Outlook

Solutions Investissements

  • Interview Cédric Dingens
  • Head of Investment Solutions and Alternative Investments
  • NS Partners

“Hedge funds, un contexte actuel idéal pour la génération d’alpha »

Le 28 novembre, à Genève, au Mandarin, pour célébrer ses cinquante ans de gestion alternative, NS Partners présente un tour d’horizon complet sur cette classe d’actifs, revenue en grâce ces dernières années. Cédric Dingens livre ici un premier aperçu de cet outlook exceptionnel.

Francesco Mandalà

 Quelles raisons vous ont-poussé à organiser ce rendez-vous sur la gestion alternative le 28 novembre à Genève ?

Le moment nous a semblé idéal. Nous fêtons cette année nos cinquante ans dans la gestion alternative. Et les turbulences actuelles redonnent tout leur intérêt à ces stratégies. A la fin 1973, lancer l’un des tout premiers fonds de hedge funds était une véritable révolution. Auparavant, si les hedge funds existaient déjà, ils avaient des seuils d’investissement très élevés et ils étaient notoirement difficiles d’accès.

Les fonds de hedge funds ont donc permis à un public plus large d’accéder aux investissements alternatifs et de profiter de leurs atouts en termes de diversification et de protection à la baisse.  En posant les bases de la sélection de fonds et de la gestion de portefeuilles multi-manager, nous avons donc été parmi les pionniers d’une toute nouvelle industrie, dont Genève est devenu l’un des centres mondiaux.

Quel le contenu de cet Outlook dans les grandes lignes ?

Nous allons nous livrer à un tour d’horizon complet des perspectives de la gestion alternative pour les douze prochains mois. Nous rappellerons pourquoi le contexte actuel, caractérisé par une volatilité accrue, une hausse des taux et une inflation persistante, est idéal pour la génération d’alpha. Nous rappellerons comment l’industrie s’est réinventée, en particulier à travers l’optimisation de la gestion des risques et nous évoquerons les tendances fortes pour l’année 2024. Enfin, nous nous intéresserons à la Chine et à l’Asie en termes de stratégies alternatives.

Pourquoi est-il devenu si difficile d’investir dans le secteur des hedge funds ?

D’abord, contrairement aux marchés boursiers, il n’existe tout simplement pas d’annuaires des hedge funds, ni de base de données exhaustive. Ils sont donc difficiles à repérer d’autant qu’ils sont domiciliés dans un large éventail de juridictions. Une détection rapide des nouveaux fonds est également très importante car ils clôturent souvent après avoir atteint une certaine taille. Il est donc essentiel de bénéficier d’un excellent réseau dans l’industrie. Une seconde raison tient au fait que ces fonds exigent souvent des investissements minimaux parfois assez lourds. Une troisième raison est la liquidité. Ces fonds imposent une période d’investissement minimale pendant laquelle il n’est pas possible de récupérer son argent. De plus, la liquidité est souvent mensuelle, voire trimestrielle, avec des délais de préavis importants.

Enfin, une dernière raison porte sur la complexité des stratégies utilisées par ces fonds. Pour obtenir des résultats positifs dans un large éventail de conditions de marché, leurs gérants recourent à des stratégies non conventionnelles bien éloignées du « buy & hold » traditionnel. Ils se tournent vers des produits dérivés qu’ils combinent dans des stratégies complexes, utilisent des techniques d’arbitrage, pratiquent la vente à découvert ou investissent dans des marchés exotiques comme les matières premières. Il est donc primordial de disposer des compétences nécessaires pour évaluer le bien-fondé de la stratégie choisie.

NS Partners, c’est donc cinquante ans de gestion alternative. Quels grands enseignements en retenez-vous ?

Contrairement à ce que prétendent ceux qui veulent nous vendre des produits indicés, il existe des gestionnaires de talent vraiment capables de faire la différence. Il suffit pour cela de regarder la performance réalisée par Haussmann Holdings depuis son origine : +36’663%. Et, si les temps changent, il y a toujours une relève de nouveaux gérants talentueux qui ne craignent pas de s’aventurer hors des sentiers battus.

Nous avons aussi constaté que les stratégies alternatives ont été un peu délaissées depuis une dizaine d’années car les marchés boursiers ont pratiquement monté sans discontinuer. On peut faire le parallèle avec les assurances, dont on ne voit pas l’utilisé tant qu’on n’a pas eu d’accident, Aujourd’hui, la situation a changé. Les stratégies plus actives et plus aptes à protéger le capital sont redevenues d’actualité.

Dans les grandes lignes, à quoi devrait ressembler 2024 pour la gestion alternative ?

Avec la hausse des taux d’intérêt, les inquiétudes macroéconomiques et le retour de la volatilité sur les marchés, les stratégies long/short devraient à nouveau pouvoir démontrer leur intérêt. De même, des opportunités et des inefficiences semblent émerger dans les thèmes de la transition énergétique et dans le monde des matières premières.

Les données historiques montrent que les gérants de hedge funds obtiennent leurs meilleurs résultats en période de taux d’intérêt élevés, comme ce fut le cas entre 1990 et 2007. Avec des rendements à 5% pour les emprunts à 10 ans, une inflation qui devrait perdurer et des déficits importants, on se trouve donc dans une situation plutôt favorable aux stratégies alternatives. Elles devraient profiter également des tendances majeures que sont la déglobalisation, la transition énergétique et les élections américaines car leurs performances dépendent aussi de la dispersion sur les marchés actions.

 Pour plus d’informations sur l’Outlook du 28 novembre, à l’Hôtel Mandarin Oriental de Genève:

Outlook NS Partners – Sphere

Cédric Dingens

NS Partners

Cédric Dingens dirige le pôle « Investment Solutions & Institutional Clients » de NS Partners. A ce titre, il est membre du comté d’investissement de Haussmann depuis 2016. Cédric a débuté sa carrière à la Banque du Luxembourg en 2001. L’année suivante, il a rejoint Notz Stucki à Luxembourg en tant que gestionnaire de portefeuille. Il a développé le cadre interne de gestion des risques quantitatifs avant d’être nommé responsable de la gestion des risques à Genève en 2010, puis d’être promu à son poste actuel en 2016. Il est titulaire d’un diplôme en finance quantitative de l’École nationale supérieure des mines de Nancy (France) et détient la certification Chartered Alternative Investment Analyst.

Objectif

Solutions Investissements

  • Maad Osta
  • Analyste
  • AtonRà

Finance durable : l’heure n’est plus aux illusions mais à l’action 

Dans le sillage de la SFDR, l’engouement pour les fonds « durables » monte en flèche. Mais derrière le vernis vert, la réalité des investissements n’est pas toujours aussi éthique qu’elle n’y paraît. Maad Osta se penche donc sur la question.

Francesco Mandalà

L’introduction de la réglementation SFDR en mars 2021 a initié une ère nouvelle pour la finance durable, visant à distinguer les véritables initiatives écologiques de l’écoblanchiment. Au cœur de cette réglementation, les fonds Article 9, qui, malgré une récente vague de reclassifications en Article 8, gardent une place significative. Avec 301 milliards d’euros, ils représentaient 3.4% du marché européen à fin septembre, selon un récent rapport de Morningstar. Cette situation interpelle et màne à une question inévitable: les fonds Article 9 sont-ils réellement plus durables dans leurs investissements ?

Le dilemme de la définition : quand durabilité rime avec ambiguïté

L’univers des investissements durables, bien que porteur d’espoirs, est encore empreint d’ambiguïtés et de définitions floues. La notion de «sustainable investment», concept central des fonds Article 9, souffre d’une absence de définition uniforme et précise, laissant place à une multitude d’interprétations qui peuvent varier d’un gestionnaire à l’autre.

Cette nébulosité s’étend aux éléments contraignants, ou « binding elements », qui sont censés ancrer les engagements des fonds en matière de durabilité. Ces éléments soi-disant contraignants manquent souvent de transparence et de quantification, s’appuyant sur des méthodologies internes peu rigoureuses et parfois opaques. Cela explique pourquoi il n’est pas rare de trouver des banques, plateformes d’e-commerce, ou entreprises de paiement dans des fonds Article 9.

L’empreinte carbone en question

L’empreinte carbone, souvent érigée en étalon de l’impact climatique, révèle ses limites en tant qu’indicateur unique de durabilité. Sa principale faiblesse réside dans la difficulté à intégrer les émissions indirectes – ou émissions de scope 3 – qui peuvent constituer la majorité des émissions d’une entreprise. Ces émissions indirectes, qui incluent les émissions liées à la chaîne d’approvisionnement et à l’utilisation des produits, sont complexes à mesurer. Elles souffrent par ailleurs d’un manque d’harmonisation dans les méthodologies de calcul, entraînant ainsi une sous-estimation de l’impact climatique réel des entreprises ou alors des double comptages.

En outre, l’empreinte carbone traditionnelle ne prend pas en compte les émissions évitées, un concept pourtant essentiel dans l’évaluation de l’impact environnemental. Les émissions évitées font référence aux réductions d’émissions résultant de l’utilisation de produits ou services plus écologiques par rapport à des alternatives conventionnelles. Une entreprise qui produit par exemple des batteries pour véhicules électriques, malgré une empreinte carbone élevée due à son processus de fabrication intensif en énergie, joue un rôle crucial dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle facilite de toute évidence la transition vers des modes de transport plus propres. En revanche, une entreprise spécialisée dans les paiements en ligne, bien que présentant une empreinte carbone relativement faible en raison de ses opérations numériques, peut contribuer indirectement à des pratiques non durables. C’est le cas notamment de la surconsommation et de l’augmentation des transactions électroniques qui encouragent potentiellement une consommation excessive et un consumérisme rapide.

Cette problématique est illustrée par une analyse récente de Goldman Sachs. Elle révèle que les fonds Article 9 sous-pondèrent  – de -75% en moyenne –  le secteur de la technologie matérielle « Technology Hardware » pourtant essentiel à la fabrication de technologies propres. En parallèle, ces fonds surpondèrent des secteurs moins directement liés à la durabilité, tels que des fonds immobiliers hypothécaires « Mortgage REITs » (+880%) et les produits de loisirs « Leisure Products » (+480%).

Un horizon d’actions, pas d’illusions

L’avenir de la finance durable ne se jouera pas dans les salles de conférence ni dans les déclarations d’intention, mais dans l’arène de l’action concrète et mesurable. Afin d’éviter que les fonds durables ne soient réduits à de simples artifices marketing, une définition rigoureuse et universellement reconnue des « investissements durables » doit être établie, accompagnée d’«éléments contraignants» quantifiables et véritablement significatifs.

Il est essentiel de dépasser les visions réductrices centrées sur l’empreinte carbone pour adopter une approche holistique qui prend en compte l’impact final des produits et services dans le cadre d’une décarbonisation globale. Seule une telle évolution garantira à la finance durable de ne pas être un simple label, mais un véritable moteur de changement en faveur d’un avenir plus vert.

Maad Osta

AtonRâ

Maad Osta a rejoint AtonRâ Partners en 2018 en tant que spécialiste Eergie. Il s’occupe principalement de la recherche fondamentale sous-jacente à l’univers d’investissement de la stratégie « Sustainable Future ». Auparavant, Maad a travaillé en tant qu’ingénieur projet puis gestionnaire de projet au sein d’une société active dans le secteur du gaz et de l’énergie. Maad est titulaire d’un Master en gestion de l’énergie et développement durable obtenu à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne.

Key Player

Solutions Real Assets

  • Interview Peter Beske Nielsen
  • Partner
  • EQT, Client Relations & Capital Raising

“Nous allons beaucoup nous investir en Suisse ces prochaines années »

En trente ans, EQT, dont les encours dépassent les 200 milliards d’euros, s’est imposé parmi les acteurs de référence qui animent les marchés privés. Dans ses plans de développement figurent des stratégies B2B2C comme Nexus destinées à ouvrir la classe d’actifs au segment HNWI et la montée en puissance sur le marché Suisse.

Francesco Mandalà

Quelles tendances animent le marché privé en ce moment ?

Si l’on se place du point de vue du du GP – les objectifs restent les mêmes : identifier de bonnes entreprises qui se négocient à des valorisations très attrayantes. Récemment, les gérants ont étendu leurs recherches aux sociétés cotées en bourse. En raison des difficultés rencontrées sur les marchés, il devient de plus en plus intéressant de délister certaines entreprises et de créer de la valeur après les avoir ramenées dans le privé.

Les gérants ont également tendance en ce moment à porter leur attention sur les secteurs qui restent performants dans des conditions de marché contraignantes. Avec EQT, nous nous concentrons sur le healthcare, traditionnellement non cyclique, où il il y a toujours de belles opportunités à exploiter pour stimuler la performance dans notre portefeuille.

Si vous vous placez maintenant du point de vue de l’investisseur – du LP – l’environnement a clairement changé. Il y a trois ans, les exits étaient très faciles. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Dans des marchés devenus chahutés, comme ceux  des 6 à 12 derniers mois, les investisseurs veulent se concentrer beaucoup plus sur la performance et s’assurer que les GP sont en mesure de la générer.

Comment expliquez-vous la croissance impressionnante des marchés privés au cours de la dernière décennie ?

Pendant ces dix dernières années, beaucoup de clients se sont rendus compte qu’ils n’étaient pas suffisamment alloués en marchés privés dans leur portefeuille. Beaucoup ont alors entrepris de remonter leur allocation aux alentours des 20%. Ce travail leur a été facilité par un environnement macro-économique très favorable. C’est la combinaison de ces deux facteurs qui, selon moi, a permis aux marchés privés de croître autant.

Depuis 18 mois, la situation a quand même changé. Les marchés privés restent toujours attractifs mais les investisseurs se montrent beaucoup plus sélectifs.

On parle beaucoup en ce moment de la démocratisation des marchés privés. Où pensez-vous que nous en soyons aujourd’hui dans ce processus ?

Nous n’en sommes vraiment qu’au tout début. C’est le premier jeu du premier set. Il reste beaucoup de chemin à parcourir avant d’arriver à une véritable démocratisation. A ce jour, très peu de GPS ont mis sur le marché des produits réellement destinés aux particuliers. Ces dix dernières années, des plateformes de distribution ont rendu différents produits plus accessibles mais, au final, ils étaient surtout réservés aux Ultra High Net Worth et au segment supérieur des High Net Worth. Or, le segment inférieur des High Net Worth besoin de solutions un peu plus liquides. Et c’est essentiellement l’idée derrière des stratégies comme Nexus.

Vous venez en effet de lancer EQT Nexus au printemps dernier pour jouer un rôle clé dans ce mouvement. Quelle en est plus exactement la stratégie?

Nous entretenons d’excellentes relations avec les gestionnaires de fortune. Avec le temps, beaucoup nous ont exprimé leur souhait de disposer de solutions private markets plus liquides de manière à en faire profiter un plus grand nombre de leurs clients. C’est ce qui a initié le lancement de EQT Nexus. Nous voulions répondre à cette demande. Pour ce qui est de la stratégie à proprement parler, nous allons mettre l’accent sur l’éducation et la formation, autant auprès des clients que des gérants dans la mesure où ce sont eux qui assureront les relais.

Il s’agit donc d’une stratégie B2B2C…

Oui, il très important pour nous que le produit soit consommé de la bonne façon. Les clients doivent bien en comprendre le mode d’emploi, les barrières, les contraintes et c’est là que leur gestionnaire est appelé à jouer un rôle clé.

Comment EQT se positionne en Suisse ?

Initiée par la famille Wallenberg, EQT a été créée en 1994, à Stockholm. Depuis, l’entreprise s’est énormément développée. Nous avons des bureaux dans toute l’Europe, nous sommes présents dans 24 pays à travers le monde, nous gérons plus de 200 milliards d’euros que nous avons investis dans plus de 200 entreprises.  Dans ce contexte, la Suisse est un marché essentiel pour nous. Christian Sinding , notre CEO, est d’ailleurs basé à Zurich, de même que Lennart Blecher, qui dirige chez nous le pôle Real Assets, et William Vettorato, le responsable du fonds Nexus. Leur présence ici à Zurich laisse clairement entendre que nous allons beaucoup nous investir en Suisse ces prochaines années.

Peter Beske Nielsen

EQT 

Peter Beske Nielsen a rejoint EQT Partners à Copenhague en janvier 2021 en tant qu’associé. Il travaille au sein de l’équipe chargée des relations avec les clients et de la levée des capitaux. Il dirige également les initiatives d’EQT en matière de gestion privée.

Avant de rejoindre EQT Partners, Peter a occupé le poste de managing director chez BlackRock de 2006 à 2021, où il a rempli plusieurs fonctions. Il a eu entre autres la responsabilité EMEA du programme de partenariat stratégique et celle, à l’échelle mondiale, de la distribution des produits alternatifs. Au cours des 15 années passées chez BlackRock, il s’est partagé entre New York, Londres et Copenhague.

Immobilier

Solutions Real Assets

  • Interview Roland Voegele
  • CEO
  • MV Invest

« Les investissements durables augmentent l’attractivité et le rendement d’un bien immobilier ».

Après le lancement de l’indice de durabilité pour les immeubles suisses, MV Invest a introduit en octobre le premier groupe de placement centré sur la durabilité. Alors même que les marchés sont latéraux et que les placements immobiliers indirects n’ont pas encore récupéré du choc. Roland Voegele n’y voit là aucun problème.

Francesco Mandalà

Comment les investisseurs évaluent le marché immobilier aujourd’hui ?

Actuellement, de nombreux biens sont proposés sur le marché. Ceux qui sont les mieux situés, et qui ont fait l’objet de rénovations durables, sont recherchés par les investisseurs à long terme et achetés avec de faibles décotes. A l’opposé du spectre, les biens qui nécessitent des rénovations importantes et dont l’emplacement, n’est pas forcément idéal, peinent à trouver preneurs. En outre, les investisseurs institutionnels sont devenus plus prudents, alors que les particuliers et les family offices sont désormais très actifs. Ils profitent d’opportunités devenurs attrayantes pour effectuer des investissements ciblés.

Regardons les placements immobiliers indirects. Quels changements avez-vous constatés dans ce domaine?

Après une année 2022 difficile, les fonds immobiliers indirects cotés n’ont pas encore enregistré de reprise. Beaucoup de ces fonds se négocient actuellement en dessous de leur valeur intrinsèque. De nombreux investisseurs s’attendent à des valorisations plus faibles, même si cela ne se produira pas nécessairement. En ce qui concerne les actions immobilières, les portefeuilles investis dans des immeubles résidentiels sont moins chers que les investissements directs sur le marché. L’incertitude actuelle se reflète toutefois déjà dans les prix. Les signaux rassurants des banques centrales pourraient entraîner une reprise des fonds immobiliers et des actions d’ici la fin de l’année ou au printemps. Actuellement, les signes ne laissent pas présager de nouvelles hausses des taux d’intérêt. De nombreux investisseurs n’ont pas encore acquis de nouveaux produits immobiliers en 2023, ce qui pourrait éventuellement entraîner une ruée des acheteurs d’ici la fin de l’année. 

Qu’est-ce que cela signifie de votre point de vue ?

Depuis le mois d’octobre, les loyers des biens immobiliers résidentiels ont été augmentés de 4% à 8% en Suisse. Dans le même temps, les taux hypothécaires sont restés inchangés ou ont même eu tendance à baisser, en particulier pour les hypothèques d’une durée de 2 à 3 ans. Comparés aux obligations, les placements immobiliers restent très attractifs et doivent être considérés à moyen terme comme une protection contre l’inflation. Les défis supplémentaires découlant de la situation du Credit Suisse sont désormais en grande partie surmontés. En termes de stratégie, une réorientation progressive de la gestion d’actifs immobiliers par UBS, est attendue.

En raison de la forte immigration et de la réduction importante dans les activités de construction, les appartements et les immeubles collectifs seront extrêmement rares et plus chers d’ici 1 à 2 ans. Dans de nombreuses communes, le taux de vacance est déjà inférieur à 1%. Cela laisse présager une crise du logement. Les politiques sont confrontés à un dilemme et n’ont malheureusement pas de solutions globales. Tous ces facteurs plaident en faveur d’une reprise du marché de l’immobilier indirect, et nos clients profitent de cette occasion pour augmenter leurs positions.

Malgré les incertitudes, vous lancez un nouveau groupe de placement, MV Swiiterra. Quelle en est la logique ?

Nous constatons que les investisseurs professionnels recherchent toujours des placements intéressants dans le domaine de l’immobilier indirect. Et ils misent clairement sur la durabilité. Nous voulons en tenir compte. Après le lancement du SSREI, le premier indice de durabilité indépendant pour les immeubles suisses en portefeuille, nous misons à nouveau sur ce thème. Avec ce groupe de placement, nous sommes en mesure de refléter l’évolution de la durabilité des fonds immobiliers. Les investisseurs disposent ainsi d’un instrument de diversification innovant.

Durabilité et placements immobiliers – quel impact pour le rendement ?

Je connais le reproche : la durabilité coûte cher. Ce n’est pas vrai. Bien sûr, le propriétaire immobilier doit d’abord investir, mais s’il a intégré les coûts dans son évaluation à long terme, cela n’entraîne pas de frais supplémentaires importants. D’autre part, si un immeuble répond aux critères de durabilité actuels, sa valeur et ses revenus ne seront pas réduits. Notre avis est clair : cela s’avère payant à long terme, tant en ce qui concerne l’attrait de la propriété que le rendement lui-même.

Roland Vögele

MV Invest

Roland Vögele est le fondateur et propriétaire de MV Invest, une société de conseil indépendante dont le siège se trouve à Zurich. Avec son équipe, ce romand d’origine conseille les investisseurs professionnels dans la mise en place et l’optimisation de stratégies d’investissement dans l’immobilier suisse. En tant qu’initiateur et co-organisateur du Salon suisse de l’immobilier pour les investisseurs, il met depuis plus de dix ans déjà à la disposition de la branche une plateforme d’échanges, qui permet aux professionnels de renforcer leur réseau. Roland Vögele est membre du comité de placement de la fondation de placement AXA, président de la DUFOUR Investment Foundation et président du conseil d’administration de SSREI, l’organisme de vérification du Swiss Sustainable Real Estate Index.

Marketplace

Solutions Real Assets

  • Interview Anthony Touboul
  • Co-fondateur et COO 
  • Smat

« Permettre à tous les acteurs des marchés privés d’interagir plus facilement »

Fintech lancée en 2020, Smat facilite la distribution d’instruments financiers non cotés tels que private equity, dette privée et actifs réels auprès d’investisseurs professionnels comme les gérants indépendants, les family offices et les banques privées. Un concept de marketplace d’autant plus pertinent dans des marchés qui prennent de plus en plus d’ampleur. Anthony Touboul en livre son analyse.

Francesco Mandalà

Comment les investisseurs professionnels  appréhendent aujourd’hui les marchés privés et les actifs alternatifs ?

Au cours des dernières années, le marché s’est accéléré et la classe d’actifs a suscité de plus en plus de convoitises. Beaucoup d’acteurs de la gestion privée ont fait face à une demande croissante de leurs clients, en particulier en ce qui concerne le private equity et la dette privée.

Bien qu’il s’agisse de belles sources d’opportunités, les tiers-gérants et les multi family offices restent toutefois prudents et leur exposition demeure limitée. La conjoncture actuelle y est pour beaucoup : les investisseurs redoutent les placements illiquides dans cette période trouble. Mais nous avons relevé d’autres obstacles qui expliquent leurs réticences, et notamment le fait que le marché soit très fragmenté et nécessite une grande technicité. Les tiers-gérants se retrouvent ainsi sur-sollicités avec des produits de qualité inégale, qu’ils ont du mal à analyser et à intégrer dans les portefeuilles de leurs clients.

Comment proposez-vous de résoudre cette problématique avec Smat?

Nous avons une offre globale orientée sur plusieurs axes. Elle se fonde sur une plateforme digitale sur laquelle sont listées plusieurs opportunités sélectionnées par notre comité d’investissement. Nous proposons en moyenne 2 à 3 opportunités par mois, fonds thématiques ou club deals.

La plateforme évolue constamment. Nous y intégrons de nouvelles fonctionnalités et bientôt un PMS dédié sera accessible grâce à notre partenariat avec Keesystem. En parallèle, nous organisons aussi plusieurs évènements physiques dans l’année qui rassemblent wealth managers et asset managers.

Quels sont les critères de sélection de votre comité?

Depuis la création de Smat, nous avons toujours travaillé « main dans la main » avec nos clients pour leur construire des solutions dédiées. Ils ont joué un rôle déterminant dans notre développement. Lorsqu’il a fallu sélectionner les premiers produits de la plateforme, nous nous sommes naturellement tournés vers eux pour avoir leur ressenti. C’est ainsi qu’ils ont rejoint ce comité. Ils sont tous spécialisés dans différents domaines – private equitz, private debt, immobilier – et leur rôle est de nous valider l’intérêt des produits proposés pour un tiers-gérant.

Les critères de sélection sont classiques, ils varient selon les produits mais comprennent la structuration, le profil de risque, le potentiel de rendement, les garanties, les hypothèses de sorties, la structure de frais, la performance ESG, etc.

Il ne s’agit pas d’une due diligence mais d’un sentiment de marché. En ce qui concerne la due diligence, nous avons établi un partenariat avec Grant Thornton qui propose des missions spécifiques à ce sujet.

Quels sont les derniers développements en cours chez Smat?

Nous sommes convaincus que les marchés privés ne sont pas un « effet de mode » mais un relais de croissance et une source de création de valeur à long terme. Nous mobilisons donc nos efforts sur le développement d’une large gamme de services personnalisés pour permettre à tous les acteurs de l’industrie d’interagir plus facilement. Nous proposons par exemple aux asset managers, qui référencent des produits sur la plateforme, d’augmenter leur capacité de distribution et de renforcer leur force commerciale grâce à une offre de third-party marketing. Nous avons constitué une équipe de spécialistes de la vente, qui assistent les asset managers dans le cadre de missions de commercialisation.

Par ailleurs, nous aidons également nos clients investisseurs à construire une stratégie d’allocation personnalisée afin d’améliorer leur exposition aux marchés privés. C’est notre offre « CIO as-a-service ». Elle permet à nos clients de s’adjoindre les services de professionnels reconnus ayant une expérience significative en banques privées ou family offices pour intégrer de manière optimale la classe d’actifs dans leur stratégie de gestion. Nous proposons également une offre de « Wealth Planner as-a-service » pour traiter les problématiques fiscales et juridiques.  Notre objectif est d’élargir progressivement cette gamme.

 Anthony Touboul

Smat

Anthony a débuté une carrière de fiscaliste en 2008 chez EY à Genève. En 2012 il a rejoint l’équipe fiscale de l’Etude d’avocats Schellenberg Wittmer puis Julius Baer en 2017 en qualité de directeur du wealth planning. Il est expert dans le domaine de la fiscalité suisse et internationale et a eu l’opportunité de conseiller une importante clientèle composée notamment de GFI, de banques privées, sur leurs enjeux – et ceux de leurs clients – en matière de planification fiscale ou patrimoniale. Fin 2019, Anthony a co-créé Smat où il est responsable du développement et de l’offre pour la communauté des gestionnaires de fortune.