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- Farhad Khalilnia
- Fondateur et président-directeur général
- Penta
La juridiction : le nouveau risque infrastructurel
Autrefois une préoccupation de niche, presque anecdotique, la juridiction s’avère désormais un facteur déterminant dans la stratégie d’infrastructure — et, dans ce domaine, certains pays ont bel et bien pris une longueur d’avance.
Nous l’admettons volontiers : avoir raison dans nos prédictions est habituellement gratifiant. Mais dans ce cas, nous aurions préféré nous tromper.
Lorsque nous évoquions, dès 2023, les défis que posaient les questions de confidentialité au gouvernement suisse, ce n’était pas un sujet de première page. Pourtant, cela aurait dû l’être, car nous mettions en lumière pourquoi les entreprises ne peuvent plus se permettre d’ignorer le rôle que joue la juridiction dans les infrastructures numériques.
Aujourd’hui, avec le retour en force des tensions commerciales entre les États-Unis et l’Europe, la question de la souveraineté — économique, technologique et juridique — revient avec une acuité douloureuse.
Dans les milieux technologiques, une idée fausse persiste : celle selon laquelle le stockage des données serait essentiellement une affaire technique. En réalité, chaque décision en matière d’infrastructure a des implications juridiques. Les câbles et les serveurs comptent, certes, mais les lois qui les régissent aussi.
Le CLOUD Act donne aux forces de l’ordre américaines un large accès aux données détenues par des entreprises américaines, peu importe où ces données sont physiquement stockées. Autrement dit, un fournisseur basé aux États-Unis peut être contraint de transmettre des informations clients hébergées sur des serveurs à Zurich, Genève ou ailleurs.
Sur le plan juridique, la souveraineté du lieu d’hébergement offre peu de protection si le fournisseur de services relève d’une juridiction étrangère. Cette tension entre frontières physiques et frontières juridiques est au cœur du débat actuel — un débat auquel bien des organisations ne se sont toujours pas pleinement confrontées.
2025 – Quand l’Abstrait Devient Urgent
Autrefois, dans un contexte plus prévisible, les entreprises pouvaient traiter l’exposition juridictionnelle comme un problème théorique. Mais les dernières années ont rendu cette posture intenable. Conflits commerciaux, évolutions réglementaires et instabilité géopolitique ont révélé la fragilité de nos systèmes mondiaux.
Aujourd’hui, ces risques ne sont plus théoriques. L’administration Trump a déclaré une urgence nationale et imposé un tarif douanier généralisé de 10 % sur toutes les importations. Des tarifs supplémentaires, ciblant les pays à fort excédent commercial, incluent une hausse de 20 % sur les importations européennes.
Pour les entreprises européennes, les implications dépassent largement la sphère économique. Pressions politiques, incertitudes juridiques et complexités réglementaires réapparaissent dans les discussions de direction. Et dans ce contexte, s’appuyer sur des fournisseurs cloud américains devient un point de vulnérabilité, même si cela paraissait autrefois un atout.
Le chiffrement n’est pas une immunité
Certaines entreprises tentent de répondre à ces risques par le chiffrement, ou via l’hébergement régional de données au sein des réseaux de fournisseurs globaux. Ce sont des mesures utiles, mais elles ne règlent pas le problème fondamental : la juridiction suit la propriété.
Microsoft, par exemple, propose des fonctionnalités de chiffrement avancées qui limitent l’accès aux données, même en interne. Mais même un géant comme Microsoft reste soumis à un cadre juridique qui l’oblige à respecter la loi américaine. Le chiffrement peut ralentir ou compliquer les demandes d’accès, mais il ne peut les annuler — et ne le pourra jamais.
La seule vraie protection contre l’exposition juridique étrangère réside donc dans une indépendance structurelle : choisir une infrastructure non seulement hébergée localement, mais également détenue et exploitée sous juridiction locale.
La stabilité et l’autodétermination suisses
L’approche suisse repose sur un alignement délibéré entre valeurs, lois et stratégie à long terme. Une quête de clarté juridique, de neutralité politique et de prévoyance réglementaire — non pas seulement en période de crise, mais de façon structurelle.
L’identité suisse de Penta reflète cet alignement avec les principes nationaux — clarté légale, anticipation réglementaire, et neutralité. Ces valeurs sont inscrites dans notre fonctionnement, influençant la conception, la livraison et la défense de nos infrastructures. Nos systèmes, nos collaborateurs et nos contrats de service évoluent tous dans le cadre juridique suisse. Résultat : une prévisibilité précieuse dans un monde de plus en plus incertain.
La Suisse n’est pas à l’abri des pressions mondiales — aucun pays ne l’est — mais son environnement réglementaire protège la vie privée, maintient la neutralité et résiste aux pressions extraterritoriales dans un esprit aligné avec les intérêts de nos clients.
Là où d’autres ont choisi la facilité, nous avons opté pour une conception réfléchie — et cela ne changera pas.
Les résultats parlent d’eux-mêmes. Nos clients savent où sont leurs données, qui y a accès et quelles lois s’appliquent. Cette clarté est devenue un atout compétitif majeur en période d’incertitude.
Construire l’avenir
Quel que soit l’avenir, les organisations qui intègrent la résilience juridique dans leurs choix d’infrastructure seront mieux armées pour s’adapter.
Les actualités évolueront, les tarifs douaniers fluctueront — mais les besoins en clarté, en continuité et en contrôle resteront constants.
C’est pour cela que nous avons construit Penta ainsi. C’est la raison pour laquelle, lorsque le monde changera à nouveau (et il le fera), nous n’aurons pas à courir derrière. Et nos clients non plus.
Oui, nous avions dit que cela arriverait. Nous aurions préféré nous tromper. Mais nous avions raison — et cela n’a jamais été aussi important.
Il est temps d’explorer ce que signifie une véritable souveraineté. Parlons-en.
Retour en arrière : le CLOUD Act (ou l’affaire de stupéfiants que les États-Unis ne pouvaient pas se permettre de perdre)
- En 2013, les procureurs américains ont exigé l’accès à des emails Hotmail liés à un vaste réseau de trafic de drogue.
- Mais ces données ne se trouvaient pas aux États-Unis. Elles étaient stockées dans un centre de données Microsoft en Irlande.
- Microsoft a refusé, arguant que les lois américaines s’arrêtent aux frontières.
- L’affaire est montée jusqu’à la Cour suprême, avec une couverture médiatique internationale.
- Juste avant le verdict, le Congrès américain est intervenu et a adopté le CLOUD Act.
- Cette nouvelle loi accorde aux autorités américaines un droit d’accès aux données détenues par toute entreprise technologique américaine — même si ces données sont stockées à l’étranger.
Conclusion ? Si votre fournisseur est américain, vos données sont exposées… où qu’elles soient hébergées.
Farhad Khalilnia
Penta
Farhad Khalilnia est le fondateur et PDG de Penta, un fournisseur suisse de cloud privé créé en 1996. Avec plus de 30 ans d’expérience dans les services informatiques, il est l’un des pionniers de l’infrastructure informatique sur serveur pour les entreprises financières en Suisse. Farhad Khalilnia est diplômé de Syracuse University.
Plus d’informations : www.penta.ch
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