Le thème de l’or 3/4

Thème de l’or – Intégrale 3/4

    • Interview Frédéric Dawance, associé-gérant, et Thierry Zen Ruffinen, directeur adjoint
    • de Pury Pictet Turrettini

« Les investisseurs institutionnels veulent des processus d’extraction toujours plus propres »

Dans ce premier opus de L’Intégrale, série d’entretiens explorant en profondeur un même thème, Frédéric Dawance et Thierry Zen Ruffinen nous font découvrir le marché de l’or sous tous ses angles. Le troisième interview de cette série est consacré aux innovations appelées, à terme, à transformer ce marché pourtant millénaire.

Par Jérôme Sicard

Entre l’or physique et les produits asset-backed, de type ETF ou contrats à terme, comment voyez-vous évoluer les préférences des investisseurs ?

Ceux qui privilégient la sécurité et prennent de l’or pour ne pas encourir les risques liés à d’autres actifs devraient rester à l’écart de produits trop synthétiques. Certains, d’entre eux, adossés ou non à l’or peuvent d’ailleurs être assez attrayants mais ils deviennent vite compliqués à gérer dans des marchés baissiers. À propos des ETF sur l’or que vous mentionnez, ils ont rencontré un certain succès aux Etats-Unis voilà une dizaine d’années jusqu’au jour où leur volume a dépassé celui de l’or qu’il était possible de traiter dans la réalité. La situation était devenue aberrante. Depuis, les esprits sont revenus au calme et l’or physique a retrouvé les faveurs des investisseurs. C’est du moins le cas de manière assez générale en Suisse et en Europe.

De quelle manière les nouvelles technologies, à commencer par la blockchain, peuvent-elles transformer à terme le marché de l’or ?

Une transformation se prépare. Elle commence du côté de la demande. Nous avons parlé des stablecoins adossés à de l’or. Il existe aussi en Inde des cartes de crédit, assez populaires, où l’argent sur le compte, ne serait-ce qu’une poignée de roupies, peut être transformé en quelques grammes d’or. Les nouvelles technologies permettent aujourd’hui ce genre d’achat infinitésimal. On peut donc s’attendre à une petite révolution sur la partie buy side.

Pour ce qui est de l’offre, la transformation est peut-être moins visible mais elle prend forme. C’est la traçabilité avec ce qu’elle implique en termes d’information et de solutions technologiques, comme la blockchain par exemple, nécessaires pour en assurer la collecte, le traitement et la diffusion. Aujourd’hui, la plupart des grands raffineurs ont un système de traçabilité qui couvre l’ensemble de leur chaîne de valeur. Ils proposent des standards qui permettent de suivre le cheminement de leurs lingots, étape par étape. A terme, la blockchain deviendra le dépositaire de cette information, accessible à tous. Aujourd’hui déjà, on trouve sur le marché des lingots poinçonnés d’un QR code qui renvoie à une adresse URL contenant tout leur historique.

L’intelligence artificielle occupe en ce moment les devants de la scène. Peut-elle trouver des applications sur le marché de l’or?

Le monde de l’or reste un monde très manuel, mais l’intelligence artificielle aura certainement un impact. Ce sera plus particulièrement le cas dans l’analyse des données géologiques à des fins d’exploration. Dans le futur, des solutions IA permettront très vraisemblablement aux compagnies minières d’identifier avec plus de précision des structures géologiques susceptibles de contenir de l’or, sous différentes formes.

Quelles grandes innovations ont cours aujourd’hui dans ce secteur ?

La mouvance ESG a rattrapé le monde de l’or qui souffre d’une image encore un peu sale. Il faut garder en tête le fait que la Russie et la Chine sont parmi les plus grands producteurs d’or. Traditionnellement, ce ne sont pas les pays les plus sensibles à des considérations environnementales qui deviennent pourtant un sujet clé chez de nombreux acteurs, à commencer par les investisseurs institutionnels. Ils réclament de plus en plus de garanties sur les modes de production et leur impact, ne serait-ce par exemple que l’impact social et l’empreinte carbone. Dans l’ensemble, ils veulent des processus d’extraction toujours plus propres. L’innovation se fera donc aussi sur ce terrain.

Le bitcoin est-il en mesure de concurrencer l’or comme valeur refuge ?

Le bitcoin et l’or ont certainement des points en commun. Ils ne produisent pas de rendement et ils officient tous deux comme réserves de valeur. Mais il se peut que les comparaisons s’arrêtent là. Il y a d’abord une question de génération. Les générations les plus mûres se sentent vraisemblablement plus à l’aise avec l’idée de détenir de l’or physique. Les plus jeunes, les digital natives, se laissent plus facilement attirer par les crypto-monnaies, plus proches de leur univers.

Sur des points fondamentaux, plus financiers, nous ne voyons pas non plus de corrélation claire entre les mouvements de l’or et ceux du bitcoin. Nous n’avons pas constaté par exemple de liens directs entre les sorties des ETF or et les entrées dans les ETF bitcoins, lancés début 2024. Ce ne sont pas des actifs qui se concurrencent. Ils ont d’ailleurs tous deux bouclé l’année en forte hausse. Ils ont plutôt tendance à se compléter, sachant que le côté fortement spéculatif du bitcoin peut en séduire certains.

Pour la majorité de nos clients, l’or conserve clairement une valeur immémoriale. Ils voient d’abord dans l’or, et il en est ainsi depuis toujours, sa capacité à conserver sa valeur, sous sa forme physique – pièce, lingot, voire même pépite ! –quel que soit l’endroit où la situation dans lesquels vous vous trouvez avec de l’or.

Les nouvelles plateformes online sont-elles appelées à reconfigurer la négoce de l’or ?

Nous n’en sommes pas persuadés. L’or est un des marchés les plus liquides du monde, avec des volumes qui ne sont pas ceux d’une plateforme, et de loin. Plusieurs centaines de tonnes s’échangent chaque jour pour des transactions qui dépassent les 100 milliards de dollars. Mais le London Bullion Market Association, qui contrôle l’essentiel de ce marché, rassemble en fait moins de 200 acteurs. C’est donc un marché très concentré où les tickets délivrés sont très élevés. Nous imaginons mal à court terme une décentralisation de ces échanges. Les opérateurs qui dominent ce marché n’y ont dans l’immédiat aucun intérêt.

Frédéric Dawance

De Pury Pictet Turrettini

Frédéric a rejoint de Pury Pictet Turrettini en 2016. Il participe activement à la gouvernance de la société en siégeant au sein du comité de direction, de stratégie et d’audit. Il a débuté sa carrière chez Pictet à Genève, puis chez CSFB à Zurich et à Londres, ainsi que chez Exane à Paris. Après deux ans en tant que CFO d’une société technologique, il a rejoint Lombard Odier & Cie en 2004, d’abord en tant que responsable du trading, puis en tant que co-responsable des produits d’investissement et enfin en tant que responsable d’un important groupe de banquiers privés. Frédéric est titulaire d’un diplôme HEC de l’Université de Saint-Gall et d’une maîtrise en économie de l’Université de Cologne.

Thierry Zen Ruffinen

De Pury Pictet Turrettini

Avec une solide expérience de l’investissement, Thierry Zen Ruffinen a rejoint de Pury Pictet Turrettini en 2021 en tant que responsable de la distribution, où il s’emploie à conseiller une clientèle institutionnelle. Thierry a précédemment été en charge de la distribution des fonds et des mandats de Mirabaud Asset Management auprès de la clientèle institutionnelle romande. Il a commencé sa carrière en 2004 auprès de la Nouvelle Compagnie de Réassurance en tant qu’actuaire tarificateur. Thierry dispose d’un master en actuariat d’HEC Lausanne.

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    Pertinence

    Solutions d’investissement

      • Emmanuel Petit
      • Directeur de la gestion obligataire
      • Rothschild & Co Asset Management

    Pourquoi l’obligataire reste incontournable en 2025 ?

    L’incertitude géopolitique anime les marchés depuis le début de l’année. Alors que les banques centrales étaient assez tranquillement engagées sur la voie de la normalisation, l’imprévisibilité du nouveau président américain et le sursaut européen sont venus redynamiser les marchés de taux.

    Depuis son élection, Donald Trump souffle le chaud et le froid sur les marchés. Au-delà de la question des droits de douane, sa gestion de la résolution du conflit russo-ukrainien a créé un sursaut chez les européens. Le 4 mars dernier, les 27 s’accordaient sur un plan de 800 milliards d’euros visant à renforcer la défense de la zone. Le soir même, l’Allemagne faisait sauter son verrou budgétaire en annonçant 500 milliards d’euros d’investissements à destination de ses infrastructures nationales. Le lendemain, le rendement du Bund à 10 ans gagnait 30 points de base, sa plus forte hausse depuis 1990, entraînant l’ensemble des taux européens dans son sillage. Ces dispositifs sont susceptibles de booster la croissance de la zone et génèrent, dans le même temps, un risque inflationniste, alors que la BCE peine toujours à atteindre la cible de 2 %. De plus, le financement de ces mesures et leur impact sur les déficits des États mettent les taux sous pression.

    Préalablement à ces annonces, la volatilité des taux européens était déjà alimentée par l’actualité américaine. Les investisseurs restent attentifs aux promesses et mesures du nouveau locataire de la Maison Blanche, même si leur application à long terme et leur impact sur la croissance et l’inflation américaine restent à observer. Face à l’ensemble de ces incertitudes, la corrélation entre les taux d’intérêt américains et européens est volatile. Après une seconde baisse en mars, le marché n’anticipe plus que deux baisses supplémentaires de la BCE en 2025, tandis qu’aux États-Unis, le cycle d’assouplissement devrait être plus progressif, avec trois baisses de taux attendues cette année.

    Bien que les primes de risque soient très resserrées, le marché du crédit conserve de l’attrait dans un contexte global d’incertitude, dans la mesure où il offre encore un rendement attractif pour des fondamentaux qui restent sains. En effet, les entreprises sont en bonne santé et affichent des niveaux de solvabilité leur permettant de se refinancer facilement. Par ailleurs, au regard des niveaux de valorisation des actifs risqués, l’obligataire reste très prisé par les investisseurs. La perspective de rendement récurrent et le portage qu’offre cette classe d’actifs sont deux atouts qui justifient cet attrait. Ce contexte engendre toutefois une situation peu commune où le crédit est favorisé par rapport à la dette d’État.

    Les spreads de crédit continuent toutefois de se resserrer. Aux États-Unis, les niveaux de prime de risque sont au plus serré depuis 20 ans et nous estimons que l’environnement justifie davantage de volatilité. La volatilité des taux devrait notamment finir par se propager au crédit. Dans ces périodes plus chahutées, une gestion de conviction peut pleinement s’exprimer. Plusieurs stratégies et classes d’actifs sont susceptibles de tirer leur épingle du jeu dans ce contexte.

    Cette situation plaide en faveur d’une gestion active et opportuniste où la flexibilité est essentielle. L’ajustement de la duration et de l’exposition sectorielle, complétée par une sélection minutieuse des émetteurs seront clés après des années où l’exposition au bêta constituait la principale source de performance. Le crédit de qualité offre des opportunités mais les niveaux de valorisation invitent à être sélectif et réactif. Les subordonnées financières demeurent également un segment de marché particulièrement attractif au regard des fondamentaux des acteurs du secteur. Les fonds à échéance conservent eux aussi leur intérêt. Le point d’entrée actuel s’avère particulièrement intéressant car les rendements sont repartis à la hausse, poussés par les niveaux de taux. Enfin, le segment High Yield notamment sur des maturités courtes reste à considérer. Les niveaux de rendement sur cette classe d’actifs permettant d’absorber, en partie, la volatilité des marchés.

    Emmanuel Petit

    Rothschild & Co Asset Management

    Emmanuel Petit a débuté sa carrière en 1998 chez HSBC Asset Management comme analyste dans le domaine de l’attribution de performances AIMR-GIPS puis il est devenu analyste crédit en 2001. En 2006, il rejoint Rothschild & Co Asset Management en tant que gérant obligataire sur les obligations privées. Il en est responsable de la gestion obligataire depuis 2011. Emmanuel est diplômé d’un mastère spécialisé en Finance d’entreprise et membre de la SFAF (Société Française des Analystes Financiers).

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      Cross-border

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        • Romain Faraut
        • Directeur du marché suisse
        • Croesus Lab

      Le défi fiscal de l’investissement transfrontalier

      Une solution à la gestion fiscale internationale pour les gestionnaires de fortune suisses.

      Dans un monde financier globalisé et transparent, l’efficience fiscale est un impératif pour les gestionnaires de patrimoine suisses. Avec la bonne solution technologique, ce défi peut rapidement se transformer en opportunité de se démarquer auprès de la clientèle fortunée internationale.

      Jadis réputée pour son secret bancaire, la Suisse a embrassé la transparence fiscale et l’échange automatique d’informations. Les gestionnaires de fortune du pays doivent s’adapter et intégrer l’efficience fiscale à leurs stratégies pour préserver les intérêts de leurs clients internationaux et leur propre réputation. 

      L’importance de l’efficience fiscale

      Du point de vue d’un investisseur, deux facteurs diminuent son patrimoine : les frais bancaires et les impôts. Ces derniers ne sont pas à négliger puisqu’on estime qu’entre 1 et 3 milliards de francs suisses sont perdus chaque année par les investisseurs dont la gestion de portefeuille ne tient pas compte de sa situation fiscale.

      En plus d’entraîner des pertes pour l’investisseur, la gestion de patrimoine fiscalement inadéquate peut avoir un coût financier et réputationnel pour le gestionnaire de portefeuille. Un cas traité par l’Ombudsman bancaire suisse met en lumière ces conséquences alors qu’une banque a dû prendre en charge 50% de l’imposition imprévue subie par une cliente domiciliée à l’étranger à la suite d’une restructuration de portefeuille inadaptée à sa situation fiscale.

      Un manque de considération fiscale peut également entraîner des relations tendues avec les clients. Cela illustre que les modèles traditionnels de gestion de portefeuille reposant souvent sur des approches génériques sans égard pour le domicile fiscal ne sont plus adaptés au contexte actuel.

      La technologie au service de l’efficience fiscale

      Adapter les stratégies d’investissement à la réalité fiscale de chaque investisseur pourrait s’avérer un véritable casse-tête sans l’apport de solutions innovantes.

      De telles solutions permettent d’analyser les portefeuilles, d’identifier les passifs fiscaux en fonction de la résidence du client et de proposer des ajustements afin d’assurer l’efficience fiscale, tout en tenant compte de facteurs tels que les catégories d’actions, les retenues à la source et les variations fiscales régionales.

      Une technologie, comme celle de Croesus Central, permet ainsi aux professionnels d’élaborer des stratégies d’investissement personnalisées, minimisant les charges fiscales tout en respectant les profils de risque et les objectifs d’investissement du client.

      L’humain demeure au centre de ce processus. Le gestionnaire de fortune conserve son rôle de conseil et de décision, en s’appuyant sur la technologie pour proposer des solutions personnalisées et efficientes. 

      L’avenir de la gestion de patrimoine internationale

      La technologie offre une opportunité aux gestionnaires de fortune suisses de se différencier en intégrant l’efficience fiscale à leurs services. En combinant technologie et expertise humaine, ils peuvent optimiser les rendements de leurs clients tout en renforçant la confiance et en minimisant les risques. 

      L’efficience fiscale est un pilier de la gestion de patrimoine de demain. Les institutions financières qui l’intègrent à leur stratégie de gestion de fortune s’assurent un avantage concurrentiel et consolident leur position sur la scène internationale.

      Romain Faraut

      Croesus

      Romain Faraut a rejoint Croesus en janvier 2024. Basé à Genève, Romain est le fer de lance de l’initiative d’expansion européenne de Croesus. Avant de rejoindre Croesus, il a fortement contribué à la croissance de plusieurs banques privées situées en Suisse. Romain est titulaire de certifications en gestion de fortune (CIWM), en gestion des risques (FRM) et en actifs alternatifs (CAIA).

      Croesus

      Croesus fournit des solutions de gestion de patrimoine innovantes, performantes et sécurisées, comprenant une solution de rééquilibrage de portefeuille fiscalement efficiente. Ces solutions permettent aux professionnels de la gestion de patrimoine d’accroître leur productivité, d’améliorer les relations avec leurs clients, de prendre des décisions éclairées et de simplifier la gestion des actifs sous gestion.

       

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        Secteur

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          • Interview David Saliné
          • Responsable mondial de l’activité Tiers-Gérants
          • Indosuez Wealth Management

        Résilient et innovant : le secteur des GFI en pleine croissance

        Pour David Saliné, les gérants indépendants jouent de plus en plus un rôle d’architectes financiers auprès de leurs clients avec un positionnement qui se rapproche de celui des multi family offices. Règlementation aidant, le secteur est en plein essor et il reste à ce titre une priorité stratégique pour Indosuez Wealth Management.

        Comment se porte le secteur des gestionnaires de fortune indépendants (GFI) actuellement ?

        Depuis plus de 20 ans, on ne cesse d’annoncer le recul du nombre de GFI, mais force est de constater que le secteur résiste plutôt bien. Face aux défis réglementaires, technologiques et concurrentiels, les GFI se sont même renforcés, au point qu’ils représentent aujourd’hui 18 % des actifs bookés en Suisse (et environ 10 % pour le Luxembourg et Monaco). Les grandes structures dédiées à cette activité continuent de s’organiser et de se développertout comme les plus petites. Beaucoup d’entre elles gèrent aujourd’hui plus de CHF 1 milliard et elles sont de plus en plus nombreuses à dépasser cette limite symbolique.

        Avec le recul, on constate que l’évolution du cadre réglementaire a eu pour effet d’augmenter la confiance des clients envers ce type d’acteurs. Les gérants indépendants ont également réussi à s’adapter au changement, ils sont devenus aujourd’hui de véritables architectes financiers et assurent désormais le rôle de multi-family office, prenant en charge non seulement le portefeuille de leurs clients, mais aussi des solutions en matière de planification, de fiscalité et de crédit.

        Certaines banques continuent de développer des services pour les tiers-gérants, d’autres s’en éloignent, pourquoi ?

        Il est vrai que certains établissements ont décidé de réduire la voilure. D’autres, comme le nôtre, considèrent ce segment comme stratégique car il ouvre la voie à de nouvelles opportunités et contribue directement à la création de valeur économique. Mais dans ce cadre, il faut pouvoir offrir davantage que les services de base que sont le custody et l’exécution. Il est donc important de se distinguer en offrant des expertises etdes solutions spécifiques, telles que des opportunités de placement sur le marché privé, des produits et des instruments financiers sur mesure, de la planification financière ou encore du financement immobilier. Il faut également pouvoir proposer une offre locale, adaptée à la région où les clients se trouvent, car aujourd’hui beaucoup de grandes fortunes sont multi-juridictionnelles.

        Comment faire pour leur proposer une offre à la fois globale et locale ?

        Appartenir à un grand groupe facilite la tâche car l’on bénéficie d’expertises, de compétences et d’ancrages qui permettent de traiter et de combiner différentes solutions. Pour relever ce défi,Indosuez a mis en place, une gouvernance globale avec un onboarding unique permettant à nos partenaires GFI de travailler avec toutes nos entités.Nous avons également renforcé des équipes sur les places où l’activité de tiers-gérants est en plein essor, comme  à Hong Kong, et à Dubaï. Ces présences viennent consolider un réseau déjà bien implanté en Europe avec Genève, Luxembourg, Monaco, Madrid, Paris et Singapour. Depuis 2024, nous pouvons également compter sur une présence accrue en Belgique, après le rapprochement opéré entre Indosuez et Degroof Petercam, ainsi qu’en Italie où nous avons récemment ouvert un service.

        Grâce à ces évolutions, nous nous sommes renforcés sur nos différents marchés et possédons désormais une offre multi-booking intégrée ainsi qu’un maillage correspondant à la localisation des tiers-gérants. L’activité GFI au sein du Groupe Indosuez a enregistré en 2024 une importante collecte de CHF 1,9 milliard, l’entité  suisse a largement participé à ce succès avec l’arrivée notamment de nouveaux clients.

        Quels sont les grands défis attendus ?

        Au niveau réglementaire, les grandes évolutions sont derrière nous. Au-delà des chantiers cités traditionnellement comme la gestion des coûts, les investissements ESG ainsi que la cryptomonnaie, les deux grands défis pour les gérants indépendants restent à mon sens l’autonomie et la digitalisation. Ils vont d’ailleurs de pair puisque tout ce qui touche aux ordres, à la création de reporting, etc., passe inévitablement aujourd’hui par des plateformes digitales.

        Que faites-vous pour accompagner les tiers-gérants à relever ces défis ?

        Nous continuons à miser sur le relationnel. Faire évoluer notre gouvernance nous a ainsi permis d’assurer plus de disponibilité et d’agilité. En effet, on ne peut pas uniquement discuter de grands dossiers comprenant du crédit, du financement ou de la transmission à travers une simple interface numérique. Les expertises humaines, la confiance et le lien demeurent incontournables. Cela ne veut pas dire que nous n’avançons pas sur le digital, bien au contraire. Nous avons récemment réalisé d’importants investissements pour développer nos services dans ce domaine et offrir aux tiers-gérants une plus grande latitude de mouvement : en leur facilitant l’exécution d’ordres directs par exemple, mais aussi en mettant à leur disposition via notre plateforme en ligne les mêmes bases, le même référentiel et la même recherche que nos propres gérants. Nous renforçons ainsi nos processus et nos outils pour être au plus proche des marchés et donc, de leurs besoins et de ceux de leurs clients.

        David Saliné

        Indosuez Wealth Management

        Titulaire d’un Master en finance de l’Inseec Business School et d’un Master en droit des affaires et taxes de l’Université de Bordeaux, David Saliné débute comme relationship manager sur le marché des mid-caps auprès de CIC et Fortis. Il rejoint ensuite le département d’audit interne de la Société Générale au Luxembourg en 2002. Nommé directeur adjoint de l’Audit pour Société Générale Private Banking en 2007 à Paris, il devient en 2015 responsable External Asset Managers pour la Suisse, puis pour Monaco et le Luxembourg. Il prend en 2020 la direction du pôle Private Banking de Société Générale Private Banking en Suisse. Fin 2023, il rejoint Indosuez Wealth Management pour diriger l’activité Tiers-gérants à l’échelle mondiale.

         

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          Indices

          Solutions EAM

          • Eric Bissonnier
          • CEO
          • Performance Watcher

          Indices Performance Watcher : la résilience des marchés européens

          Au mois de février, comme d’ailleurs au mois de janvier, les investisseurs en francs et en euros ont profité de la résilience des actions européennes et, dans le même temps, de l’affaiblissement des grandes valeurs technologiques américaines.

          Le mois de février a révélé des dynamiques contrastées entre les principales devises d’investissement. Tandis que les portefeuilles en CHF et en EUR ont bénéficié de la résilience des marchés européens et d’un environnement obligataire porteur, les portefeuilles en USD ont souffert de la contre-performance des grandes valeurs américaines. L’indice Performance Watcher PWI+ met en lumière ces tendances en analysant objectivement les performances et les risques associés à chaque catégorie de portefeuille.

          CHF : La patience récompensée

          Février a été un mois relativement calme pour les portefeuilles en francs suisses, qui ont profité de l’amélioration du marché obligataire mondial et de la surperformance continue des actions européennes par rapport à celles des États-Unis. En effet, les grandes capitalisations suisses ont maintenu leur dynamique haussière en 2025, atteignant régulièrement de nouveaux sommets historiques. Pendant ce temps, les « Magnificent Seven » américaines ont perdu de leur superbe, renforçant ainsi la résilience des portefeuilles en CHF.

          Les performances des portefeuilles en CHF reflètent cette stabilité. Sur la période du 1er janvier au 28 février, les portefeuilles à risque faible ont enregistré une hausse de 1,7 % avec un risque de 2,7 %, tandis que les portefeuilles à risque élevé ont progressé de 3,5 % avec un risque de 6,0 %. En revanche, pour la période plus courte du 31 janvier au 28 février, les performances ont été plus modérées, voire négatives pour les portefeuilles à risque élevé (-0,2 %).

          USD : Une performance décevante

          Le dollar américain en repli et la baisse des rendements obligataires auraient pu être des facteurs de soutien pour les portefeuilles multi-actifs en USD. Cependant, la performance morose du marché américain, marquée par la débâcle des « Sept Magnifiques », a pesé sur les portefeuilles les plus agressifs. Ainsi, les portefeuilles en USD ont sous-performé ceux en CHF et en EUR depuis le début de l’année.

          Les chiffres illustrent cette difficulté : sur les deux premiers mois de l’année, les portefeuilles à risque élevé en USD n’ont progressé que de 1,5 %, avec un risque élevé à 8,4 %. La tendance a été encore plus marquée sur le dernier mois, avec une baisse de -1,4 %. Même les portefeuilles à risque modéré ont affiché une performance négative de -0,7 % sur la dernière période.

          EUR : Une diversification résiliente

          Comme pour les portefeuilles en CHF, la nette surperformance des actions européennes par rapport aux actions américaines a permis aux portefeuilles en euros d’afficher des rendements positifs. Un marché obligataire robuste et une résistance des actions non américaines ont compensé les vents contraires liés à la faiblesse du dollar et à la chute des « Magnificent Seven ».

          Les données montrent une meilleure résilience des portefeuilles en EUR. Entre janvier et février, les portefeuilles à risque faible ont progressé de 1,8 % avec un risque de 2,9 %, tandis que ceux à risque élevé ont enregistré une hausse de 2,8 % avec un risque de 5,2 %. Sur la période plus courte, les portefeuilles à risque élevé sont restés stables (0,0 %), confirmant leur robustesse face à la volatilité des marchés.

          Conclusion

          Le mois de février a confirmé la divergence entre les marchés européens et américains. Tandis que les portefeuilles en CHF et en EUR ont tiré parti de la résilience des actions européennes et d’un marché obligataire porteur, ceux en USD ont souffert de la mauvaise performance des grandes valeurs technologiques américaines. L’indice PWI+, qui repose sur la force des données participatives, la pertinence des rendements nets de frais et l’impartialité des calculs, met en lumière ces tendances et leur impact sur les stratégies d’investissement.

          Les indices Performance Watcher, du 31.01.2025 au 28.02.2025

          Indice, performance, volatilité 

          CHF Risque faible, 0,7%, 1,6% 

          CHF Risque moyen, 0,2%, 3,1% 

          CHF Risque élevé,  -0,2%, 5,1% 

          EUR Risque faible,  0,4%, 1,7% 

          EUR Risque moyen,  0,2%, 3,0% 

          EUR Risque élevé,  0,0%,  4,2% 

          USD Risque faible,  0,3%, 2,0% 

          USD Risque moyen, -0,7%, 4,6% 

          USD Risque élevé, -1,4%, 7,0% 

          Eric Bissonnier

          Performance Watcher

          Eric Bissonnier est CEO de Performance Watcher depuis juin 2022. Il a commencé sa carrière en 1992 pour Chase Manhattan Private Bank à Genève et New York. En 1998, il s’est joint à la société de multi-gestion alternative EIM dont il est devenu CIO en 2002. Il est resté en poste chez Gottex et LumX Asset Management, sociétés qui ont succédé à EIM, jusqu’en 2019. Il a joué un rôle déterminant dans le développement de la fintech LumRisk, une spinoff d’EIM spécialisée dans la gestion des risques. Eric possède la certification CFA et il est titulaire d’un Mastère en économie obtenu à l’Université de Genève.

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