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Jean-Sylvain Perrig
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Le modèle 60-40 tient bon dans des marchés toujours plus complexes
Remis en question après 2022, quand actions et obligations ont alors chuté de concert, l’inusable 60-40 prouve pourtant qu’en matière d’investissement, la discipline, la simplicité et la qualité d’exécution l’emportent sur les modes et les prédictions à court terme. Car derrière les performances, c’est moins le modèle qu’il faut revoir que la philosophie d’investissement elle-même — sans renier les fondamentaux. Bien évidemment…
Depuis plus de vingt ans, le modèle 60-40, 60 % d’actions et 40 % d’obligations, ou plus souvent 50-50 dans les pays européens, s’impose comme la référence dans la construction de portefeuilles équilibrés. Pourtant, après la crise de 2022, nombreux sont ceux qui ont anticipé sa disparition. À tort. Ce modèle, loin d’être dépassé, incarne la résilience et la simplicité dont les investisseurs, privés comme institutionnels, ont besoin dans un environnement financier de plus en plus complexe.
Le portefeuille 60-40 repose sur une logique simple : allier la recherche de rendement, portée principalement par les actions, à la stabilité procurée par les obligations souveraines et corporates. Historiquement, cette combinaison a permis de traverser les crises financières avec une relative sérénité. Lorsque les marchés actions chutent, les obligations souveraines issues des principaux pays industrialisés, États-Unis, Allemagne, ont tendance à s’apprécier, offrant ainsi un coussin de sécurité qui amortit les pertes des actifs risqués en portefeuille.
Cette corrélation négative a longtemps été la clé de voûte des stratégies d’investissement équilibrées. Elle permettait de limiter les pertes lors des épisodes de volatilité, tout en offrant un revenu régulier en période de calme.
La correction sévère des obligations en 2022 a changé la donne. Pour la première fois depuis des décennies, les obligations – souveraines comme corporates – et les actions ont évolué dans le même sens, à la baisse. Cette année-là, le S&P500 a perdu par exemple 18.1%, dividendes compris, tandis que l’indice obligataire Bloomberg Aggregate Total Return a lâché 13%. Phénomène inédit pour tous les professionnels de la finance en exercice aujourd’hui. Aucun d’entre eux n’avait alors vécu une telle situation. Ce scénario a donc conduit certains observateurs à remettre en cause la pertinence du modèle 60-40.
A l’usage, si la décorrélation n’est plus aussi systématique, le modèle 60-40 conserve cependant toute sa valeur. Même lorsque les obligations et les actions baissent simultanément, la présence d’obligations dans un portefeuille permet de limiter l’amplitude des fluctuations. L’objectif premier, réduire la volatilité globale, reste donc atteint, même si les mécanismes de protection sont moins efficaces qu’auparavant.
Ce qui est probablement devenu obsolète, ce n’est pas un modèle d’allocation, mais plutôt une philosophie d’investissement. Par le passé, les professionnels de la gestion d’actifs et de la gestion privée avaient accès à une meilleure information que le grand public. Elle leur permettait parfois de pouvoir ajuster les portefeuilles à l’environnement financier avec un temps d’avance sur le « retail ». Ce n’est plus le cas. De nos jours, chacun peut accéder à un niveau d’information sur la macro- ou la microéconomie comparable à celui qu’exploitent les professionnels. Ces derniers y perdent ainsi un avantage stratégique majeur.
Une estimation réaliste des performances attendues du portefeuille est désormais possible. Il suffit pour cela d’évaluer sur le long terme le rendement potentiel des obligations et des actions. Plus l’horizon temps est long, plus la fourchette de fluctuation est faible, car les fondamentaux vont primer sur tous les autres facteurs. Blackrock réalise ce type de prévisions pour les années à venir. Selon leurs dernières estimations, un portefeuille 60-40 devrait obtenir un rendement en USD compris entre 4.35% et 6.61% en moyenne par an sur les dix prochaines années, sans tenir compte des frais. Comme on le voit, il n’y a pas de raison de penser que le 60-40 ne fonctionne plus. Ce qu’un investisseur peut raisonnablement attendre d’une telle allocation repose avant tout sur les retours sur investissement des actions et obligations à long terme.
Il n’est pas nécessaire d’ajuster sans cesse la composition du portefeuille en fonction des fluctuations de court terme, mais au contraire de rester fidèle à une stratégie, quelles que soient les émotions du moment. Il faut accepter l’incertitude des marchés et demeurer investi. Des modifications peuvent être apportées à la composition du portefeuille, lorsque le régime financier change. Ce qui arrive en fait peu souvent.
L’essentiel est de privilégier la simplicité. Warren Buffett, le Sage d’Omaha, le prouve depuis plusieurs décennies : inutile de complexifier à outrance pour obtenir des résultats solides. La patience est également indispensable, car c’est bien le temps, et non le timing, qui permet d’obtenir de la performance.
Avoir une allocation d’actif qui convient à son profil de risque ne suffit pas. Il faut encore trouver les bons véhicules d’investissement pour implémenter sa stratégie. Sur ce point précis, il est important de rester intransigeant. Un fonds actif classé dans le troisième ou quatrième quartile de sa catégorie sur trois ou cinq ans n’a plus sa place en portefeuille. En cas de doute, mieux vaut privilégier un ETF liquide. De la même manière, la prudence s’impose face aux produits structurés, souvent coûteux et dépourvus d’un véritable marché secondaire, sauf à considérer quelques AMC de qualité, accessibles à la valeur nette d’inventaire.
Pour optimiser les résultats, il faut garder le cap sur le rapport rendement-risque, car tout objectif déviant de ce duo fondamental limitera tôt ou tard la performance. Les professionnels de la gestion qui chercheraient simultanément à maximiser leur rémunération et la performance du portefeuille poursuivent deux buts incompatibles. À long terme, seule la discipline d’une allocation bien pensée, exécutée sans concession sur la qualité des instruments, permet d’atteindre les rendements espérés. Ainsi, la question de la pérennité du modèle 60-40 n’est pas remise en question. Pour autant que l’on respecte les règles de base de l’investissement.
Pour les investisseurs suisses, confrontés à des taux obligataires historiquement bas, une question centrale se pose : que faire lorsque le rendement attendu des obligations d’État frôle le zéro pour la décennie à venir ? C’est un casse-tête flagrant. Trouver alors des alternatives devient indispensable, car investir dans un actif sans rendement attendu n’a plus de sens. Dans ce contexte, il devient nécessaire de repenser la construction du portefeuille, sans pour autant renoncer aux qualités de la diversification entre actions et obligations. Les solutions existent.
Le modèle 60-40 est avant tout une façon de définir un budget de risque. S’il continue de séduire, c’est parce qu’il reflète les attentes de la plupart des investisseurs — particuliers comme institutionnels — en matière de performance ajustée du risque. C’est aussi ce qui explique l’attention portée à ses résultats.
Dans un environnement financier où l’incertitude et la volatilité sont devenues la norme, la simplicité, la discipline et la flexibilité sont plus précieuses que jamais. Plutôt que de courir après des stratégies complexes, bien souvent peu profitables, les investisseurs ont tout intérêt à s’appuyer sur des principes qui ont fait leurs preuves
Face aux défis des marchés modernes, le modèle 60-40 incarne une continuité. Il existe des possibilités pour l’améliorer, mais il a su néanmoins démontrer son efficacité dans la durée. Si la décorrélation entre actions et obligations est moins forte à l’avenir, il faudra accepter plus de volatilité que par le passé pour obtenir un résultat similaire, c’est là que les esprits chagrins diront que l’approche a perdu de son lustre.
Jean-Sylvain Perrig
Premyss
Jean-Sylvain Perrig est le fondateur et CEO de Premyss, qui accompagne des gestionnaires indépendants et des family offices dans l’allocation d’actifs, la stratégie de portefeuille et l’analyse de marché. Jean-Sylvain a plus de 30 ans d’expérience dans la gestion d’actifs et le conseil stratégique. Il a occupé des fonctions dirigeantes dans des établissements bancaires suisses de premier plan notamment en tant que Chief Investment Officer. Il a également présidé la Swiss Financial Analysts Association (SFAA) dont le but est l’éducation financière des professionnels de l’investissement. Jean-Sylvain est titulaire d’un Master en gestion de l’entreprise de HEC Lausanne ainsi que de la certification fédérale d’analyste financier
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Devenus des piliers stratégiques dans les sociétés de gestion, les PMS évoluent bien au-delà de leur rôle opérationnel. Grâce aux avancées de l’IA, à l’automatisation des processus et à la transition vers des architectures ouvertes, ils se transforment en plateformes intelligentes, capables d’offrir une gestion plus fluide, plus personnalisée et mieux centrée sur le client.
Les grandes dynamiques à l’oeuvre dans la transformation des PMS
Les PMS forment aujourd’hui l’ossature des sociétés de gestion. Elles permettent aux gérants de rationaliser leurs opérations au quotidien et d’apporter une valeur ajoutée tangible à leurs clients. En intégrant des fonctions clés comme le CRM, l’OMS ou le DMS, ces plateformes automatisent de nombreux processus et renforcent la fluidité ainsi que la personnalisation de l’expérience client.
À l’heure où les données – qu’il s’agisse de flux de marché, de profils clients ou d’historiques de transactions – sont massivement collectées et analysées, les éditeurs de PMS sont idéalement placés pour exploiter les avancées technologiques qui ont cours en ce moment. Ces innovations rendront leurs plateformes plus intuitives, évolutives et véritablement centrées sur les besoins des clients.
Stratégies d’investissement personnalisées
Les PMS évoluent rapidement pour rendre la construction de portefeuille plus personnalisée et plus sophistiquée. Les plateformes actuelles permettent aux gérants de concevoir des portefeuilles adaptés aux objectifs, aux valeurs et au profil de risque propres à chaque client. Un élément central dans cette personnalisation est la capacité à regrouper et superviser tous les types d’actifs, quel que soit leur lieu de dépôt ou leur mode de conservation. L’intégration fluide de ces avoirs permet une approche véritablement holistique de la gestion du patrimoine.
Solutions cloud natives et évolutives
L’adoption du cloud transforme les PMS en outils bien plus agiles, capables d’accompagner efficacement la montée en charge des activités de gestion. Avec leurs tableaux de bord centralisés et leurs outils performants, ces nouvelles plateformes offrent aux gérants une grande flexibilité pour piloter portefeuilles et opérations à distance. Contrairement aux systèmes traditionnels installés sur site, les solutions cloud modernes montent en charge automatiquement, offrent une reprise rapide en cas d’incident et demandent peu de maintenance. Leur architecture native dans le cloud facilite le déploiement, l’intégration avec d’autres technologies, et contribue à une gestion plus efficace des coûts.
Collecte automatisée des données, rapprochement et efficacité opérationnelle
Les plateformes PMS de nouvelle génération optimisent la gestion des données en proposant des interfaces robustes avec les banques dépositaires. Elles assurent ainsi la collecte et le rapprochement automatiques des données de portefeuille à partir de sources multiples. En réduisant les interventions manuelles, ces systèmes limitent les erreurs et allègent la charge opérationnelle. Des moteurs de règles avancés renforcent la fiabilité en exerçant des contrôles stricts sur l’intégrité des données et la qualité des transactions, ce qui permet de détecter et corriger rapidement les écarts. En automatisant ces fonctions clés, les PMS garantissent une information plus fiable, des mises à jour accélérées et une gestion de portefeuille mieux sécurisée.
Reporting avancé et engagement digital du client
Les nouvelles solutions de reporting offrent aux clients une vision claire et structurée de leur portefeuille, en couvrant l’ensemble des classes d’actifs et des dépositaires. Cette transparence accrue renforce la relation de confiance. Les plateformes conçues pour un usage digital transforment l’expérience utilisateur : elles donnent accès à une visualisation intuitive des portefeuilles et à des analyses adaptées au profil de chaque client. Les portails ne se limitent plus à la consultation de comptes ; ils facilitent le partage de documents, simplifient les échanges et assurent un suivi en continu. Avec leurs tableaux de bord interactifs, les clients peuvent personnaliser l’affichage de leurs données, consulter leurs performances et surveiller les risques en temps réel.
Fonctions de conformité réglementaire
L’intensification des exigences réglementaires pousse les PMS à intégrer des outils d’automatisation de la conformité qui réduisent la charge administrative et s’alignent sur les normes en vigueur. Ces plateformes proposent désormais des vérifications KYC/AML automatisées, des pistes d’audit en temps réel et une transparence totale sur les frais — intégrant ainsi la conformité directement dans les processus opérationnels. Les contrôles en temps réel, associés à des évaluations de risque automatisées, permettent de détecter les anomalies en amont et de limiter les risques opérationnels. Les outils de reporting intégrés simplifient les dépôts réglementaires, tout en contribuant à une réduction significative des coûts de conformité.
Intégration API et connectivité écosystémique
Les PMS modernes sont de plus en plus conçus sur des architectures ouvertes via API, pour une intégration fluide avec une large gamme de systèmes tiers — plateformes de trading, dépositaires, outils CRM et fournisseurs de données. Grâce à la synchronisation des données en temps réel, à l’exécution automatisée des ordres et à l’analyse consolidée des portefeuilles, les API transforment la manière dont les gérants conçoivent et pilotent leur écosystème IT.
Ce niveau d’interopérabilité leur permet de construire des architectures sur mesure, parfaitement alignées avec leurs processus opérationnels et leurs objectifs stratégiques. Il garantit également la cohérence, l’intégrité des données et un haut niveau de sécurité sur l’ensemble des points de contact.
Intégration des investissements alternatifs
Les PMS évoluent pour répondre à la demande croissante d’investissements alternatifs tels que le private equity, l’immobilier, les hedge funds ou les cryptomonnaies. Ces systèmes proposent désormais des modèles de valorisation avancés, des outils de gestion de liquidité et des cadres de risque adaptés aux complexités propres à chacune de ces classes.
Gérer efficacement les investissements alternatifs nécessite des fonctionnalités spécifiques en matière de reporting, de suivi de performance et de conformité. Les PMS de nouvelle génération répondent à ces enjeux en agrégeant les données provenant de sources multiples, en automatisant le calcul des NAV et en ajustant leurs analyses aux spécificités des actifs illiquides ou à flux de trésorerie complexes. Ils intègrent également les contraintes de liquidité, les périodes de blocage et les structures de frais spécifiques dans leurs outils de gestion des risques.
Intelligence artificielle et automatisation
L’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique servent à automatiser l’analyse des données, le suivi réglementaire et l’analyse des portefeuilles. Les outils d’analyse prédictive et d’analyse de sentiment permettent aux gérants de prendre des décisions plus rapides et mieux fondées sur les données. Les systèmes basés sur l’IA sont désormais capables de traiter de vastes quantités de données non structurées afin de capturer efficacement l’information, quel que soit son format.
Interaction cognitive avec le client
L’IA générative est de plus en plus utilisée pour alimenter des conseillers virtuels capables d’expliquer les décisions de portefeuille dans un langage clair, naturel, et de simuler les résultats dans différents scénarios de marché. Ce type d’interface facilite la transmission de notions financières complexes. Elle rend ainsi la gestion de portefeuille plus compréhensible, plus transparente et mieux adaptée aux attentes des clients.
Optimisation prédictive des portefeuilles
L’IA utilisera des modèles d’apprentissage profond et génératif pour simuler divers scénarios de marché, et tester la résilience des portefeuilles face à différentes perturbations. Les outils d’IA générative peuvent analyser des données non structurées — comme les annonces de résultats ou le sentiment exprimé dans les médias — pour anticiper les mouvements de prix et suggérer des ajustements en temps réel. Ces modèles permettent également de détecter des corrélations cachées entre classes d’actifs et indicateurs macroéconomiques, facilitant de la sorte une gestion proactive des risques.
Sener Arslan
QPLIX
Sener Arslan est depuis l›an passé directeur Suisse chez Qplix, en charge du développement commercial sur ce marché. Fort de sa solide expérience dans la wealthtech, il se concentre sur les segments des gestionnaires de patrimoine, des family offices et des banques. Il a commencé sa carrière en tant que wealth manager chez UBS avant de fonder sa propre société de gestion. Par la suite, il a occupé différents postes de direction, notamment celui de Group COO chez Taurus Wealth, présent à Singapour, Dubaï et en Suisse, puis il a cofondé Integraal Partners. Il est titulaire d’un Bachelor of Science en banque et il détient la certification CFA.
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Face à un environnement marqué par la consolidation et la montée des exigences réglementaires, SSI Wealth Management incarne une nouvelle génération de gérants indépendants : structurés, connectés et tournés vers une croissance durable. Oliver Amstad, son CEO, explique ici comment la récente intégration au groupe Cinerius a permis à SSI d’accélérer son expansion tout en préservant sa fibre entrepreneuriale.
Par Jérôme Sicard
Quels facteurs ont soutenu la croissance durable de SSI au cours de la dernière décennie ?
Notre trajectoire au fil des dix dernières années s’est avant tout construite sur les personnes – sur la force et la complémentarité des équipes que nous avons réunies. Dès le départ, SSI a cherché à rassembler des profils qui aient à la fois une expertise approfondie et un esprit entrepreneurial. Cela vaut non seulement pour nos collaborateurs, mais aussi pour nos partenaires, pour le réseau élargi avec lequel nous travaillons et pour notre conseil d’administration. Nous l’avons progressivement remodelé afin qu’il reflète l’évolution et les nouvelles aspirations de l’entreprise.
Depuis 2023, nous nous sommes également réorganisés sous forme de holding, qui regroupe à ce jour environ 3 milliards d’actifs sous gestion. La holding inclut SSI Wealth Management, Huber & Partner, Monaval, SSI Asset Management au Liechtenstein, Carnot – une société de gestion spécialisée dans les investissements durables et l’efficacité énergétique – ainsi que SSI Services, une fiduciaire basée à Zurich. Chacune de ces unités apporte une expertise spécifique ; ensemble, elles forment un écosystème cohérent qui alimente notre croissance.
Notre réussite s’explique aussi par le fait que nous nous concentrons sur des marchés de niche et sur des domaines où nous pouvons offrir une réelle valeur ajoutée. Un bon exemple est notre Gold Equities Fund, passé de 30 millions à plus de 200 millions de francs suisses. La performance du fonds a naturellement attiré de nouveaux investisseurs, mais surtout, elle a démontré la solidité de notre réseau et notre capacité à croître par l’expertise plutôt que par le marketing.
Quels leviers de croissance privilégiez-vous aujourd’hui ?
Notre développement s’inscrit dans la continuité de la collaboration que nous entretenons notamment avec les fiduciaires, les family offices et bien sûr avec nos clients existants. Ces relations de long terme génèrent naturellement de nouvelles recommandations et de nouvelles opportunités. La croissance organique demeure un pilier essentiel, mais elle s’accompagne désormais d’une expansion externe sélective. Les deux se renforcent mutuellement : les acquisitions apportent de nouvelles compétences, tandis que la croissance interne garantit la préservation de notre culture et de nos standards.
Nous concentrons actuellement nos efforts sur notre présence dans la région DACH, tout en explorant de nouvelles perspectives en Scandinavie et en Israël, où nous disposons déjà de solides liens. L’objectif n’est pas une expansion agressive, mais une croissance maîtrisée – en veillant à maintenir la proximité et la qualité du service.
En quoi l’intégration au groupe Cinerius a-t-elle influencé cette trajectoire ?
Rejoindre Cinerius a donné une impulsion très concrète à nos développements. Avant cela, nous avions l’ambition de croître par acquisitions, mais sans disposer de l’infrastructure ni de l’expérience transactionnelle nécessaires pour avancer rapidement. Cinerius nous a fourni ce cadre : des équipes M&A expérimentées, des juristes spécialisés, des processus éprouvés. Sur cette base, nous avons réalisé deux acquisitions en une seule année – un rythme qui nous aurait pris beaucoup plus de temps auparavant.
Au-delà de l’aspect technique, faire partie de Cinerius nous apporte taille et crédibilité. Le groupe représente aujourd’hui près de 15 milliards de francs d’actifs. Cette masse critique est un atout majeur dans un environnement où les coûts liés à la conformité, à l’informatique et à la gestion des risques ne cessent d’augmenter. C’est aussi un avantage pour attirer de nouveaux talents. Cela dit, nous avons conservé une indépendance entrepreneuriale totale : les décisions stratégiques se prennent ici, à Bäch. Le modèle Cinerius fonctionne précisément parce qu’il allie les ressources du groupe à une réelle autonomie en local.
Votre approche de la croissance a-t-elle évolué depuis l’entrée dans Cinerius ?
Absolument. Nous sommes devenus plus rapides, plus structurés et plus stratégiques. Avant, la croissance externe dépendait beaucoup des opportunités : le bon contact, le bon moment. Aujourd’hui, nous disposons d’un processus clair, d’une méthodologie éprouvée et d’experts capables de mener une acquisition de l’idée à la conclusion en moins d’un an.
Dans le même temps, nous sommes devenus plus sélectifs. L’intégration est aussi importante que l’acquisition. Nous avons appris qu’une croissance réussie doit respecter la culture – l’ADN des entreprises que nous rejoignons. Chez SSI, nous procédons de manière progressive : comprendre les personnes, les clients, la philosophie. Cinerius partage pleinement cette approche. Nous intégrons les sociétés étape par étape, en préservant leur autonomie et leur identité.
Dans quelle mesure les fonctions mutualisées – conformité, informatique, RH, marketing digital – ont-elles contribué à optimiser vos opérations ?
Ces fonctions font une différence considérable. Même avant de rejoindre Cinerius, SSI avait mis en place une structure interne de holding centralisant la conformité, l’informatique, le marketing et les ventes pour ses filiales. Aujourd’hui, nous bénéficions d’un soutien supplémentaire à l’échelle du groupe.
En Allemagne, par exemple, Cinerius a développé des outils de marketing digital particulièrement performants pour l’acquisition de clients – que nous envisageons d’adapter pour le marché suisse. Le département RH du groupe nous apporte également une réelle valeur ajoutée, notamment pour le recrutement de relationship managers seniors et la coordination avec des chasseurs de têtes. Ces ressources nous permettent de rester agiles tout en maintenant des standards opérationnels élevés.
Il ne s’agit pas de perdre notre indépendance, mais de gagner en efficacité. Chaque entité conserve son identité, tout en profitant de la force collective du groupe.
En quoi cette collaboration influence-t-elle votre proposition de valeur auprès des clients ?
Pour nos clients, la collaboration avec Cinerius est presque invisible – et c’est exactement ainsi que nous le souhaitons. SSI reste SSI : la même équipe, la même philosophie, le même niveau de service personnalisé.
Cinerius apporte une base solide qui renforce notre stabilité et notre résilience, sans altérer l’essence de nos relations clients ni notre culture interne. Le groupe n’impose ni marque, ni processus. Il nous permet simplement de faire ce que nous faisons déjà – mais plus vite et plus efficacement.
SSI a récemment intégré Huber & Partner et Monaval. Quels enseignements tirez-vous de ces intégrations ?
A chaque intégration, il apparaît que la culture est primordiale. On peut aligner les systèmes et les processus, mais si la chimie humaine ne fonctionne pas, le projet échoue. Dès les premières discussions avec Huber & Partner et Monaval, il est apparu évident que nous partagions le même état d’esprit : une orientation client forte, de la discipline et une vision à long terme.
Le respect et la confiance sont essentiels, surtout lorsqu’on travaille avec des fondateurs qui ont bâti leur entreprise sur plusieurs décennies. Nous abordons chaque intégration progressivement, en prenant le temps de comprendre les clients et les équipes. Le but n’est pas d’absorber les sociétés, mais de créer des synergies. Ces sociétés que nous intégrons apportent leurs relations, leur savoir-faire et, de notre côté, nous apportons la structure, la conformité et la capacité à croître.
Comment accompagnez-vous concrètement ces sociétés dans leur développement post-intégration ?
Nous commençons par les fondamentaux : conformité, informatique, gestion des risques – des domaines de plus en plus exigeants en ressources. Ensuite, nous aidons à mettre en place des processus évolutifs pour que les équipes puissent se concentrer sur l’essentiel : les clients.
Huber & Partner, par exemple, sera pleinement intégrée sous la marque SSI d’ici 2026, mais d’ici là, elle continue d’opérer de manière autonome tout en profitant de notre infrastructure.
Nous accordons également une grande importance à la relève et à la continuité. Beaucoup de ces sociétés ont été fondées il y a 20 ou 30 ans. Assurer la transmission – pour les clients comme pour les collaborateurs – est crucial. Cela implique de former la nouvelle génération de relationship managers, de moderniser les outils et de créer un environnement attractif pour de nouveaux talents.
Dans un secteur en profonde mutation – marqué par la consolidation et la montée des exigences réglementaires et technologiques – pourquoi le modèle Cinerius vous semble-t-il particulièrement pertinent ?
Parce qu’il répond aux grands défis structurels de notre métier : la succession, la taille critique et la spécialisation. L’âge moyen des gérants indépendants en Suisse est élevé, et beaucoup d’entreprises peinent à assurer leur continuité. Cinerius offre une solution pérenne qui permet de se professionnaliser et de se développer sans renoncer à son esprit entrepreneurial.
Par ailleurs, le secteur a besoin de visibilité. Contrairement aux grandes banques privées comme Julius Baer ou Vontobel, les gérants externes restent souvent dans l’ombre. Une plateforme comme Cinerius leur donne une voix collective et une crédibilité accrue, tout en préservant leur indépendance.
Enfin, la taille compte. Que ce soit pour la digitalisation, la conformité ou l’investissement technologique, la dimension devient un atout stratégique. Le modèle Cinerius combine la force du groupe et la liberté individuelle. C’est ce qui le rend non seulement pertinent, mais indispensable pour la prochaine décennie.
Oliver Amstad
SSI Wealth Management
Oliver Amstad possède plus de trente ans d’expérience dans la gestion de fortune et la banque d’investissement. Il a passé cinq ans au sein de la direction d’une banque privée zurichoise avant de co-fonder SSI Wealth Management, qu’il a dirigée comme CEO et administrateur de 2010 à 2023. Depuis 2024, il est délégué du conseil d’administration de SSI Holding et siège dans plusieurs conseils d’administration du groupe.
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Chez Telomere Capital, la transformation digitale a été placée au coeur du modèle opérationnel. La plateforme IT se veut ainsi une pièce maîtresse du dispositif, au soutien de la gestion, de la conformité, de la relation client et du reporting. Pour Telomere, l’enjeu est clair : bâtir un environnement fluide, modulaire et sécurisé, capable d’accompagner durablement sa croissance.
Par Jérôme Sicard
Comment définiriez-vous plus précisément ce concept de plateforme IT pour une société comme Telomere?
La plateforme IT ne se résume pas pour nous à un simple outil ou à un empilement de solutions technologiques. C’est l’ossature numérique de notre activité, celle qui soutient de manière fluide et cohérente l’ensemble des dimensions de notre métier : la gestion de portefeuilles bien sûr, mais aussi la conformité réglementaire, la relation client ou encore le reporting. Nous l’avons pensée comme une structure modulaire, évolutive et sécurisée, capable de s’adapter aux spécificités de notre clientèle tout en intégrant les évolutions permanentes du marché.
Quelle est la logique d’une telle plateforme aujourd’hui pour un gérant indépendant?
Une plateforme IT doit se voir aujourd’hui comme un levier stratégique. Dans un environnement de plus en plus exigeant, marqué par la complexité réglementaire et la nécessité de se différencier, la plateforme IT permet de centraliser les opérations, d’automatiser ce qui peut l’être et d’assurer une conformité très rigoureuse. C’est aussi ce qui rend possible un service personnalisé, réactif, et cohérent avec les standards du secteur. En intégrant intelligemment des modules performants, de type PMS ou CRM par exemple, nous gagnons à la fois en efficacité et en qualité de service.
Quels types de problèmes permet-elle de résoudre concrètement?
Ils sont nombreux. La consolidation de données issues de multiples sources, par exemple, est devenue ces dernières années un enjeu majeur. Notre plateforme y répond en nous permettant d’uniformiser l’information et en offrant une vision claire, en temps réel, sur l’ensemble de nos comptes. Elle permet aussi de réduire fortement la charge administrative liée aux tâches répétitives et de limiter le risque opérationnel. Elle constitue enfin un rempart essentiel en matière de protection des données, ce qui est aujourd’hui absolument central dans nos métiers.
Et demain?
Elle ira encore plus loin, je n’ai aucun doute là-dessus. Nous poursuivons l’amélioration de nos outils en nous concentrant sur l’ergonomie, la fluidité des processus internes, et la capacité d’intégration avec des partenaires extérieurs. L’objectif est de simplifier toujours plus la vie de nos équipes et de nos clients.
Nous allons notamment renforcer la personnalisation des tableaux de bord, améliorer les notifications intelligentes liées à certains événements de portefeuille, ou encore fluidifier l’onboarding grâce à des formulaires dynamiques et préremplis. Nous prévoyons aussi de faciliter l’édition de documents réglementaires en y intégrant plus de logique métier et de validation automatique.
La plateforme devient ainsi un véritable facilitateur opérationnel, à la fois discret et puissant, au service d’une relation client toujours plus fluide, transparente et réactive. Bref, elle est pour nous le socle technologique sur lequel nous continuerons à bâtir notre évolution, dans une logique pragmatique, utile et pérenne.
Comment avez-vous procédé pour la mettre en place?
Nous avons suivi une démarche très structurée, en partant d’une analyse fine de nos besoins internes. Toutes les équipes ont été impliquées, car il s’agissait de construire un outil transversal. Ensuite, nous avons sélectionné des partenaires capables de concevoir une solution à la fois souple, robuste et parfaitement sécurisée. Le déploiement s’est fait par étapes, avec des phases de test, de formation et d’optimisation continue. Nous avons voulu que ce soit un projet vivant, évolutif, aligné avec notre dynamique de croissance. Nous avons notamment choisi d’implémenter Microsoft Dynamics 365 comme socle CRM, pour sa flexibilité et son intégration fluide avec notre écosystème existant. L’un des axes majeurs a été de permettre une visualisation claire et dynamique des chiffres clés, via Power BI. Cela permet à nos conseillers de générer rapidement des rapports personnalisés, compréhensibles et exploitables en rendez-vous. Le client bénéficie pleinement de ces outils à travers une qualité accrue d’analyse, des échanges mieux documentés et une restitution de l’information plus claire, ce qui renforce la transparence et la confiance dans la relation.
Quels en sont les éléments clés?
Nous avons mis en place une architecture modulaire, qui nous permet d’ajuster facilement les briques techniques à mesure que notre organisation évolue. L’intégration avec nos partenaires bancaires et financiers est fluide, ce qui facilite considérablement la gestion quotidienne. Côté utilisateurs, l’interface est conçue pour être intuitive, aussi bien pour nos collaborateurs que pour nos clients.
Mais au-delà de tout, la sécurité constitue un pilier absolu. Nous avons instauré des protocoles exigeants, avec des audits réguliers et des tests d’intrusion systématiques. Cela nous permet de garantir l’intégrité, la confidentialité et la disponibilité des données, sans compromis.
Pourquoi avoir fait le choix d’externaliser la gestion de cette plateforme?
Nous avons pris cette décision de manière délibérée. Externaliser, c’est nous appuyer sur des partenaires qui possèdent une expertise technique autrement plus développée que la nôtre, difficile par conséquent à répliquer en interne à notre échelle. L’externalisation nous garantit une maintenance proactive, des mises à jour régulières et une veille technologique permanente.
Nous avons choisi de collaborer avec des acteurs solides et reconnus dans leur domaine – comme Key IT, BS Team ou ImmunIT – avec lesquels nous avons construit un environnement IT robuste, sécurisé, et parfaitement aligné avec les exigences du métier.
Quels budgets faut-il envisager pour un tel dispositif?
Tout dépend bien sûr du niveau de complexité et de personnalisation souhaité. Mais pour donner un ordre de grandeur, le développement initial et l’intégration peuvent représenter un investissement compris entre 50’000 et 150’000 francs suisses.
Ensuite, les coûts récurrents liés à l’exploitation – maintenance, support, mises à jour, hébergement – se situent généralement entre 30’000 et 100’000 francs par an pour une structure d’environ dix personnes. Ce sont des montants qu’il faut considérer comme un investissement stratégique : c’est ce qui garantit à la fois la qualité du service, la sécurité des données et, à terme, la compétitivité de la structure.
Petra Kordosova
Telomere Capital
Petra Kordosova est directrice financière et responsable de la gestion des risques chez Telomere Capital, société de gestion indépendante avec une forte dimension family office. Elle en est d’ailleurs la co-fondatrice. La création de Telomere Capital remonte à 2015. Avant de se lancer dans ce projet d’entreprise, Petra a travaillé pendant près de dix ans pour UBS Wealth Management à Genève, dans un rôle de conseillère à la clientèle, dédiée au marché suisse. Elle est diplômée de l’Institut Supérieur de Gestion et de Communication de Genève et a suivi par ailleurs de nombreuses formations dans des domaines comme la compliance, la gestion financière et le management bancaire.
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L’union fait la force. Et c’est ce dont auront besoin les gérants indépendants pour survivre. La mission de Fabian Charlier, nommé directeur général de l’AWAP en septembre, consistera donc à structurer et animer cette union. En s’appuyant surtout sur la technologie. L’objectif est de faire de l’association un «écosystème intégré» dont l’objectif est de simplifier le quotidien de ses membres.
Par Levi-Sergio Mutemba
L’un des trois piliers stratégiques que vous souhaitez soutenir est l’orthodoxie de gestion. Qu’entendez-vous par là?
Ce que nous entendons par orthodoxie de gestion, c’est le respect d’un ensemble de règles et de bonnes pratiques. Dans cette optique, AWAP accompagne ses membres GFI dans leurs obligations de conformité, en proposant des services de compliance à des tarifs compétitifs, rendus possibles grâce à la mutualisation des services. Nous les aidons également à se préparer à leurs audits et, plus généralement, à aborder toute nouvelle réglementation de manière structurée et efficiente.
Comment cela se traduit-il concrètement?
À titre d’exemple, la FINMA a récemment renforcé ses exigences en matière de cybersécurité. Nous avons donc organisé, avec notre prestataire IT, un webinaire expliquant comment y répondre de manière pragmatique, et nous avons proposé à nos membres un audit gratuit de leur organisation IT. Cette volonté d’accompagner les GFI dans une orthodoxie de gestion s’étend également au domaine de l’investissement. Nous partageons nos vues de marché et mettons à leur disposition des portefeuilles modèles, ainsi qu’une liste de fonds.
Il nous arrive aussi de jouer le rôle de sparring partner en analysant certains de leurs portefeuilles et en confrontant les risques financiers embarqués avec leur propre vue sur les marchés. C’est un soutien utile pour les petites et moyennes structures, qui n’ont pas toujours des ressources internes dédiées à l’investissement.
En quoi consiste le passage d’AWAP d’une «communauté de GFI» à un «système intégré»?
Au départ, AWAP était surtout une communauté de gérants réunis dans une logique de mutualisation et d’économies d’échelle. Cela a commencé il y a une quinzaine d’année par le partage de locaux, puis par des achats groupés de certains services. Avec l’introduction des licences FINMA consécutive à l’entrée en vigueur des lois LSFin/LEFin, AWAP a dû franchir une nouvelle étape. À savoir professionnaliser son fonctionnement et structurer son offre afin de répondre aux exigences accrues de la réglementation.
À quoi ressemble donc AWAP aujourd’hui?
AWAP regroupe aujourd’hui plus de 25 entités de gestion de fortune qui regroupe plus d’une soixantaine de relationship managers. Nous avons toutefois conservé l’esprit communautaire qui nous anime depuis le début. Aucun frais de gestion n’est prélevé et la contribution des membres reste modeste, adaptée à la taille de chaque entité. Ce montant est du reste souvent compensé par les économies réalisées grâce à la mutualisation des services. Grâce à notre plateforme, les GFI accèdent à un large réseau de prestataires, en matière par exemple de compliance, de systèmes de gestion de portefeuille, ou encore de solutions IT, et ce à des conditions avantageuses.
Techniquement, comment AWAP créé cette interconnexion entre ses membres?
Cette interconnexion est facilitée par myAWAP, notre intranet dédié, qui centralise l’ensemble des ressources, documents, communications et outils pratiques dont les membres ont besoin au quotidien. De fait, myAWAP constitue une véritable colonne vertébrale numérique qui permet de suivre les actualités du réseau en temps réel et de partager des bonnes pratiques.
Au fil des années, cette dynamique collaborative a forgé un fort sentiment d’appartenance au sein de la communauté AWAP. Nombre de nos membres valorisent d’ailleurs leur affiliation dans leur communication auprès de leurs clients, comme gage de sérieux, de transparence et d’engagement professionnel. En d’autres termes, nos GFI restent indépendants, mais ne sont pas seuls : ils bénéficient de la force d’un réseau et de ressources à leur disposition.
S’agissant de la consolidation des GFI, celle-ci se poursuivra-t-elle, selon vous?
À vrai dire, il faudrait déjà qu’elle commence réellement ! Voilà plus de dix ans qu’on en parle, mais dans les faits, très peu d’opérations se concrétisent. Les difficultés tiennent souvent à l’écart entre les attentes des vendeurs et des acheteurs, notamment en matière de valorisation, mais aussi quelquefois à des différences culturelles. En réalité, la dynamique de consolidation concerne aujourd’hui davantage le secteur du private banking, où l’on observe une baisse régulière du nombre de banques en Suisse.
L’égo des gérants joue-t-il un rôle dans la difficulté de trouver un terrain d’entente?
Je ne saurais l’affirmer de manière catégorique. Cela dit, l’égo peut effectivement entrer en jeu, notamment sur des aspects plutôt symboliques. J’ai entendu parler d’un rapprochement ayant achoppé sur des éléments tels que le choix du nom de la nouvelle entité. L’égo joue donc sans doute un rôle, sans être pour autant un facteur systématique. Il faut aussi garder à l’esprit qu’un gérant de fortune indépendant est, par essence, attaché à son indépendance. C’est une dimension identitaire forte, et forcément sensible lorsqu’il s’agit d’envisager un rapprochement.
Est-ce que l’indépendance des gérants a encore de l’avenir, compte tenu de la multiplicité des défis que la profession doit relever?
Je le crois profondément, oui. Les GFI restent – et resteront – des acteurs essentiels de la gestion de fortune en Suisse. L’indépendance demeure le socle d’un conseil objectif, sans biais ni conflit d’intérêts. Ce n’est pas toujours le cas dans les banques, où les impératifs commerciaux – voire de rentabilité – peuvent influencer certaines décisions de gestion. Cela dit, les défis sont bien réels, notamment pour les petites et moyennes structures. Elles subissent une hausse continue des coûts, tout en devant répondre à des exigences réglementaires toujours plus lourdes.
C’est précisément là qu’AWAP apporte sa valeur ajoutée. Notre conviction est simple. À savoir qu’ensemble, nous sommes plus forts. En unissant leurs forces au sein d’un réseau structuré, les gérants peuvent mutualiser certaines ressources, accéder à un support spécialisé et partager des best practices pour faire face à la pression réglementaire et opérationnelle. Cette approche collaborative crée un véritable cercle vertueux, en ce qu’elle renforce la solidité des structures membres tout en inspirant confiance aux clients finaux.
Fabian Charlier
AWAP
Fabian Charlier dirige AWAP avec le titre de managing director. Il connait d’autant mieux la structure qu’il en a été membre voilà dix ans. Fabian a plus de 25 ans d’expérience sur les marchés financiers, dont dix années en banque d’investissement et quinze années en gestion d’actifs, au cours desquelles il a piloté le développement de plusieurs sociétés de gestion. Fabian Charlier est titulaire de la certification Chartered Financial Analyst (CFA).
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Avec la LEFin, la gestion des risques organisationnels n’est plus un simple exercice de conformité. Elle conditionne l’autorisation d’exercer, structure la gouvernance et devient un facteur de crédibilité autant qu’un levier stratégique. Les gérants indépendants qui l’intègrent de manière proactive peuvent ainsi transformer une simple obligation réglementaire en avantage compétitif durable.
Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur les établissements financiers, la LEFin, le paysage réglementaire des gestionnaires de fortune suisses a changé de nature. Ce qui relevait autrefois de l’autorégulation, nourrie de codes de conduite sectoriels et d’usages professionnels, est désormais encadré par un dispositif légal et institutionnel qui impose une discipline organisationnelle accrue. La surveillance de la FINMA, opérée en grande partie par l’intermédiaire des Organismes de Surveillance, a placé la gouvernance et les contrôles internes au coeur de l’évaluation prudentielle. Dans ce contexte, la gestion proactive des risques organisationnels devient un élément central, non seulement pour satisfaire aux exigences légales, mais aussi pour affirmer sa crédibilité, préserver la confiance des clients et assurer la pérennité de son activité.
La LEFin impose une organisation adéquate et proportionnée à la nature, à la complexité et au volume des affaires traitées. Cette exigence dépasse la simple formalité administrative : elle conditionne directement l’octroi et le maintien de l’autorisation. Elle suppose des structures claires, la séparation effective des fonctions de gestion, de contrôle et de surveillance, et la mise en place de procédures internes fiables et documentées. Dans la pratique, il ne s’agit pas seulement d’avoir un organigramme bien dessiné ou un recueil de directives et de procédures sur le coin du bureau, mais de garantir que les lignes de responsabilité soient comprises, appliquées, régulièrement testées et révisées. L’expérience montre que les difficultés apparaissent souvent lorsqu’une forme de routine s’installe, même là où l’on se croit le plus solide : une procédure jamais éprouvée, un remplacement improvisé en cas d’absence d’un collaborateur clé ou encore un processus de validation et de surveillance qui s’appuie sur une seule personne.
Les risques organisationnels spécifiques aux gestionnaires de fortune sont multiples. Ils tiennent d’abord à la gouvernance. L’absence de supervision active par le conseil d’administration ou la confusion des rôles entre les organes peut fragiliser l’ensemble de la structure. Les auditeurs n’hésitent pas à relever ces défaillances, surtout lorsqu’elles se traduisent par une absence de contrôle des opérations ou un suivi lacunaire des obligations réglementaires.
Le risque humain est omniprésent. Les administrateurs et les dirigeants qualifiés en particulier doivent démontrer expérience, probité et compétences techniques ; une nomination inadaptée ou une dépendance excessive à une seule personne peuvent provoquer une réaction immédiate de l’autorité de surveillance. La mise à jour des informations les concernant auprès de la FINMA et des OS est essentielle et un manquement peut conduire à l’ouverture d’une procédure individuelle d’enforcement. Prévenir de telles situations passe par la formation continue, la mise à jour régulière des procédures et la conservation systématique des documents pertinents.
À ces dimensions humaines s’ajoute la question des systèmes et des contrôles internes. Un dispositif de surveillance robuste n’est pas qu’un concept théorique : il doit être intégré au quotidien, périodiquement testé et permettre de détecter puis traiter rapidement tout incident. A ce titre, la production de traces exploitables – audit trail – est essentielle. Les acteurs qui investissent dans des outils adaptés – contrôles intégrés dans les opérations, supervision indépendante par la conformité et la gestion des risques ainsi que l’audit – réduisent considérablement leur exposition. L’efficacité se mesure aussi à la réactivité : la mise en oeuvre rapide de mesures correctives et la documentation précise des décisions prises que le gestionnaire maîtrise son dispositif et sait en tirer des améliorations continues.
La surveillance exercée par la FINMA via les OS et les auditeurs repose sur un système tripartite : le gestionnaire rend des comptes à son OS via son auditeur; la FINMA n’entre en jeu que sur les questions d’autorisation et de sanctions. Derrière cette mécanique, apparemment formelle, se joue en réalité la crédibilité de l’organisation. Les rapports d’audit constituent une photographie détaillée de la situation de chaque établissement. Des constats de manquements porteraient notamment sur une organisation inadaptée ou obsolète, un système de contrôle inadapté ou mal appliqué, et des lacunes dans la mise en oeuvre des obligations LBA ou LSFin, la surveillance des délégataires ou encore dans la gestion des conflits d’intérêts.
L’expérience démontre que la posture adoptée face à ces constats fait toute la différence : un gestionnaire qui anticipe les observations, prépare des réponses argumentées et met en oeuvre sans délai les recommandations établit un climat de confiance durable. Une bonne collaboration continue avec son auditeur est de nature à permettre d’anticiper d’éventuellement manquements et de diminuer ces risques. La souscription à une assurance responsabilité civile, pour ceux qui ne l’auraient pas encore fait, est également un élément contribuant à la diminution du risque, financier cette fois-ci.
Il serait pourtant réducteur de voir dans ce cadre réglementaire uniquement une contrainte. Les gestionnaires de fortune qui intègrent la gestion des risques dans leur stratégie globale transforment cette exigence en levier compétitif. Loin de brider l’initiative, la mise en place d’une culture de conformité favorise la clarté des décisions, fluidifie la communication interne et renforce la relation de confiance avec les clients et partenaires. Encourager la remontée d’informations sans crainte de sanction interne, impliquer l’ensemble des collaborateurs dans l’identification et la maîtrise des risques et valoriser les contrôles comme un gage de sérieux deviennent alors autant de marqueurs distinctifs sur un marché de plus en plus exigeant.
Sous le régime de la LEFin, la conformité n’est pas un objectif figé, mais un processus vivant qui exige anticipation, rigueur et engagement. Loin d’être un coût, la gestion proactive des risques organisationnels et la vigilance constante des organes de direction constituent un investissement stratégique. Elles renforcent la stabilité, protègent la réputation et soutiennent la croissance. Dans un secteur où la confiance reste la première valeur, elles sont sans doute l’assurance la plus précieuse que puisse offrir un gestionnaire de fortune.
Guillaume de Boccard
Geneva Compliance Group
Guillaume de Boccard est associé fondateur de Geneva Compliance Group. Il est spécialisé dans la mise en place et la gestion de projets juridiques et réglementaires, notamment dans le secteur financier. Il supervise l’ensemble des activités de conseil. Titulaire du brevet d’avocat, et détenteur d’un MBA de l’INSEAD, il a précédemment exercé ses activités auprès de de Boccard Conseil. Il a travaillé également pour Pictet & Cie, à Genève, et Credit Suisse, à Zurich.
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