niveau de service personnalisé.

Cinerius apporte une base solide qui renforce notre stabilité et notre résilience, sans altérer l’essence de nos relations clients ni notre culture interne. Le groupe n’impose ni marque, ni processus. Il nous permet simplement de faire ce que nous faisons déjà – mais plus vite et plus efficacement.

SSI a récemment intégré Huber & Partner et Monaval. Quels enseignements tirez-vous de ces intégrations ?
A chaque intégration, il apparaît que la culture est primordiale. On peut aligner les systèmes et les processus, mais si la chimie humaine ne fonctionne pas, le projet échoue. Dès les premières discussions avec Huber & Partner et Monaval, il est apparu évident que nous partagions le même état d’esprit : une orientation client forte, de la discipline et une vision à long terme.

Le respect et la confiance sont essentiels, surtout lorsqu’on travaille avec des fondateurs qui ont bâti leur entreprise sur plusieurs décennies. Nous abordons chaque intégration progressivement, en prenant le temps de comprendre les clients et les équipes. Le but n’est pas d’absorber les sociétés, mais de créer des synergies.  Ces sociétés que nous intégrons apportent leurs relations, leur savoir-faire et, de notre côté, nous apportons la structure, la conformité et la capacité à croître.

Comment accompagnez-vous concrètement ces sociétés dans leur développement post-intégration ?
Nous commençons par les fondamentaux : conformité, informatique, gestion des risques – des domaines de plus en plus exigeants en ressources. Ensuite, nous aidons à mettre en place des processus évolutifs pour que les équipes puissent se concentrer sur l’essentiel : les clients.

Huber & Partner, par exemple, sera pleinement intégrée sous la marque SSI d’ici 2026, mais d’ici là, elle continue d’opérer de manière autonome tout en profitant de notre infrastructure.

Nous accordons également une grande importance à la relève et à la continuité. Beaucoup de ces sociétés ont été fondées il y a 20 ou 30 ans. Assurer la transmission – pour les clients comme pour les collaborateurs – est crucial. Cela implique de former la nouvelle génération de relationship managers, de moderniser les outils et de créer un environnement attractif pour de nouveaux talents.

Dans un secteur en profonde mutation – marqué par la consolidation et la montée des exigences réglementaires et technologiques – pourquoi le modèle Cinerius vous semble-t-il particulièrement pertinent ?
Parce qu’il répond aux grands défis structurels de notre métier : la succession, la taille critique et la spécialisation. L’âge moyen des gérants indépendants en Suisse est élevé, et beaucoup d’entreprises peinent à assurer leur continuité. Cinerius offre une solution pérenne qui permet de se professionnaliser et de se développer sans renoncer à son esprit entrepreneurial.

Par ailleurs, le secteur a besoin de visibilité. Contrairement aux grandes banques privées comme Julius Baer ou Vontobel, les gérants externes restent souvent dans l’ombre. Une plateforme comme Cinerius leur donne une voix collective et une crédibilité accrue, tout en préservant leur indépendance.

Enfin, la taille compte. Que ce soit pour la digitalisation, la conformité ou l’investissement technologique, la dimension devient un atout stratégique. Le modèle Cinerius combine la force du groupe et la liberté individuelle. C’est ce qui le rend non seulement pertinent, mais indispensable pour la prochaine décennie.

Oliver Amstad

SSI Wealth Management

Oliver Amstad possède plus de trente ans d’expérience dans la gestion de fortune et la banque d’investissement. Il a passé cinq ans au sein de la direction d’une banque privée zurichoise avant de co-fonder SSI Wealth Management, qu’il a dirigée comme CEO et administrateur de 2010 à 2023. Depuis 2024, il est délégué du conseil d’administration de SSI Holding et siège dans plusieurs conseils d’administration du groupe.

 

 

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The Swiss Financial Arena

Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

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Solutions EAM

  • Interview Petra Kordosova
  • CFO, Head of Compliance
  • Telomere Capital

 «Une plateforme IT doit se voir aujourd’hui comme un levier stratégique.»

Chez Telomere Capital, la transformation digitale a été placée au coeur du modèle opérationnel. La plateforme IT se veut ainsi une pièce maîtresse du dispositif, au soutien de la gestion, de la conformité, de la relation client et du reporting. Pour Telomere, l’enjeu est clair : bâtir un environnement fluide, modulaire et sécurisé, capable d’accompagner durablement sa croissance.

Par Jérôme Sicard

Comment définiriez-vous plus précisément ce concept de plateforme IT pour une société comme Telomere?

La plateforme IT ne se résume pas pour nous à un simple outil ou à un empilement de solutions technologi­ques. C’est l’ossature numérique de notre activité, celle qui soutient de manière fluide et cohérente l’ensemble des dimensions de notre métier : la gestion de portefeuilles bien sûr, mais aussi la conformité régle­mentaire, la relation client ou encore le reporting. Nous l’avons pensée comme une structure modulaire, évolutive et sécu­risée, capable de s’adapter aux spécifici­tés de notre clientèle tout en intégrant les évolutions permanentes du marché.

Quelle est la logique d’une telle plateforme aujourd’hui pour un gérant indépendant?

Une plateforme IT doit se voir aujourd’hui comme un levier stratégique. Dans un environnement de plus en plus exigeant, marqué par la complexité réglementaire et la nécessité de se différencier, la plate­forme IT permet de centraliser les opéra­tions, d’automatiser ce qui peut l’être et d’assurer une conformité très rigoureuse. C’est aussi ce qui rend possible un service personnalisé, réactif, et cohérent avec les standards du secteur. En intégrant intelli­gemment des modules performants, de type PMS ou CRM par exemple, nous gagnons à la fois en efficacité et en qualité de service.

Quels types de problèmes permet-elle de résoudre concrètement?

Ils sont nombreux. La consolidation de données issues de multiples sources, par exemple, est devenue ces dernières années un enjeu majeur. Notre plateforme y répond en nous permettant d’uniformi­ser l’information et en offrant une vision claire, en temps réel, sur l’ensemble de nos comptes. Elle permet aussi de réduire fortement la charge administrative liée aux tâches répétitives et de limiter le risque opérationnel. Elle constitue enfin un rem­part essentiel en matière de protection des données, ce qui est aujourd’hui absolu­ment central dans nos métiers.

Et demain?

Elle ira encore plus loin, je n’ai aucun doute là-dessus. Nous poursuivons l’amé­lioration de nos outils en nous concentrant sur l’ergonomie, la fluidité des processus internes, et la capacité d’intégration avec des partenaires extérieurs. L’objectif est de simplifier toujours plus la vie de nos équi­pes et de nos clients.

Nous allons notamment renforcer la per­sonnalisation des tableaux de bord, amé­liorer les notifications intelligentes liées à certains événements de portefeuille, ou encore fluidifier l’onboarding grâce à des formulaires dynamiques et préremplis. Nous prévoyons aussi de faciliter l’édition de documents réglementaires en y inté­grant plus de logique métier et de valida­tion automatique.

La plateforme devient ainsi un véritable facilitateur opérationnel, à la fois discret et puissant, au service d’une relation client toujours plus fluide, transparente et réac­tive. Bref, elle est pour nous le socle tech­nologique sur lequel nous continuerons à bâtir notre évolution, dans une logique pragmatique, utile et pérenne.

Comment avez-vous procédé pour la mettre en place?

Nous avons suivi une démarche très structurée, en partant d’une analyse fine de nos besoins internes. Toutes les équi­pes ont été impliquées, car il s’agissait de construire un outil transversal. Ensuite, nous avons sélectionné des partenaires capa­bles de concevoir une solution à la fois sou­ple, robuste et parfaitement sécurisée. Le déploiement s’est fait par étapes, avec des phases de test, de formation et d’optimisa­tion continue. Nous avons voulu que ce soit un projet vivant, évolutif, aligné avec notre dynamique de croissance. Nous avons notamment choisi d’implémenter Microsoft Dynamics 365 comme socle CRM, pour sa flexibilité et son intégration fluide avec notre écosystème existant. L’un des axes majeurs a été de permettre une visualisa­tion claire et dynamique des chiffres clés, via Power BI. Cela permet à nos conseillers de générer rapidement des rapports per­sonnalisés, compréhensibles et exploita­bles en rendez-vous. Le client bénéficie pleinement de ces outils à travers une qua­lité accrue d’analyse, des échanges mieux documentés et une restitution de l’informa­tion plus claire, ce qui renforce la transpa­rence et la confiance dans la relation.

Quels en sont les éléments clés?

Nous avons mis en place une architecture modulaire, qui nous permet d’ajuster faci­lement les briques techniques à mesure que notre organisation évolue. L’intégration avec nos partenaires bancaires et finan­ciers est fluide, ce qui facilite considérable­ment la gestion quotidienne. Côté utilisa­teurs, l’interface est conçue pour être intuitive, aussi bien pour nos collaborateurs que pour nos clients.

Mais au-delà de tout, la sécurité constitue un pilier absolu. Nous avons instauré des protocoles exigeants, avec des audits régu­liers et des tests d’intrusion systématiques. Cela nous permet de garantir l’intégrité, la confidentialité et la disponibilité des don­nées, sans compromis.

Pourquoi avoir fait le choix d’externaliser la gestion de cette plateforme?

Nous avons pris cette décision de manière délibérée. Externaliser, c’est nous appuyer sur des partenaires qui possèdent une expertise technique autrement plus déve­loppée que la nôtre, difficile par consé­quent à répliquer en interne à notre échelle. L’externalisation nous garantit une mainte­nance proactive, des mises à jour réguliè­res et une veille technologique perma­nente.

Nous avons choisi de collaborer avec des acteurs solides et reconnus dans leur domaine – comme Key IT, BS Team ou ImmunIT – avec lesquels nous avons construit un environnement IT robuste, sécurisé, et parfaitement aligné avec les exigences du métier.

Quels budgets faut-il envisager pour un tel dispositif?

Tout dépend bien sûr du niveau de com­plexité et de personnalisation souhaité. Mais pour donner un ordre de grandeur, le développement initial et l’intégration peu­vent représenter un investissement com­pris entre 50’000 et 150’000 francs suisses.

Ensuite, les coûts récurrents liés à l’exploi­tation – maintenance, support, mises à jour, hébergement – se situent généralement entre 30’000 et 100’000 francs par an pour une structure d’environ dix personnes. Ce sont des montants qu’il faut considérer comme un investissement stratégique : c’est ce qui garantit à la fois la qualité du service, la sécurité des données et, à terme, la compétitivité de la structure.

Petra Kordosova

Telomere Capital

Petra Kordosova est directrice financière et responsable de la gestion des risques chez Telomere Capital, société de gestion indépendante avec une forte dimension family office. Elle en est d’ailleurs la co-fondatrice. La création de Telomere Capital remonte à 2015. Avant de se lancer dans ce projet d’entreprise, Petra a travaillé pendant près de dix ans pour UBS Wealth Management à Genève, dans un rôle de conseillère à la clientèle, dédiée au marché suisse. Elle est diplômée de l’Institut Supérieur de Gestion et de Communication de Genève et a suivi par ailleurs de nombreuses formations dans des domaines comme la compliance, la gestion financière et le management bancaire.

 

 

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Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

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  • Interview Fabian Charier
  • Managing director
  • AWAP

«AWAP a dû professionnaliser son fonctionnement et structurer son offre. »

L’union fait la force. Et c’est ce dont auront besoin les gérants indépendants pour survivre. La mission de Fabian Charlier, nommé directeur général de l’AWAP en septembre, consistera donc à structurer et animer cette union. En s’appuyant surtout sur la technologie. L’objectif est de faire de l’association un «écosystème intégré» dont l’objectif est de simplifier le quotidien de ses membres.

Par Levi-Sergio Mutemba

L’un des trois piliers stratégiques que vous souhaitez soutenir est l’orthodoxie de gestion. Qu’entendez-vous par là?

Ce que nous entendons par orthodoxie de gestion, c’est le respect d’un ensemble de règles et de bonnes pratiques. Dans cette optique, AWAP accompagne ses membres GFI dans leurs obligations de conformité, en proposant des services de compliance à des tarifs compétitifs, rendus possibles grâce à la mutualisation des services. Nous les aidons également à se préparer à leurs audits et, plus généralement, à aborder toute nouvelle réglementation de manière structurée et efficiente.

Comment cela se traduit-il concrètement?

À titre d’exemple, la FINMA a récemment renforcé ses exigences en matière de cybersécurité. Nous avons donc organisé, avec notre prestataire IT, un webinaire expliquant comment y répondre de manière pragmatique, et nous avons proposé à nos membres un audit gratuit de leur organisation IT. Cette volonté d’accompagner les GFI dans une orthodoxie de gestion s’étend également au domaine de l’investissement. Nous partageons nos vues de marché et mettons à leur disposition des portefeuilles modèles, ainsi qu’une liste de fonds.

Il nous arrive aussi de jouer le rôle de sparring partner en analysant certains de leurs portefeuilles et en confrontant les risques financiers embarqués avec leur propre vue sur les marchés. C’est un soutien utile pour les petites et moyennes structures, qui n’ont pas toujours des ressources internes dédiées à l’investissement.

En quoi consiste le passage d’AWAP d’une «communauté de GFI» à un «système intégré»?

Au départ, AWAP était surtout une communauté de gérants réunis dans une logique de mutualisation et d’économies d’échelle. Cela a commencé il y a une quinzaine d’année par le partage de locaux, puis par des achats groupés de certains services. Avec l’introduction des licences FINMA consécutive à l’entrée en vigueur des lois LSFin/LEFin, AWAP a dû franchir une nouvelle étape. À savoir professionnaliser son fonctionnement et structurer son offre afin de répondre aux exigences accrues de la réglementation.

À quoi ressemble donc AWAP aujourd’hui?

AWAP regroupe aujourd’hui plus de 25 entités de gestion de fortune qui regroupe plus d’une soixantaine de relationship managers. Nous avons toutefois conservé l’esprit communautaire qui nous anime depuis le début. Aucun frais de gestion n’est prélevé et la contribution des membres reste modeste, adaptée à la taille de chaque entité. Ce montant est du reste souvent compensé par les économies réalisées grâce à la mutualisation des services. Grâce à notre plateforme, les GFI accèdent à un large réseau de prestataires, en matière par exemple de compliance, de systèmes de gestion de portefeuille, ou encore de solutions IT, et ce à des conditions avantageuses.

Techniquement, comment AWAP créé cette interconnexion entre ses membres?

Cette interconnexion est facilitée par myAWAP, notre intranet dédié, qui centralise l’ensemble des ressources, documents, communications et outils pratiques dont les membres ont besoin au quotidien. De fait, myAWAP constitue une véritable colonne vertébrale numérique qui permet de suivre les actualités du réseau en temps réel et de partager des bonnes pratiques.

Au fil des années, cette dynamique collaborative a forgé un fort sentiment d’appartenance au sein de la communauté AWAP. Nombre de nos membres valorisent d’ailleurs leur affiliation dans leur communication auprès de leurs clients, comme gage de sérieux, de transparence et d’engagement professionnel. En d’autres termes, nos GFI restent indépendants, mais ne sont pas seuls : ils bénéficient de la force d’un réseau et de ressources à leur disposition.

S’agissant de la consolidation des GFI, celle-ci se poursuivra-t-elle, selon vous?

À vrai dire, il faudrait déjà qu’elle commence réellement ! Voilà plus de dix ans qu’on en parle, mais dans les faits, très peu d’opérations se concrétisent. Les difficultés tiennent souvent à l’écart entre les attentes des vendeurs et des acheteurs, notamment en matière de valorisation, mais aussi quelquefois à des différences culturelles. En réalité, la dynamique de consolidation concerne aujourd’hui davantage le secteur du private banking, où l’on observe une baisse régulière du nombre de banques en Suisse.

L’égo des gérants joue-t-il un rôle dans la difficulté de trouver un terrain d’entente?

Je ne saurais l’affirmer de manière catégorique. Cela dit, l’égo peut effectivement entrer en jeu, notamment sur des aspects plutôt symboliques. J’ai entendu parler d’un rapprochement ayant achoppé sur des éléments tels que le choix du nom de la nouvelle entité. L’égo joue donc sans doute un rôle, sans être pour autant un facteur systématique. Il faut aussi garder à l’esprit qu’un gérant de fortune indépendant est, par essence, attaché à son indépendance. C’est une dimension identitaire forte, et forcément sensible lorsqu’il s’agit d’envisager un rapprochement.

Est-ce que l’indépendance des gérants a encore de l’avenir, compte tenu de la multiplicité des défis que la profession doit relever?

Je le crois profondément, oui. Les GFI restent – et resteront – des acteurs essentiels de la gestion de fortune en Suisse. L’indépendance demeure le socle d’un conseil objectif, sans biais ni conflit d’intérêts. Ce n’est pas toujours le cas dans les banques, où les impératifs commerciaux – voire de rentabilité – peuvent influencer certaines décisions de gestion. Cela dit, les défis sont bien réels, notamment pour les petites et moyennes structures. Elles subissent une hausse continue des coûts, tout en devant répondre à des exigences réglementaires toujours plus lourdes.

C’est précisément là qu’AWAP apporte sa valeur ajoutée. Notre conviction est simple. À savoir qu’ensemble, nous sommes plus forts. En unissant leurs forces au sein d’un réseau structuré, les gérants peuvent mutualiser certaines ressources, accéder à un support spécialisé et partager des best practices pour faire face à la pression réglementaire et opérationnelle. Cette approche collaborative crée un véritable cercle vertueux, en ce qu’elle renforce la solidité des structures membres tout en inspirant confiance aux clients finaux.

Fabian Charlier

AWAP

Fabian Charlier dirige AWAP avec le titre de managing director. Il connait d’autant mieux la structure qu’il en a été membre voilà dix ans. Fabian a plus de 25 ans d’expérience sur les marchés financiers, dont dix années en banque d’investissement et quinze années en gestion d’actifs, au cours desquelles il a piloté le développement de plusieurs sociétés de gestion. Fabian Charlier est titulaire de la certification Chartered Financial Analyst (CFA).

 

 

 

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Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

Surveillance

Solutions EAM

  • Guillaume de Boccard
  • Associé-fondateur
  • Geneva Compliance Group

Gestion proactive des risques organisationnels : un atout plus qu’une contrainte

Avec la LEFin, la gestion des risques organisationnels n’est plus un simple exercice de conformité. Elle conditionne l’autorisation d’exercer, structure la gouvernance et devient un facteur de crédibilité autant qu’un levier stratégique. Les gérants indépendants qui l’intègrent de manière proactive peuvent ainsi transformer une simple obligation réglementaire en avantage compétitif durable.

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur les établissements financiers, la LEFin, le paysage réglementaire des gestionnai­res de fortune suisses a changé de nature. Ce qui relevait autrefois de l’autorégula­tion, nourrie de codes de conduite secto­riels et d’usages professionnels, est désor­mais encadré par un dispositif légal et institutionnel qui impose une discipline organisationnelle accrue. La surveillance de la FINMA, opérée en grande partie par l’intermédiaire des Organismes de Sur­veillance, a placé la gouvernance et les contrôles internes au coeur de l’évaluation prudentielle. Dans ce contexte, la gestion proactive des risques organisationnels devient un élément central, non seulement pour satisfaire aux exigences légales, mais aussi pour affirmer sa crédibilité, préser­ver la confiance des clients et assurer la pérennité de son activité.

La LEFin impose une organisation adéquate et proportionnée à la nature, à la complexité et au volume des affaires traitées. Cette exi­gence dépasse la simple formalité admi­nistrative : elle conditionne directe­ment l’octroi et le maintien de l’autorisation. Elle suppose des structures claires, la sépa­ration effective des fonctions de gestion, de contrôle et de surveillance, et la mise en place de procédures internes fiables et documentées. Dans la pratique, il ne s’agit pas seulement d’avoir un organigramme bien dessiné ou un recueil de directives et de procédures sur le coin du bureau, mais de garantir que les lignes de responsabilité soient comprises, appliquées, régulière­ment testées et révisées. L’expérience montre que les difficultés apparaissent souvent lorsqu’une forme de routine s’ins­talle, même là où l’on se croit le plus solide : une procédure jamais éprouvée, un rem­placement improvisé en cas d’absence d’un collaborateur clé ou encore un pro­cessus de validation et de surveillance qui s’appuie sur une seule personne.

Les risques organisationnels spécifiques aux gestionnaires de fortune sont multiples. Ils tiennent d’abord à la gouvernance. L’ab­sence de supervision active par le conseil d’administration ou la confusion des rôles entre les organes peut fragiliser l’ensem­ble de la structure. Les auditeurs n’hésitent pas à relever ces défaillances, surtout lorsqu’elles se traduisent par une absence de contrôle des opérations ou un suivi lacunaire des obligations réglementaires.

Le risque humain est omniprésent. Les administrateurs et les dirigeants qualifiés en particulier doivent démontrer expérience, probité et compétences techniques ; une nomination inadaptée ou une dépendance excessive à une seule personne peuvent provoquer une réaction immédiate de l’autorité de surveillance. La mise à jour des informations les concernant auprès de la FINMA et des OS est essentielle et un man­quement peut conduire à l’ouverture d’une procédure individuelle d’enforcement. Pré­venir de telles situations passe par la forma­tion continue, la mise à jour régulière des procédures et la conservation systématique des documents pertinents.

À ces dimensions humaines s’ajoute la question des systèmes et des contrôles internes. Un dispositif de surveillance robuste n’est pas qu’un concept théorique : il doit être intégré au quotidien, périodi­quement testé et permettre de détecter puis traiter rapidement tout incident. A ce titre, la production de traces exploitables – audit trail – est essentielle. Les acteurs qui investissent dans des outils adaptés – contrôles intégrés dans les opérations, supervision indépendante par la confor­mité et la gestion des risques ainsi que l’audit – réduisent considérablement leur exposition. L’efficacité se mesure aussi à la réactivité : la mise en oeuvre rapide de mesures correctives et la documentation précise des décisions prises que le ges­tionnaire maîtrise son dispositif et sait en tirer des améliorations continues.

La surveillance exercée par la FINMA via les OS et les auditeurs repose sur un système tripartite : le gestionnaire rend des comptes à son OS via son auditeur; la FINMA n’entre en jeu que sur les questions d’autorisation et de sanctions. Derrière cette mécanique, apparemment formelle, se joue en réalité la crédibilité de l’organi­sation. Les rapports d’audit constituent une photographie détaillée de la situation de chaque établissement. Des constats de manquements porteraient notamment sur une organisation inadaptée ou obsolète, un système de contrôle inadapté ou mal appli­qué, et des lacunes dans la mise en oeuvre des obligations LBA ou LSFin, la sur­veillance des délégataires ou encore dans la gestion des conflits d’intérêts.

L’expérience démontre que la posture adoptée face à ces constats fait toute la dif­férence : un gestionnaire qui anticipe les observations, prépare des réponses argu­mentées et met en oeuvre sans délai les recommandations établit un climat de confiance durable. Une bonne collabora­tion continue avec son auditeur est de nature à permettre d’anticiper d’éventuel­lement manquements et de diminuer ces risques. La souscription à une assurance responsabilité civile, pour ceux qui ne l’auraient pas encore fait, est également un élément contribuant à la diminution du risque, financier cette fois-ci.

Il serait pourtant réducteur de voir dans ce cadre réglementaire uniquement une contrainte. Les gestionnaires de fortune qui intègrent la gestion des risques dans leur stratégie globale transforment cette exi­gence en levier compétitif. Loin de brider l’initiative, la mise en place d’une culture de conformité favorise la clarté des décisions, fluidifie la communication interne et ren­force la relation de confiance avec les clients et partenaires. Encourager la remontée d’informations sans crainte de sanction interne, impliquer l’ensemble des collaborateurs dans l’identification et la maîtrise des risques et valoriser les contrô­les comme un gage de sérieux deviennent alors autant de marqueurs distinctifs sur un marché de plus en plus exigeant.

Sous le régime de la LEFin, la conformité n’est pas un objectif figé, mais un proces­sus vivant qui exige anticipation, rigueur et engagement. Loin d’être un coût, la gestion proactive des risques organisationnels et la vigilance constante des organes de direc­tion constituent un investissement stratégi­que. Elles renforcent la stabilité, protègent la réputation et soutiennent la croissance. Dans un secteur où la confiance reste la première valeur, elles sont sans doute l’as­surance la plus précieuse que puisse offrir un gestionnaire de fortune.

Guillaume de Boccard

Geneva Compliance Group

Guillaume de Boccard est associé fondateur de Geneva Compliance Group. Il est spécialisé dans la mise en place et la gestion de projets juridiques et réglementaires, notamment dans le secteur financier. Il supervise l’ensemble des activités de conseil. Titulaire du brevet d’avocat, et détenteur d’un MBA de l’INSEAD, il a précédemment exercé ses activités auprès de de Boccard Conseil. Il a travaillé également pour Pictet & Cie, à Genève, et Credit Suisse, à Zurich.

 

 

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  • Interview Cindy Eicher
  • Chief Executive Officer
  • DCP Client Partner

« Les gérants indépendants vont devenir plus institutionnels, digitaux, interconnectés. »

Les GFI sont entrés dans un nouveau cycle de leur évolution et, pour Cindy Eicher, leur croissance va désormais se décider autant sur la structure, le data et les processus que sur l’expertise et la confiance. Ceux qui sont capables aujourd’hui d’industrialiser leurs modes opératoires sans renoncer à leur agilité, leur proximité et leur indépendance sont appelés à définir les futurs standards du secteur.

Par Jérôme Sicard

Compte tenu de votre parcours bancaire, notamment chez JP Morgan, que peuvent apprendre les gérants indépendants de la manière dont les banques fonctionnent et s’organisent ?
On peut difficilement comparer une grande banque internationale comme JP Morgan à un gérant indépendant localement implanté. Les banques s’adressent à une clientèle mondiale ultra-fortunée et proposent tout en interne : planification patrimoniale, investissement, philanthropie, gouvernance, acquisition et valorisation des œuvres d’art… Elles offrent aussi des expériences intégrées, presque « Instagrammables », qui séduisent aussi bien les jeunes générations que leurs parents. La Suisse, à l’inverse, valorise la discrétion, l’humilité, la précision et la fiabilité — la substance et la confiance avant la mise en scène.
Cela dit, les gérants indépendants peuvent s’inspirer des banques sur plusieurs points. Chaque client devrait pouvoir compter sur une véritable équipe, composée de deux ou trois professionnels, dont le relationship manager. C’est ce qui assure une véritable continuité de service et une approche collaborative de la relation client. La réputation est un autre point clé. Éviter les conflits d’intérêts, rester dans le cadre des licences et ne pas opérer dans des juridictions mal maîtrisées est essentiel. L’intégrité est non négociable. Et la valeur a un prix : facturer de manière juste renforce le professionnalisme. Enfin, la spécialisation est décisive. Comme le disait Mary Erdos chez JP Morgan, «Better to be a master of one than a jack of all trades.» En fait, cela s’applique parfaitement aux gérants indépendants. Ils doivent identifier leur véritable valeur ajoutée et se concentrer dessus.
En somme, les gérants devraient prendre modèle sur la rigueur, la structure et la discipline des banques, tout en préservant leur authenticité — l’âme même de la gestion privée suisse.

Dans quels domaines les gérants externes doivent-ils encore progresser ?
Les acteurs les plus en avance professionnalisent leurs opérations, investissent dans l’IT et le digital, et ils formalisent leur gestion des risques, tout en préservant leur esprit entrepreneurial. Nous connaissons tous le KYCKnow Your Client –  mais, demain, le KYDKnow Your Data — va devenir tout aussi important. Comprendre et analyser la donnée va permettre d’agir de manière proactive plutôt que réactive. C’est la base même d’une stratégie réfléchie et cohérente.
Les gérants doivent aussi standardiser leurs processus d’investissement. Trop souvent, les décisions de portefeuille reposent encore sur les choix individuels des relationship managers, ce qui complique la maîtrise des risques et la scalabilité. La mise en place de comités d’investissement et de portefeuilles modèles apporterait davantage de cohérence et de discipline. Enfin, la succession reste un point sensible : beaucoup de structures dépendent encore trop de leurs dirigeants seniors. Associer des profils expérimentés à des profils plus jeunes, technophiles, tout en partageant revenus et indicateurs de performance, permettrait d’assurer une vraie continuité et une transmission plus facile du savoir-faire.

Où voyez-vous les transformations les plus profondes du modèle EAM dans les prochaines années ?
Les gérants indépendants vont devenir plus institutionnels, digitaux et interconnectés. Leur réussite dépendra de leur capacité à trouver et à maintenir de bons équilibres : croître grâce à la standardisation sans perdre en simplicité ni en proximité, adopter la digitalisation sans renoncer à l’humain, et se structurer davantage tout en préservant leur fibre entrepreneuriale.
La mise à l’échelle passera aussi par la création d’écosystèmes digitaux : plateformes mutualisées, connexions API avec les banques dépositaires, fournisseurs de données et fintechs… Ce sera nécessaire pour fluidifier les opérations et enrichir au final l’expérience client.
Ceux qui sauront conjuguer technologie, processus et indépendance n’auront pas de mal à définir les standards de demain.

Les gérants qui dépassent aujourd’hui les 3, 5 ou 10 milliards d’actifs doivent-ils repenser leur modèle ?
Oui. Ils doivent passer de boutiques dirigées par leurs fondateurs à des organisations structurées, axées sur les data, capables de changer d’échelle. L’efficacité viendra de l’automatisation et de la standardisation. La transparence dépendra d’une gestion rigoureuse des données. La stabilité résultera de cadres d’investissement institutionnalisés. Et la confiance se dégagera d’une gouvernance solide. L’enjeu consiste à préserver l’esprit entrepreneurial et la proximité client, tout en renforçant la structuration et la discipline des processus internes.

Que signifie, concrètement, “cadre d’investissement institutionnalisés” ?
Aujourd’hui encore, beaucoup de décisions d’investissement reposent sur des choix individuels, rarement documentés. Une structure professionnelle doit s’appuyer sur des portefeuilles modèles, des comités d’investissement et une justification claire de chaque ajustement d’allocation. Pouvoir expliquer pourquoi on augmente son exposition à l’or ou on réduit la poche Equities est une nécessité. Les mandats discrétionnaires ne signifient pas liberté totale, mais action dans un cadre clair et transparent de gestion du risque.

Comment attirer des relationship managers issus du monde bancaire ?
Avant de les attirer, il faut comprendre ce qui les freine. Ce n’est pas un manque de compétence client, mais plutôt la peur de perdre les fonctions de support, la technologie, ou le confort d’une structure hiérarchisée. En banque, tout est centralisé : compliance, cross-border, produits, spécialistes.
Pour combler ce fossé, les gérants peuvent mettre en place des modèles en tandem associant managers seniors et juniors, où les seconds prennent en charge la technologie et l’administratif. Offrir plus de flexibilité dans les horaires et les lieux de travail est aussi un atout. Fournir un cadre de conformité et de gestion du risque solide rassure sur la sécurité opérationnelle. Enfin, instaurer des modèles de participation à vie — permettant aux seniors de conserver une part des revenus générés après leur retraite — favorise la loyauté, la transmission et la collaboration entre générations.

Comment croître sans perdre en agilité ni diluer la culture d’entreprise ?
Il n’existe pas de recette miracle, mais quelques principes clés. Ce sont par exemple des processus clairs qui soutiennent le travail sans créer de bureaucratie, des décisions proches du client, des valeurs partagées, intégrées dès le recrutement et des équipes décloisonnées entre investissement, opérations et management. Quand une équipe gagne, toute l’entreprise doit en bénéficier.
La culture doit être entretenue activement — réunions, communication ouverte, rituels partagés. La transparence est aussi essentielle : partager des données financières simplifiées renforce la mentalité entrepreneuriale et le sentiment d’appropriation. En banque, les employés sont souvent des soldats ; dans une structure indépendante, ils doivent devenir des entrepreneurs — cela exige formation et confiance.

En quoi les gérants indépendants conservent-ils un avantage face aux banques ?
Leur force, ce sont les personnes. Ce qui fait la différence, c’est la relation : un lien personnel, des portefeuilles sur mesure, une défense sincère des intérêts du client — coûts compris. Comprendre les individus, pas seulement leurs actifs, c’est la clé pour instaurer la confiance, surtout dans les moments où les marchés se montrent très volatils.

Quel est selon vous le principal défi des cinq prochaines années ?
À court terme, la rentabilité et la croissance. Les bases de clientèle vieillissent, les actifs se concentrent, les modèles traditionnels s’essoufflent. À plus long terme, le défi sera de se digitaliser et de se structurer sans perdre l’essence de la relation. Trouver l’équilibre entre efficacité, technologie et proximité humaine déterminera les réussites de demain.

Cindy Eicher

DCP Client Partner

Cindy Eicher a pris la direction de DCP Client Partner comme CEO en juin 2024. Au fil de son parcours, elle a occupé plusieurs postes de direction au sein de grandes banques suisses et internationales – notamment dans la gestion d’actifs chez Vontobel et la gestion de fortune chez Credit Suisse. Chez Deutsche Bank, elle a géré une clientèle institutionnelle avant de prendre la direction du Private Banking de J.P. Morgan à Zurich. Entre 2022 et 2024, elle a dirigé sa propre société de conseil, spécialisée dans les solutions de financement et le fundraising. Cindy Eicher a commencé sa carrière par un apprentissage bancaire chez UBS, avant d’obtenir un Bachelor en économie d’entreprise à la ZHAW de Winterthur.

 

Sphere

The Swiss Financial Arena

Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

ISFB x SPHERE

Solutions EAM

  • Interview Lisa Desjardins
  • Spécialiste Compliance & Gestion des risques
  • Séminaire Gérants indépendants ISFB x SPHERE

« La compliance et la gestion du risque sont les deux faces d’une même médaille. »

Le programme de formation ISFB x SPHERE destiné aux gérants de fortune indépendants débute le 24 novembre à l’Institut Supérieur de Formation Bancaire, à Genève. La toute première session, animée par Lisa Desjardins et Christian Wolf, est consacrée à une mise à jour réglementaire approfondie, avec un accent particulier sur la gestion du risque, thème désormais indissociable de la compliance.

La première session du programme ISFB x SPHERE a lieu le 24 novembre. Elle sera consacrée à une « mise à jour réglementaire ». Quelle en sera la teneur dans les grandes lignes ?

Le concept de cette formation sera en premier lieu d’offrir une synthèse des principales exigences réglementaires, de leurs nouveautés et de leurs évolutions, mais aussi de proposer une approche pragmatique pour appréhender l’ensemble de ces exigences.

Depuis l’entrée en vigueur de la LSFin et de la LEFin, le cadre réglementaire des gérants indépendants a en effet beaucoup évolué. Quelles sont, selon vous, les principales transformations qu’il faut en retenir ?

Les gérants indépendants ont été confrontés à une double révolution ces dernières années. D’abord, il se sont trouvés face à des lois complètement nouvelles qu’ils ont dû intégrer au mieux à leurs processus. Par ailleurs, ces lois ont impliqué pour eux l’émergence de nouveaux interlocuteurs : les organismes de surveillances – les OS – la FINMA, et les fonctions de contrôles indépendantes.

Ces dernières années ont été consacrées à la mise en place de toutes ces nouveautés. Les divers acteurs – OS, auditeurs, spécialistes compliance et gestion des risques – se sont montrés globalement assez exigeants dans la mise en œuvre des lois et les modèles d’affaires ont dû être significativement adaptés pour faire face à ces changements.

Aujourd’hui, ces nouveaux processus compliance commencent à être appliqués de manière relativement homogène chez les gérants. Il est temps de réfléchir à la façon dont on peut leur donner du sens, pour qu’ils deviennent un outil proportionné et pas seulement une contrainte externe.

En quoi la LSFin se distingue-t-elle de MiFID II dans son approche et ses implications pratiques ?

La LSFin est moins procédurière que MIFID II. On entend parfois que la LSFin est excessive ou inadaptée pour certains modèles d’affaire. Elle présente néanmoins un avantage intéressant : elle consiste en des principes généraux qui peuvent être appliqués selon de nombreuses approches.

La suitability, par exemple, est presque toujours abordée selon un mécanisme de bornes à respecter pour chaque classe d’actif. La LSFin permettrait en réalité d’autres approches qui pourraient s’avérer plus adaptées à certaines organisations. Ce sont ces nuances que nous prévoyons d’aborder dans la formation ISFB x SPHERE du 24 novembre prochain.

Dans quelle mesure la LBA et les sanctions restent-elles aujourd’hui des sujets sensibles pour les gérants indépendants ?

La LBA et les sanctions comptent parmi les risques clés rencontrés par les gérants, notamment en raison des dispositions pénales qui en découlent pour eux comme pour tous les intermédiaires financier. Il y a chez les gestionnaires l’impression chez que les choses sont faites à double – par la banque dépositaire et par eux-mêmes. Ces dernières années ont permis de constater que c’est une impression erronée. Les banques ont généralement des dispositifs informatiques sophistiqués pour détecter les indices de blanchiment – outils d’analyse transactionnelle, de screening presse… – mais il leur manque souvent la proximité avec le client du gestionnaire pour aborder cette question en profondeur. Nous observons chaque année des situations où les gérants avertissent la banque dépositaire sur des indices de blanchiment que cette dernière n’avait pas identifiés.

Comment les gérants peuvent-ils mieux structurer leur gestion du risque sans pour autant complexifier leur structure ?

Jusqu’à présent les gérants ont mis en place toutes les dispositions attendues par les grandes lois qui les concernent : LBA, LSFin et LEFin. La Gestion du risque est avant tout une analyse du dispositif avec un regard porteur de sens : quel est la propension aux risques de mon organisation ? Un gérant spécialisé dans le placement privé voit les risques d’une façon complètement différente d’un gérant spécialisé dans le marché actions, par exemple. Il convient donc de déterminer le niveau global de risque qu’il est prêt à accepter pour atteindre ses objectifs stratégiques, mais aussi de quantifier le niveau de risque qu’il peut supporter sans subir de dommages inacceptables.

Quelles différences faut-il faire entre compliance et gestion du risque ?

La compliance et la gestion du risque sont les deux faces d’une même médaille : lorsque le gérant analyse le portefeuille de son client, il fait à la fois de la gestion du risque – de marché, de contrepartie, etc – et de la compliance, puisque la suitability est une disposition de la LSFin.

La grande différence entre les deux est le concept de proportionnalité. La compliance fonctionne selon une approche quelque peu binaire : conforme versus non conforme. La gestion du risque s’adapte au modèle d’affaire et à l’appétit au risque du gérant.

Ces dernières années, les gestionnaires ont dû mettre en place de lourds dispositifs de compliance. Il est temps pour eux de se poser la question de leurs risques clés et de l’adaptation de leur dispositif à ces derniers.

Sur la notion « de propension au risque » que vous voulez aborder, comment un gérant peut-il définir ses seuils de tolérance et les intégrer de manière cohérente dans ses processus ?

Cette question sera l’un des thèmes de la formation car elle mérite développement. Mais en quelques mots, toute aventure entrepreneuriale implique une prise de risque. La question n’est pas de supprimer le risque – car le commercial serait alors supprimé également – mais de fixer des limites et de s’assurer que les contrôles permettent de rester dans ces dernières. La propension au risque d’une organisation dépend de son modèle d’affaire mais aussi de la sensibilité de l’entrepreneur.

Lisa Desjardins

Claritis

Lisa Desjardins est la co-fondatrice de Claritis, une société créée en 2021 pour accompagner les établissements financiers en Suisse dans le domaine de la compliance et de la gestion des risques. Lisa a travaillé pendant presque 20 ans dans ces fonctions au sein de banques internationales à Genève, puis comme experte en risque et compliance auprès de gestionnaires de fortune, de fonds et de maisons de titres. Lisa Desjardins est titulaire d’un Master en science politique, obtenu à l’Université de Genève, d’un diplôme post-grade du Graduate Institute à Genève et d’un Certificat de formation continue en Compliance, obtenu également à l’Université de Genève.

Informations pratiques

Mise à jour réglementaire, ISFB, 24 novembre

Contenu : ce module est consacré au cadre réglementaire applicable aux gestionnaires de fortune indépendants et à son évolution depuis l’entrée en vigueur de la LSFin et de la LEFin. Après une présentation des obligations légales et de leurs principales nouveautés, il met l’accent sur leur signification concrète pour les GFI et sur les enjeux qu’elles recouvrent au quotidien. Le chapitre propose également des pistes pour intégrer ces exigences de manière cohérente dans les processus de gestion.

Durée : 4h00

Format : Présentiel

Intervenant :  Lisa Desjardins

Conditions d’admission :

Prix Public par module : CHF 550.-

Prix Membre par module : CHF 410.-

Prix Public Séminaire 4 modules : CHF 1’800

Prix Membre Séminaire 4 modules : CHF 1’350

S’inscrire :

Inscription Formation | ISFB

Plus d’informations :

Séminaire Gérants indépendants ISFB x SPHERE | ISFB

 

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