• Me Céline Kohler
  • Avocat à la Cour, Barreau de Luxembourg
  • Avocate UE, Commission du barreau de Genève

Durabilité : un atout pour le conseil en placement ?

Dans le domaine de la durabilité, les gestionnaires de fortunes collectives et les grandes sociétés, notamment les banques[1], sont confrontés à de nouveaux défis et opportunités. D’ici 2024, trois objectifs principaux sont à atteindre : informer de manière transparente sur les risques climatiques, intégrer les facteurs de durabilité dans le conseil en placement et la gestion de fortune[2], et assurer une coordination internationale pour rester compétitifs.

 

[1] Nouvelles obligations d’information non financières des art. 964a – 964l CO

[2] Voir notamment le document « Asset Management durable : les messages essentiels et les recommandations de la SFAMA et de SSF » du 16 juin 2020 et Autorégulation relative à la transparence et à la publication d’informations par les fortunes collectives se référant à la durabilité au 26 septembre 2022 (AMAS)

Ces objectifs impliquent des changements importants dans les pratiques et les compétences des prestataires financiers. Face à la complexité et à la technicité des mesures à mettre en œuvre, certains peuvent être tentés d’externaliser ces services ou de les négliger. Or, il s’agit d’une erreur stratégique qui peut nuire à leur réputation et à leur performance.

La solution réside dans la formation continue de leurs collaborateurs et dans l’adaptation de leur organisation interne. Il ne s’agit pas de devenir des experts en environnement ou en social, mais de continuer à exercer leur métier de conseil financier tout en tenant compte des enjeux de durabilité. Cela demande un effort constant et évolutif de connaissance et de veille, ainsi qu’une capacité à dialoguer avec les clients sur leurs préférences durables.

L’intégration des facteurs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans le conseil financier est un enjeu majeur pour les professionnels du secteur. En effet, si la Loi sur les Services Financiers (LSFin) n’impose pas encore de déterminer les préférences ESG des clients privés et de leur proposer des solutions de placement adaptées, la régulation de branche est déjà en place et s’insère implicitement dans le devoir d’information de la LSFin[1]. Mais comment faire pour concilier les attentes du client final en matière de durabilité et de rentabilité ?

Tout d’abord, il faut savoir que l’intégration des facteurs ESG ne se fait pas de manière isolée, mais s’inscrit dans le processus global de conseil de la LSFin. Ainsi, il n’est pas nécessaire de réaliser une analyse séparée et complexe des informations ESG, mais plutôt de les intégrer dans la description des caractéristiques des solutions de placement ESG. Il s’agit donc d’informer le client sur les différents types de produits durables existants, qu’ils soient d’impact (par exemple un article 9 SFDR), thématiques ou d’engagement, tout en respectant ses objectifs financiers et son profil de risque.

Ensuite, il faut rappeler que l’investissement durable n’est pas une obligation légale, ni pour le client, ni pour le professionnel. Il s’agit plutôt d’une opportunité, qui peut apporter une valeur ajoutée au portefeuille du client et contribuer à la transition écologique et sociale. Le rôle du conseil est donc essentiel pour créer une incitation à l’investissement durable, en éduquant le client sur les enjeux ESG et en restant neutre sur les choix possibles.

Enfin, il faut être conscient que l’intégration des facteurs ESG implique un certain savoir de la part du conseil. Celui-ci doit non seulement maîtriser les connaissances de base dans le domaine ESG, mais aussi se tenir informé des différentes règlementations internationales et européennes qui encadrent les produits durables. Il doit également être capable d’évaluer, de manière indépendante, les risques climatiques et d’impact négatif des produits financiers sur les objectifs de développement durable. Pour cela, il peut s’appuyer sur la responsabilité de l’émetteur du produit, qui doit fournir des informations transparentes et vérifiables sur ses critères ESG.

Dès lors, l’intégration des facteurs ESG dans le conseil financier est un défi qui nécessite une adaptation du processus de conseil de la LSFin, une incitation à l’investissement durable et une expertise ESG. En relevant ce défi, les professionnels du secteur financier peuvent offrir à leurs clients privés des solutions de placement qui répondent à leurs préférences ESG et à leurs besoins financiers et gagner en indépendance et compétitivité.

 

[1] Le guide pour l’intégration des facteurs ESG dans le processus de conseil auprès des clients privés de l’ASB de juin 2020

 

Me Céline Kohler

KOHLER GOTZEV

Maître Céline Kohler est avocate inscrit aux barreaux de Genève et de Luxembourg.
Elle conseille des fonds d’investissement, des sociétés de gestion et des professionnels MIFID2/LSFin sur les questions juridiques, réglementaires et de conformité impliquant des aspects transfrontaliers.
Céline possède une expertise dans les domaines des fonds d’investissement alternatifs, du capital-investissement, du financement du commerce et de l’ESG/SFDR/Taxonomie européenne, du financement climatique et de la compensation carbone et couvre la Suisse, Malte et le Luxembourg.

    Vous aimerez aussi

    Sphere

    The Swiss Financial Arena

    Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

    Rue Barton 7
    Case postale 1806
    CH-1211 Genève 1

    P +41 22 566 17 31

    © 2023 Sphere Magazine

    Site réalisé par Swiss House of Brands