Fixed Income

Solutions Investissements

  • Ray Jian
  • Responsable Obligations émergentes
  • Amundi

En 2024, les marchés émergents montreront à nouveau leurs muscles 

En 2024, tant le cycle de croissance que le cycle de politique monétaire des banques centrales promettent de bonnes opportunités pour les fonds obligataires des marchés émergents. C’est ce qu’il ressort de l’analyse proposée par Ray Jian.

Francesco Mandalà

Commençons par un bref retour en arrière : Pour renforcer leur crédibilité, de nombreuses banques centrales de pays émergents ont devancé la Fed en 2021 et ont resserré leur politique monétaire à un stade précoce. Elles ont ainsi pu maintenir l’inflation sous contrôle. Aujourd’hui, l’inflation est stable dans de nombreux pays émergents, de sorte que de nombreuses obligations de pays émergents offrent des rendements réels élevés. En 2024, il existe toujours des banques centrales dans les pays émergents qui sont prêtes à entamer leur cycle de resserrement. Toutefois, personne ne souhaite aujourd’hui commencer avant la Réserve fédérale américaine. Si la Fed baisse ses taux dans les prochains mois, le cycle de baisse des taux devrait toutefois s’accélérer dans les pays émergents également. Dans cette mesure, le plus grand risque pour les investisseurs n’est pas un éventuel atterrissage brutal, mais une accélération de la croissance aux Etats-Unis et une baisse de l’inflation plus lente que prévu.

Le Brésil et la Chine font ici figure d’exception, car ils ont déjà commencé à baisser leurs taux d’intérêt. Toutefois, le rythme du resserrement est nettement plus modéré au Brésil, tandis que la Chine agit plutôt de manière détachée du cycle mondial.

Dans l’ensemble, les pays émergents devraient à nouveau montrer leurs muscles en 2024 et atteindre des taux de croissance compris entre 3 % et 3,5 %. En comparaison, les pays industrialisés ne seront guère en mesure de suivre ce rythme. Nous pensons même que nous verrons en 2024 un pic de cinq ans dans l’écart de croissance entre les deux blocs.

Focalisation sur l’Amérique latine

L’Amérique latine reste aujourd’hui la région préférée de nombreux investisseurs. Le Mexique, le Brésil et surtout l’Argentine présentent à nos yeux les plus grandes opportunités de rendement. Les ambitions du nouveau président Javier Milei de réduire les dépenses publiques, de restreindre la politique monétaire et de relancer les ventes d’hydrocarbures plaident peut-être davantage en faveur de l’Argentine.

 

Avec un pays comme l’Argentine, il faut toutefois noter que le point d’entrée doit être choisi avec soin. L’obligation se négocie toujours à 35 cents par dollar et paie toujours le coupon. Le carry est donc à deux chiffres. Il est tout à fait possible que l’obligation monte à 50 cents par dollar si Milei parvient à mener à bien ses réformes et à faire passer la balance commerciale dans le vert. Toutefois, la volatilité est élevée et il existe des risques réels que les réformes ne puissent pas être mises en œuvre comme prévu.

Dans le cas du Brésil et du Mexique, des changements structurels soutiennent aussi la thèse de l’investissement. Le Brésil est devenu plus fort depuis la crise grâce aux mesures rapides prises par sa banque centrale. De plus, la croissance y dépend actuellement plus de facteurs internes qu’externes. En parallèle, la tendance des États-Unis à réorienter les chaînes d’approvisionnement et à réduire la dépendance vis-à-vis de la Chine joue en faveur du Mexique.

Des élections auront lieu en 2024 dans de nombreux pays émergents. Toutefois, le résultat des élections présidentielles aux États-Unis est plus important que ces dernières. Ainsi, l’élection de Donald Trump pourrait assombrir les perspectives de nombreux marchés, à l’exception du Mexique.

Autant dire, en fin de compte, qu’il est temps de dissiper la perception négative qu’ont pu avoir les obligations émergentes ces dernières années.

Ray Jian

Amundi

Ray Jian est gestionnaire de portefeuille au sein de l’équipe Emerging Market Fixed Income Il co-gère les fonds Amundi Emerging Markets Bond Fund et Emerging Markets Sovereign Bond Fund. Ray Jian a débuté sa carrière en 2007 en tant qu’analyste crédit au sein de l’équipe Fixed Income de la Bank of China, à Londres. Il y était responsable de l’analyse crédit fondamentale et de la recherche sur les valeurs financières et les entreprises en Asie, aux Etats-Unis et en Europe.

Equity content

Solutions Investissements

  • Corrado Varisco
  • Responsable de la recherche
  • bridport & cie

La dette hybride européenne envoie des signes rassurants

Le marché de la dette hybride européenne a connu une correction importante au cours des dernières années. Des politiques monétaires plus restrictives et la hausse des taux ont eu sur lui des effets négatifs. Cependant, les opportunités restent entières pour les investisseurs, car la majorité des émetteurs assureront les remboursements, comme l’explique Corrrado Varisco.

Francesco Mandalà

Pour rappel, les hybrides combinent les caractéristiques des obligations et des actions. Les agences de notation les considèrent comme moitié dette et moitié actions, leur appliquant le concept de « equity content ». La dette hybride peut être rappelée par l’émetteur à sa discrétion, lorsqu’un délai minimal de 5 ans s’est écoulé après son émission. L’émetteur paie un coupon fixe jusqu’à la première date de call. Si elle n’est pas remboursée par l’émetteur, le coupon est réinitialisé au taux de swap majoré du spread auquel l’hybride a été émis. L’émetteur a la possibilité de suspendre ou de différer le paiement des coupons sous certaines conditions sans déclencher d’événement de défaut. Cela dit, les coupons sont usuellement cumulatifs.

De nombreuses émissions hybrides approcheront leur date de remboursement (call) au cours des prochaines années. Plus de la moitié de la valeur notionnelle des hybrides en circulation sera rachetable jusqu’en 2026. Les émetteurs devront décider s’ils souhaitent refinancer, racheter ou prolonger ces titres. Nous pensons que la majorité des émetteurs optera pour le refinancement.

Pour l’émetteur, les avantages d’émettre des hybrides sont plutôt évidents : coûts moins élevés qu’une introduction en bourse ou une augmentation de capital, possibilité de déduire fiscalement les versements de coupons et soutien à la notation des obligations « senior », grâce au concept de « equity content ». Ce dernier facteur est essentiel pour soutenir la thèse selon laquelle la majorité des émetteurs optera pour le refinancement de leurs hybrides.

Même si d’un point de vue purement économique, il serait avantageux de ne pas refinancer cette dette hybride, nous pensons que d’autres caractéristiques clés de ce type d’instrument prévaudront et encourageront la majorité des émetteurs à suivre cette voie à la première date de call.

Tout d’abord, pour les émetteurs d’hybrides avec des solides notations investment-grade, la prolongation après la première date de rachat soulèvera probablement des inquiétudes quant à leur crédibilité, poussant à la hausse les coûts d’emprunt. Deuxièmement, refinancer la dette hybride en émettant des obligations senior, moins coûteux, pourrait paraître une stratégie judicieuse. Toutefois, cela entraînerait un ré-endettement des bilans, exerçant une pression à la hausse des coûts d’emprunt. Étant donné que les agences de notation traitent les hybrides à hauteur de 50 % en actions (equity content), les émetteurs réguliers dotés de bilans solides sont clairement incités à refinancer, même à des taux plus élevés.

L’univers des hybrides est dominé par les Utilities, pour un tiers de l’indice, suivi par l’énergie (18 %), les télécommunications (14 %), l’automobile (10 %) et l’immobilier (10 %). À l’exception de l’immobilier, les autres secteurs sont fondamentalement solides. On remarque aussi que presque tous les hybrides en circulation sont émis par des sociétés dont la dette senior est notée IG. Il convient de noter qu’en termes de valorisation, les obligations hybrides se sont fortement redressées au cours des deux derniers trimestres, mais les rendements  -5,95% en EUR – et les spreads – 250 bps – restent à des niveaux historiquement intéressants. En conclusion, bien qu’il n’existe pas de solution « universelle » pour investir dans les hybrides, les valorisations actuelles montrent qu’il existe un large éventail d’opportunités attrayantes dans ce secteur.

Corrado Varisco

bridport & cie

Corrado Varisco occupe depuis l’an passé le poste de responsable de la recherche chez bridport & cie. Corrado a plus de vingt ans d’expérience sur les marchés obligataires avec une spécialisation dans la dette à haut rendement et la dette des pays émergents. Il a débuté sa carrière professionnelle en 2021 à la banque BSI, à Lugano, en tant qu’analyste. Il est devenu ensuite co-responsable de la gestion de portefeuille décentralisée pour l’équipe Amérique latine de BSI. En 2011, Corrado a rejoint la banque CBH à Genève où il a officié en tant que responsable de l’offre et de l’analyse obligataires. Il y a également occupé les fonctions de gestionnaire de portefeuille.

Cryptos

Solutions Investissements

  • Samir Kerbage
  • Chief Investment Officer
  • Hashdex

Lancement des ETF bitcoin : les premières leçons après un mois

Pour leur lancement, les ETF bitcoins ont déjà réussi à lever près de quarante milliards de dollars. Une performance appréciable qui ouvrent des perspectives plutôt attrayantes pour une classe d’actifs appelés à se développer sur le long terme, comme l’explique Samir Kerbage.

Francesco Mandalà

Aux États-Unis, le lancement des ETF bitcoin au comptant a été un moment décisif pour le monde crypto. Ces produits ouvrent en effet un marché de 50’000 milliards de dollars aux investisseurs de tous bords. Ils ont désormais accès au bitcoin sous la forme peut-être plus familière familière d’un ETF. Il a fallu dix ans pour en arriver là, un long chemin, et les mois précédant les approbations de janvier ont vu se multiplier les interrogations sur l’impact que pourraient bien avoir ces ETF. Un mois plus tard, on y voit bien évidemment plus clair, en se concentrant sur trois grandes questions.

Quel a été l’impact immédiat des ETF ?

Il y a eu énormément d’excitation dans les mois et les semaines précédant le lancement des ETF bitcoin. Cependant, leur sortie le 11 janvier s’est accompagnée d’une baisse de prix de courte durée, due principalement au GBTC, le trust bitcoin de Grayscale converti en ETF. À ce moment-là, GBTC détenait environ 30 milliards de dollars de bitcoins mais ne disposait pas d’options de rachat. Il s’en est suivi une importante décote de la valeur nette d’inventaire. Anticipant une conversion de trust en ETF, de nombreux traders ont acheté des actions GBTC à prix réduit. La conversion approuvée a déclenché des rachats de GBTC alors que les traders à court terme clôturaient leurs positions et que les investisseurs à long terme quittaient le produit. Malgré les entrées dans d’autres ETF, l’effet net a consisté en une vente substantielle de bitcoins, et donc une baisse des prix. Les rachats de GBTC ont ensuite ralenti, tandis que les investissements dans d’autres ETF ont augmenté, entraînant des flux nets positifs. Au cours du mois écoulé, les ETF bitcoin ont enregistré plus de 3,2 milliards de dollars de flux nets et le prix du bitcoin a augmenté de plus de 27%.

Où en sommes-nous actuellement ?

Bien que l’importance de ces nouveaux flux ne soit pas surprenante au vu de la demande, le premier mois a dépassé les attentes. Dans la mesure où il s’agit d’un tout nouveau type d’ETF, les comparaisons directes avec d’autres classes d’actifs sont difficiles. Mais la thèse d’investissement la plus solide qui prévaut pour le bitcoin en ce moment – celle d’une réserve de valeur émergente, ou or numérique – permet une comparaison raisonnable entre les ETF bitcoin et les ETF or. Un rapport de Coinbase Institutional a noté que les entrées nettes pour les ETF bitcoin au cours de leur premier mois ont dépassé celles enregistrées par l’ETF SPDR Gold Shares (GLD) de State Street au cours de son premier mois – l’un des lancements d’ETF les plus réussis de tous les temps.

A la lecture de ces chiffres seuls, le succès des ETF bitcoin aux États-Unis apparait clairement. Plus important encore que ces chiffres, il y a ce que ces nouveaux flux signifient pour l’avenir du bitcoin comme cas d’investissement. Il semble bien que ces ETF ont consolidé la place du bitcoin dans les portefeuilles, certainement appelée à croître avec le temps. Nous n’en sommes cependant qu’aux phases d’initiation. Les investisseurs ont encore beaucoup à apprendre sur cette classe d’actifs, et leur allocation en bitcoin prendra forme sur le long terme, au fil des mois et des années.

Que nous dit le dernier mois sur l’avenir des ETF bitcoin ?

Le bitcoin est revenu à une valorisation proche des 1’000 milliards de dollars. Bien qu’il puisse encore y avoir des facteurs contribuant aux sorties de GBTC en particulier, tels que ceux liés à la faillite de Genesis, nous ne voyons pas de signes structurels indiquant un possible ralentissement de la demande. Les 37 milliards de dollars déjà investis dans les ETS bitcoins laissent penser que leurs encours pourraient vite dépasser ceux des ETF or, évaluant aujourd’hui autour des 100 milliards. Après une année tumultueuse en 2022, et une année de reprise en 2023, l’institutionnalisation des devises cryptos – orchestrée avec succès – créent aujourd’hui de belles opportunités pour toute l’industrie.

Samir Kerbage

Hashdex

Samir Kerbage est le Chief Investment Officer de Hashdex. Pendant près de dix ans, il a travaillé à la construction d’infrastructures pour les marchés financiers. Il a contribué par exemple à des projets majeurs tels que l’ATS Brasil chez Americas Trading Group et le lancement d’une entreprise de trading à haute fréquence. Samir Kerbage, est diplômé en génie informatique de l’Instituto Militar de Engenharia, au Brésil.

Fardeau

Solutions Investissements

  • Corrado Varisco
  • Responsable de la recherche
  • bridport & cie

Le relèvement des taux complique un peu plus les aléas de la dette publique

Comparée au PIB, la dette publique atteint des niveaux sans précédent et cette tendance haussière semble inéluctable. Le nouvel environnement de taux rend la situation un peu plus tendue, ainsi que le souligne Corrado Varisco.

Francesco Mandalà

Dans le passé, c’était presque une « interdiction » d’avoir un niveau d’endettement élevé par rapport au PIB. Le pire des sacrilèges ! Aujourd’hui, ce tabou ne semble plus être d’actualité. Mais est-ce justifié ?

La majorité des dettes étatiques se situe à des niveaux historiquement élevés et devrait continuer à croître en raison de de plusieurs tendances séculaires déjà en place. Les interdictions traditionnelles concernant les ratios dette/PIB élevés ne semblent s’appliquer désormais qu’aux pays ne pouvant pas se refinancer facilement. Le Japon pourrait maintenir un ratio de 250 % du PIB, les US pourraient dépasser 150 %, et ainsi de suite. Mais quand cette spirale s’arrêtera-t-elle ? Il n’est pas facile d’y répondre, bien que des risques à long terme subsistent clairement.

Si cette conjoncture était soutenable avec une faible inflation et des liquidités abondantes, la situation actuelle a changé la donne, ce qui rend la mobilisation de capitaux encore plus urgente. Ce processus entraîne une polarisation entre les pays qui peuvent facilement continuer à émettre de la dette et à se refinancer, et ceux qui ne le peuvent pas ou difficilement.

Dans les économies qui ont alimenté la croissance économique mondiale au cours de la dernière décennie – Etats-Unis, Union européenne et Chine), la dette est appelée à continuer de croître en raison de multiples facteurs. C’est le cas par exemple du vieillissement démographique et de la diminution de la population en âge de travailler. Le coût des retraites et des soins de santé va croître d’autant. Il y a aussi la « révolution verte », dont la mise en œuvre nécessitera d’énormes capitaux. Le secteur de la défense et de la sécurité aura besoin aussi d’importants investissements, compte tenu des événements géopolitiques récents, de l’augmentation des flux migratoires et de la désobéissance sociale.

Prenons l’exemple de la France, dont la note de crédit a été dégradée l’année dernière, suite à la difficulté du gouvernement à relever l’âge de la retraite à 64 ans. La réalité est qu’une augmentation minime des coûts d’emprunt, ne serait-ce que d’un petit point de pourcentage, peut avoir au final un effet cumulatif considérable sur une décennie.

Passons maintenant aux Etats-Unis. La dette nationale y a dépassé le chiffre stupéfiant des 34 000 milliards de dollars et elle augmente à un rythme frénétique de près de 3 000 milliards par an. Les paiements d’intérêts annuels sur cette dette dépassent les 1 000 milliards. Il est prévu que ces paiements atteindront 1’300 milliards au cours des 12 à 18 prochains mois. Si cette tendance se poursuit, la spirale de la dette ne fera que s’élever de manière alarmante. Mais au niveau politique, il n’y a pas de réelle volonté d’affronter le problème de manière structurelle.

De nombreux mécanismes traditionnels utilisés pour échapper à la dette – comme la croissance économique via le commerce mondial – ne peuvent plus être tenus pour acquis. Cela est particulièrement problématique pour les pays émergents les plus faibles. En outre, augmenter le potentiel de croissance économique nécessiterait l’adoption de réformes qui pourraient s’avérer politiquement coûteuses. Certains pays pourraient alors être tentés de laisser « courir » l’inflation pour éroder la valeur de leur dette. Mais cela ne résoudra pas les principales causes qui ont conduit à cette augmentation.

L’avenir ne semble donc pas être des plus réjouissants. Nous nous attendons à une augmentation continue de la dette publique, tirée par les pays développés, qui peuvent encore se financer sur les marchés, à la différence des pays émergents les plus faibles. Il y aura une forte concurrence pour les liquidités des investisseurs, ce qui impliquera la nécessité de taux réels durablement positifs et hauts. Le risque de défaut va être globalement plus élevé, comme aussi l’exigence de retours sur investissement, compte tenu des risques plus importants et de la concurrence accrue pour le capital. Les pays les plus vulnérables devraient donner la priorité aux investissements dans l’éducation, la transition énergétique durable et les soins de santé afin de stimuler la croissance économique à long terme. Cela inclut aussi les pays développés ayant des niveaux d’endettement importants, où le service de la dette représente une partie importante du budget public, à l’image de certains pays périphériques de l’Union européenne.

Corrado Varisco

bridport & cie

Corrado Varisco occupe depuis l’an passé le poste de responsable de la recherche chez bridport & cie. Corrado a plus de vingt ans d’expérience sur les marchés obligataires avec une spécialisation dans la dette à haut rendement et la dette des pays émergents. Il a débuté sa carrière professionnelle en 2021 à la banque BSI, à Lugano, en tant qu’analyste. Il est devenu ensuite co-responsable de la gestion de portefeuille décentralisée pour l’équipe Amérique latine de BSI. En 2011, Corrado a rejoint la banque CBH à Genève où il a officié en tant que responsable de l’offre et de l’analyse obligataires. Il y a également occupé les fonctions de gestionnaire de portefeuille.

Hedge funds

Solutions Investissements

  • Interview Cédric Dingens & Alexis Sautereau
  • Pôle Investment Solutions and Alternative Investments
  • NS Partners

« Hedge funds : les meilleurs résultats s’obtiennent en période de taux d’intérêt élevés »

Cette année, les stratégies alternatives devraient encore bénéficier de l’environnement actuel, dominé par des taux d’intérêts élevés et une inflation persistante. D’autant que la déglobalisation, la transition énergétique et la perspective des élections américaines ajoutent à la dispersion sur les marchés actions, comme le soulignent Cédric Dingens et Alexis Sautereau.

Francesco Mandalà

Dans les grandes lignes, à quoi devrait ressembler 2024 pour la gestion alternative ?

Avec la hausse des taux d’intérêt, les inquiétudes macroéconomiques et le retour de la volatilité sur les marchés, les stratégies long/short devraient à nouveau pouvoir démontrer leur intérêt. De même, des opportunités et des inefficiences semblent émerger dans les thèmes de la transition énergétique et dans le monde des matières premières.

Les données historiques montrent que les gérants de hedge funds obtiennent leurs meilleurs résultats en période de taux d’intérêt élevés, comme ce fut le cas entre 1990 et 2007. Avec des rendements à 5% pour les emprunts à 10 ans, une inflation qui devrait perdurer et des déficits importants, on se trouve donc dans une situation plutôt favorable aux stratégies alternatives. Elles devraient profiter également des tendances majeures que sont la déglobalisation, la transition énergétique et les élections américaines car leurs performances dépendent aussi de la dispersion sur les marchés actions

Dans quelle mesure le nouvel environnement macro profite-t-il le plus aux fonds alternatifs ?

Certaines stratégies, notamment dans le domaine du crédit, trouvent désormais un environnement plus discriminant, qui profite en effet aux gérants alternatifs. La bonne tenue et / ou la faiblesse de certains bilans d’émetteurs se voient prises en compte de manière plus marquée que lorsque les taux persistent à des niveaux très faibles. Les opportunités se développent donc favorablement tant pour les positions longues que pour les positions shorts.        

Quelles stratégies alternatives devraient le mieux performer ?

Après avoir affiché de très belles performances sur la période 2020-2022, les fonds global macro ont marqué le pas en 2023. Nous restons persuadé que l’environnement de marché reste favorable à ces stratégies qui présentent l’avantage d’être décorrélées des marchés actions et obligataires. Même si la baisse des taux a été conséquente ces dernières semaines, nous restons dans une situation de normalisation qui devrait bénéficier aux bons gérants long/short qui investissement sur les actions et le crédit.

Quels sont les facteurs clés qui favorisent aujourd’hui la génération d’alpha dans les fonds alternatifs ?

De nombreux éléments influent à divers degrés sur la génération d’alpha mais le plus importe d’entre eux reste la dispersion des prix ou des rendements, selon les actifs concernés.

La difficulté, liée au contexte de ces dernières années engendré par des taux faibles, persistants, a sans doute réduit le spectre de dispersion. Par conséquent, il est devenu moins évident pour les fonds alternatifs de valoriser leurs deux pôles, long et short. Il est clair par exemple que les stratégies long/short equity n’ont pu générer les performances auxquelles elles auraient pu prétendre dans un environnement moins ordonné, moins soumis à des facteurs exogènes comme les politiques des banques centrales.

Comment a évolué cet alpha depuis la crise des subprimes ?

Depuis 2010 et la mise en œuvre de « l’assouplissement monétaire » orchestrée par les banques centrales à l’échelle planétaire, l’abondance de liquidité a prévalue sur les autres critères capables d’imprimer leur rythme aux mouvements des marchés et les valorisations des actifs. Ces injections massives de liquidités – proches des 9’000 milliards de dollars aux Etats-Unis – a eu tendance, de manière générale, à neutraliser la génération d’alpha, dans la mesure où l’univers d’investissement a fini par se présenter sous un jour moins discriminant. Il est devenu plus délicat d’arbitrer entre les actifs, et de distinguer les bons des mauvais. A l’inverse, la remontée des taux, décidée par les banques centrales pour contrer les pressions inflationnistes, a conduit au rétablissement de critères d’investissement plus sélectifs, historiquement plus favorables à la génération d’alpha. C’est notamment le cas de cette dispersion dont je parlais plus tôt.

Comment les hedge funds exploitent-ils concrètement les hausses prononcées de la volatilité ?

La manière la plus évidente, à défaut d’être la plus simple, c’est d’exploiter une stratégie d’options qui, bien construite, peut offrir des rendements très intéressant dans les phases de dislocation de marché. Cette stratégie peut être isolée, ou bien se retrouver au sein d’un portefeuille long/short equity afin d’augmenter le biais de protection du reste du portefeuille. C’est un exemple parmi d’autres. Ce type de stratégie a cependant un revers à ne pas négliger. Elle peut s’avérer improductive voire légèrement coûteuse dans les phases de prolongées de faible volatilité.

Comment expliquez-vous l’essor des plateformes multi-gérants ces dernières années ?

Les plateformes multi-gérants ont principalement gagné des parts de marché dans l’industrie des hedge funds grâce à leurs bonnes performances ajustées au risque durant les 5 dernières années. Dans un contexte d’augmentation des coûts et de consolidation de l’activité d’asset management elles ont réussi à attirer les meilleurs traders qui ont pu négocier des bonnes conditions de rémunération.

Comment les voyez-vous évoluer ces prochaines années ?

Nous assistons aujourd’hui à une phase de digestion des actifs levés ces 3 dernières années avec une performance en 2023 qui est peut-être un peu en deçà des attentes, notamment lorsque le taux sans risque est de plus de 5% en USD. Certaines vont continuer à dominer tandis que d’autres vont probablement stagner et chercher à se rapprocher d’autres acteurs.

Cédric Dingens

Cédric Dingens dirige le pôle « Investment Solutions & Institutional Clients » de NS Partners. Cédric a débuté sa carrière à la Banque du Luxembourg en 2001. L’année suivante, il a rejoint Notz Stucki à Luxembourg en tant que gestionnaire de portefeuille. Il a développé le cadre interne de gestion des risques quantitatifs avant d’être nommé responsable de la gestion des risques à Genève en 2010, puis d’être promu à son poste actuel en 2016. Il est titulaire d’un diplôme en finance quantitative de l’École nationale supérieure des mines de Nancy (France) et détient la certification Chartered Alternative Investment Analyst.

Alexis Sautereau

Alexis Sautereau a rejoint NS Partners en 2020. Il a plus de 20 ans d’expérience dans divers secteurs financiers. Il a commencé par travailler dans le trading d’options et d’actions avant de s’orienter vers le conseil en technologie puis la finance d’entreprise. En 1999, il rejoint Unigestion, l’un des leaders européens de la gestion alternative, dont il devient directeur exécutif, avant de le quitter en 2002 pour fonder Jam Research.