Solutions EAM

  • Iavor Tzolov
  • Fondateur
  • Mercury Metrics

Le virage NextGen des relationship managers

Poussé par la pression réglementaire, l’évolution des attentes clients et l’usure d’un modèle centré sur la portabilité, le rôle du RM change de nature. Moins statique, plus structuré, plus exigeant. Une nouvelle génération émerge : orientée impact, ancrée dans la relation, capable de démontrer sa valeur dans un environnement devenu radicalement plus sélectif. C’est la réinvention d’une fonction à la croisée de l’humain, du digital et de la performance.

En Suisse, le secteur de la gestion de fortune administre désormais plus de 8’500 milliards de francs. Pourtant, malgré ces volumes records, le métier de relationship manager traverse une crise silencieuse. Quinze ans de conformité défensive, de digitalisation cosmétique et de standardi­sation ont semble-t-il étouffé la valeur ajoutée du conseil.

Le résultat ? Des clients en décalage, une rentabilité rognée –dissimulée un temps par la hausse des taux de la BNS, mais désormais balayée par leur retour à zéro ainsi que par la menace de nouveaux taux négatifs. Des institutions se trouvent aujourd’hui incapables de justifier leur valeur ajoutée une fois confrontées à la réactivité des fintechs et à l’évolution des dynamiques familiales. Malgré une crois­sance soutenue des encours, la profitabilité du secteur stagne. Le coefficient d’exploi­tation médian reste obstinément élevé – autour de 75.5 % en 2024, voir 79.3% pour les petites banques privées – même si cer­taines grandes banques ont réussi à s’amé­liorer.

Ce malaise latent n’est pas qu’un effet de cycle. Il révèle la nécessité de repenser en profondeur le rôle et la pratique du RM, à l’heure où la fidélité client et la différencia­tion ne paraissent moins évidentes.

Pour les banques et les sociétés de gestion, la chasse au RM “portable” est souvent devenu un jeu coûteux et stérile. Moins de 30 % des actifs suivent réellement un banquier sur le départ. Pendant ce temps, les vraies priorités restent négligées: structu­rer une offre pertinente, construire la confiance sur la durée, et générer une croissance organique réelle.

L’avenir repose en réalité sur une nouvelle génération de RMs, capables de bâtir et pas simplement de transférer. Ce nouveau type de profil place la compréhension du client avant le produit, et raisonne en plan d’action, pas en fiche tarifaire. Ces RM NextGen se veulent architectes de la rela­tion, hybrides, autonomes, rigoureux, capables de démontrer leur impact et d’utiliser l’IA pour une personnalisation hyper-ciblée.

Malheureusement, à ce jour, 70 % du temps des RMs est encore englouti par des pro­cessus de conformité, amplifiés par les changements proposés par la FINMA en 2025. Il s’agit, entre autres, d’adaptation organisationnelle pour mieux superviser les risques futurs et les innovations techno­logiques, de renforcement de la résilience des banques, ou d’uniformisation des infor­mations clients. Tous ces chantiers exigent un reporting beaucoup plus détaillé. Chez les EAMs, la dépendance aux dépositaires et aux outils tiers transforme forcément chaque nouvelle exigence en surcharge.

Le véritable problème ne réside ni dans la conformité, ni dans la technologie, mais dans leur implémentation. Mal conçues, elles étouffent la relation client. Bien inté­grées, elles la renforcent. Le digital ne doit plus masquer les faiblesses, mais agir en catalyseur : analyse prédictive par l’IA (jusqu’à 27 % d’efficacité gagnée sur les tâches administratives), segmentation intel­ligente, cartographie familiale… Autant d’outils pensés pour nourrir la relation, et non pour s’y substituer. Plus de 100’000 milliards de dollars seront hérités d’ici 2050. En cours actuellement, ce transfert de richesse à l’échelle mon­diale est colossal. Mais avec ce bascule­ment, les règles du jeu changent. Les héri­tiers veulent du sens, du sur-mesure, de l’impact ESG – ils ne tolèrent ni le jargon creux ni les expériences bancaires à l’an­cienne. Le lien ne survit que s’il est avéré : seuls 20 à 30 % des portefeuilles sont conservés après une succession.

Face à cette immense opportunité se dresse une génération de RMs souvent mal préparée, parfois désorientée. Le vrai déficit n’est pas technique mais comporte­mental : ce qui manque, c’est la discipline, la posture d’apprentissage, la volonté de se réinventer pour rester pertinent.

Le RM de demain n’est pas un avatar digital. Il pilote son activité comme un business à part entière, structurant son action autour d’objectifs clairs, d’une compréhension fine de chaque client et des dynamiques intergénérationnelles, et d’un suivi rigou­reux de ses résultats.

Il ne se contente pas d’exécuter. Il orga­nise, mesure, s’adapte en permanence. Il sait prouver sa valeur et intègre l’auto-éva­luation dans sa routine – par exemple, via des KPIs, des feedbacks, des benchmarks. Il ne se limite pas à parler d’ESG ou de multigénérationnel : il les incarne dans des solutions tangibles, enrichies par l’exploi­tation des données – ce qui lui permet accessoirement de générer jusqu’à 15 % de revenus supplémentaires.

Différents outils lui permettent d’aller plus loin : scoring de portefeuille, diagnostic de la profondeur relationnelle, plans d’action ciblés. Ce sont ces approches structurées qui transforment le discours en preuve, et la relation client en actif durable.

La rupture est nette. Là où l’approche clas­sique se perd dans l’automatisation admi­nistrative et la chasse aux portefeuilles, la méthode NextGen automatise la confor­mité, met la technologie au service de la connaissance client, et privilégie la crois­sance organique.

Le RM NextGen investit aussi dans son propre épanouissement : formation à l’IA, aux enjeux ESG, à la communication straté­gique et à la gestion multigénérationnelle – un effort indispensable pour demeurer compétitif dans un secteur où la croissance stagne en Europe mais flambe en Asie.

La discipline relationnelle, l’apprentissage continu et la personnalisation sont ses mar­queurs. Ce sont ces leviers qui sécurisent les transmissions, fidélisent les familles et crédibilisent l’offre, bien au-delà de la simple gestion d’actifs.

Le métier de relationship manager se situe clairement à un tournant. Attendre un chan­gement venu d’en haut, c’est s’exclure du jeu. A l’inverse, ceux qui prennent l’initia­tive, structurent leur approche et démon­trent concrètement leur valeur réussiront à définir les standards de demain.

Endosser pleinement le rôle de RM NextGen n’est plus un luxe, mais une nécessité. Dans un monde toujours plus automatisé et standardisé, la relation humaine devient le véritable facteur diffé­renciant — à condition de pouvoir en démontrer la valeur, en affiner la personna­lisation et en mesurer l’impact.

La question n’est pas “Quand va-t-on changer ?” mais “Qui osera commencer ?”

Car demain, ce sont les clients qui tranche­ront. Et ils ne préviendront pas deux fois. Ces prochaines années – prochains mois ? – entre l’IA et le boom des fintechs asiati­ques, l’hésitation coûtera cher.

Iavor Tzolov

Mercury Metrics

Iavor Tzolov est le fondateur de Mercury Metrics, une solution d’analyse comparative qui permet aux banques privées et aux sociétés de gestion d’évaluer, mesurer et valoriser les compétences relationnelles de leurs relationship managers. Ancien responsable de la stratégie et du développement chez Piguet Galland à Genève, il a ensuite fondé Ortogon, une structure spécialisée dans l’accompagnement de décideurs et d’entrepreneurs confrontés à des enjeux stratégiques et opérationnels complexes.

Il est également cofondateur de Venture Mills, une initiative dédiée au soutien de startups actives dans la fintech et la transformation numérique, ainsi que de Tillit Invest, un modèle hybride d’investissement immobilier alliant impact social et création de valeur à long terme.

 

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