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  • Interview Laurent Genoud
  • Directeur
  • Eagle Invest

« La performance nous assure au final la confiance de nos clients »

Si la performance n’est pas le seul critère à prendre en compte, elle joue néanmoins un rôle déterminant dans la proposition de valeur des gérants indépendants. C’est le point de vue de Laurent Genoud, qui en profite ici pour passer en revue les fonctions régaliennes des GFI.

Par Jérôme Sicard

Parmi tous les critères de satisfaction qui importe aux yeux de vos clients, où situez-vous plus précisément la performance des portefeuilles aujourd’hui?

Au vu des relations très proches que nous établissons dans le temps avec nos clients, il est certain que notre apport ne peut pas se limiter à la seule performance de leurs portefeuilles. Nous réussissons à créer avec eux des liens forts. Dans la plupart des cas, ils nous perçoivent comme des professionnels capables de résoudre les différents problèmes qu’ils rencontrent dans la construction et la gestion de leur patrimoine. Nous sommes présents à leurs côtés pour les accompagner aussi dans des domaines clés comme la prévoyance, la fiscalité, les crédits hypothécaires, la gestion des biens immobiliers, et des sujets hautement sensibles comme la succession familiale. Nous travaillons à 360 degrés.

En revanche, il me semble évident que la performance occupe un rang élevé dans notre proposition de valeur. Elle est au cœur même de notre modèle d’affaires. Elle valide dans une certaine mesure nos compétences et elle nous assure au final la confiance que nous porte nos clients. En ce sens, elle est forcément déterminante !

Techniquement, où faut-il aller chercher de l’alpha aujourd’hui dans les stratégies d’allocation ?

L’alpha, pour moi, relève beaucoup du concept marketing. En réalité, je pense que l’alpha se trouve d’abord dans la personne, à savoir dans le gestionnaire et dans la différence qu’il fait par rapport à ses pairs. L’alpha, c’est avant tout le résultat d’une stratégie élaborée en étroite collaboration avec chacun de nos client et pilotés sur le long terme en ajustant certains paramètres au fil du temps. J’aurais donc plutôt tendance à me méfier de l’alpha quand il implique une approche un peu trop mathématique du portfolio management.

Comment vous y prenez-vous pour optimiser la diversification des différentes poches qui composent vos portefeuilles?

Il ne faut pas perdre de vue que la diversification dépend aussi beaucoup des aspirations et des attentes de nos clients. En ce qui concerne mes portefeuilles, j’ai construit  ma réputation sur la cote suisse. Je me suis spécialisé sur les valeurs pour une clientèle suisse dont les portefeuilles sont libellés en francs suisses. C’est mon ADN. Il n’a pas généré beaucoup de valeur en 2024, une année marquée par la domination des Magnificent Seven et de la tech US, mais c’est une approche qui se valide sur le long terme et elle correspond à la volonté de mes clients. Ils apprécient le biais défensif des actions suisses ainsi que leur belle exposition sur la scène internationale. Si mes clients souhaitent davantage de diversification sur un échelle plus mondiale, je me sens capable de les orienter vers un autre gestionnaire d’Eagle Invest, plus à même de satisfaire leur demande.

Comment avez-vous fait évoluer la construction et la gestion de vos portefeuilles ces dernières années?

Nous n’avons pas mis en place de processus systématiques dans la construction et la gestion de nos portefeuilles, parce que nous voulons rester connectés avec la réalité. Le monde change, de plus en plus vite d’ailleurs, de grandes tendances se dessinent, et nous devons pouvoir intégrer ces grandes orientations dans nos portefeuilles. L’enjeu est là : avoir une vision claire sur les marchés et leur évolution. Pour ce qui relève ensuite du choix des titres, ce sont toujours les mêmes fondamentaux que nous employons.

Ces cinq dernières années, qu’avez-vous changé dans vos méthodes ?

Nous essayons de conserver la même politique de placement, puisqu’elle nous a valu de bons résultats jusqu’à présent. Nous restons concentrés sur les valeurs suisses et les portefeuilles en franc suisse. Nous faisons peu de market timing et nous ne partons pas sur les produits exotiques.

En revanche, pour certaines classes d’actifs de plus en plus complexes, nous n’hésitons plus à déléguer la gestion à des spécialistes qui maîtrisent parfaitement leur domaine.

Je dirais enfin que nous prêtons beaucoup plus d’attention aux coûts, quelle que soit leur nature, car les clients y sont bien évidemment de plus en plus sensibles. Pour les dépôts de leurs avoirs, ils sont devenus plus flexibles et la réputation de la banque dépositaire ne suffit plus à les convaincre. Nous intégrons aussi davantage de produits indiciels, des ETF, meilleur marché, pour couvrir certaines régions ou certains thèmes – plutôt plain vanilla – où il est illusoire de penser à surperformer le marché sur le long terme.

Est-il encore possible aujourd’hui pour un gérant indépendant d’assumer à la fois les fonctions de relationship manager et de portfolio manager ?

Il faut aussi ajouter le rôle d’analyste ! Relationship manager, portfolio manager et analyste. Ce sont les trois fonctions régaliennes du gérant indépendant. Pour moi, nous devons absolument remplir ces trois rôles et justifier ainsi notre proposition de valeur, bien que le régulateur semble vouloir nous compliquer un peu la tâche. Si nous ne jouons pas ces trois rôles nous risquons de passer dans un mode private banking avec davantage de silos, de verticalité et le risque à terme de nous déconnecter de la réalité. Il se peut que la fonction de relationship manager prenne chez les gérants indépendants un peu plus d’importance mais le travail de portfolio manager et d’analyste assure la complétude de notre mission. C’est ce que nos clients attendent de nous. Ils veulent avoir en face des professionnels qui savent de quoi ils parlent et en qui ils peuvent avoir confiance. C’est donc indispensable. Essentiel !

Laurent Genoud

Eagle Invest

Laurent Genoud a entamé son parcours professionnel chez SBC Warburg dans le négoce de devises puis chez Credit Suisse dans le private banking. En 2007, il a rejoint Genoud Asset Management, société créée par son père, jusqu’à la fusion en 2014 avec Eagle Invest, dont il est aujourd’hui directeur.  

Laurent a effectué des études des études d’économie politique à Zurich. Il a terminé en 2006 la formation AZEK d’expert fédéral en finance et investissements et a également obtenu le diplôme de Certified International Wealth Manager. Il est membre par ailleurs de la Swiss Financial Analyst Association et a enseigné pendant 3 ans à la Hochschule für Banken und Finanzen de l’AKAD Business School, Zurich-Oerlikon.

 

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