Abondance

Solutions Investissements

  • Arif Husain
  • Responsable des obligations internationales
  • T. Rowe Price

Le boom des obligations d’État entraîne une hausse des rendements

Les gouvernements du monde entier seront obligés d’augmenter les émissions d’obligations d’État pour payer les déficits budgétaires galopants, dus en grande partie aux politiques menées durant l’ère Covid. Une grande partie de l’endettement du secteur privé a été transférée vers le bilan de l’État, et le collecteur de dettes frappe maintenant à la porte.

Francesco Mandalà

Les rendements vont devoir augmenter de manière substantielle pour attirer les investisseurs vers une offre assez prolifique. Les investisseurs en obligations d’État américaines, par exemple, ne pourront plus éviter la surabondance de nouvelles émissions sur ce marché en se tournant vers le marché des obligations gilts, dans la mesure où le Royaume-Uni émet également un volume croissant de nouvelles dettes afin de financer ses dépenses.

Les rendements doivent augmenter pour attirer les acheteurs

Le déficit américain devrait se situer en 2023 autour de 6% du PIB, tandis que le déficit britannique dépassera probablement 5%. Dans ces deux pays, le ratio de la dette publique totale par rapport au PIB est déjà proche ou égal à 100% et pourrait facilement atteindre des seuils plus élevés. En Italie, pays traditionnellement dépensier, ce ratio est déjà supérieur à 120%.

Ce phénomène survient à un moment où les principaux acheteurs d’obligations – les banques centrales mondiales – se retirent, car bon nombre d’entre elles sont déjà en plein resserrement de leur politique monétaire. Plus récemment, la Banque du Japon a également entrepris de renoncer à la gestion de la courbe des taux, dernier programme digne de ce nom en matière d’assouplissement quantitatif.

Les États-Unis sont aussi en train de réorienter la répartition de leurs nouvelles émissions d’obligations à court terme vers des obligations à plus long terme, à mesure que les titres de dette émis après le règlement du différend sur le plafond de la dette arriveront à échéance en début d’année. Les émissions de coupons devraient représenter environ 39% de l’offre nette d’obligations d’État cette année, et pourraient atteindre environ 86% en 2024. La courbe des taux restant très inversée, les rendements à plus long terme devront augmenter de manière significative pour inciter les investisseurs à renoncer aux taux à court terme attractifs.

Hausse des coûts de financement pour les entreprises

En raison de cette dynamique, une grande part des activités pourrait se déplacer vers la partie longue des courbes de rendement. Contrairement à 2022, où les rendements à échéances plus courtes étaient plus volatils en raison la forte inversion des courbes. Le rendement des obligations d’État américaines à deux ans a augmenté de 370 points de base l’année dernière, tandis que celui des obligations d’État à 30 ans n’a augmenté « que » de 207 points de base. Les rendements des emprunts du gouvernement allemand ont suivi une évolution similaire, le rendement à deux ans augmentant d’environ 335 points de base – à partir d’un territoire profondément négatif à fin 2021 – tandis que le rendement du Bund à 30 ans n’a augmenté que de 62 points de base.

Cela devrait entraîner une « torsion » des courbes de rendement, avec une augmentation probable des taux à long terme et une pentification des courbes. En 2011, l' »opération Twist » de la Réserve fédérale visait délibérément à faire baisser les rendements à long terme en vendant des obligations d’État à court terme et en achetant des titres à plus long terme. Aujourd’hui, nous pourrions entrer dans une phase où les mesures des banques centrales n’auront que peu d’impact sur les taux à long terme en raison des distorsions provoquées par l’afflux d’offres.

Il est un point particulièrement préoccupant pour l’économie. Une forte augmentation des émissions d’obligations d’État de haute qualité pourrait également évincer de nombreux autres emprunteurs, ou du moins faire augmenter les taux de financement des entreprises qui doivent se refinancer. Cela augmenterait le coût de financement et réduirait la probabilité qu’elles investissent dans des projets d’investissement ou dans le recrutement de nouveaux employés. L’économie mondiale s’en verrait privée d’une source importante de soutien au moment où elle en a le plus besoin. Il ne faut pas oublier que les rendements des emprunts à long terme servent de taux d’actualisation à bien d’autres égards, de sorte que ce revirement pourrait avoir des conséquences considérables.

Arif Husain

T. Rowe Price

Arif Husain est responsable de la division Fixed Income International et Chief Investment Officer du pôle Fixed Income. Il est co-gérant des stratégies obligataires internationales et gérant du fonds Global Aggregate Bond. Il a rejoint la société en 2014. Il a démarré sa carrière à Greenwich Natwest avant de rejoindre Bank of America, puis Alliance Bernstein où il a dirigé les équipes de gestion de portefeuilles britanniques et européens. Il est titulaire d’un diplôme en banque et finance internationale de la City University Business School.

Prisme

Solutions Investissements

  • Gianluca Castrilli
  • Gestionnaire de portefeuille 
  • Trillium

Actions européennes : saisir les disparités micro et macroéconomiques

Avec le retour de l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et les transformations sectorielles les marchés financiers ont changé de référentiel, au point que les investisseurs ont tout intérêt aujourd’hui à privilégier une gestion active, centrée sur les fondamentaux des entreprises.

Francesco Mandalà

À l’approche de la fin de l’année, le contexte macroéconomique européen reste incertain. Bien que l’horizon semble se dégager, de nombreux indicateurs pointent toujours vers un ralentissement conjoncturel et les craintes de récession peinent à se dissiper. Cependant, malgré le manque de nouvelles encourageantes sur le plan économique et géopolitique, les actions européennes restent bien orientées, en hausse de près de 7.0% depuis le début de l’année, selon le STOXX 600, à fin novembre.

Malgré une Europe au bord de la récession dans certains pays, la plupart des entreprises ont réussi à maintenir leurs profits et leurs prévisions lors des dernières publications de résultats. De plus, contrairement aux crises passées, où les ajustements de bénéfices dépassaient souvent 30%, les révisions pour l’année à venir sont moins dramatiques et ne reflètent pas l’image déclinante du contexte européen.

Il est difficile de savoir qui, de la macro ou de la micro, a raison. Du coup, il est impossible de se figurer que le pire soit encore à venir ou non.  Néanmoins, l’instabilité dans laquelle le microcosme européen est plongé nous laisse sceptiques sur la capacité des sociétés à prédire avec autant de précision leur croissance. Il semble plus probable qu’elles adoptent une approche prudente, ajustant leurs stratégies au fur et à mesure que la situation générale évolue.

C’est dans cette dynamique, parfois incohérente, plus volatile et marquée par des dispersions, que les investisseurs et gestionnaires d’actifs devront naviguer pendant les prochains trimestres. Au cours des deux dernières décennies, de nombreuses sociétés ont bénéficié d’un environnement porteur, notamment grâce à des politiques monétaires accommodantes et un afflux de liquidités. Mais le monde de l’investissement a évolué ces derniers temps. Accélération de l’inflation, hausse des taux d’intérêt, transformations sectorielles et montée des conflits géopolitiques ont transformé le contexte boursier, rendant toute anticipation hasardeuse.

Afin de saisir les opportunités et d’éviter les embûches, les investisseurs doivent rapidement s’adapter en privilégiant une approche active et équilibrée. Les méthodes d’investissement passives et indicielles semblent aujourd’hui dépassées. La flexibilité devient essentielle, avec l’accent mis sur la qualité et la fiabilité des revenus des entreprises sélectionnées. Il est également crucial de filtrer le bruit à court terme pour cibler les facteurs générateurs de valeur à long terme, critère clé pour générer de la performance.

Les récents événements tels que la crise bancaire de mars dernier, le ralentissement récent dans l’industrie du luxe ou encore l’influence grandissante de l’intelligence artificielle ont tous eu des répercussions différentes sur les entreprises. Seule une analyse approfondie et fondamentale aura permis d’identifier les sociétés capables de faire face à ces évolutions selon les secteurs concernés.

Par le passé, le contexte porteur en Europe a facilité la gestion des actions grâce à des approches plus passives. Aujourd’hui, de nouvelles contraintes et normes se profilent à l’échelle macro et microéconomique. Pour générer de la valeur ajoutée, il faudra repérer les entreprises solides financièrement, capables de se réinventer en investissant stratégiquement dans la recherche et le développement, ainsi que dans les infrastructures. Dans ce sens, 2023 aura été une année charnière, signalant les prémices d’une ère où la sélectivité, la diversification et la résilience seront primordiales, tout en insistant sur la qualité et les perspectives de croissance des entreprises.

Gianluca Castrilli

Trillium

Avant de rejoindre l’équipe de gestion de Trillium, Gianluca Castrilli occupait la fonction de chef des investissements, analyste de fonds et conseiller en placement chez Citadel Finance. Il y était également en charge de l’implémentation de l’allocation d’actifs. Auparavant, il a développé son expertise dans l’analyse de fonds auprès de la banque Syz, où il a été responsable de la sélection des gérants ainsi que du suivi des délégations de gestion pour plusieurs fonds de la gamme Oyster. Gianluca est titulaire d’un Master en finance de l’Université de Genève.

Outlook

Solutions Investissements

  • Interview Caron Bastianpillai
  • Gestionnaire de portefeuille senior
  • NS Partners

« Les hedge funds ont su se recentrer sur la gestion des risques et des liquidités »

Le 28 novembre, à Genève, au Mandarin, pour célébrer ses cinquante ans dans la gestion alternative, NS Partners présente un tour d’horizon complet de la classe d’actifs, revenue en grâce ces dernières années. Caron Bastianpillai en propose ici quelques explications.

Francesco Mandalà

Comment avez-vous vu évoluer le secteur de la gestion alternative ces dix dernières années? Comment s’est-elle réinventée aux lendemains de la crise des subprimes?

Suite à la crise des subprimes, l’environnement est devenu plus difficile pour les hedge funds dans la mesure où les taux d’intérêts à zéro ont supprimé la volatilité des marchés. C’est ce cycle qui a été qualifié de « Lost decade », courant de 2009 à 2018, où il était très difficile de shorter dans un marché ascendant en continu.

Aujourd’hui, l’environnement est redevenu beaucoup plus volatile. Au cours de ces quatre dernières années les marchés boursiers ont perdu plus de 100% en pertes mensuelles cumulées. Du coup, les hedge funds sont revenus sur les devants de la scène. De plus, l’augmentation des taux d’intérêts à la vitesse grand V depuis mars 2022 ainsi que l’augmentation des risques géopolitiques ont pris de court de nombreux acteurs de la gestion financière en rendant le contexte encore plus volatil, encore plus incertain.

Dans ces conditions, la gestion alternative s’en sort d’autant mieux qu’elle a su se recentrer sur la gestion des risques et des liquidités.

Quels sont devenus aujourd’hui les traits dominants de la gestion alternative?

Sa capacité de gestions de risque, qu’il s’agisse de marchés, de facteurs, de taux ou FX, s’est clairement accrue. La concurrence étant plus rude – on dénombre plus de fonds alternatifs que de filiales Burger King aux Etats Unis ! – les gérants doivent se montrer plus compétitifs et plus innovants.

Il est aussi plus difficile aujourd’hui de lancer un fonds alternatif en indépendant au vu du poids pris par les grands fonds du secteur. En revanche, les gérants plus limités en taille savent bien opérer dans des marchés niches qui ne peuvent pas absorber trop d’actifs et s’avèrent alors intéressants pour les plateformes qui dominent l’industrie.

Qui sont aujourd’hui les principaux animateurs de cette industrie?

Sur les cinq dernières années, l’essentiel de la croissance dans l’industrie des fonds alternatifs provient du modèle multi-gérants avec une progression de 150%. Ce modèle représente aujourd’hui 8% de la masse totale des fonds alternatifs – d’environ 4’000 milliards de dollars -24% de la work force et 27% de l’exposition US brute !

Son succès est dû principalement à la cohérence et à la consistance de ses performances pendant ces trente dernières années, malgré les crises financières, géopolitiques ou sanitaires.

En quoi l’environnement actuel vous semble-t-il porteur pour les gérants alternatifs?

Après une mauvaise année pour les portefeuilles balancés de type 60/40 – la pire depuis les années 30 – et trois saisons de pertes consécutives sur le 10-ans américain il y a de quoi remettre en question la gestion traditionnelle.

Le retour à la normale des taux d’intérêt offre un environnement plus propice à la gestion alternative. Les difficultés rencontrées par les entreprises, comme le refinancement à des taux beaucoup plus élevés et un environnement macroéconomique plus incertain sont plutôt propices aux stratégies macro.

La capacité de se positionner short afin de bénéficier de corrections de marchés de plus en plus fréquentes est clairement un avantage aujourd’hui. La cerise sur le gâteau étant le cash rémunéré au-delà de 5%. Il avantage les fonds alternatifs qui ont recours aux shorts ainsi que les fonds crédit ayant besoin de maintenir des marges de cash élevées.

Caron Bastianpillai

NS Partners

Caron Bastianpillai a rejoint NS Partners en 2008 où il supervise les stratégies Long/Short Equity. Après avoir commencé sa carrière en 1990 en tant que gestionnaire de produits actions chez Thomson Financial Services, il a rejoint le groupe Banco Santander en 1994, comme responsable de la recherche, de la due diligence et de la gestion de portefeuille dans le cadre de stratégies alternatives. En 2001, Caron est passé chez Optimal Investment Services, filiale à 100 % du groupe Banco Santander, où il est devenu responsable des investissements (CIO) en 2005, à la tête d’une équipe de recherche sur les stratégies global equity hedge.

Caron est titulaire d’une licence en commerce international du Richmond College de Londres, d’un BBA en marketing de l’université de Houston et d’un MBA en gestion internationale de l’Université Européenne de Genève.

Voisinage

Solutions Investissements

  • Interview Thomas Heller
  • Chief Investment Officer
  • Belvedere Asset Management

« Le vent pourrait bientôt tourner en faveur de l’Allemagne »

La baisse de régime de la plus grande économie d’Europe a effrayé les marchés. Thomas Heller, CIO de Belvédère Asset Management, relativise cependant l’ampleur de ses difficultés économiques. Par ailleurs, il ne s’attend pas à ce que les banques nationales augmentent une nouvelle fois leurs taux d’intérêt.

Francesco Mandalà

L’économie allemande s’est à nouveau légèrement contractée au troisième trimestre. Quelles en sont les raisons ?

Selon les premiers calculs, la performance économique allemande a effectivement légèrement reculé au troisième trimestre, de 0,1% par rapport au trimestre précédent. La baisse a toutefois été moins importante que prévue – elle s’établit à -0,3% – et le trimestre précédent a été légèrement révisé à la hausse, entre 0,0% à +0,1%. Les détails concernant les chiffres du troisième trimestre ne sont pas encore connus, ils ne seront publiés que fin novembre. Selon le communiqué de l’Office fédéral allemand de la statistique, c’est surtout le recul de la consommation privée qui a pesé sur l’évolution conjoncturelle.

Certains parlent déjà de l’Allemagne comme de l’homme malade de l’Europe ? Est-ce justifié ? 

En termes de croissance, l’Allemagne est en effet en retard par rapport aux autres pays d’Europe. Elle souffre de la faiblesse de la croissance chinoise, du déstockage que l’on observe actuellement et des prix élevés de l’énergie. La mauvaise santé de l’économie allemande se reflète également dans le recul de l’excédent de la balance des paiements courants, qui reste toutefois considérable, de l’ordre de plus de 4%. De plus, si l’on prend un peu de recul, d’autres pays de l’Union européenne, comme l’Italie ou la France, ne se portent pas vraiment mieux. De ce point de vue, si l’Allemagne est en effet un « homme malade », ce n’est pas tant à cause d’un ralentissement cyclique que la conséquence d’une infrastructure en partie vieillissante, de grands projets ratés comme l’aéroport de Berlin ou des retards notoires de la Deutsche Bahn.

De quelle manière cette situation va-t-elle influencer la politique monétaire de la Banque centrale européenne et de la BNS ?

Les banques centrales gardent bien sûr toutes les options ouvertes, c’est-à-dire qu’elles n’excluent pas explicitement de nouvelles hausses des taux d’intérêt. Néanmoins, il faut partir du principe qu’il n’y aura plus de nouvelles hausses des taux directeurs compte tenu du ralentissement de la croissance et du recul de l’inflation. Il convient également de ne pas négliger les effets des hausses rapides de ces dix-huit derniers mois, qui se répercutent avec retard sur l’économie réelle. Le prochain changement des taux d’intérêt sera plutôt une baisse qu’une hausse. Mais pas avant le milieu de l’année prochaine.

Comment doivent réagir les investisseurs ?

Tant que la phase de faiblesse conjoncturelle persistera, un marché cyclique comme le marché allemand aura des difficultés par rapport aux marchés moins sensibles à la conjoncture. Ceci dit, en supposant que le creux de la vague conjoncturelle soit atteint dans les deux prochains trimestres et que les marchés anticipent une reprise, le vent pourrait rapidement tourner à nouveau en faveur de l’Allemagne.

 

Thomas Heller

Belvedere Asset Management

Thomas Heller est CIO chez Belvédère Asset Management depuis avril 2022. Auparavant, il s’est fait connaître en tant que responsable de la recherche et Chief Investment Officer (CIO) de la Banque cantonale de Schwyz (SZKB). Thomas Heller a étudié l’économie à l’Université de Zurich et il est titulaire d’un diplôme fédéral d’analyste financier et de gestionnaire de fortune. 

Take cover

Solutions Investissements

  • Interview Daniel Germann
  • Portfolio manager
  • Progressive Capital Partners

« Étonnamment, certaines couvertures sont de nouveau bon marché »

Depuis sa création à Zoug en 2001, Progressive se concentre sur les placements alternatifs. En ce moment, c’est la demande des investisseurs pour des stratégies de couverture, en raison de la forte hausse des taux d’intérêt et des tensions géopolitiques, qui requiert toute son attention, comme l’explique Daniel Germann.

Francesco Mandalà

Jusqu’à présent, les stratégies de type « liquid alternatives » et « long volatility » n’étaient plutôt connues que des spécialistes. Avec la forte hausse des taux d’intérêt, il semble que la situation a changé ? Quelle en a été la raison ?

Les crises géopolitiques tant en 2022 qu’en 2023, le recul du marché des actions en 2022 ainsi que les fluctuations accrues sur les marchés en général ont rappelé à de nombreux investisseurs institutionnels la raison d’être des stratégies de couverture. Parallèlement, le recul des marchés en 2022 a également montré qu’une approche de couverture insuffisamment diversifiée pouvait s’avérer décevante.

Couverture, cela sonne toujours comme un coût. Quel est votre point de vue à ce sujet?

Bien sûr, c’est un thème récurrent. Notre approche reste toutefois clairement axée sur les couvertures dites « carry-neutral ». Cela signifie que nous sommes en principe « long » sur la volatilité, qu’elle soit réelle ou implicites. Il en va ainsi de nos 11 sous-stratégies, diversifiées dans toutes les classes d’actifs et dans toutes les régions.

Pour nous, les coûts doivent cependant toujours être considérés eu regard de la qualité de la gestion mise en œuvre. Des solutions prétendument « bon marché » peuvent en fin de compte coûter parfois nettement plus cher que des solutions de grande qualité et une étiquette de prix qui leur correspond. Nous constatons régulièrement qu’il existe des potentiels de diversification considérables à exploiter parmi les approches de couverture très hétérogènes. En outre, et c’est pour nous un point essentiel, un large réseau de couvertures augmente la fiabilité dans la perspective de différents scénarios de crise.

Lorsque les marchés actions étaient performants, vous avez donc vu des rendements moins élevés ?

Exactement, la stratégie Long Volatility, en particulier, est moins utilisée en période de faible volatilité. Pour nos clients, elle joue avant tout le rôle de protection contre les crises. Et nous en avons vraiment beaucoup en ce moment. Pour nous, l’aspect « value » de ces expositions – sélectives et gérées activement – reste toutefois dominant. Nous pouvons typiquement les obtenir dans les 5 à 25% les plus bas des fourchettes historiques à long terme, ce qui recèle en soi un certain potentiel de hausse, même en l’absence de crise majeure.

Les incertitudes macroéconomiques persistent. A quoi doivent s’attendre les investisseurs?

Nous aurons tendance à voir des volatilités encore plus élevées. L’époque où l’inflation était faible est révolue. Les puts accordés par les banques centrales n’existent plus. La transition vers un nouveau « macro-régime » est en cours, même si les taux d’intérêt n’augmenteront plus aussi fortement et qu’ils se sont même arrêtés ici et là. En outre, nous assistons à un renforcement de la réglementation et à une augmentation des coûts sur le marché du travail, ce qui tend à favoriser une hausse continue de la volatilité.

Quel en est l’impact pour Progressive?

Eh bien, nous nous voyons confortés dans notre stratégie d’acteur de niche très ciblé. La demande pour des options de de couverture, notamment dans le domaine de la volatilité, augmente. Ceux qui se diversifient et veillent à des corrélations faibles, idéalement négatives, en particulier dans le domaine des alternatives liquides, devraient être récompensés en ces temps.

 

Daniel Germann

Progressive Capital Partners

Daniel Germann a rejoint Progressive Capital Partners en 2019. Auparavant, il a travaillé chez Vontobel Asset Management, où il s’est également concentré sur les stratégies Global Macro et Systematic Trading. Il était membre du comité d’investissement alternatif et a travaillé sur des mandats d’investissement alternatifs discrétionnaires et consultatifs. Avant de rejoindre Vontobel, Daniel Germann a travaillé pour Raiffeisen Suisse et sa filiale Notenstein La Roche Privatbank. Daniel Germann est titulaire d’un Master of Arts in Banking and Finance de l’Université de Saint-Gall.

Outlook

Solutions Investissements

  • Interview Cédric Dingens
  • Head of Investment Solutions and Alternative Investments
  • NS Partners

“Hedge funds, un contexte actuel idéal pour la génération d’alpha »

Le 28 novembre, à Genève, au Mandarin, pour célébrer ses cinquante ans de gestion alternative, NS Partners présente un tour d’horizon complet sur cette classe d’actifs, revenue en grâce ces dernières années. Cédric Dingens livre ici un premier aperçu de cet outlook exceptionnel.

Francesco Mandalà

 Quelles raisons vous ont-poussé à organiser ce rendez-vous sur la gestion alternative le 28 novembre à Genève ?

Le moment nous a semblé idéal. Nous fêtons cette année nos cinquante ans dans la gestion alternative. Et les turbulences actuelles redonnent tout leur intérêt à ces stratégies. A la fin 1973, lancer l’un des tout premiers fonds de hedge funds était une véritable révolution. Auparavant, si les hedge funds existaient déjà, ils avaient des seuils d’investissement très élevés et ils étaient notoirement difficiles d’accès.

Les fonds de hedge funds ont donc permis à un public plus large d’accéder aux investissements alternatifs et de profiter de leurs atouts en termes de diversification et de protection à la baisse.  En posant les bases de la sélection de fonds et de la gestion de portefeuilles multi-manager, nous avons donc été parmi les pionniers d’une toute nouvelle industrie, dont Genève est devenu l’un des centres mondiaux.

Quel le contenu de cet Outlook dans les grandes lignes ?

Nous allons nous livrer à un tour d’horizon complet des perspectives de la gestion alternative pour les douze prochains mois. Nous rappellerons pourquoi le contexte actuel, caractérisé par une volatilité accrue, une hausse des taux et une inflation persistante, est idéal pour la génération d’alpha. Nous rappellerons comment l’industrie s’est réinventée, en particulier à travers l’optimisation de la gestion des risques et nous évoquerons les tendances fortes pour l’année 2024. Enfin, nous nous intéresserons à la Chine et à l’Asie en termes de stratégies alternatives.

Pourquoi est-il devenu si difficile d’investir dans le secteur des hedge funds ?

D’abord, contrairement aux marchés boursiers, il n’existe tout simplement pas d’annuaires des hedge funds, ni de base de données exhaustive. Ils sont donc difficiles à repérer d’autant qu’ils sont domiciliés dans un large éventail de juridictions. Une détection rapide des nouveaux fonds est également très importante car ils clôturent souvent après avoir atteint une certaine taille. Il est donc essentiel de bénéficier d’un excellent réseau dans l’industrie. Une seconde raison tient au fait que ces fonds exigent souvent des investissements minimaux parfois assez lourds. Une troisième raison est la liquidité. Ces fonds imposent une période d’investissement minimale pendant laquelle il n’est pas possible de récupérer son argent. De plus, la liquidité est souvent mensuelle, voire trimestrielle, avec des délais de préavis importants.

Enfin, une dernière raison porte sur la complexité des stratégies utilisées par ces fonds. Pour obtenir des résultats positifs dans un large éventail de conditions de marché, leurs gérants recourent à des stratégies non conventionnelles bien éloignées du « buy & hold » traditionnel. Ils se tournent vers des produits dérivés qu’ils combinent dans des stratégies complexes, utilisent des techniques d’arbitrage, pratiquent la vente à découvert ou investissent dans des marchés exotiques comme les matières premières. Il est donc primordial de disposer des compétences nécessaires pour évaluer le bien-fondé de la stratégie choisie.

NS Partners, c’est donc cinquante ans de gestion alternative. Quels grands enseignements en retenez-vous ?

Contrairement à ce que prétendent ceux qui veulent nous vendre des produits indicés, il existe des gestionnaires de talent vraiment capables de faire la différence. Il suffit pour cela de regarder la performance réalisée par Haussmann Holdings depuis son origine : +36’663%. Et, si les temps changent, il y a toujours une relève de nouveaux gérants talentueux qui ne craignent pas de s’aventurer hors des sentiers battus.

Nous avons aussi constaté que les stratégies alternatives ont été un peu délaissées depuis une dizaine d’années car les marchés boursiers ont pratiquement monté sans discontinuer. On peut faire le parallèle avec les assurances, dont on ne voit pas l’utilisé tant qu’on n’a pas eu d’accident, Aujourd’hui, la situation a changé. Les stratégies plus actives et plus aptes à protéger le capital sont redevenues d’actualité.

Dans les grandes lignes, à quoi devrait ressembler 2024 pour la gestion alternative ?

Avec la hausse des taux d’intérêt, les inquiétudes macroéconomiques et le retour de la volatilité sur les marchés, les stratégies long/short devraient à nouveau pouvoir démontrer leur intérêt. De même, des opportunités et des inefficiences semblent émerger dans les thèmes de la transition énergétique et dans le monde des matières premières.

Les données historiques montrent que les gérants de hedge funds obtiennent leurs meilleurs résultats en période de taux d’intérêt élevés, comme ce fut le cas entre 1990 et 2007. Avec des rendements à 5% pour les emprunts à 10 ans, une inflation qui devrait perdurer et des déficits importants, on se trouve donc dans une situation plutôt favorable aux stratégies alternatives. Elles devraient profiter également des tendances majeures que sont la déglobalisation, la transition énergétique et les élections américaines car leurs performances dépendent aussi de la dispersion sur les marchés actions.

 Pour plus d’informations sur l’Outlook du 28 novembre, à l’Hôtel Mandarin Oriental de Genève:

Outlook NS Partners – Sphere

Cédric Dingens

NS Partners

Cédric Dingens dirige le pôle « Investment Solutions & Institutional Clients » de NS Partners. A ce titre, il est membre du comté d’investissement de Haussmann depuis 2016. Cédric a débuté sa carrière à la Banque du Luxembourg en 2001. L’année suivante, il a rejoint Notz Stucki à Luxembourg en tant que gestionnaire de portefeuille. Il a développé le cadre interne de gestion des risques quantitatifs avant d’être nommé responsable de la gestion des risques à Genève en 2010, puis d’être promu à son poste actuel en 2016. Il est titulaire d’un diplôme en finance quantitative de l’École nationale supérieure des mines de Nancy (France) et détient la certification Chartered Alternative Investment Analyst.