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« La culture Fisch est axée sur l’esprit entrepreneurial de tous »

CEO depuis six ans, Juerg Sturzenegger marque Fisch Asset Management de son empreinte. En accord avec les deux fondateurs, Kurt et Pius Fisch, il opère en ce moment même un important changement de génération. Grâce à un modèle original, les responsables opérationnels deviennent peu à peu des actionnaires clés de l’entreprise, sans que les fondateurs quittent leur rôle d’actionnaires de référence. Dans cet entretien, Juerg Sturzenegger nous explique ce modèle et esquisse le développement futur de la société.

Vous êtes à la tête de Fisch Asset Management depuis 2016. Vous vous apprêtez aujourd’hui à faire entrer l’entreprise dans une nouvelle phase de son histoire. Qu’est-ce qui vous motive encore?

Cela peut paraître banal, mais je continue à trouver mon travail incroyablement passionnant. La forte focalisation sur les obligations d’entreprises, et en particulier les obligations convertibles, nous rend uniques. Ces outils nous passionnent tous. La culture d’entreprise que nous avons mise en place est également importante à mes yeux. Il s’agit de la préserver et de la développer en harmonie avec les changements économiques et sociaux. Quand on parle de la transformation de notre entreprise, c’est précisément sur ce point que nous voulons agir.

Restons un instant sur le thème des obligations convertibles, qui n’a pas toujours été simple. Tout le monde réclamait des actions. « There is no alternative », assurait-on. Qu’en pensez-vous aujourd’hui ?

Vous connaissez certainement ma réponse : je suis convaincu que les conditions deviennent idéales pour les obligations convertibles en cette période de hausse générale des taux d’intérêt. Cela dit, tout n’a pas été aussi difficile que vous le dites. Nous avons notamment profité du fait qu’en période de taux bas la demande d’investissements alternatifs était forte. Mais effectivement, aujourd’hui, compte tenu du retournement des taux d’intérêt et de l’augmentation du coût du capital pour les entreprises, les obligations convertibles peuvent à nouveau faire valoir les avantages de leur caractère hybride.

Quels sont vos scénarios concernant l’évolution de la demande ?

Nous sommes inondés chaque jour de nouvelles informations qu’il est très difficile d’interpréter. Cette incertitude ne facilite pas la tâche des investisseurs, ni la nôtre. De notre point de vue de spécialistes Fixed Income, nous ne voyons pas de problème à gérer des taux d’intérêt élevés. Mais tant que nous n’avons pas de certitude sur le niveau auquel ces taux vont se stabiliser, de nombreux clients institutionnels préfèrent attendre. Pour l’instant, ils ne sont pas prêts à prendre des risques trop élevés.

Fisch Asset Management a commencé à se concentrer sur les emprunts convertibles peu après sa création en 1994, sous l’impulsion des frères Kurt et Pius Fisch. Cette spécialisation a-t-elle été la raison de votre succès ?

Notre histoire montre que cette spécialisation a été et reste effectivement une des raisons de notre succès. Il n’y avait à l’époque que peu de gestionnaires d’actifs qui s’étaient vraiment penchés sur ces produits. C’était une niche qui n’était, tout au plus, qu’exploitée aux États-Unis. Mais depuis dix ans, nous avons élargi notre offre à d’autres types d’obligations d’entreprises. Chez nous, elles sont aujourd’hui au moins aussi importantes que les obligations convertibles, même si Fisch Asset Management est surtout connu pour ces dernières. Nous travaillons à changer cela. Tous ces types d’instruments ont d’ailleurs un point commun : savoir évaluer le risque de crédit d’un émetteur. Avoir franchi ce pas nous a également permis de proposer des offres combinées, que nous gérons dans la branche Multi Asset Solutions. 

Vous avez récemment annoncé, en accord avec les fondateurs, un changement de génération. En quoi consiste-t-il ?

L’objectif est de conserver le modèle qui nous a valu notre succès, ainsi que la culture de l’entreprise, tout en confiant la responsabilité et la destinée de Fisch Asset Management à de nouvelles personnes. Le rôle de Kurt et Pius Fisch, deux entrepreneurs engagés et visionnaires, sera repris petit a petit par d’autres responsables. Qui resteront étroitement liés aux fondateurs au niveau de l’actionnariat et des accords issus de ce nouveau concept de partenariat.

 

Parlez-nous un peu plus en détail de ce modèle de partenariat.

Tout d’abord, pour comprendre le modèle, nous devons parler de la culture de l’entreprise. Elle est axée sur l’esprit entrepreneurial de tous et sur la réussite collective, qui prime sur la réussite individuelle. Cette philosophie nous a été transmise par les fondateurs. Nous avons prévu que ces fondateurs cèdent la majorité de leurs actions sur une période de 2 à 4 ans et qu’un groupe d’environ 5 partenaires les reprennent progressivement.

Chez vous, de nombreux collaborateurs détiennent déjà des actions. Cette politique va-t-elle se poursuivre ?

Oui, environ un tiers des actions sont déjà détenues par nos collaborateurs et nos collaboratrices. Cela favorise l’esprit d’entreprise et la transparence dans l’ensemble du groupe. Cela va si loin que tous nos documents, tous les chiffres de l’entreprise ainsi que les procès-verbaux des réunions de la direction et du conseil d’administration sont accessibles à tous dans l’entreprise.

Aujourd’hui, qui a encore le courage de devenir partenaire ?

C’est une des questions qui se pose. Tout le monde ne rêve pas d’entrepreneuriat, des opportunités et des risques qui l’accompagnent. Mais il y a heureusement chez nous plusieurs personnes compétentes qui peuvent avoir envie de s’engager dans cette voie. Mais, pour les convaincre, il faut qu’elles puissent réellement décider de l’avenir de l’entreprise et profiter de son succès. Deux choses que notre concept garantit.

 

Quelles seront les futures orientations stratégiques de Fisch Asset Management ?

Nous sommes des spécialistes. Et dans notre domaine, nous sommes l’un des plus grands acteurs indépendants au monde. Nous voulons conserver ce positionnement. Notre principale base de clientèle se trouve en Europe germanophone. Il en sera de même à l’avenir, même si une extension ponctuelle dans d’autres pays européens est envisageable.

Qu’en est-il de la taille de l’entreprise ? Est-ce un point important pour vous ?

Nous continuons à nous considérer comme une boutique. Nous avons bien sûr un socle de charges opérationnelles que nous ne pouvons ni ne voulons externaliser. Tant le traitement des actions que le reporting sont réalisés en interne, pour vous donner un exemple. Par ailleurs, nous sommes et nous resterons une équipe de spécialistes, proches de nos clients, qui propose des solutions sur mesure. Il n’y aura jamais de production de masse chez nous. En outre, notre structure souple nous permet déjà, sans devoir beaucoup l’adapter, de gérer efficacement plusieurs types d’actifs, efficacement et sans perte de qualité. En clair, nous avons besoin d’environ 5 milliards de francs d’actifs sous gestion pour être sainement rentables. Donc, sur ce point, nous pouvons dormir tranquille.

 

Biographie

Juerg Sturzenegger

CEO Fisch Asset Management

Juerg Sturzenegger a rejoint Fisch Asset Management fin 2016. Après avoir occupé le poste de co-CEO jusqu’à fin 2019, il est désormais le seul maître à bord. Il a débuté sa carrière financière dans le Corporate Finance à la Banque Leu. Chez Julius Baer, il a dirigé pendant plusieurs années le secteur Capital Markets, puis le Private Banking Wealth Engineering. Cet économiste a ensuite rejoint la VP Bank, au Liechtenstein, où il a été CEO des activités de la banque en Suisse, puis COO, CIO et, pendant une courte période, co-CEO du groupe. Après une courte période ou il a exercé des mandats de conseil, en indépendant, il a pris ses fonctions chez Fisch qui rassemble aujourd’hui 80 collaborateurs et gère des actifs s’élevant à environ 8 milliards de francs suisses.

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