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L’outsourcing ajoute une couche de plus au millefeuille des risques

Les risques liés aux externalisations retiennent aujourd’hui toute l’attention de la Finma. Sous-traiter la conformité ou la gestion des risques peut ainsi devenir une source de complications pour les gérants indépendants. Il vaut donc mieux se montrer pragmatique.

La LEFin impose aux gérants indépendants une gestion des risques et compliance indépendantes, à partir d’un certain niveau de risques. Cette exigence, strictement appliquée lors des autorisations, a conduit à de nombreuses externalisations. Dans son Monitorage sur les risques 2023 et sa Communication 2024 sur les risques opérationnels, la FINMA insiste sur des exigences accrues concernant ces externalisations.

Focus sur les risques opérationnels
La Communication 2024, bien que formellement adressée aux gestionnaires de fortune collective, mentionne la gestion individuelle en ce qui concerne les risques juridiques et compliance. Selon l’autorité, trop peu d’importance a été accordée aux connaissances et à l’expérience des prestataires dans la gestion des risques opérationnels. Plus particulièrement, les activités externalisées ne seraient pas suffisamment prises en compte dans la gestion de ces risques.

Cette préoccupation se reflète dans le Monitorage 2023, qui présente l’externalisation comme un risque additionnel. La FINMA surveille ces risques par des contrôles sur place et l’analyse des données de surveillance et d’audit.

Absence de guidelines
Ni la circulaire sur les risques 2017, en date du 17 janvier, ni celle de 2023, parue le 23 janvier, limitée aux risques opérationnels, ne visent directement les GFI. Il en va de même de la Communication sur les risques de blanchiment de mai 2023. Au niveau des prestataires qui servent les gérants indépendants, un concept de gestion des risques est généralement attendu. Autre nouveauté : la FINMA semble vouloir systématiquement une approche en risques cyber.

Avantages et risques de l’externalisation
La FINMA reconnait les avantages de l’externalisation. Flexibilité, innovation et meilleure résilience opérationnelle sont mentionnés, entre autres. Elle estime néanmoins que les défaillances de prestataires essentiels sont indissociables de risques importants. Elle ajoute que la surveillance des prestataires et des risques qu’ils représentent sont indispensables au bon fonctionnement opérationnel.

Pour les gérants indépendants, il est évident que cette surveillance étroite est difficile à mettre en œuvre, sauf à désigner un COO en charge des externalisations.

Reste la préférence donnée à l’internalisation des fonctions chez le GFI. A cet égard, la résilience opérationnelle est loin d’être totale, dès lors qu’elle est soumise aux aléas du droit du travail. Une approche comparative entre l’internalisation et l’externalisation des fonctions de compliance et de gestion des risques pour des GFI comparables fait défaut. Autant rappeler ici l’exigence d’indépendance par rapport aux fonctions génératrices de revenus.

Quelle approche en risques pour les GFI ?
Lors des audits, les organismes de surveillance se concentrent sur les risques LBA, LSFin et LEFin, adoptant une approche réglementaire envers les GFI. Certains facteurs, qui aggravent ou atténuent, les risques sont encore analysés.

Les GFI doivent soumettre une matrice de risques avant l’autorisation, servant souvent de base aux plans de contrôle. Trop standardisées, ces matrices ne coïncident souvent pas avec les activités du GFI. Trop spécifiques, elles ne permettent pas d’appréhender les points attendus dans l’audit aux titres des risques LBA, LSFin et LEFin. Elles reprennent souvent, de manière assez équipondérée, les risques réglementaires, opérationnels et financiers.

Un focus sur les risques opérationnels, accompagnés des risques réglementaires et cyber qui y sont associés, permettrait de mieux cerner les attentes relatives à leur gestion. La FINMA l’exprime clairement dans sa Communication de 2024 : « trop peu d’importance a été accordée à la connaissance et à l’expérience des prestataires en question dans le domaine de la gestion des risques opérationnels ».

Il est, par exemple, reproché à certains établissements de ne pas avoir pris conscience qu’il leur fallait annoncer les cyberattaques dont ils auraient pu être victimes. Une mauvaise appréhension et une absence de contrôle des problématiques crossborder sont également citées. Autant d’éléments qui relèvent des risques opérationnels.

La LBA comme base de la compliance et gestion des risques
Une analyse des risques de blanchiment est exigée lors de l’autorisation. Dans sa Communication 2023, la FINMA attend des indicateurs chiffrés, limités à des ratios. Aux termes de la Circulaire sur les risques de 2017, la limitation des risques de blanchiment suppose une définition adéquate de la tolérance au risque par l’établissement. Au vu des normes pénales, il est difficilement envisageable que ce seuil puisse être autre que bas. Enfin, la FINMA précise que les observations et expériences de la Communication de 2023 peuvent être utilisées par analogie pour les GFI.

Règles de comportement LSFin
Le projet de Circulaire de mai 2024 traite de certains risques financiers et de risques de marché, comme la concentration. Cependant, les conflits d’intérêts et rétrocessions relèvent avant tout des risque opérationnels et réglementaires.

Le gérant ne peut mettre sur pied d’égalité la maîtrise des risques opérationnels avec une approche quantitative, voire statistique, des risques, notamment financiers, à l’instar d’une banque. Scinder risques et compliance est parfois compliqué à mettre en œuvre.  Enfin, des attentes trop grandes et surtout trop larges en matière de gestion des risques sont indissociables d’un rendu médiocre. C’est dès lors également le concept assez fou de gestion des risques chez le GFI qui peut être à l’origine de défaillances. Ces dernières sont susceptibles d’intervenir, que la compliance et gestion des risques soit scindée ou unitaire, externalisée ou non.

Les attentes en matière de gestion des risques pour les gérants indépendants doivent être réalistes et adaptées, afin de garantir un rendu efficace. Un concept de gestion des risques légitime et adapté aux gérants est dès lors nécessaire.

Assouplir les exigences en matière d’indépendance de la gestion des risques et de la compliance supposerait un changement législatif. Dans cette configuration, l’externalisation de ces fonctions demeurera incontournable pour de nombreux gérants, qu’elle soit qualifiée en risque ou non.

Henri Corboz

PBM Avocats

Henri Corboz est avocat, responsable Règlementation et Conformité auprès de PBM Avocats. Il intervient sur des sujets réglementaires, de compliance et dans des contentieux connexes. Il intervient encore dans la structuration de fonds d’investissement, ainsi que dans le domaine des trusts.

Henri a été responsable Suisse romande de l’OS – AOOS durant la phasé clé des autorisations entre 2021 et 2023. Précédemment, il a pratiqué au barreau avant de rejoindre, en 2011, le pôle Marché des Capitaux de Crédit Agricole (Suisse). En 2014, il devient Head Legal & Compliance d’un gestionnaire de placements collectifs, avant de rejoindre un cabinet implanté à Genève, Paris et Luxembourg en 2015. En 2017, il retrouve CA Indosuez (Switzerland) où il a mis en œuvre l’EAI, l’entraide FATCA et la conformité QI.

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The Swiss Financial Arena

Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

Entre les lignes

  • Solutions GFI
  • Henri Corboz
  • Responsable Règlementation et Conformité
  • PBM Avocats

GFI & trustees : les zones floues de l’approche basée sur les risques

Les GFI et trustees qui sont passés par les requêtes en autorisation se sont vu répéter l’importance d’une approche basée sur les risques, sans savoir nécessairement à quoi cela correspond. Ceux qui ont remis un audit prudentiel se sont également vus rappeler cette approche, sans être plus éclairés. Dans la surveillance courante, le niveau de risques déterminera pourtant l’étendue et le coût des audits à l’avenir.

Selon le niveau de risques qui lui était attribué, le GFI devait présenter une gestion des risques et de la conformité indépendante des fonctions génératrices de revenus. A défaut, il se voyait imposer une réorganisation de ces fonctions par la FINMA dans la procédure d’autorisation. Concrètement, cela impliquait de déléguer ces fonctions à un prestataire, d’y allouer un collaborateur, voire de recruter un risk & compliance officer. A teneur de la décision d’autorisation, le niveau de risques associé au GFI n’est pourtant indiqué nulle part.

L’approche impacte en premier lieu les fonctions de contrôle. L’ordonnance d’application de la LEFin prévoit que les GFI comptant plus de cinq postes à plein temps ou réalisant un produit annuel brut supérieur à deux millions doivent présenter une gestion des risques et de la conformité indépendante. A ces gros GFI sont assimilés ceux dont le modèle d’affaires présente des « risques élevés ». Aucune précision n’est fournie quant à cette dernière notion.

Du niveau des risques dépend également la composition du conseil d’administration, ainsi que son coût pour le GFI. La FINMA peut demander un conseil majoritairement indépendant lorsque le GFI comporte au moins dix emplois temps plein ou réalise un produit brut annuel de plus de cinq millions. Elle peut aussi le demander dès lors que « le genre et l’étendue de l’activité » le requièrent. Outre le cas des gros GFI, cette règle se réfère encore une fois au niveau de risques rattaché à l’établissement.

Pas de « one size fits all”

Un des objectifs de l’approche basée sur les risques était de ne pas imposer aux plus petits GFI une structure lourde, des fonctions Risques et Compliance voire un conseil d’administration indépendants. L’on se rappellera le principe « not one size fits all » avancé par la FINMA. La taille et la masse sous gestion restent toutefois des paramètres parmi d’autres dans l’approche en risques.

Une fois l’autorisation FINMA obtenue, la fréquence des audits dépendra encore du niveau de risques. Le niveau attribué lors de la délivrance de l’autorisation ne coïncide pas nécessairement avec celui retenu après un ou plusieurs exercices annuels. En effet, des facteurs d’atténuation ou d’augmentation du risque interviennent post autorisation. Ces facteurs ne se limitent pas aux irrégularités constatées ultérieurement, imprévisibles lors de la délivrance de l’autorisation.

Dans l’exercice de l’audit, l’approche en risques détermine l’étendue des travaux et le coût de l’audit. Les petits GFI seront à cet égard moins épargnés s’ils ne peuvent se permettre des mesures de mitigation du risque. L’on songera notamment à un PMS ou CRM, afin de vérifier la conformité entre le portefeuille et la stratégie de placement ou de détecter les relations à risques accrus.

Limites de l’approche en risques

L’organisme de surveillance peut porter la fréquence des audits à une fois tous les quatre ans au plus, en fonction de l’activité de l’assujetti et des risques correspondants. Un audit tous les quatre ans peut surprendre, dès lors que les cycles n’excé­daient le plus souvent pas deux ans sous les OAR.

Les rapports d’audit prennent la structure d’un triptyque incluant la LBA, les règles de comportement LSFin, ainsi que les principes de gouvernance LEFin. Pour les trustees qui ne font pas de gestion de fortune, la section LSFin peut être ignorée mais un risque initial est rattaché à l’activité. A chaque volet du triptyque est associé un niveau de risques appelé rating partiel. Approche conservatrice oblige, un rating global est attribué au GFI en retenant le moins favorable des ratings partiels. Ce n’est que sur la base d’un rating global favorable que le GFI peut prétendre à un cycle pluriannuel. Ainsi, pour un audit tous les quatre ans, le GFI doit présenter un risque faible tant du point de vue de la LBA, que de ceux de la LSFin et de la LEFin. Nous verrons si d’aventure les cycles tri voire quadri-annuels trouvent une quelconque application en pratique.

Reste la question de la pertinence des ratings partiels. A teneur des sections LBA et LSFin des rapports d’audits, un contrôle par échantillonnage est requis. L’étendue de l’échantillon dépendra du niveau de risque associé à la section correspondante du rapport. A ce niveau-là, les petits GFI risquent de se heurter à des seuils (échantillon minimum) qui ne seront peut-être pas atteints.

Enfin, la fréquence attendue des contrôles à réaliser par le GFI dépend également des risques associés à l’établissement. Si ce dernier n’est pas au clair sur le niveau de risques qui lui est attribué, il paraît délicat d’arrêter la fréquence de chaque opération de contrôle dans l’organisation interne.

Vers des critères accessibles voire une classification contradictoire

Les critères de risques communiqués jusqu’à présent le sont à titre exemplatif ou au détour d’un formulaire. L’on songera au recours à des banques dépositaires dans des juridictions offshore pour la LBA, à des produits « maison » sous l’angle de la LSFin ou encore à des mandats d’organe, d’un point de vue LEFin. Aucune approche systématique en risques, segmentée entre LBA, LSFin et LEFin n’est ouvertement accessible. Cette segmentation existe pourtant ; preuve en est l’usage des ratings partiels. Révéler les éléments essentiels ne priverait pas les acteurs de la surveillance de les faire évoluer. D’aucuns pourraient être tentés de manipuler ces paramètres. Si cette évolution a pour corollaire de réduire le niveau de risques rattachés au GFI, l’objectif de protection de l’investisseur serait pour partie atteint.

En termes de coûts (audits, prestataires…), les conséquences de cette approche basée sur les risques paraissent suffisantes pour que les GFI appellent à moyen terme à plus de contradictoire dans la classification de leurs établissements. En cas de contestation liée par exemple à un refus d’autorisation, la procédure administrative fédérale est restrictive quant à la possibilité de barrer l’accès à certains éléments d’un dossier. Dans le cadre de la surveillance courante dévolue aux OS, des critères de risques accessibles seraient susceptibles d’atténuer une éventuelle responsabilité en cas d’erreur dans le rating. En se désintéressant du traitement qui lui est réservé alors qu’il y a accès, le GFI ou son auditeur contribuerait à la survenance d’un préjudice qui s’annonce par ailleurs difficile à chiffrer.

 

Henri Corboz

PBM Avocats

Henri Corboz est avocat, responsable Règlementation et Conformité auprès de PBM Avocats. Il intervient sur des sujets réglementaires, de compliance et dans des contentieux connexes. Il intervient encore dans la structuration de fonds d’investissement, ainsi que dans le domaine des trusts.

Henri a été responsable Suisse romande de l’OS – AOOS durant la phasé clé des autorisations entre 2021 et 2023. Précédemment, il a pratiqué au barreau avant de rejoindre, en 2011, le pôle Marché des Capitaux de Crédit Agricole (Suisse). En 2014, il devient Head Legal & Compliance d’un gestionnaire de placements collectifs, avant de rejoindre un cabinet implanté à Genève, Paris et Luxembourg en 2015. En 2017, il retrouve CA Indosuez (Switzerland) où il a mis en œuvre l’EAI, l’entraide FATCA et la conformité QI.

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