Solutions d’investissement

    • Interview Cédric Dingens
    • Head of Investment Solutions and Alternative Investments
    • NS Partners

« Nous sommes à nouveau rémunérés pour shorter des titres »

Alors que l’exercice 2024 touche à sa fin, les hedge funds présentent un bilan très favorable. C’est plus particulièrement le cas des stratégies long short. Elles affichent d’excellentes performances, aidées par la fin du free money et le retour aux fondamentaux, conditions qui ont permis de générer de l’alpha tant sur les books long que sur les books short.

Par Jérôme Sicard

Dans l’univers des hedge funds, quelles stratégies ont enregistré les meilleures performances cette année ?

Toutes les stratégies de hedge funds ont plutôt bien performé cette année. Avec un bon choix de gérants, les performances ont même été excellentes.

Celle qui a le mieux performé est la stratégie global equity long/short. Dans le fonds Haussmann, elle est en hausse de +18.2% year-to-date, au 30 novembre, nette de frais, à comparer avec les 20% de hausse de l’indice MSCI World. Les gérants avec un biais européen ont également bien performé. Ils gagnent +15.5% year-to-date en Euro, alors que l’indice MSCI Europe s’en tient à +6.3%. Et les gérants concentrés sur l’Asie surperforment aussi les indices – +14.0% year-to-date en Dollar versus +8.3% pour le MSCI AC Asia Pacific – tout en affichant des niveaux de volatilité bien inférieurs.

La stratégie global macro discrétionnaire affiche également une belle performance avec +15.2% même si la dispersion entre les gérants s’avère plus importante. Le contexte de marché avec une volatilité accrue de toutes les classes d’actifs – taux, devises, matières premières et actions dans une moindre mesure… – est favorable aux traders macro.

Quels ont été les mauvais élèves de la classe hedge funds en 2024 ?

Ceux qui ont le plus souffert sont les gérants systématiques/CTA qui emploient des modèles de « trend following ». Ils ont plutôt bien commencé l’année avant de corriger significativement pour n’être en hausse que de +1.1% si l’on se réfère à l’indice SG CTA. Les gérants actifs sur les matières premières ont eu une année difficile en générale même s’il n’est pas rare qu’ils fassent leur Profit & Loss de l’année en quelques semaines et l’année n’est pas terminée.

La performance des fonds multi-stratégies multi-gérants peut aussi être considérée comme décevante avec une performance autour des +6/+8% en fonction des indices, à comparer avec des fonds money market USD en hausse de près de 5% cette année. Cela ne constitue pas une surprise majeure dans la mesure où ces plateformes ont attiré beaucoup d’argent depuis le COVID. Sur fonds de guerre des talents pour attirer les meilleurs traders, la digestion de ces actifs s’avère délicate et la génération d’alpha s’en ressent.

Quelles stratégies les investisseurs ont-ils eu tendance à privilégier cette année ?

Les investisseurs ont eu tendance à privilégier d’une part, les fonds multi-stratégies multi-gérants dans un objectif de recherche de performances stables décorrélées des marchés et d’autre part, les fonds global macro dans un contexte macroéconomique moins lisible.

Il existe un biais humain naturel qui pousse à privilégier les stratégies et gérants ayant des performances récentes supérieures à la moyenne alors qu’il est souvent judicieux d’avoir une approche contrariante, partant du principe que la sélection est bonne.

Après l’excellente performance des CTAs en 2022, dans un contexte de baisse généralisée des marchés actions et obligataires, de nombreux investisseurs y ont augmenté leur exposition alors que ce n’était pas le bon moment. L’indice SG CTA a en effet perdu 2.2% depuis le 1er janvier 2023.

Pourquoi l’environnement actuel a-t-il été si favorable aux long-short ?

Les gérants equity long/short affichent de très bonnes performances ajustées au risque depuis plus de deux ans grâce à différents facteurs.

Après une période prolongée de taux très bas, nous sommes enfin revenus à un environnement de taux d’intérêt normalisé. Même si les grandes banques centrales, à l’exception notable du Japon, ont commencé à baisser leurs taux, il n’est pas prévu de se rapprocher des 0%, à moins d’un sévère coup de bambou.

Nous sommes donc à nouveau rémunérés pour « shorter » ou vendre à découvert des titres à une certaine échéance, ce qui change fondamentalement la donne. Les books shorts en dollars ont ainsi rapporté environ 4.5% cette année.

Plus important, l’ère de l’argent gratuit arrive à son terme et cette fin commence à produire ses effets sur un ensemble d’entreprises mal gérées, dans des secteurs en difficultés. En témoigne le grand écart entre la performance du S&P 500 « cap-weighted » et du S&P 500 « equally-weighted ». De nombreuses sociétés américaines ont ainsi vu leur cours de bourse baisser cette année et les gérants ont gagné de l’argent sur leurs books shorts.

Les gérants long/short ont également généré de l’alpha sur leurs books longs. Ils réussi à afficher un alpha positif sur 10 mois des 11 premiers mois de 2024. Avec une volatilité et une dispersion accrue entre secteurs et sociétés, le marché est favorable au stock picking, long comme short, et l’élection de Trump n’a fait qu’accentuer ce phénomène.

Pour s’en tenir au S&P500, dans quels secteurs voit-on aujourd’hui le plus de dispersion ?

Tous les secteurs du S&P 500 affichent des niveaux de dispersion supérieurs à leur moyenne historique mais ceux qui se démarquent le plus aujourd’hui sont les Industrielles, l’Energie et les Utilities. Ce n’est pas un hasard si les Industrielles représentent la plus grande allocation sectorielle en exposition brute d’un fonds comme Haussmann. Par ailleurs, nous avons sélectionné un certain nombre de gérants actifs dans le secteur Energie qui ont une vraie approche long/short sur ces trois dernières années. Encore une fois, la bonne nouvelle est que nous voyons de la dispersion dans tous les secteurs et des phénomènes comme l’IA ne va faire que renforcer cette tendance.

Vous-même, que retenez-vous de cet exercice 2024 ?

Il n’est pas encore terminé ! Cela dit, 2024 est une année positive pour la gestion hedge funds. Les performances, absolue et relative, sont déterminantes mais la manière dont celles-ci ont été générées est encore plus importante. Les gérants long/short ont bien performé tout en conservant une exposition nette au marché qui est raisonnable et, de surcroit, avec un portefeuille diversifié en termes de secteurs et de titres. En ce sens, un tel portefeuille se démarque clairement de la concentration des indices boursiers aujourd’hui. Grâce à ce positionnement, qui évolue au cours du temps, nous craignons moins les scénarios de rotations importantes entre les secteurs « growth » et « value ». La meilleure preuve en est la très bonne performance des gérants depuis l’élection de Trump.

Un deuxième aspect que nous pouvons mettre en avant est le regain d’intérêt de la part de clients privés pour les hedge funds. Après avoir connu de belles années avec le private equity, certains émettent le souhait de se diversifier en s’exposant à des stratégies différentes.

Cédric Dingens

NS Partners

Cédric Dingens dirige le pôle « Investment Solutions & Institutional Clients » de NS Partners. Cédric a débuté sa carrière à la Banque du Luxembourg en 2001. L’année suivante, il a rejoint Notz Stucki à Luxembourg en tant que gestionnaire de portefeuille. Il a développé le cadre interne de gestion des risques quantitatifs avant d’être nommé responsable de la gestion des risques à Genève en 2010, puis d’être promu à son poste actuel en 2016. Il est titulaire d’un diplôme en finance quantitative de l’École nationale supérieure des mines de Nancy (France) et détient la certification Chartered Alternative Investment Analyst.

 

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