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    • Romain Potet
    • Expert en fiscalité internationale
    • BRP Tax

Gestion de fortune fiscalement adéquate : entre risques et opportunités

L’époque où gestion de fortune et fiscalité étaient deux choses bien distinctes est révolue. Les gestionnaires de portefeuille suisses évoluent désormais dans un environnement intégré et transparent. L’adéquation fiscale prend donc une place croissante pour les clients fortunés et très fortunés.

L’inadéquation fiscale érode le patrimoine des investisseurs. On estime qu’elle entraînerait des pertes pouvant atteindre trois milliards de francs suisses, chaque année.

« La performance après impôt est la véritable mesure de la valeur apportée par les gestionnaires de patrimoine », soutient Romain Potet. L’expert en fiscalité internationale chez BRP Tax explique qu’ignorer les implications fiscales lors des décisions d’investissement revient à négliger une composante fondamentale de la performance nette pour le client.

Or, les articles 10 et 11 de la Loi fédérale suisse sur les services financiers exigent que les firmes « vérifient le caractère approprié des instruments financiers » qu’elles proposent à chaque client. Elles ont d’ailleurs l’obligation de  « vérifier le caractère approprié ou l’adéquation de ces services. » Les investisseurs sont donc en droit d’exiger la diligence de leurs gestionnaires en matière d’adéquation avec leur situation fiscale.

Pour les dirigeants des banques suisses, l’heure n’est plus à l’hésitation. Adopter une approche proactive est un mouvement essentiel. Cela permet non seulement d’améliorer la performance des portefeuilles de leurs clients et de se différencier sur un marché concurrentiel, mais surtout de protéger leur réputation et d’éviter les écueils juridiques.

Votre banque est-elle à risque?

L’ère de l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (EAR) a radicalement transformé le paysage de la gestion de patrimoine suisse. Les clients fortunés internationaux sont désormais pleinement conscients de leurs obligations déclaratives et la plupart scrutent attentivement l’impact fiscal de leurs investissements.

Comparant leurs rendements après impôt avec ceux obtenus via des banques locales ou d’autres gestionnaires, les clients sont de plus en plus sensibles aux aspects fiscaux de la gestion de leurs actifs.

« Un client peut très bien comparer la performance de ses différents mandats. Si un gestionnaire place des produits fiscalement toxiques, le client le constatera lors de sa déclaration fiscale et pourrait être déçu, voire mécontent, malgré une performance brute potentiellement satisfaisante, » affirme M. Potet.

Bien que les banques n’aient pas d’obligation de conseil fiscal, l’Ombudsman des banques suisses estime que les gestionnaires de portefeuilles doivent anticiper les conséquences fiscales de leur stratégie sur le portefeuille de leurs clients, incluant ceux domiciliés à l’étranger.

Cette position est illustrée par une affaire récente où une banque a dû rembourser 50 % des impôts dus par une cliente domiciliée à l’étranger en raison d’une stratégie d’investissement performante, mais menée sans égard à sa résidence fiscale. Dans son rapport, l’Ombudsman a estimé « qu’une banque ayant une clientèle privée internationale se devait de connaître les éléments essentiels des systèmes fiscaux applicables à ses clients. »

Selon M. Potet, les dommages d’une telle négligence peuvent dépasser les graves conséquences réputationnelles et engendrer des litiges civils.

« Dans le cadre d’un mandat de gestion discrétionnaire, placer des produits fiscalement toxiques sans considération pour le pays de résidence du client expose la banque à un risque civil. Un client qui subit un dommage fiscal important peut très bien demander un remboursement des frais. Il pourrait aussi actionner la banque en justice, y compris depuis l’étranger, selon la convention de Lugano », soutient-il.

Une opportunité de se démarquer

Au-delà des risques, la gestion de patrimoine fiscalement adéquate représente une formidable opportunité de se démarquer auprès d’une clientèle internationale fortunée de plus en plus consciente des implications fiscales.

« Proposer une gestion fiscalement adéquate est un service additionnel qui montre une personnalisation accrue de l’offre, souligne M. Potet. Dans un contexte où changer de banque est relativement aisé, intégrer la dimension fiscale est un avantage compétitif non négligeable. »

Démontrer une compréhension approfondie des enjeux fiscaux internationaux et proposer des solutions d’investissement optimisées en conséquence permet ainsi d’attirer et de fidéliser une clientèle exigeante.

L’argument marketing le plus percutant demeure l’impact direct sur la performance des portefeuilles après impôt. Un investissement peut afficher une performance brute attrayante, mais si son traitement fiscal s’avère lourd et coûteux dans la juridiction du client, la satisfaction du client s’en trouvera considérablement amoindri.

En intégrant une analyse fiscale rigoureuse dès la phase de sélection des actifs, les gestionnaires peuvent améliorer les rendements après impôt. Ils offrent ainsi une valeur ajoutée tangible qui va au-delà de la simple allocation d’actifs.

Conseil fiscal ou intégration fiscale

Les gestionnaires de fortune suisses se sont souvent montrés réticents à s’aventurer sur le terrain glissant du conseil fiscal direct. Ils se sont contentés de gérer les portefeuilles, relayant les questions fiscales aux fiscalistes. Or, contrairement à une idée reçue, l’intégration de la gestion fiscalement adéquate n’implique pas nécessairement de devenir un expert fiscal dans chaque juridiction.

« L’intégration de la fiscalité dans le processus d’investissement n’est pas du conseil fiscal, mais une prise en compte essentielle de la juridiction du client », précise M. Potet.

Certaines grandes banques suisses ont déjà pris conscience de cette nécessité et ont intégré des systèmes d’alerte ou des notations fiscales dans leurs outils internes. Toutefois, cette approche reste encore trop rare et rudimentaire.

« Il existe aujourd’hui des outils qui permettent de cartographier l’impact fiscal d’un type de produits ou de produits spécifiques en fonction du pays du client, explique M. Potet. Ces solutions peuvent être intégrées aux systèmes de gestion de portefeuille existants, offrant ainsi une aide précieuse aux gestionnaires. »

L’entreprise que M. Potet dirige, BRP Tax, propose d’ailleurs des guides fiscaux par pays qui permettent d’évaluer l’impact fiscal des instruments financiers en fonction de la résidence du client.

Grâce à son partenariat avec Indigita, la solution Croesus Central permet de prendre en considération ces données fiscales à l’intérieur d’un processus beaucoup plus large de personnalisation des portefeuilles. Il devient alors tout aussi aisé d’intégrer les aspects fiscaux que tous les autres aspects dans la création d’un portefeuille qui répond aux exigences réglementaires, ainsi qu’aux objectifs et aux besoins de chaque investisseur.

 

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