Solutions EAM

  • Interview Carine Frick-Delaloye
  • Head Corporate & Business Development
  • Aquila

Par Jérôme Sicard

« Les clients forment encore et toujours le véritable capital d’une société »

Dans le nouvel environnement que façonne la LSFin/LEFin, la question des successions est devenue cruciale pour de nombreux gérants indépendants. Dans cette interview, Carine Frick Delaloye explore ce sujet sous l’angle de la valorisation, en mettant l’accent sur la profitabilité des actifs.

Quels sont les indicateurs ou métriques clés généralement utilisés pour évaluer une société de gestion?

Lors de l’évaluation d’une société de gestion, l’accent est mis principalement sur les actifs gérés et le chiffre d’affaires. Ces chiffres clés doivent toujours être considérés dans le contexte du ROA, le rendement des actifs. Le portefeuille de clients joue également un rôle central. À cet égard, la structure d’âge des clients, le volume moyen des encours, le nombre de clients ainsi que les risques potentiels de concentration et la répartition géographique sont importants. Un autre aspect essentiel est la question du temps pendant lequel le cédant aidera l’entreprise à conserver ses clients.

Par ailleurs, il faut rester à l’écoute du marché.

Les actifs sous gestion constituent de toute évidence un indicateur clé, mais ils n’en demeurent pas moins un facteur d’incertitude. En cas de vente, il n’est pas garanti que les clients restent fidèles au nouveau propriétaire. En substance, la valeur d’une société est étroitement liée aux relations avec les clients et à leur chiffre d’affaires. De nos jours, une licence FINMA n’a pas nécessairement une valeur spécifique, car elle ne constitue qu’une condition préalable pour accéder au marché.

Quels sont les problèmes qui se posent lorsque la valorisation est basée uniquement sur l’EBITDA ?

Beaucoup de gérants déduisent souvent leurs bénéfices sous forme de salaire, de bonus ou de dividendes. L’EBITDA s’en voit réduit d’autant. Dans bien des cas, cela le rend peu pertinent comme base de valorisation, et c’est plus particulièrement vrai pour les petites structures opérées par leurs propriétaires. En fait, ce sont encore et toujours les clients qui forment le véritable capital, tandis que la société elle-même n’est souvent qu’une simple ‘enveloppe sous licence’.

Quels autres modèles de valorisation recommanderiez-vous ?

Comme je viens de le mentionner, la vraie richesse d’une société de gestion de fortune, ce sont ses clients et sa capacité à les transférer en d’autres mains. C’est pourquoi le ROA nous semble être le modèle d’évaluation le plus juste et le plus pertinent. Tant le portefeuille de clients que le rôle du cédant y jouent un rôle clé.

Comme je viens de le mentionner, la vraie richesse d’une société de gestion de fortune, ce sont ses clients et sa capacité à les transférer en d’autres mains. C’est pourquoi le ROA nous semble être le modèle d’évaluation le plus juste et le plus pertinent. Tant le portefeuille de clients que le rôle du cédant y jouent un rôle clé.

Les jeunes entrepreneurs ne sont pas principalement intéressés par la reprise des actifs de l’ancienne génération d’EAM, mais plutôt par une participation aux revenus. Cette participation aux revenus offre une plus grande sécurité, car elle est axée sur la rentabilité des clients et non sur les actifs gérés, qui pourraient ne pas être maintenus à long terme. En outre, les jeunes entrepreneurs sont prêts à assumer les obligations réglementaires de l’ancienne génération, ce qui devrait également être pris en compte dans l’évaluation.

Comment mesurez-vous la rentabilité d’un portefeuille de clients ?

Comme nous en avons parlé plus tôt, le ROA, autrement dit la profitabilité des encours gérés, est le principal indicateur. Il faut toutefois prêter attention aux structures de clients, comme les family offices, qui gèrent plus souvent des portefeuilles moins rentables pour les membres de la famille. Or, ces portefeuilles sont importants pour la fidélisation des clients, la rétention à long terme et la croissance. La rentabilité doit donc être considérée dans le contexte global des relations clients et ne pas se limiter à des portefeuilles individuels.

Sur quelle base les actifs gérés sont-ils actuellement négociés ?

Tout dépend encore une fois du portefeuille Clients et des modèles de frais qui y sont associés. Ils jouent un rôle essentiel dans l’équation. Pour prendre un exemple, le ROA des clients suisses peut être nettement inférieur à celui des clients internationaux. Nous observons actuellement qu’un ROA de 0,8 % peut conduire à un prix compris entre 1,5 et 2 %, à condition que le cédant réussisse à conserver les clients pendant encore deux à trois ans.

Quels sont les facteurs qui influencent l’évaluation de ces actifs à la hausse ou à la baisse ?

Le portefeuille clients, qui inclut la structure d’âge et la répartition géographique, joue un rôle crucial dans la détermination du prix. De plus, l’implication du cédant est essentielle pour assurer une transition en douceur. Bien que je reste quelque peu sceptique quant à l’influence significative des pays clients sur le prix, il convient de noter que des licences spéciales, notamment celles requises pour des pays comme l’Afrique du Sud, les États-Unis et le Canada, peuvent accroître la valeur de la société. Ces licences sont souvent coûteuses et difficiles à obtenir.

Par ailleurs, l’organisation même de la société constitue un élément fondamental. Des facteurs négatifs, tels que des problèmes de legacy, ou des rapports de due diligence peu concluants, peuvent entraîner une baisse significative du prix. À l’inverse, un plan de transmission du patrimoine bien élaboré par les clients peut accroître la valeur, car il assure stabilité et continuité à long terme.

Comment un gérant peut-il mieux valoriser ses actifs au fil du temps ?

Une approche judicieuse consiste à envisager combien on serait prêt à payer pour ces actifs en tant qu’acheteur, tout en réfléchissant à la manière d’assurer la fidélité des clients à long terme. Il faut donc aborder des questions telles que la planification de la succession pour ses propres clients et l’élargissement de l’offre afin de renforcer la loyauté de la clientèle. La valorisation devrait également prendre en compte la rentabilité et la tarification – entre banque dépositaire et GFI, par exemple – et, le cas échéant, prévoir des ajustements pour optimiser le ROA. »

Carine Frick-Delaloye

Aquila

Carine Frick-Delaloye a entamé son parcours professionnel au Credit Suisse en 1999. A partir de juin 2008, elle a occupé différents postes de direction dans les divisions Retail et Private Banking. En 2013, elle a pris la direction de la ligne Personal & Business Banking pour le marché rhénan à Zurich avant de passer au Wealth Management où elle a été nommée responsable du pôle EAM. Carine Frick-Delaloye détient un DEA Banque & Finance délivré par le Swiss Finance Institute – Université de Berne, et un CAS Digital Banking de la Kalaidos University of Applied Sciences à Zurich.

 

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