Transparence
Patrick Müller
Zwei Wealth
« Élargir le cadre, aller bien au-delà de l’habituel portefeuille Balanced »
Avril a été marqué par un retour brutal de la volatilité sur les marchés globaux, et les crypto-actifs n’y ont pas échappé. Le bitcoin est brièvement passé sous les 76 000 dollars à la suite des tensions liées à la nouvelle politique tarifaire annoncée après le “Jour de la Libération”. Mais en l’espace de quelques jours, il a effacé ses pertes, enregistrant un rebond de près de 25 %.
Le sursaut du bitcoin n’est pas un cas isolé. Les actifs numériques montrent, une fois de plus, leur capacité à rebondir rapidement face aux chocs macroéconomiques. L’indice Nasdaq Crypto Index™ (NCI™), qui reflète la structure du marché crypto, a ainsi surperformé les principales classes d’actifs — actions, or — après plusieurs épisodes de stress : la crise bancaire américaine en 2023, le retournement du yen en 2024, et plus récemment le regain de tensions commerciales.
Pourquoi cela ? Nous assistons à une convergence croissante entre le comportement des marchés, les avancées réglementaires et des cas d’usage concrets, qui renforcent la thèse d’investissement dans les crypto-actifs. Deux évolutions majeures méritent d’être soulignées. Premièrement, le bitcoin s’impose de plus en plus comme un actif de réserve de valeur, adoptant un comportement similaire à celui de “l’or numérique” dans les portefeuilles institutionnels.
Deuxièmement, l’adoption rapide des stablecoins à l’échelle mondiale et la montée en puissance de la tokenisation renforcent l’intérêt des plateformes de smart contracts comme Ethereum et Solana, qui s’affirment comme la couche d’infrastructure d’un nouveau système financier. Ensemble, ces dynamiques accélèrent l’intégration des crypto actifs dans l’économie mondiale et ouvrent la voie à des opportunités d’investissement attractives sur le long terme.
La thèse d’investissement principale autour du bitcoin repose depuis longtemps sur sa rareté, sa décentralisation et sa résistance à la censure. Pourtant, pendant une grande partie de son histoire, il a été perçu davantage comme un actif spéculatif que comme une véritable réserve de valeur. Cette perception est en train d’évoluer, comme en témoigne la semaine dernière où le BTC a progressé en parallèle de l’or, tandis que les indices boursiers reculaient et que le dollar américain atteignait son plus bas niveau depuis trois ans.
Trois évolutions majeures ont été déterminantes dans cette transformation du bitcoin en actif de réserve de valeur :
Alors que le bitcoin s’impose progressivement comme l’équivalent numérique de l’or, la demande pour les stablecoins — des actifs numériques adossés à des monnaies fiduciaires, le plus souvent le dollar américain — ne cesse de croître. Depuis le début de 2023, les fonds monétaires tokenisés se développent rapidement, avec des institutions traditionnelles telles que BlackRock et UBS qui investissent déjà ce segment et collectent plusieurs milliards de dollars via leurs propres versions de “dollar tokens” porteurs de rendement. Ethereum, ses solutions de couche 2, ainsi que d’autres plateformes de smart contracts comme Solana et Avalanche, sont les infrastructures utilisées pour tokeniser des actifs du monde réel. Elles permettent d’exécuter des transactions de manière rapide, sécurisée et programmable, tout en offrant une composabilité qui ouvre la voie à de nouveaux cas d’usage.
Les stablecoins adossés au dollar, notamment l’USDC et l’USDT, traitent désormais près de 3’000 milliards de dollars de volume de transaction par an — un chiffre supérieur aux volumes combinés de PayPal, Venmo et Western Union. Leur utilité est multiple : transferts internationaux, trading on-chain, paiements marchands, etc. La montée en puissance des stablecoins et de la tokenisation ne relève clairement plus du seul écosystème crypto. Les institutions financières et les fintechs les intègrent dans leurs produits, et plusieurs juridictions — de Singapour au Brésil en passant par les États-Unis — développent des cadres réglementaires pour accompagner cette adoption.
Pourquoi est-ce important pour Ethereum et les autres plateformes de smart contracts ?
Implications pour les investisseurs
Ces deux récits — le bitcoin comme or numérique et les plateformes de smart contracts comme infrastructure financière — ne s’excluent pas mutuellement. Ils se complètent et représentent deux piliers de la thèse d’investissement en actifs numériques en pleine évolution. Pour les investisseurs de long terme, cela offre un cadre plus clair pour la construction de portefeuille :
Comme toujours, des risques subsistent — de la fragmentation réglementaire à la concurrence entre réseaux. Mais contrairement aux cycles précédents, nous assistons désormais à une adoption réelle qui stimule la demande et l’intérêt des investisseurs. Le bitcoin et les plateformes de smart contracts ne sont plus de simples idées. Ce sont des systèmes fonctionnels, avec des cas d’usage éprouvés et une attractivité économique croissante.
Chez Hashdex, nous pensons que les actifs numériques entrent dans une nouvelle phase — marquée moins par la spéculation que par une intégration mesurable dans l’économie mondiale. Le rôle croissant du bitcoin comme réserve de valeur, associé à la place centrale des smart contracts dans l’infrastructure des stablecoins et de la tokenisation, illustre clairement cette évolution.
Nos stratégies d’investissement indicielle sont conçues pour capter cette dynamique. Le Nasdaq Crypto Index™ (NCI™), suivi par nos produits phares, constitue aujourd’hui une boussole pertinente pour les investisseurs souhaitant s’exposer de manière structurée à l’écosystème crypto. Il s’agit d’un panier dynamique, révisé trimestriellement, qui reflète la structure réelle du marché — avec une pondération dominante pour le bitcoin (environ 78% au 10 avril), tout en intégrant les tokens principales plateformes de smart contracts (Ethereum, Solana, Cardano, Avalanche) et des actifs liés aux paiements comme Ripple, etc.
Ce positionnement permet à l’indice de capter non seulement la thèse de réserve de valeur portée par le bitcoin, mais aussi les opportunités de croissance générées par l’adoption des stablecoins et la tokenisation. Le NCI™ est conçu pour évoluer avec le marché et pour capter les gagnants de demain, dès aujourd’hui. Il offre ainsi une exposition diversifiée, rigoureuse et représentative à un univers encore jeune, mais déjà structuré.
En s’appuyant sur des règles transparentes, une méthodologie rigoureuse et une couverture de large de la capitalisation du marché des actifs numériques, le Nasdaq Crypto Index™ constitue une passerelle efficace entre les marchés traditionnels et les nouvelles frontières de la finance. Il s’agit, selon nous, de la meilleure manière d’aborder cette classe d’actifs avec discipline, discernement et vision stratégique.
Samir Kerbage
Hashdex
Samir Kerbage est le Chief Investment Officer de Hashdex. Pendant près de dix ans, il a travaillé à la construction d’infrastructures pour les marchés financiers. Il a contribué par exemple à des projets majeurs tels que l’ATS Brasil chez Americas Trading Group et le lancement d’une entreprise de trading à haute fréquence. Samir Kerbage, est diplômé en génie informatique de l’Instituto Militar de Engenharia, au Brésil.
Après un rally appréciable au premier trimestre, les actions suisses ont repiqué du nez en avril, prises sous le feu des taxes douanières exorbitantes envisagées par Donald Trump. A mi avril, le SPI avait perdu 2,6% depuis le début de l’année, et le SMI 3,3%. Rien d’inquiétant cependant au vu des excellents fondamentaux qu’affiche toujours l’économie suisse.
Après deux années de performances catastrophiques, le vent semblait avoir enfin tourné sur les bourses suisses au premier trimestre. A la fin mars, les indices avaient fortement rebondi, tandis que l’optimisme des investisseurs à l’égard de l’économie mondiale laissait place à un net regain de volatilité.
Au mois de janvier, il était en effet assez choquant de constater que la décote de valorisation des titres helvétiques atteignait un niveau sans précédent. Alors qu’historiquement les valeurs domestiques se traitent avec une prime de 5% par rapport aux indices mondiaux, c’est une décote de près de 15% qui prévalait en début d’année. Cette situation anormale parlait clairement en faveur des actifs risqués suisses. Cet argument reste d’ailleurs valable aujourd’hui, malgré la large surperformance du SPI sur les trois premiers mois de 2025.
Les valeurs suisses ont souvent montré leur capacité à bien se comporter dans un environnement de forte volatilité sur les marchés financiers mondiaux. L’escalade actuelle dans la guerre commerciale menée par les USA contre leurs partenaires commerciaux mène à un régime de volatilité extrême qui aurait dû normalement pousser les investisseurs vers la cote locale. C’était sans compter sur le caractère imprévisible du nouveau Président américain.
Il y a encore quelques semaines, les observateurs estimaient que la Suisse échapperait aux taxes douanières, malgré les menaces brandies par Donald Trump à l’égard du monde entier. Tout du moins, il n’était pas envisageable que des taxes supérieures à celles appliquées aux pays européens soient mises en place. C’est pourtant bien ce qui s’est passé la semaine dernière. A la suite de l’application de formules mathématiques obscures, les biens helvétiques exportés aux Etats-Unis risquent une taxe supérieure à 30%, un niveau jusque-là réservé aux produits chinois. Cette surprise explique la sous performance récente des bourses domestiques, qui n’ont pas résisté au crash boursier en ce début avril.
Dans un tel contexte, les petites et moyennes capitalisations sont à la peine. Sans surprise, ces entreprises ont fortement corrigé, en raison de leur fragilité financière plus élevée et de leur présence dans des secteurs plutôt cycliques comme l’industrie ou la chimie. Pas de répit non plus pour les valeurs défensives du secteur de la santé, qui ne seront pas épargnées par la politique tarifaire de Donald Trump. Dans la récente baisse, les investisseurs n’ont pas fait de distinction entre grosses et petites capitalisations, cycliques ou défensives. L’onde de choc s’est généralisée à l’ensemble du marché. Ou presque…
Car certaines valeurs parmi les « small cap » se sont relativement bien comportées dans ce moment de panique. Les plus petites sociétés, celles qui ne sont actives que sur le marché suisse et, par conséquent, ne sont que peu concernées par les taxes américaines, ont semblé bénéficier d’une carte joker. Une société de services comme Swisscom, qui opère en grande partie sur sol suisse ne se soucie guère des récents développements macroéconomiques. Même constat pour BKW, Allreal, les petits assureurs suisses ou l’ensemble des banques cantonales helvétiques. Ces valeurs sont à privilégier dans l’environnement actuel et sont largement représentées dans nos solutions d’investissement dédiées au segment des petites et moyennes capitalisations. L’accent est donc mis dans ce segment sur les sociétés exposées en premier lieu à la conjoncture domestique.
Car il faut souligner l’excellence des fondamentaux dont jouit l’économie suisse. Alors que la croissance du PIB ralentit dans la plupart des économies développées, Etats-Unis et Chine en tête, elle devrait rester stable, voire accélérer dans notre pays durant les deux prochaines années. Certes, des révisions baissières sont attendues au vu des récentes mesures mises en place par les Etats-Unis et de la perte de confiance qui en a suivi chez les entrepreneurs. Mais l’impact devrait rester limité pour le PIB suisse. Idem pour les bénéfices des entreprises suisses, qui s’inscrivent dans une tendance de révisions haussières. Notons que la BNS, en assouplissant fortement sa politique monétaire durant les derniers trimestres, a sans doute contribué à préserver la compétitivité des sociétés exportatrices et à limiter l’appréciation du franc, favorisant ainsi la croissance.
Au vu de ce qui précède, nous considérons comme injustifiée la décote que les actions domestiques continuent d’afficher par rapport à leurs homologues mondiales, même après la surperformance des indices SMI et SPI sur le premier trimestre. Le retour à une prime de valorisation est désormais probable au vu des incertitudes économiques, de la situation géopolitique et de la visibilité réduite qui prévaut quant à l’orientation de la croissance mondiale. Nous recommandons dès lors de conserver une exposition substantielle aux actions helvétiques en privilégiant notamment les petites capitalisations domestiques, qui continueront à tirer leur épingle du jeu sur les prochains mois.
Daniel Steck
Piguet Galland
Daniel Steck cumule près de 25 années d’expérience dans le domaine de la finance. Après une première expérience dans l’analyse financière chez Lombard Odier, notamment sur le secteur de la santé, il a continué sa carrière chez Reyl & Cie, comme analyste et gérant de portefeuille. Il a rejoint Piguet Galland en 2018 comme gestionnaire senior pour prendre en charge de la gestion des différents fonds actions et certificats thématiques sur la Suisse et l’Amérique du Nord.
Avec les « smart contracts » que la blockchain a rendu possibles, le web est en pleine évolution. Sous le label Web3, comme l’explique Dramane Meite, il ouvre de nouvelles opportunités dans des domaines tels que les plateformes de type Ethereum, les places de marché, les jeux « play-to-earn » et quelques autres concepts 100% décentralisés.
Le potentiel des crypto-actifs va bien au-delà des simples paiements. La technologie blockchain a permis de créer une large gamme d’applications qui suppriment le besoin d’intermédiaires grâce à des réseaux décentralisés soutenus par des actifs numériques.
Les “smart contracts”, des accords auto-exécutables qui automatisent les transactions et éliminent les intermédiaires, sont l’une des utilisations les plus marquantes de la blockchain. Ils sont employés pour des transactions financières ou juridiques, pour le paiement direct d’artistes, ainsi que pour de nombreux autres cas. Des entreprises comme Starbucks, Nike et JPMorgan les utilisent pour offrir à leurs clients de nouveaux services nouveaux, plus efficaces.
Basés sur la transparence et l’efficacité, les smart contracts favorisent aussi l’adoption des produits et services du Web3. Comment définir alors le Web3 et pourquoi les investisseurs devraient-ils s’y intéresser ?
Les trois phases de l’internet
Internet a connu une transformation spectaculaire depuis sa création. A ses débuts – le Web1 – il était une vaste bibliothèque d’informations, facilement accessible mais avec une interaction limitée. Le Web2 – l’ère actuelle – a entraîné une révolution sociale, permettant aux utilisateurs de se connecter, créer et partager du contenu sur des plateformes comme Facebook et YouTube. Cependant, ces plateformes ont la main mise sur le data de même que sur le contenu généré, soulevant des préoccupations liées à la vie privée et la propriété.
Le Web3, porté entre autres par les smart contracts, s’accompagne d’un changement de paradigme où les individus sont les seuls propriétaires de leurs données, contrôlent leurs actifs numériques et interagissent directement les uns avec les autres sans dépendre d’autorités centrales.
Grâce aux marchés décentralisés, le Web3 offre de nombreux avantages. Il permet à ses utilisateurs de posséder et d’échanger des œuvres d’art numériques via des NFT. Le modèle de jeu « play-to-earn » leur permet aussi de gagner des récompenses quand ils jouent, et les primes obtenues deviennent des actifs échangeables. Enfin, les plateformes de création de contenu décentralisées donnent aux créateurs le contrôle sur leur travail et un accès direct à leur audience.
Voici quelques exemples les plus marquants développés autour de ces smart contracts
Plateformes de contrats intelligents
Ethereum
La plateforme la plus établie, connue pour son écosystème de développeurs robuste et sa sécurité.
Solana
Une alternative rapide et à faible coût à Ethereum, gagnant en traction pour sa scalabilité.
NFT Marketplaces
OpenSea
Le plus grand et le plus populaire des marketplaces pour acheter et vendre des NFTs dans diverses catégories.
Rarible
Marketplace NFT décentralisé avec un accent sur l’autonomisation des créateurs et la gouvernance communautaire.
Jeux Play-to-Earn
Axie Infinity
Un pionnier dans l’espace play-to-earn, où les joueurs élèvent et combattent des créatures pour gagner des récompenses.
Decentraland
Jeu de métavers où les joueurs possèdent des parcelles de terrain virtuel et peuvent créer des expériences ou monétiser leurs créations.
Finance décentralisée (DeFi)
Uniswap
Le principal échange décentralisé (DEX), permettant le trading pair-à-pair de cryptoactifs sans intermédiaires.
Aave
Plateforme de prêt DeFi où les utilisateurs peuvent emprunter et prêter des cryptoactifs, gagnant des intérêts sur leurs avoirs.
Risques et opportunités
Le potentiel du marché pour les applications Web3 est immense. Pour les investisseurs, le champ des possibles est tout aussi étendu, mais il comporte aussi des risques. Les vulnérabilités des contrats intelligents et les problèmes opérationnels de la blockchain peuvent entraîner des pertes financières. Parfois, le pouvoir de décision pour certains nouveaux projets est concentré, avec des droits de vote distribués de manière inégale. De plus, les cadres réglementaires pour le Web3 sont en cours d’évolution, créant une certaine incertitude pour les entreprises et les investisseurs.
L’avenir du Web3 n’en reste pas moins prometteur. Ethereum est actuellement la principale plateforme de contrats intelligents, mais des solutions concurrentes comme Solana émergent. De nouvelles solutions construites sur ces réseaux, appelées « Layer-2 », aident à la scalabilité de ces réseaux et réduisent les frais et autres coûts ayant créé des obstacles à l’adoption.
À mesure que cette industrie évolue, le Web3 offre une opportunité massive de remodeler internet et de redéfinir la propriété à l’ère numérique. Les plateformes de contrats intelligents et leurs applications continueront de perturber les industries traditionnelles et de libérer toute la capacité d’un internet véritablement décentralisé.
Dramane Meite
Hashdex
Dramane Meite est responsable des nouveaux produits chez Hashdex, avec plus de 10 ans d’expérience dans les marchés financiers, la gestion d’actifs et la fintech. En poste auparavant chez Pimco, il a piloté les initiatives stratégiques et l’innovation en tant que Business Manager au bureau exécutif, puis en tant que stratège produit dans le groupe Solutions Client et Analytics. Il a également travaillé dans la vente, le trading et la trésorerie à la Standard Chartered Bank et à la Société Financière Internationale. Dramane Meite détient un MBA de l’Université Stanford, ainsi qu’une maîtrise en statistiques et économie. Il est titulaire du CFA.
Zwei Wealth a lancé son portail Transparence, pour donner aux clients davantage de visibilité sur les offres que leur destinent les banques et gestionnaires de fortune. Mais, pour Patrick Müller, le portail doit également encourager les gérants à élever un peu plus encore la qualité de leurs services.
Lors d’une interview réalisée avec SPHERE il y a quelques années, vous aviez exprimé votre désir de contribuer à l’amélioration des services financiers en Suisse. Depuis lors, quelles avancées avez-vous pu observer?
Nous poursuivons toujours cet objectif, avec la même détermination. Bien que l’écosystème financier suisse soit assez remarquable, on ne peut pas vraiment dire qu’il soit à la pointe en termes de concurrence et de transparence. C’est un inconvénient auquel nous souhaitons remédier pour le bien de l’ensemble du secteur.
Deux améliorations majeures méritent cependant d’être notées. Il y a cinq ans, à peine un tiers des gestionnaires de fortune ou des banques répondaient à des request for proposals. Aujourd’hui, seuls un tiers d’entre eux refusent d’y prendre part, ce qui montre bien qu’un environnement plus concurrentiel se crée. Le deuxième changement concerne la volonté des clients de changer de banque ou de gestionnaire. Elle a considérablement augmenté. Chaque année, de plus en plus de personnes préfèrent baser leurs décisions sur des offres concurrentielles, adoptant ainsi une approche plus dynamique.
Selon vous, quels domaines nécessitent encore des améliorations ?
Il y a deux principaux domaines. L’un est axé sur la technologie – c’est le contenant en quelque sorte – et l’autre sur les investissements – c’est le contenu. Sur le plan technique, la gestion de patrimoine devient de plus en plus modulaire, et les clients souhaitent combiner beaucoup plus de services ou de solutions qu’avant, ce qui n’est pas encore suffisamment facile à réaliser sur le plan technique.
Sur le plan du contenu, les gestionnaires de patrimoine doivent passer à la vitesse supérieure, être en mesure de proposer et d’intégrer des investissements dans les marchés privés de bonne qualité, en plus des placements traditionnels. Ils doivent élargir le cadre et aller bien au-delà de l’habituel portefeuille « balanced », menacé d’obsolescence.
Quels sont les principaux services que vous proposez avec votre Transparenz Portal ?
Nous offrons trois grands types de services. Tout d’abord, nous permettons aux clients d’effectuer gratuitement leurs recherches, au cas où ils souhaitent changer de banque ou de gérant indépendant. Chacun d’entre eux peut alors recevoir gratuitement des propositions provenant de nombreux wealth managers. Ensuite, nous disposons d’un espace où les clients peuvent comparer différentes solutions, y compris celle qu’ils utilisent, en se concentrant sur les risques, les coûts et la qualité du gestionnaire. Cette évaluation est également gratuite.
Enfin, nous guidons les clients à la recherche de solutions spécifiques, telles que des plans de prévoyance ou des investissements en private equity. Nous avons mis en place un réseau de prestataires spécialisés, y compris pour les marchés privés, que les clients peuvent consulter. Nous avons également rendu ce réseau accessible à des clients institutionnels.
Quels critères utilisez-vous pour évaluer les banques et les gestionnaires de patrimoine ?
L’évaluation des banques et des gérants indépendants ne repose pas uniquement sur leurs performances. Nous appliquons en fait quatre critères. Le premier est la compétence, que nous appelons le « provider rating ». Ensuite, nous prenons en compte le track record, qui inclut la performance, le risque et la consistance. Le troisième critère concerne les coûts, et nous nous basons alors sur le total expense ratio. Enfin, nous évaluons la qualité, c’est-à-dire les composantes qualitatives importantes pour les clients, que nous appelons l’adéquation de la solution. Ces quatre critères permettent une évaluation sur mesure des gestionnaires et des solutions qu’ils proposent.
Dans le communiqué de presse que vous avez envoyé pour annoncer le lancement du Transparenz Portal, vous mentionnez une certaine confusion quant aux coûts associés à la gestion de patrimoine. Quelle en est, selon vous, la cause ?
Cette confusion provient principalement de l’incapacité des clients à évaluer l’ensemble de leurs coûts. Les clients se voient souvent proposer un all-in fee, souvent d’environ 1 %, mais cet all-in fee n’inclut pas tout. De nombreux frais supplémentaires s’y ajoutent, que les clients ignorent. En réalité, les coûts peuvent facilement doubler. Le all-in fee ne couvre peut-être en réalité que 50 à 60% de l’enveloppe globale, d’où cette confusion.
Patrick Müller
Zwei Wealth
Patrick Müller a occupé différentes fonctions dans le secteur bancaire et financier, notamment auprès de Credit Suisse et d’UBS. Il a été chargé en particulier d’établir une fondation philanthropique et de gérer les marchés Israël et Afrique. En outre, en tant que responsable Sales & Marketing, il a assumé la responsabilité du développement et de la commercialisation de solutions d’investissement. Il détient un master de l’Université de Saint-Gall.
Patrick Müller
Zwei Wealth
« Élargir le cadre, aller bien au-delà de l’habituel portefeuille Balanced »
Daniel Steck
Banque Piguet Galland
Quand Donald Trump siffle la fin de la récréation
Patrick Müller
Zwei Wealth
« Élargir le cadre, aller bien au-delà de l’habituel portefeuille Balanced »
Chez Citadel Finance, comme chez beaucoup de gestionnaires de fortune, les investissements durables ne représentent encore qu’une moindre proportion dans les portefeuilles. La demande se précise, mais elle se heurte encore à une certaine inertie. Marc Lemaire en livre ici quelques explications.
Quels sont les attentes de vos clients en matière d’investissements durables ?
Elles sont relativement limitées. Jusqu’aujourd’hui, nous n’avons été que très peu sollicités sur ces questions. Elles ne semblent pas préoccuper nos clients outre mesure. Ils sont plus sensibles aux meilleures performances qu’il est possible d’obtenir avec leurs portefeuilles. Alors oui, nous avons quelques clients qui souhaitent exclure certaines valeurs, mais nous n’avons pas vraiment de demande pour une gestion globale entièrement tournée sur l’environnemental, le social et la gouvernance.
Quelles proportions représentent les investissements durables dans les portefeuilles que vous gérez ?
C’est difficile à mesurer précisément, mais je ne pense pas que nous allions au-delà des 10%. Attention, nous ne sommes bien évidemment pas hermétiques aux investissements durables. Deux des fonds appartenant à la gamme que propose Trillium, notre filiale asset management, l’un investi en actions et l’autre en obligations, répondent d’ailleurs à l’article 8 de la SFDR. Mais la prise de conscience n’est peut-être pas aussi profonde que certains le laissent penser.
Comment expliquez-vous ce décalage ?
Il y a d’abord des perspectives qui divergent entre les générations. Les plus seniors n’ont pas grandi avec cette conscience aigüe de l’environnement et de la gouvernance. Il faut tenir compte de ce décalage. Chez les seniors, nous sentons également une certaine crispation par rapport au matraquage ou à la surabondance d’informations qui accompagne la thématique ESG. Le retour de nos clients est que le discours servi tourne parfois à la culpabilisation.
Voyez-vous un changement d’attitude dans le comportement des nouvelles générations parmi vos clients ?
Oui, c’est clairement un sujet que nous abordons davantage avec les nouvelles générations, quel que soit leur profil. Les uns héritent de leurs parents, les autres se sont construits comme entrepreneurs, mais dans la plupart des cas, ils considèrent que leur engagement ESG doit se manifester dans leur manière de vivre et de diriger leurs affaires plutôt que dans leurs placements financiers
Avec nos clients, nous sommes encore loin de la dimension prise par l’ESG chez les investisseurs institutionnels qui ont remodelé la structure de leurs portefeuilles, ou chez certains gestionnaires d’actifs qui ont complètement repensé leur offre. Ils sont un peu en avance car il me semble que cette tendance de long terme n’a pas encore trouvé chez les investisseurs privés autant de résonnance. Il faut en effet noter que les critères d’évaluation sont parfois discutables. A titre d’exemple, une compagnie pétrolière qui investit beaucoup dans les énergies renouvelables doit-elle être exclue d’un portefeuille ou pas ?
Dans tous les produits estampillés ESG que vous voyez circuler, lesquels vous semblent plus particulièrement intéressants ?
Je regarde par exemple les ratings ESG que propose une plateforme en ligne sur plusieurs milliers d’entreprises, à partir des évaluations que lui transmettent ses membres. Je trouve ce modèle participatif très original, avec des infos et des données qui remontent du terrain, plutôt que des rapports ESG de prestataires parfois influencées par le greenwashing des compagnies qu’ils évaluent.
Pour s’en tenir aux produits, je trouve par exemple intéressante l’offre d’un de nos confrères qui propose un fonds exclusivement investi dans de l’or physique traçable et bénéficiant de labels de production éthiques. A mon sens, c’est le genre de produits qui peut avoir un réel impact sur le respect des droits humains et sur l’environnement, même si l’investisseur doit accepter de payer une prime raisonnable.
Marc Lemaire
Citadel Finance
Marc Lemaire est le directeur général de Citadel Finance depuis 2014. Il a rejoint en 2010 la société de gestion créée par Anne de Boccard. Gestionnaire de formation, Marc Lemaire a entamé son parcours professionnel au Credit Suisse, d’abord à Genève, puis au bureau d’Istanbul qu’il a lancé en 1998. En 2001, il a choisi de poursuivre sa carrière au sein de HSBC Private Bank pour se consacrer essentiellement à la clientèle turque.