Valorisation

Solutions EAM

  • Interview Carine Frick-Delaloye
  • Head Corporate & Business Development
  • Aquila

Par Jérôme Sicard

« Les clients forment encore et toujours le véritable capital d’une société »

Dans le nouvel environnement que façonne la LSFin/LEFin, la question des successions est devenue cruciale pour de nombreux gérants indépendants. Dans cette interview, Carine Frick Delaloye explore ce sujet sous l’angle de la valorisation, en mettant l’accent sur la profitabilité des actifs.

Quels sont les indicateurs ou métriques clés généralement utilisés pour évaluer une société de gestion?

Lors de l’évaluation d’une société de gestion, l’accent est mis principalement sur les actifs gérés et le chiffre d’affaires. Ces chiffres clés doivent toujours être considérés dans le contexte du ROA, le rendement des actifs. Le portefeuille de clients joue également un rôle central. À cet égard, la structure d’âge des clients, le volume moyen des encours, le nombre de clients ainsi que les risques potentiels de concentration et la répartition géographique sont importants. Un autre aspect essentiel est la question du temps pendant lequel le cédant aidera l’entreprise à conserver ses clients.

Par ailleurs, il faut rester à l’écoute du marché.

Les actifs sous gestion constituent de toute évidence un indicateur clé, mais ils n’en demeurent pas moins un facteur d’incertitude. En cas de vente, il n’est pas garanti que les clients restent fidèles au nouveau propriétaire. En substance, la valeur d’une société est étroitement liée aux relations avec les clients et à leur chiffre d’affaires. De nos jours, une licence FINMA n’a pas nécessairement une valeur spécifique, car elle ne constitue qu’une condition préalable pour accéder au marché.

Quels sont les problèmes qui se posent lorsque la valorisation est basée uniquement sur l’EBITDA ?

Beaucoup de gérants déduisent souvent leurs bénéfices sous forme de salaire, de bonus ou de dividendes. L’EBITDA s’en voit réduit d’autant. Dans bien des cas, cela le rend peu pertinent comme base de valorisation, et c’est plus particulièrement vrai pour les petites structures opérées par leurs propriétaires. En fait, ce sont encore et toujours les clients qui forment le véritable capital, tandis que la société elle-même n’est souvent qu’une simple ‘enveloppe sous licence’.

Quels autres modèles de valorisation recommanderiez-vous ?

Comme je viens de le mentionner, la vraie richesse d’une société de gestion de fortune, ce sont ses clients et sa capacité à les transférer en d’autres mains. C’est pourquoi le ROA nous semble être le modèle d’évaluation le plus juste et le plus pertinent. Tant le portefeuille de clients que le rôle du cédant y jouent un rôle clé.

Comme je viens de le mentionner, la vraie richesse d’une société de gestion de fortune, ce sont ses clients et sa capacité à les transférer en d’autres mains. C’est pourquoi le ROA nous semble être le modèle d’évaluation le plus juste et le plus pertinent. Tant le portefeuille de clients que le rôle du cédant y jouent un rôle clé.

Les jeunes entrepreneurs ne sont pas principalement intéressés par la reprise des actifs de l’ancienne génération d’EAM, mais plutôt par une participation aux revenus. Cette participation aux revenus offre une plus grande sécurité, car elle est axée sur la rentabilité des clients et non sur les actifs gérés, qui pourraient ne pas être maintenus à long terme. En outre, les jeunes entrepreneurs sont prêts à assumer les obligations réglementaires de l’ancienne génération, ce qui devrait également être pris en compte dans l’évaluation.

Comment mesurez-vous la rentabilité d’un portefeuille de clients ?

Comme nous en avons parlé plus tôt, le ROA, autrement dit la profitabilité des encours gérés, est le principal indicateur. Il faut toutefois prêter attention aux structures de clients, comme les family offices, qui gèrent plus souvent des portefeuilles moins rentables pour les membres de la famille. Or, ces portefeuilles sont importants pour la fidélisation des clients, la rétention à long terme et la croissance. La rentabilité doit donc être considérée dans le contexte global des relations clients et ne pas se limiter à des portefeuilles individuels.

Sur quelle base les actifs gérés sont-ils actuellement négociés ?

Tout dépend encore une fois du portefeuille Clients et des modèles de frais qui y sont associés. Ils jouent un rôle essentiel dans l’équation. Pour prendre un exemple, le ROA des clients suisses peut être nettement inférieur à celui des clients internationaux. Nous observons actuellement qu’un ROA de 0,8 % peut conduire à un prix compris entre 1,5 et 2 %, à condition que le cédant réussisse à conserver les clients pendant encore deux à trois ans.

Quels sont les facteurs qui influencent l’évaluation de ces actifs à la hausse ou à la baisse ?

Le portefeuille clients, qui inclut la structure d’âge et la répartition géographique, joue un rôle crucial dans la détermination du prix. De plus, l’implication du cédant est essentielle pour assurer une transition en douceur. Bien que je reste quelque peu sceptique quant à l’influence significative des pays clients sur le prix, il convient de noter que des licences spéciales, notamment celles requises pour des pays comme l’Afrique du Sud, les États-Unis et le Canada, peuvent accroître la valeur de la société. Ces licences sont souvent coûteuses et difficiles à obtenir.

Par ailleurs, l’organisation même de la société constitue un élément fondamental. Des facteurs négatifs, tels que des problèmes de legacy, ou des rapports de due diligence peu concluants, peuvent entraîner une baisse significative du prix. À l’inverse, un plan de transmission du patrimoine bien élaboré par les clients peut accroître la valeur, car il assure stabilité et continuité à long terme.

Comment un gérant peut-il mieux valoriser ses actifs au fil du temps ?

Une approche judicieuse consiste à envisager combien on serait prêt à payer pour ces actifs en tant qu’acheteur, tout en réfléchissant à la manière d’assurer la fidélité des clients à long terme. Il faut donc aborder des questions telles que la planification de la succession pour ses propres clients et l’élargissement de l’offre afin de renforcer la loyauté de la clientèle. La valorisation devrait également prendre en compte la rentabilité et la tarification – entre banque dépositaire et GFI, par exemple – et, le cas échéant, prévoir des ajustements pour optimiser le ROA. »

Carine Frick-Delaloye

Aquila

Carine Frick-Delaloye a entamé son parcours professionnel au Credit Suisse en 1999. A partir de juin 2008, elle a occupé différents postes de direction dans les divisions Retail et Private Banking. En 2013, elle a pris la direction de la ligne Personal & Business Banking pour le marché rhénan à Zurich avant de passer au Wealth Management où elle a été nommée responsable du pôle EAM. Carine Frick-Delaloye détient un DEA Banque & Finance délivré par le Swiss Finance Institute – Université de Berne, et un CAS Digital Banking de la Kalaidos University of Applied Sciences à Zurich.

 

Sphere

The Swiss Financial Arena

Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

ADN

Solutions EAM

  • Interview René Brunner
  • CEO
  • Valterna

Par Jérôme Sicard

« En tant que gérants  indépendants,  un bel avenir s’ouvre à nous »

Valterna, le gestionnaire baarois, a les mêmes origines que Partners Group. Pour l’un comme pour l’autre, il y a d’abord eu Asset Management Partners, la société-mère créée en 1996. Valterna a conservé de ces racines un fort esprit entrepreneurial.

De quelle façon Valterna est associé à l’histoire de Partners Group?

René Brunner. Avant Valterna, il y a d’abord eu Asset Management Partners, qui a été fondée en 1996 et qui se consacrait alors à la gestion de fortune. C’était à l’époque la toute première société créée par l’actuel Partners Group. En 2013, Valterna a été rachetée par Marianne Kirchhofer et Ivo Roos qui en assuraient la direction. Un peu plus de dix ans se sont écoulés mais je vois bien que nous partageons toujours les mêmes valeurs et les mêmes objectifs avec notre ancienne société. L’esprit entrepreneurial à tous les niveaux, l’approche collaborative et la mise en concurrence des idées qui transparaissent chez Partners Group se retrouvent aussi chez Valterna. La culture d’entreprise s’est bien transmise !

Quelles relations subsistent encore aujourd’hui entre Partners Group et Valterna?

Nous entretenons toujours une relation étroite avec Partners Group, puisque nous sommes partenaires. Nous avons des échanges quotidiens, à différents niveaux. Nous avons bien sûr un accès privilégié à leurs solutions d’investissement, même si nous opérons toujours en architecture ouverte avec un choix quasi illimité d’instruments.

Maintenant que vous avez pris la direction de Valterna, sur quelles opportunités, sur quels axes de croissance voulez-vous désormais vous concentrer?

En tant que gérant indépendant, nous avons un bel avenir devant nous, mais il nous faut susciter encore plus d’enthousiasmer pour notre offre de services et notre état d’esprit. Nous sommes un acteur de niche. Nous voulons nous développer encore, et nos clients le souhaitent aussi. Notre activité devrait croître de manière équilibrée grâce aux investissements sur les marchés publics et privés, que ce soit au travers de mandats discrétionnaires ou de conseil en investissement. En parallèle, nous aimerions recruter des responsables de clientèle ayant un ADN comparable au nôtre.

En quoi l’expérience que vous avez acquise chez UBS devrait le plus profiter à Valterna?

J’ai passé 35 années dans cette grande banque. J’y ai appris qu’il y a des leçons à tirer de toute expérience, qu’elle soit positive ou négative. Malgré la pression croissante exercée par le siège sur les objectifs de vente, j’ai toujours évité de me laisser entraîner dans des initiatives dont je n’étais pas convaincu à 100%. Avec les clients, je préfère les collaborations qui s’inscrivent sur le long terme, dans un esprit de partenariat. Et j’ai toujours eu pour principe de ne jamais sacrifier une opportunité à long terme pour un gain à court terme.

Qu’est-ce qui vous a plu dans le projet Valterna, au point de vouloir en prendre la direction?

Je peux continuer à exercer le métier que j’aime dans un environnement de PME, avec beaucoup de liberté et d’agilité. Chez Valterna, nous avons peut-être des processus rigoureux, mais nous savons aussi prendre des décisions rapidement. Ce qui me laisse d’autant plus de temps pour interagir avec mes clients, même dans mon rôle de CEO.

Comment aborder les marchés boursiers dans une boutique dont l’ADN est très lié aux investissements private markets?

Je voudrais d’abord rappeler que notre philosophie d’investissement repose sur un processus transparent, structuré et fondé sur des données empiriques. Il est donc toujours compréhensible. Oui, les investissements sur marchés privés sont un élément stratégique important dans notre allocation d’actifs. Mais, dans la mesure où nous sommes des investisseurs orientés long terme, les actions sont également des composants essentiels dans nos portefeuilles.

Lorsque les conditions le permettent, nous privilégions les investissements directs, en nous concentrant sur les Large Caps de qualité, qui opèrent à l’échelle mondiale. Un screening quantitatif, un overlay bottom-up et une évaluation qualitative aboutissent à une liste de titres éligibles à l’achat. Il est évident qu’il s’en suit une évaluation régulière et systématique de nos investissements, et des rééquilibrages quand ils s’imposent.

Pour vous qui avez d’importantes allocations private markets, sur quoi se joue la maîtrise de ces investissements?

Nous les soumettons tous régulièrement à un examen critique du rendement ajusté du risque et nous agissons en conséquence. Pour ce qui est des nouveaux investissements, ils passent par un processus de due diligence qui s’accomplit en plusieurs étapes. Nous entretenons d’excellentes relations avec les gestionnaires qui nous fournissent en solutions de type private markets.

Puisque nous nous projetons sur le long terme, un haut degré de confiance est indispensable. Il permet de travailler en toute sérénité, même dans les périodes difficiles. Nous restons par ailleurs suffisamment proches des gérants et des produits pour détecter rapidement tout écart, comme par exemple des divergences par rapport à la stratégie d’investissement, ou des changements de personnel importants.

Comment convaincre les investisseurs qui ne jurent que par les marchés publics d’investir également sur les marchés privés?

Les investisseurs ont plutôt tendance à favoriser les entreprises cotées en bourse parce qu’ils connaissent déjà ces marchés, ils en comprennent les mécanismes et les expériences qu’ils en ont eues sont généralement positives. Notre objectif est alors de leur montrer les avantages qu’ils peuvent trouver en intégrant des solutions private markets dans leurs portefeuilles. Chez nous, ces deux formes d’investissement se valent et se complètent.

Plutôt que de proposer une stratégie standard, nous créons une stratégie sur mesure pour chaque client, adaptée à sa tolérance au risque et à ses préférences. Les caractéristiques, avantages et bénéfices clés des deux classes sont expliqués aux clients de manière transparente et objective, sans dogmatisme. Nous pouvons ainsi exploiter les deux marchés selon les besoins. Il n’y a pas de «soit l’un soit l’autre», mais plutôt une réelle complémentarité entre eux.

Quelles recommandations donneriez-vous à des gérants qui souhaitent intégrer des poches private markets dans leur portefeuille?

Il vaut mieux se tourner vers des gestionnaires bien établis avec un track record facile à vérifier. Les petites structures ou les nouveaux arrivants peuvent fournir des rendements très attractifs à court terme. Cependant, en cas de problèmes comme par exemple le départ de personnes clés, des modèles de rémunération mal orientés, des problèmes de production ou de livraison, les risques apparents et latents se manifestent vite. Il y a alors un risque de pertes importantes ou de blocage à long terme des capitaux investis.

Quelle est la proposition de valeur sur laquelle vous voulez que l’aventure Valterna se poursuivre?

Nous voulons que les gens soient enthousiastes. C’est notre vision pour Valterna ! Nous nous concentrons donc sur ce que nous savons faire de mieux et sur les domaines où nous avons une réelle expertise – à savoir l’élaboration et la mise en œuvre de solutions d’investissement personnalisées. Nous communiquons avec nos clients de manière ouverte et transparente. Nous nous tenons à leur disposition pour échanger sur tout type de question. La qualité à laquelle nous sommes parvenus en matière de conseil global et de continuité dans la gestion sont pour nous la meilleure assurance de pouvoir grandir en même temps qu’eux.

René Brunner

Valterna

René Brunner a pris l’an passé la direction de Valterna – contraction de Value et Alternative – où il a remplacé Ivo Roos au poste de Chief Executive Officer. Avant de rejoindre Valterna, anciennement Asset Management Partners, René Brunner a travaillé pendant 35 ans pour Credit Suisse et UBS, dans le domaine de la gestion de fortune et du conseil en investissement. Entre 2011 et 2023, il était responsable chez UBS du Wealth management pour la région de Lucerne. René Brunner détient un Diplôme fédéral de spécialiste en banque, doublé d’un Executive Master en banque privée et gestion de patrimoine, obtenu à la Haute École de Lucerne.

 

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Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

Retours d’expérience

Solutions EAM

  • Interview Guillaume de Boccard
  • Partner & CEO
  • Geneva Compliance Group

Par Jérôme Sicard

« Les audits sont plutôt bien vécus par les gérants qui ont su se préparer »

Aux lendemains de la journée EAM Day organisée par Sphere à Genève, Guillaume de Boccard revient sur les principaux points à retenir du panel consacré aux audits prudentiels et aux premiers retours d’expérience.

Selon quels critères les gérants doivent-ils choisir leur auditeur?

Il faut commencer par s’assurer que l’auditeur maîtrise bien les principes de la gestion de fortune et des services financiers, qu’il comprenne les activités spécifiques à chaque gérant, leurs différents modèles, leur mode opératoire et les produits utilisés. Les auditeurs n’ont pas tous cette voilure. Au-delà de son expertise, l’auditeur doit pouvoir travailler en bonne entente avec les responsables Compliance. Je rappelle en effet que le contrôle s’effectue sur trois niveaux : le gestionnaire, son service compliance, et l’auditeur. Ces trois-là sont tenus de se rassembler sur un calendrier et des objectifs communs, avec l’envie d’avancer ensemble.

Comment l’audit s’inscrit-il dans la continuité de l’autorisation FINMA?

Dans la pratique, les premiers audits permettent à l’organisme de surveillance, par le biais des auditeurs, de vérifier que les éléments présentés à la FINMA dans le cadre de la demande d’autorisation ont bien été mis en place. Il s’agit de démontrer que les engagements pris envers la Finma ont été tenus d’un point de vue fonctionnel. Maintenant, il faudra probablement un ou deux audits pour que tous les gestionnaires rentrent parfaitement dans les clous.

Dans la façon dont les gérants font évoluer leurs services, comment doivent-ils tenir compte du changement réglementaire?

Il ne s’agit pas seulement de la façon dont ils font évoluer leurs services, mais aussi de la façon dont ils font évoluer leur organisation. Ils doivent se montrer totalement transparents auprès de la Finma, quelles que soient les transformations entreprises : un changement dans la structure actionnariale, de nouvelles participations dans des filiales, la nomination de nouveaux membres au conseil d’administration. Il en va de même pour les changements opérés dans les fonctions de contrôle, de compliance et de gestion des risques.

Quant aux services à proprement parler, chaque modification apportée à la gamme proposée doit être soumise à une autorisation préalable de la Finma. Un gérant qui se limite à la gestion discrétionnaire ne peut pas se lancer dans l’advisory s’il n’a pas d’abord averti la Finma et reçu son aval. Idem pour un simple service d’execution only.

Les gérants sont-ils bien conscients de ces obligations ?

Beaucoup les découvrent au fur et à mesure. Dans les points qui ne sont pas forcément évidents, je pense également aux formulaires de type B où les gérants doivent lister toutes leurs participations dans d’autres sociétés ou les mandats qu’ils exercent auprès d’autres sociétés. Un gérant qui souhaite par exemple investir dans l’entreprise d’un confrère doit d’abord informer la FINMA et obtenir son aval avant de lancer les démarches.

Comment sont vécus les audits par les gérants, d’après les retours que vous en avez ?

Je trouve qu’ils sont plutôt bien vécus, du moins pour les gérants avec lesquels notre cabinet travaille. Nous nous préparons depuis déjà quelques années. Un audit ne s’improvise pas, au risque de prendre trois fois plus de temps qu’il n’en fallait au temps des organismes d’autorégulation. Aujourd’hui, les audits durent peut-être un peu plus longtemps, mais ils se déroulent assez facilement pour peu que vous vous entouriez de professionnels expérimentés.

Quels sont les principaux problèmes rencontrés dans les audits?

Comme le résumait Stéphanie Hodara lors de notre panel, il s’agit surtout de l’évaluation des risques accrus en matière de LBA et l’analyse du risque LBA de la société dans son ensemble. Le premier point est bien sûr le plus important. Il n’est pas si facile de disposer des bons critères, adaptés à son activité, sur le plan de la LBA. On a vite tendance à se contenter d’un minimum d’éléments pour l’évaluation des clients concernés. Dans notre pratique, nous observons en général un minimum de 20% de relations classées comme étant à risque accrus En-dessous, cela est très souvent le reflet de critères de risque pas adaptés; l’inverse est également vrai si le pourcentage de relations à risque accru est trop élevé.

Sur le plan de la LSFin, les problèmes apparaissent surtout dans les contrôles d’adéquation ayant trait aux mandats Advisory. Le caractère approprié doit ressortir clairement et il faut pouvoir certifier que les clients ont reçu les informations adéquates. Les instruments financiers employés doivent aussi bien correspondre aux profils établis. C’est loin d’être évident et, à la lumière de ces premiers audits, on pêche encore un peu dans ce domaine.

Avez-vous repéré d’éventuels trous noirs dans ces audits ?

Non, je ne dirais pas qu’il y ait des trous noirs. En revanche, je reconnais que ces audits reposent pour beaucoup sur la façon dont les auditeurs eux-mêmes conçoivent leur approche qui est basée sur les risques. Certains aspects sont quelque peu délaissés pour le moment, car les auditeurs se concentrent principalement sur la LBA, la LSFin et la LEFin. Concernant les autres règlementations, il faut partir du principe que toutes les thématiques d’organisation, de conformité et de gestion des risques seront à termes passées en revue, avec des contrôles plus ou moins strictes selon une approche basée sur les risques. Les gérants ont donc intérêt à être en tout temps et en tout domaine à jour et en conformité. C’est le meilleur que je leur souhaite.

Guillaume de Boccard

Geneva Compliance Group

Guillaume de Boccard est associé gérant de Geneva Compliance Group, une société qui fournit des services de conseil en matière de conformité et de reporting fiscal aux institutions financières. Plus tôt dans sa carrière, il a travaillé au Credit Suisse à Zurich et chez Pictet, où il s’est concentré entre autres sur les projets Rubik, FATCA, Cross-border et CFTC. Guillaume est avocat au barreau de Genève et titulaire d’un MBA obtenu à l’INSEAD.

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Levier de croissance

Solutions EAM

  • Interview Gordian Giger
  • Responsable du marché suisse
  • Cinerius Financial Partners

Par Jérôme Sicard

« Nous avons un modèle dans lequel les entrepreneurs restent des entrepreneurs »

 En Suisse, Cinerius prend depuis un peu plus de deux ans des participations majoritaires dans des sociétés de gestion indépendantes en leur donnant par ailleurs les moyens d’accélérer fortement leur croissance. La plateforme met ainsi à leur disposition de multiples ressources à même d’asseoir leurs développements. Une proposition forte en ces temps quelque peu incertains.

Dans vos efforts de communication, vous faites souvent référence à l’avenir de la gestion de patrimoine. Comment envisagez-vous cet avenir ?

Il me semble que rôle du gérant restera sensiblement le même : comprendre les besoins de ses clients et leur fournir des solutions entièrement personnalisées. Le contact personnel restera donc pour moi le facteur clé de la relation.

Dans le même temps, le monde devient de plus en plus complexe en raison de l’augmentation des risques géopolitiques, des évolutions démographiques, des changements climatiques et des avancées technologiques telles que l’IA.

Les clients et les investisseurs reçoivent toujours plus d’informations et se voient proposer toujours plus de produits, d’autant qu’ils expriment des attentes toujours plus élevées. En tant que gestionnaire de fortune, vous devez vous adapter à toutes ces tendances pour guider efficacement vos clients dans cet univers en pleine expansion. Il faut dès lors que vous puissiez combiner les bonnes compétences et les bons outils, ce qui requiert généralement une certaine taille et un solide positionnement de la marque.

Sur un plan plus large, la Suisse occupe encore une position forte. C’est un pays axé sur l’innovation qui bénéficie en plus d’une grande stabilité politique, d’une monnaie forte et d’une économie florissante. Sa riche histoire en matière de gestion de fortune, la diversité de ses langues, sa culture de l’innovation et ses normes professionnelles de haut niveau ont contribué à en faire une place idéale pour les clients et leurs gérants.

Dans le monde actuel de la gestion de fortune, quels aspects vous paraissent désormais obsolètes ?

L’approche centrée sur le produit, telle que la pratiquent certains acteurs du marché, me semble vraiment dépassée. Ils recherchent des résultats immédiats, souvent au détriment des relations à long terme avec leurs clients. Pour la gestion de fortune, je pense plutôt que l’avenir va se décider sur la priorité donnée aux besoins des clients et à l’expérience utilisateur. S’il est essentiel de proposer de bons produits, il est tout aussi essentiel de privilégier l’accompagnement des clients sur le long terme plutôt que de chercher à optimiser les gains à court terme. Certains gérants ne sont pas encore parvenus à opérer cette transition. C’est avant tout une question d’état d’esprit, mais aussi de culture et de stratégie.

Entre les produits, les services et les process, où les gérants indépendants doivent-ils désormais placer leurs priorités ?

À mon avis, il y a en réalité une quatrième dimension à prendre en compte. Les gérants doivent forcément se concentrer sur les produits, les services et les processus, mais ils doivent tout autant s’intéresser à leurs collaborateurs. Le volet RH est très important. Ai-je récupéré les bons talents ? Leur ai-je confié les bonnes responsabilités ? Partageons-nous les bonnes valeurs ? Le triangle devient alors un carré, où viennent se placer les produits, les services, les processus et les talents.

Sur quel modèle souhaitez-vous développer Cinerius pour développer vos partenariats avec des gérants indépendants?

Nous souhaitons avant tout mettre en œuvre un modèle dans lequel les entrepreneurs restent des entrepreneurs. En règle générale, nous prenons une participation majoritaire, mais nous n’allons pas jusqu’à 100 %. Le deuxième élément clé est que nous voulons nous concentrer sur le soutien à la croissance, par tous les moyens possibles. Nous sommes une organisation très flexible. Compte tenu de leur diversité, les gestionnaires de fortune en Suisse ont des besoins très différents, qu’il s’agisse du commercial, du marketing, de la distribution ou du digital. Pour chaque entreprise, c’est un ensemble de services personnalisés que nous offrons. Comme nous sommes actionnaires, il va de soi que nous ne facturons pas ces services.

Quelles sont les principales conditions du partenariat, outre la participation majoritaire dans l’entreprise ?

Nous demandons également un siège au conseil d’administration.

Avec combien d’entreprises suisses travaillez-vous actuellement ?

Depuis nos débuts il y a trois ans, nous avons établi des partenariats avec trois gestionnaires suisses : Entrepreneur Partners, SSI Asset Management et Carnot Capital. Ils gèrent 6 à 7 milliards de francs suisses pour leurs clients. Nous sommes très heureux d’avoir des ambassadeurs aussi forts au sein du groupe.

Quelle gamme de services offrez-vous à vos partenaires ?

La gamme est large. Nous couvrons le marketing, y compris la génération de leads numériques, les ventes, le développement commercial, la recherche de partenariats stratégiques et même l’acquisition de portefeuilles Clients. La recherche de nouveaux relationship managers, la planification de la succession et le développement des talents sont également des sujets importants pour lesquels nous pouvons intervenir auprès de nos partenaires.

L’écosystème de la gestion de fortune en Suisse est très riche en termes de prestataires. Là où nous apportons le plus de valeur ajoutée, c’est en aidant nos partenaires à mieux servir leurs clients existants et à en trouver de nouveaux. La croissance est notre véritable objectif. Et plus notre groupe s’agrandit, plus nous pouvons y consacrer de ressources.

Combien de partenaires pouvez-vous réellement intégrer à la structure Cinerius ?

Au cours des trois dernières années, nous sommes passés de zéro à neuf entreprises partenaires, en Allemagne et en Suisse. Le modèle est évolutif et nous pouvons donc continuer à nous développer. Notre croissance externe dépendra de notre capacité à trouver les bons partenaires qui partagent les mêmes valeurs et ont la même compréhension de ce que signifie réellement une gestion qualitative.

Quelles sont, selon vous, les principales réalisations de Cinerius depuis son lancement ?

En moins de trois ans, nous avons atteint 13 milliards de francs suisses en termes d’encours. En fait, nous avons connu une croissance assez rapide, mais nous ne prévoyons pas de poursuivre à la même vitesse. Nous disposons désormais d’une plus grande latitude pour renforcer la structure. Nous recrutons actuellement du personnel, avec de nouvelles compétences, pour élargir le soutien que nous apportons à nos partenaires. Les ressources humaines, la distribution de produits et le numérique sont quelques-uns des domaines dans lesquels nous augmentons nos capacités. Dans tous ces domaines, nos partenaires peuvent s’appuyer sur nous. D’autant que les résultats sont là. Leur croissance est supérieure à celle du marché.

Nous avons parlé des clients NextGen Nous avons parlé également des services NextGen. Pour passer maintenant aux services NextGen, comment les envisagez-vous ?

Comme je l’ai dit plus tôt, je suis fermement convaincu que les services de base de la gestion de fortune resteront les mêmes à long terme. L’accompagnement des clients tout au long de leur vie, dans différents environnements économiques et circonstances personnelles, restera au cœur de la proposition de valeur des gérants. C’est un peu comme si vous étiez leur directeur financier personnel et que vous leur fournissiez des conseils cohérents et rationnels tout au long de leur cycle de vie. Cependant, la manière dont ces services sont produits et délivrés va considérablement changer. Les canaux numériques joueront un rôle plus important. De nouveaux outils permettront d’étendre les niveaux de service et d’améliorer l’efficacité tout au long de la chaîne de valeur.

Les gérants doivent bien évidemment tenus se préparer à ces bouleversements. Il va certainement leur falloir maîtriser de nouveaux outils, de nouvelles configurations, mais ils doivent garder à l’esprit que l’interaction personnelle restera fondamentale. Aussi moderne et sophistiqué que soit devenu notre monde, les gens continueront à rechercher des conseils personnalisés à propos de leurs finances. Là, il viendra toujours un moment où les applications digitales finiront par montrer leurs limites.

Gordian Giger

Cinerius Financial Partners

Gordian Giger est membre de la direction de Cinerius Financial Partners. Il dirige plus précisément le développement et la mise en œuvre de la stratégie sur le marché suisse. Plus tôt dans sa carrière, Gordian Giger a occupé des postes semblables dans les domaines du business development, des fusions & acquisitions et du corporate finance. Après un passage chez McKinsey, il a travaillé chez Advior International/Raiffeisen Suisse puis chez Vontobel, où il dirigeait le développement avec le titre de managing director. Gordianest diplômé en Finance de l’Université où il obtenu un Master of Arts.

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Succession

Solutions EAM

  • Markus Angst
  • Responsable Clients, partenaires et collaborations
  • Aquila

Par Jérôme Sicard

« Le prix d’achat doit être basé sur la rentabilité du portefeuille Clients »

Sur l’ensemble des gérants indépendants en activité aujourd’hui, Markus Angst en voit un bon tiers passer la main ces toutes prochaines années. Le thème de la transmission est devenu pour eux un chantier prioritaire, qui exige une approche rationnelle en raison de sa complexité. De même qu’un sens certain de l’anticipation.

Au chapitre de la succession, quelles sont les différentes options qui se présentent aujourd’hui pour les gérants indépendants ?

Les gérants disposent de différentes options, qui dépendent fortement de la taille de la société et des préférences individuelles des associés.

Pour les petites sociétés, avec deux associés au plus, la succession est souvent compliquée. Une possibilité consiste à s’intégrer très tôt dans une société plus grande. L’avantage dans ce cas est de pouvoir transférer le portefeuille Clients sur une plateforme établie qui possède déjà les structures et les ressources nécessaires. La charge juridique et réglementaire s’en trouve allégée et, de plus, il y a en place une base plus stable pour la croissance future et le suivi des clients.

Une autre option pour les gérants de petite taille est de transférer les clients à une autre société qui se concentre autant que possible sur un même segment de clientèle. Le cédant reste alors dans un rôle d’encadrement relationnel, sans responsabilité opérationnelle, ce qui permet une phase de transition plus douce.

Pour les sociétés moyennes et grandes, à plusieurs associés, les possibilités sont plus étendues. Il peut s’agir par exemple d’un plan de succession interne, dans lequel les jeunes associés assument progressivement les responsabilités clés, tandis que le cédant réduit de son côté son volant opérationnel. Ce schéma garantit la continuité du service à la clientèle et favorise en parallèle le développement de nouveaux leaders au sein de l’organisation.

Une autre solution pourrait être d’envisager un transfert définitif des clients et un retrait complet de la société, ce qui permettrait une séparation claire et un transfert ordonné des responsabilités.

Pour tous les gérants, quelle que soit leur taille, il reste encore la possibilité de vendre la société à des tiers. Ce qui peut néanmoins engendrer quelques tensions sur le plan émotionnel, car les relations de longue date avec les clients et la réputation de la société changent de mains.

Pour résumer, le choix final dépend fortement des circonstances et des objectifs spécifiques de chaque gérant. Une analyse précoce et approfondie des options disponibles est essentielle pour prendre une décision qui soit à la fois viable à long terme et satisfaisante pour toutes les parties concernées.

Parmi toutes ces options, lesquelles vous paraissent les plus réalisables ?

Pour les sociétés qui n’ont pas plus de deux associés, l’intégration dans une société plus grande me semble l’option la plus réaliste. Pour les sociétés plus grandes, la solution en interne est souvent l’option privilégiée. Auquel cas, il est possible de recruter dans l’entreprise des successeurs qui ont déjà une connaissance approfondie des structures de l’entreprise et des besoins des clients. La transition s’en trouve facilitée, et le risque de perdre de clients en raison d’un manque de continuité ou d’un suivi insuffisant s’en voit minimisé.

Je rajouterais aussi qu’il est vraiment très important de prendre en compte la structure d’âge des associés au sein de la société. Elle peut avoir énormément d’influence sur le timing de la succession, ainsi que sur sa planification. Dans de nombreux cas, l’identification et le recrutement précoces d’un successeur potentiel peuvent être la meilleure stratégie pour assurer la continuité à long terme.

Quels principaux pièges les gérants sont-ils susceptibles de rencontrer ?

Les principaux pièges comprennent souvent la difficulté à anticiper et à commencer la planification suffisamment tôt. Un autre écueil est la composante émotionnelle de la cession ainsi que le manque d’objectifs clairs définis pour la période qui s’en suit. Le processus de succession prend souvent plus de temps que prévu. Il nécessite une coordination minutieuse des aspects financiers, juridiques et personnels.

Quels sont les principaux obstacles, tant du côté de l’achat que du côté de la vente ?

Les aspects humains et les décisions émotionnelles sont les principaux obstacles. Du côté de l’acheteur, des vérifications préalables minutieuses doivent être effectuées pour bien évaluer les risques potentiels. Le prix d’achat doit être basé de manière réaliste sur la rentabilité du portefeuille de clients car, souvent, les normes du marché ne reflètent pas la valeur économique réelle.

Sur ce thème de la succession, comment voyez-vous le secteur des GFI bouger en ce moment?

Le marché est confronté à un important défi démographique. De nombreux associés s’apprêtent à prendre leur retraite. Dans les 1’400 sociétés agréées Finma, c’est un problème qui concerne un bon tiers des associés. La nécessité de planifier la relève de manière structurée se fait donc de plus en plus pressante. Au sein du réseau Aquila et en dehors, nous voyons bien qu’il y a une demande de plus en plus forte pour du soutien et des conseils dans ce domaine. Il est donc essentiel d’aborder la question de la succession à un stade précoce afin d’assurer une continuité sans faille dans la gestion de la relation client.

En termes d’évaluation, quels sont les modèles les plus populaires ?

La valorisation des sociétés de gestion de fortune ne repose pas uniquement sur des indicateurs financiers tels que l’EBITDA, mais de plus en plus sur la rentabilité du portefeuille de clients. Cette approche me semble d’autant plus pertinente que de nombreux gérants ont retiré d’importants bénéfices de l’entreprise au fil du temps. La valorisation basée sur l’EBITDA s’en trouve donc faussée. Des modèles de valorisation plus réalistes doivent donc tenir compte de la fidélisation des clients sur le long terme et de la rentabilité.

Les prix des AUM ont-ils augmenté ou diminué au cours des dix dernières années ?

Les prix ont eu tendance à se stabiliser ou à baisser en raison d’une évaluation plus réaliste de la rentabilité des clients. Les normes antérieures, qui fixaient le prix de vente à 3 ou 4 % des encours se sont souvent révélées irréalistes et n’ont que rarement abouti à des transactions réussies.

Où les acheteurs doivent-ils désormais concentrer leur attention ?

Il faut en passer par l’analyse minutieuse du portefeuille de clients et des risques liés. Une due diligence approfondie est indispensable pour éviter des complications futures. L’adéquation stratégique et culturelle entre l’acheteur et l’entreprise cible est également essentielle pour garantir une intégration réussie et maintenir la fidélité des clients.

Et qu’en-est-il du côté des vendeurs ?

Ils doivent se résoudre à proposer un prix réaliste et à préparer la transmission de manière exhaustive. Une volonté claire de remettre l’entreprise et les clients entre les mains de l’acheteur est fondamentale dans le processus de vente. Le vendeur assume encore certaines responsabilités juridiques après la vente. Il doit donc planifier soigneusement la dissolution de la société et le respect des obligations réglementaires.

Qu’est-ce qui est préférable aujourd’hui pour un EAM : créer sa propre structure à partir de zéro ou acheter une structure existante ?

Ce choix dépend de plusieurs facteurs. Une nouvelle structure offre la possibilité de créer une organisation sur mesure sans legacy. L’achat d’une structure existante avec une licence FINMA nécessite toutefois un examen approfondi et l’approbation de la FINMA, ce qui implique des défis supplémentaires.

D’après les retours que vous avez du marché, combien de sociétés auront à gérer leur succession au cours des cinq à dix prochaines années ?

Une part importante ! Probablement entre le quart et le tiers des sociétés en activité aujourd’hui. Cette tendance, dictée par des facteurs démographiques, oblige à une planification proactive de la succession pour garantir la continuité et s’assurer de la loyauté de la clientèle.

Markus Angst

 Aquila

Markus Angst a rejoint Aquila en 2013, comme membre de la direction générale et responsable des services bancaires. Après avoir joué un rôle déterminant dans le développement de l’Aquila Bank, il dirige depuis 2021 le secteur Clients, partenaires et coopération. Markus Angst a travaillé auparavant pour la banque Leu, puis Clariden Leu, de 1986 à 2012. Il a d’abord été responsable de divers départements du back office avant de devenir responsable mondial des gérants indépendants en 1999. Markus Angst est diplômé de l’Université de Lucerne, où il a obtenu un Master Exécutif en Administration des Affaires

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Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

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  • Digital developer
  • SPHERE

Le boom des family offices dans la région Asie-Pacifique

Avec la création de richesse qui a cours depuis maintenant plusieurs années dans la région Asie-Pacifique, ce sont désormais plusieurs milliers de single family offices qui officient entre Hong Kong et Singapour. Une opportunité pour les prestataires qui sauront comprendre leurs spécificités.

Dans son récent rapport, le cabinet international de conseil McKinsey souligne qu’entre 2023 et 2030, la région Asie-Pacifique devrait connaître un transfert de richesse intergénérationnel massif, estimé à environ 5’800 milliards de dollars. Les Ultra High-Net-Worth Individuals devraient représenter environ 60 % de ce montant. Cette dynamique a conduit à une augmentation spectaculaire du nombre de single-family offices à Hong Kong et à Singapour. Leur chiffre a quadruplé depuis 2020, et il se recense désormais près de 4’000 structures. Pour tous ces prestataires de services, positionnée sur le très haut de gamme, de nombreux enjeux ou défis accompagnent cette transition générationnelle, et ils trouvent bien évidemment des échos en Suisse.

Une opportunité de marché pour les prestataires de services

Cette croissance fulgurante offre aux banques, assureurs, multi-family offices, gestionnaires d’actifs et autres wealthtechs de nombreuses opportunités d’offrir des services spécialisés. Les family offices, qui gèrent des aspects variés du patrimoine familial – planification successorale, investissements, philanthropie et fiscalité – varient considérablement en termes de taille et de complexité. Si les banques et MFO ont historiquement dominé ce secteur, les assureurs et acteurs de la wealthtech s’y intègrent de plus en plus, avec des solutions innovantes avec l’avantage d’être parfois plus axés sur la technologie.

Hong Kong et Singapour : pôles majeurs des family offices

Hong Kong et Singapour, malgré leur petite taille, se sont imposés comme des centres névralgiques pour les family offices en Asie-Pacifique. Ensemble, ces deux villes abritent environ 15 % des single family offices qui officient à l’échelle globale. Ils bénéficient entre autres de régimes fiscaux attractifs, d’une réglementation claire et d’écosystèmes financiers bien développés. En 2023, chacune de ces structures gérait en moyenne environ 1,3 milliard de dollars d’actifs offshore, confirmant ainsi leur rôle clé dans le paysage financier mondial.

Flux de richesses et adaptation des prestataires

L’afflux de capitaux vers Hong Kong et Singapour provient principalement de la Chine continentale, de l’Inde et de l’Indonésie, mais on observe aussi une montée des flux en provenance d’Europe et d’Amérique du Nord, les investisseurs cherchant en effet à diversifier leurs actifs. Cela impose aux gestionnaires de patrimoine de revoir leurs stratégies et de s’adapter à cette tendance mondiale.

Comprendre les spécificités des family offices en Asie-Pacifique

Les family offices de la région peuvent être classés en quatre grands types :

  1. Les family offices d’entrepreneurs visionnaires. Fondés par des entrepreneurs, souvent issus de la tech, ces bureaux misent sur des investissements à haut risque et rendement, notamment via leurs réseaux pour dénicher des startups prometteuses.
  2. Family offices de propriétaires d’entreprises traditionnelles. Créés par des chefs d’entreprises de première génération, ces bureaux privilégient des investissements plus conservateurs, souvent avec l’appui des banques pour les conseils financiers.
  3. Family offices intégrés. Ces bureaux appartiennent à des activités commerciales existantes, privilégiant des investissements passifs qui complètent le cœur de métier.
  4. Family offices professionnalisés. Ces structures sophistiquées disposent de directeurs d’investissement internes et suivent des stratégies de préservation ou de croissance du patrimoine bien définies.

A chaque défi, une solution !

Répondre aux besoins spécifiques des family offices avec des solutions sur mesure face aux défis qu’ils rencontrent peut se révéler très fructueux. De nombreux family offices souffrent par exemple de structures de gouvernance inadéquates, ce qui nuit à la transparence et à la prise de décision. Proposer des services de conseil en gouvernance et mettre en place des processus de médiation pour équilibrer les intérêts familiaux est essentiel.

Un autre défi est la gestion des coûts opérationnels, notamment les frais élevés liés au recrutement. L’externalisation, les stratégies d’embauche optimisées et le soutien au recrutement sont des solutions recherchées. En matière d’investissement, les family offices manquent parfois d’accès à des opportunités d’investissement alternatives sur mesure. Faciliter l’accès à des transactions, proposer des services de due diligence et encourager les co-investissements peuvent faire la différence.

Enfin, côté technologie, une infrastructure souvent obsolète affecte la gestion des données et l’efficacité opérationnelle des family offices. Les entreprises de WealthTech proposant des solutions de gestion avancée des données et des outils de reporting devraient répondre aux attentes de ces structures.

Les prestataires capables de répondre à ces défis avec des solutions sur mesure captureront une part significative du marché en pleine expansion des family offices à Hong Kong et Singapour, assurant ainsi leur succès à long terme.

Géraldine Monchau

SPHERE

Géraldine Monchau dirige les développements de SPHERE. Elle a débuté son parcours professionnel dans la finance traditionnelle où elle a occupé des postes à responsabilité liés à la gestion de portefeuille discrétionnaire et à l’advisory. Elle a ensuite rejoint l’industrie de la technologie blockchain et des actifs numériques. Géraldine est diplômée de l’IUHEI, du CFPI et du CAIA. Co-fondatrice de Women in Web3 Switzerland, elle est membre du comité scientifique du CAS Blockchain HEG.

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