Solutions d’investissement
- Interview Cédric Dingens, Head of investment solutions and alternative investments, et Angel Sanz, Chief Investment Officer
- NS Partners
« Evergreen : assez d’opportunités pour justifier la création d’un fonds de fonds »
Dans la gamme alternative, NS Partners lance à présent un fonds de fonds dédié aux marchés privés, le Private Markets Evergreen Fund, avec l’intention de capitaliser sur son expertise dans le domaine de la sélection de fonds. Angel Sanz et Cédric Dingens se chargent ici de la présentation.
Par Jérôme Sicard
Aujourd’hui, à quoi devrait ressembler une allocation aux private markets dans un portefeuille « balanced » ?
Pour un mandat de petite taille, une allocation de 10 % à 15 % semble appropriée. En revanche, pour des mandats plus importants, souvent plus sophistiqués, notamment chez les institutionnels, l’exposition peut facilement monter à 30 % voire 40 % du portefeuille. Certains fonds de type US Endowment, comme celui de Yale, atteignent même les 50 %. Une étude récente d’UBS révèle que les family offices gérant des encours de plus de 100 millions de dollars consacrent jusqu’à 40 % de leurs actifs aux classes alternatives, dont un quart aux marchés privés. Cette tendance traduit bien une montée en puissance des allocations non cotées dans les stratégies patrimoniales.
Les allocations des fonds de type US Endowment représentent-elles l’avenir de la gestion de fortune en Suisse ?
Ça nous paraît difficilement envisageable. Ces fonds sont d’une taille colossale. Le fonds de Yale gère par exemple près de 40 milliards de dollars. Or, les clients privés doivent faire face à plusieurs contraintes, notamment un horizon d’investissement plus court, qui ne permet pas d’immobiliser des capitaux sur de longues périodes. Contrairement aux endowment funds, les investisseurs privés ont besoin de flexibilité et de liquidité, ce qui limite une approche extrême des allocations en private markets.
Quels sont les rendements actuels des différents segments qui composent les private markets ?
Sur 10 ans, le private equity et le venture capital ont affiché des rendements proches de 15 %. Le direct lending et les infrastructures gravitent autour de 10 %. Dans les années à venir, le venture capital et le private equity pourraient enregistrer une légère baisse, mais le potentiel reste important, notamment pour les infrastructures, qui nécessitent des investissements massifs — environ 100’000 milliards de dollars d’ici 2050. Les fonds alternatifs, qui ont dégagé environ 5 % sur dix ans, pourraient de leur côté bénéficier de la remontée des taux d’intérêt et de l’accroissement de la volatilité. Globalement, ces classes d’actifs offrent un couple rendement-risque attrayant sur le long terme.
Quelle est aujourd’hui la taille du marché des private markets ?
À ce jour, ils représentent près de 15’000 milliards de dollars. Le private equity constitue environ un tiers de ce volume, tandis que le private debt et le venture capital en représentent chacun environ un quart. Les infrastructures approchent les 20 %. Le marché secondaire gagne également en importance, pesant aujourd’hui 16 % de ces marchés privés. Sa montée en puissance est due pour beaucoup aux corrections subies ces deux dernières années par le segment private equity.
Quelles tendances structurelles soutiennent ces marchés ?
L’infrastructure est l’un des thèmes les plus porteurs que nous voyons en ce moment. Comme nous le mentionnions, les besoins en investissements pour ces 20 à 25 prochaines années, tournent autour des 100’000 milliards de dollars. La moitié de cette somme concerne l’Asie, notamment pour les réseaux routiers et les infrastructures énergétiques.
L’intelligence artificielle est aussi une tendance majeure, car elle touche tous les secteurs et entraîne d’importants besoins en financement, ne serait-ce que pour la construction et l’alimentation en énergie des data centers.
Enfin, le private debt s’impose comme une alternative au financement bancaire traditionnel en perte de vitesse, particulièrement en Europe, où les réglementations très strictes, surtout en termes de fonds propres, limitent la capacité des banques à prêter. On observe d’ailleurs une montée en puissance des acteurs américains sur le marché européen où les opportunités leur apparaissent clairement. Il y a des espaces à prendre.
Quel est le principe des fonds evergreen, comme celui que vous venez de lancer ?
Ils se distinguent sur plusieurs points. Tout d’abord, la liquidité : la valeur nette d’inventaire est calculée trimestriellement, offrant une certaine liquidité aux investisseurs, avec cependant quelques limites en termes de sortie. Ensuite, les fonds evergreen permettent une mise en action immédiate des capitaux, contrairement aux fonds de private equity traditionnels, où les calls peuvent s’étaler sur de longues périodes avec des valorisations qui ressemblent alors à des courbes en J. Sur ce point, le modèle evergreen suscite d’ailleurs un intérêt croissant chez les investisseurs institutionnels, prêts à revoir légèrement à la baisse leur espérance de rendement attendu pour plus de flexibilité. Enfin, les seuils d’investissement sont plus bas, et offrent ainsi des moyens de diversification immédiats.
Pourquoi vous êtes-vous décidé à lancer ce fonds de fonds ?
Nous avons une expertise reconnue dans la sélection de fonds. Nous maîtrisons particulièrement bien le modèle fonds de fonds où nous mettons en œuvre des processus rigoureux, tant qualitatifs que quantitatifs. Nous avons décidé d’appliquer cette approche aux solutions evergreen car nous avons constaté que le marché s’étoffait, avec un nombre suffisant d’opportunités pour justifier la création d’un véhicule spécialisé. Aujourd’hui, plusieurs dizaines de fonds de qualité existent dans cet univers.
Pourquoi les processus de sélection sont-ils si importants ?
Dans le monde des marchés privés, la dispersion des performances reste quand même assez considérable. L’écart entre le premier et le dernier quartile atteint 21 % pour le private equity, 22 % pour le venture capital et 14 % pour les hedge funds. Une bonne sélection est donc cruciale. Dans le private equity, les fonds les plus performants ont heureusement tendance à maintenir de solides performances sur le long terme.
Comment est investi votre fonds evergreen ?
Nous avons sélectionné sept fonds : cinq en private equity et deux en infrastructures. Parmi eux, on retrouve Blackstone, Partners Group et Hamilton Lane. Certains sont spécialisés, d’autres plus diversifiés, combinant secondaire, primaire, growth et buyout. Chez Partners Group, nous sommes investis dans le fonds Global Value depuis de nombreuses années, celui-ci fêtera bientôt ses 20 ans et qui, malgré les crises successives, n’a jamais eu besoin d’activer ses « gates ».
Quel est l’intérêt d’investir aujourd’hui dans ce type de produit?
Il y a un intérêt flagrant, en termes de diversification et de gestion du couple rendement-risque au sein d’un portefeuille. Une poche de 10% allouée aux marchés privés dans un portefeuille 60-40 peut générer facilement 50 points de base de plus en rendement et réduire d’autant la volatilité.
Il faut voir aussi que les marchés privés donnent accès à un très grand nombre de sociétés. Aux Etats-Unis, dans les entreprises qui génèrent plus de 100 millions de dollars de chiffre d’affaires, 90% appartiennent encore au secteur privé. La proposition de valeur du private equity se situe là, et il en va de même pour le private debt, un marché désormais bien structuré, surtout aux États-Unis.
En 2022, par exemple, quand les marchés ont corrigé, notre exposition aux marchés privés nous a offert une bonne protection. Bien sûr, lorsque les marchés repartent, nous ne capturons pas autant de croissance, mais au final, le profil reste intéressant. Notre objectif est de viser un rendement net de 10 % par an, avec une volatilité contenue. C’est donc une proposition d’investissement qui mérite l’attention. D’autant que le timing nous semble aussi assez propice après la correction dont ont souffert les marchés privés ces deux dernières années.
Angel Sanz
NS Partners
Angel Sanz a rejoint NS Partners en 2012. Il y occupe les fonctions de Chief Investment Officer et il en dirige également la division Asset Management. À ce titre, il supervise le département Allocation d’actifs du groupe de même qu’il encadre les équipes dédiées au long only et à l’alternatif.
Avant de rejoindre NS Partners, Angel a occupé trois postes de CIO chez Bankia, BBVA Asset Management et M&B Capital. Avant de débuter sa carrière financière en 1991, il a travaillé pendant quatre ans en tant qu’ingénieur logiciel chez AT&T Bell Labs, aux États-Unis.
Angel est titulaire d’un MBA de l’Université de Lehigh (États-Unis) ainsi que d’un Master en ingénierie électrique de l’Université de Valladolid, en Espagne.
Cédric Dingens
NS Partners
Cédric Dingens dirige le pôle « Investment Solutions & Institutional Clients » de NS Partners. Cédric a débuté sa carrière à la Banque du Luxembourg en 2001. L’année suivante, il a rejoint Notz Stucki à Luxembourg en tant que gestionnaire de portefeuille. Il a développé le cadre interne de gestion des risques quantitatifs avant d’être nommé responsable de la gestion des risques à Genève en 2010, puis d’être promu à son poste actuel en 2016. Il est titulaire d’un diplôme en finance quantitative de l’École nationale supérieure des mines de Nancy (France) et détient la certification Chartered Alternative Investment Analyst.
Vous aimerez aussi
Coming next
Sener Arslan
QPLIX
«Un PMS performant peut apporter un avantage décisif aux gérants indépendants».
Transition énergétique 4/4
Pierre Mouton & Alexis Sautereau
NS Partners
« Optimiser réseaux et infrastructures pour réduire les quantités de matière nécessaires ».
Sphere
The Swiss Financial Arena
Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

RÉDACTION
redaction[at]sphere.swiss
PUBLICITÉ
advertise[at]sphere.swiss
ABONNEMENT
contact[at]sphere.swiss
ÉVÉNEMENTS
events[at]sphere.swiss
Case postale 1806
CH-1211 Genève 1
© 2023 Sphere Magazine
Site réalisé par Swiss House of Brands