Transmission

Solutions EAM

  • Interview Beat Studer & Andres Lakatos
  • Aquila Chommie Finance

« Aquila Chommie Finance : regard dans les coulisses d’une succession réussie »

Avec l’accord du deuxième associé et celui d’Aquila, société partenaire, Andres Lakatos a repris la participation de Beat Studer dans Aquila Chommie Finance. Tout au long du parcours, il a été essentiel pour eux de prendre les bonnes décisions stratégiques et de choisir le moment adéquat pour opérer les changements nécessaires. Rencontre avec les deux gestionnaires qui reviennent sur les étapes clés de cette transmission, ses défis et ses opportunités.

Par Jérôme Sicard

Andres Lakatos, vous étiez associé dans une grande société de gestion de fortune indépendante. Pourquoi avoir voulu reprendre une structure plus petite comme Aquila Chommie Finance ?

Ma décision a surtout été motivée par l’envie d’avoir une plus grande liberté de décision et une structure d’entreprise plus légère. J’ai reçu une excellente formation dans un grand multi family office. J’y ai appris tous les tenants et les aboutissants de la gestion de fortune et j’y ai approfondi mes connaissances en permanence. En revanche, je me suis retrouvé dans une situation où j’assumais l’intégralité des risques financiers sans pouvoir influencer activement les décisions de l’entreprise. Par ailleurs, les tâches administratives étaient de plus en plus contraignantes et le partage des bénéfices, qui semblait intéressant au départ, le devenait de moins en moins pour moi. J’ai vu le potentiel de travailler plus efficacement avec une structure plus flexible et des frais fixes moins élevés. Chez Aquila Chommie Finance, je peux diriger une entreprise déjà établie et contribuer à sa croissance avec de nouvelles idées.

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Quelles ont été les plus grandes difficultés à surmonter dans cette reprise ?

Nous avons dû négocier pendant trois ans avant que le changement ne soit effectif. Dès le départ, j’ai vu le potentiel d’Aquila Chommie Finance et l’intérêt qu’il y avait à reprendre l’entreprise et à la diriger. J’ai particulièrement apprécié le fait que les deux fondateurs couvraient les mêmes marchés et qu’ils avaient en plus une excellente réputation.

Ce qui me plaisait par-dessus tout, c’était de pouvoir donner un nouveau souffle à l’entreprise et de piloter sa croissance avec de nouvelles idées et un peu de créativité. En parallèle, j’avais reçu une offre d’emploi comme simple collaborateur et j’avais même envisagé de créer ma propre société.

Les longs délais d’attente pour l’obtention d’une licence FINMA m’ont inquiété et je ne voulais pas non plus me lancer complètement seul dans l’aventure, car je préfère privilégier le travail d’équipe. J’ai donc passé une première année à soupeser soigneusement les trois options. Il était important pour moi de trouver une solution qui convienne à la fois à mes clients et à moi-même sur long terme. Au cours de la deuxième année, les discussions sont devenues plus concrètes. La première offre est arrivée au milieu de l’année 2023, et nous avons négocié les détails jusqu’à la fin de l’année. J’ai quitté mon multi family office en de bons termes, comme friendly leaver, et j’ai rejoint Aquila Chommie Finance en juin 2024. L’une des principales difficultés rencontrées a été de trouver un accord sur le prix d’achat des actions. Beat Studer et moi n’avions ni l’expérience, ni les connaissances nécessaires en la matière.

Comment avez-vous résolu ce problème ?

Aquila, et Markus Angst en particulier, nous a accompagnés dans ce cheminement. Markus a joué un rôle déterminant dans la conclusion de l’accord. Il a été pour Beat comme pour moi un mentor neutre et expérimenté. Il est incroyablement important de placer un sparring-partner entre l’acheteur et le vendeur. Sans lui, nous serions probablement encore en train de négocier.

Beat Studer, comment en êtes-vous venu à la conclusion que vous deviez trouver une solution pour la succession de votre entreprise ?

Dans la vie, il y a un moment où l’on réalise qu’il est temps de passer la main. Il est important de saisir cette opportunité tant qu’on est encore en mesure d’organiser soi-même le processus de transmission. Comme mes enfants ont choisi d’autres voies professionnelles, il m’a semblé évident que je devais prendre l’initiative de chercher un nouveau partenaire externe.

Quelles options avez-vous alors envisagées ?

L’option la plus évidente était de trouver un repreneur potentiel qui soit déjà en relation avec Aquila et puisse également apporter de nouveaux clients à l’entreprise. C’est ainsi que Markus Angst, chez Aquila, m’a mis en contact avec Andres Lakatos.

Andres Lakatos, en quoi votre travail quotidien a-t-il changé depuis votre arrivée chez Aquila Chommie Finance ?

Le changement a été énorme. Après la pandémie, j’avais pris l’habitude de travailler à la maison. Maintenant, je me rends au bureau tous les jours. Cela a stimulé ma créativité et nourri la communication interpersonnelle. Dans le même temps, la charge de travail a sensiblement augmenté. En l’espace de cinq mois, nous avons déjà beaucoup accompli. Nous avons ouvert un nouveau bureau, centralisé toutes les fonctions administratives et optimisé le service à la clientèle. Nous avons lancé de nouveaux produits et nous nous sommes ouvert l’accès au marché américain grâce au partenariat conclu avec un multi family office enregistré auprès de la SEC.

Quelles sont les prochaines étapes pour Aquila Chommie Finance ?

Andres Lakatos. Au premier trimestre 2025, Beat prendra une retraite bien méritée. Nous allons ensuite repositionner et relancer la société et rebrancherons l’entreprise. Nous tenons à mettre en place un modèle multi-partenaires, notamment pour la région LATAM. Dans cette même région, nous sommes également ouverts à des partenariats locaux en Amérique latine, capables de produire des avantages supplémentaires pour nos clients. J’observe une tendance croissante chez les gestionnaires de fortune expérimentés à quitter les multi family offices pour des sociétés de type boutique, où ils jouissent d’une plus grande liberté de décision et d’action. C’est pourquoi nous recherchons de nouveaux partenaires qui, comme moi, sont actifs dans la gestion de fortune, disposent déjà d’un portefeuille de clients établi et souhaitent franchir une nouvelle étape dans leur carrière. Dans les années à venir, l’une de nos priorités sera de gagner la confiance de la prochaine génération de clients et de la maintenir sur le long terme.

 

Beat Studer

Aquila Chommie Finance

Beat Studer est un financier chevronné, dont la carrière s’est déroulée en grande partie à l’international. Après sa formation à Zoug et à Zurich, il a commencé à travailler pour le Credit Suisse dans le domaine des fonds d’investissement. En 1977, pour Credit Suisse, il s’est installé en Amérique du Sud, à Caracas, où il a fini par occuper des fonctions de mandataire. Il a par la suite tenu des postes de direction à la Société Financière du Château et chez P. Schmid & Associés. Depuis 2011, il est associé-gérant et délégué du conseil d’administration d’Aquila Chommie Finance.

Andres Lakatos

Aquila Chommie Finance

Andres Lakatos est un professionnel de la finance qui dispose d’une longue expérience.

Il a commencé sa carrière au Credit Suisse en 2002 et a gravi les échelons jusqu’à devenir vice-président du Private Banking pour l’Amérique latine. Après avoir travaillé en Suisse, dans les Caraïbes et en Amérique du Sud, il a rejoint Marcuard Heritage à Zurich en 2016 en tant que managing director. Depuis juin 2024, il est partenaire chez Aquila Chommie Finance. Andres Lakatos est titulaire d’un Executive MBA de l’IE Business School et d’un Bachelor in Business Administration de la ZHAW.

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The Swiss Financial Arena

Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

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Solutions EAM

  • Interview Vivien Jain
  • Chief Executive Officer
  • Aquila

« Un processus de succession bien mené peut demander trois à cinq ans »

Plusieurs options s’offrent aujourd’hui aux gérants indépendants qui cherchent un repreneur. Ils sont nombreux dans cette situation aujourd’hui.  Vivien Jain examine ici les différents scénarios à envisager, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Quel que soit le schéma retenu, le facteur temps joue un rôle crucial dans le processus.

Par Jérôme Sicard

Pourquoi le thème de la planification de la succession est-il particulièrement pertinent pour vous en ce moment ?

Notre expérience, appuyée par les données du marché, montrent qu’au cours des prochaines années, environ 20 à 30 % des gestionnaires de fortune atteindront l’âge de la retraite fixé à 65 ans. Pour bon nombre d’experts, un processus de succession bien mené peut demander trois à cinq ans. Il est donc crucial, en tant qu’entrepreneur, de se pencher sur le sujet suffisamment tôt et d’avoir un plan directeur en tête. Il ne s’agit pas seulement de l’entreprise elle-même, mais aussi des clients qui souhaitent une solution durable. Sans clients, la société ne vaudrait – en forçant un peu le trait – presque rien. Dans la mesure où nous opérons dans un secteur hautement personnel et difficilement interchangeable, ce processus doit être mené avec le plus grand soin.

Quelles options les gérants  indépendants  devraient-ils envisager aujourd’hui lorsqu’il s’agit de leur succession ?

Il y a deux questions clés qui se posent : puis-je régler la succession en interne, avec peut-être des partenaires plus jeunes voire avec mes propres enfants, ou dois-je plutôt chercher une solution externe ? Une solution de succession interne peut être préparée par des remplacements anticipés au sein du service clientèle. Pour une solution externe, il faut d’abord trouver le repreneur adéquat, ce qui est souvent plus compliqué et prend plus de temps qu’on ne le pense.

Une autre voie est la consolidation – si l’on ne trouve pas de successeur adéquat, il reste la possibilité de s’associer à une autre société. Toutefois, cela nécessite d’abandonner sa propre entreprise et de s’intégrer dans une autre culture d’entreprise, ce qui ne peut fonctionner que si les valeurs et les méthodes de travail sont les mêmes. En outre, la volonté de lâcher prise est déterminante pour la réussite d’une succession.

Quelle serait, selon vous, la meilleure solution?

Il n’existe pas de « meilleure » solution, ou de solution universelle. Tout dépend toujours de la situation individuelle de l’entreprise : sa structure ? les attentes des propriétaires ? l’état d’esprit et l’appétit pour le risque des personnes concernées ? Et le temps pendant lequel le propriétaire souhaite rester actif ? Dans de nombreux cas, la situation actuelle se résume à une consolidation, ne serait-ce que pour des raisons de réglementation et de coûts. Le combattant solitaire a aujourd’hui la vie plus dure, raison pour laquelle les partenariats avec des entreprises partageant les mêmes idées sont souvent le meilleur choix. À la fin de la journée, la meilleure solution est toujours celle qui satisfait les clients.

Quelles sont les principales différences entre les asset deals et les share deals ?

Pour le vendeur, un share deal est souvent plus intéressant, car il y a des avantages fiscaux et il n’est pas nécessaire de liquider l’entreprise. L’acheteur reprend toutefois l’ensemble de la société, y compris toutes ses obligations, d’où la nécessité d’une due diligence approfondie. Les spécialistes du marché pensent que les coûts d’une bonne due diligence ne sont réellement rentables qu’à partir d’un volume d’actifs d’environ 1 milliard de francs. Pour des actifs plus petits, les dépenses peuvent être disproportionnées.

En revanche, un asset deal implique un nouveau transfert de la relation client. L’avantage pour l’acheteur est de pouvoir reprendre seulement les clients qui lui conviennent. Au sein du groupe Aquila, nous avons déjà expérimenté les deux variantes, ce qui nous donne une certaine flexibilité dans la gestion des solutions de succession.

Quel serait, selon vous, le pire scénario dans un processus de succession ?

Le pire des scénarios serait que la répartition des rôles entre le repreneur et le cédant ne soit pas clairement définie. De gros problèmes peuvent également survenir si les stratégies d’investissement diffèrent trop ou si des problèmes de santé doivent accélérer le processus. Le pire des cas est toutefois celui où le cédant n’arrive pas à lâcher prise. Il est crucial de fixer les règles du jeu suffisamment tôt afin d’éviter ce type de malentendus.

Comment Aquila soutient les sociétés de gestion qui s’engagent dans la phase de succession ?

Nous accompagnons nos partenaires dans toutes les phases de développement de leur entreprise, de la création à la planification de la succession. Notre réseau et notre longue expérience nous permettent de trouver le bon match pour une succession.

Nous avons déjà pu mettre en œuvre avec succès plusieurs solutions de succession, que ce soit par des transferts internes, des fusions ou l’intégration de partenaires externes. Par ailleurs, nous ne travaillons pas uniquement pour les sociétés Aquila, nous proposons notre expertise à l’ensemble du marché.

Quelles étapes préliminaires les gérants indépendants doivent-ils suivre pour réussir leur succession ?

L’étape la plus importante est de développer très tôt un plan directeur et de le revoir régulièrement. La famille ou le partenaire devraient être impliqués dans le processus, tout comme les clients, car leurs attentes jouent un rôle important.

Combien de temps faut-il prévoir pour une succession réussie ?

Si tout se déroule sans problème, le processus dure en général deux à trois ans. Mais si l’on doit encore chercher le successeur adéquat, cela peut prendre jusqu’à cinq ans. Plus on prend le temps de planifier, plus les options se multiplient.

Comment les clients doivent-ils être impliqués dans le processus de succession ?

Les clients devraient être informés à temps et complètement intégrés dans ce processus. En effectuant par exemple des visites en compagnie du successeur afin de renforcer la confiance. Une phase de transition d’environ deux ans me semble idéale pour que client puisse percevoir la continuité et s’en satisfaire.

Qu’est-ce qui est souvent négligé dans le processus de succession ?

Les facteurs humains sont souvent négligés dans la transmission. Beaucoup ne prennent pas le temps de réfléchir suffisamment tôt à la façon dont leur rôle évoluera après la passation, ni à la manière dont ils utiliseront le temps ainsi libéré. L’aspect émotionnel du détachement est fréquemment sous-estimé, tandis que l’attention se porte parfois de façon excessive sur les aspects financiers.

Vivien Jain

Aquila

Vivien Jain dirige la société Aquila en tant que CEO depuis 2021, succédant alors au fondateur de l’entreprise, Max Cotting, qui a pris de son côté la présidence du conseil d’administration. Âgée de 39 ans, elle fait partie de la famille Aquila depuis 2014 et a pris en 2016 la responsabilité des domaines juridiques, de la conformité et des risques. Avec sa double nationalité canadienne et suisse ainsi que ses racines indiennes, elle apporte une perspective aux multiples facettes. Vivien Jain a suivi des études de droit avant d’exercer différents postes dans des cabinets d’avocats en Suisse et à l’étranger, notamment au sein de la société d’audit et de conseil PwC à Zurich.

 

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Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

Valorisation

Solutions EAM

  • Interview Carine Frick-Delaloye
  • Head Corporate & Business Development
  • Aquila

Par Jérôme Sicard

« Les clients forment encore et toujours le véritable capital d’une société »

Dans le nouvel environnement que façonne la LSFin/LEFin, la question des successions est devenue cruciale pour de nombreux gérants indépendants. Dans cette interview, Carine Frick Delaloye explore ce sujet sous l’angle de la valorisation, en mettant l’accent sur la profitabilité des actifs.

Quels sont les indicateurs ou métriques clés généralement utilisés pour évaluer une société de gestion?

Lors de l’évaluation d’une société de gestion, l’accent est mis principalement sur les actifs gérés et le chiffre d’affaires. Ces chiffres clés doivent toujours être considérés dans le contexte du ROA, le rendement des actifs. Le portefeuille de clients joue également un rôle central. À cet égard, la structure d’âge des clients, le volume moyen des encours, le nombre de clients ainsi que les risques potentiels de concentration et la répartition géographique sont importants. Un autre aspect essentiel est la question du temps pendant lequel le cédant aidera l’entreprise à conserver ses clients.

Par ailleurs, il faut rester à l’écoute du marché.

Les actifs sous gestion constituent de toute évidence un indicateur clé, mais ils n’en demeurent pas moins un facteur d’incertitude. En cas de vente, il n’est pas garanti que les clients restent fidèles au nouveau propriétaire. En substance, la valeur d’une société est étroitement liée aux relations avec les clients et à leur chiffre d’affaires. De nos jours, une licence FINMA n’a pas nécessairement une valeur spécifique, car elle ne constitue qu’une condition préalable pour accéder au marché.

Quels sont les problèmes qui se posent lorsque la valorisation est basée uniquement sur l’EBITDA ?

Beaucoup de gérants déduisent souvent leurs bénéfices sous forme de salaire, de bonus ou de dividendes. L’EBITDA s’en voit réduit d’autant. Dans bien des cas, cela le rend peu pertinent comme base de valorisation, et c’est plus particulièrement vrai pour les petites structures opérées par leurs propriétaires. En fait, ce sont encore et toujours les clients qui forment le véritable capital, tandis que la société elle-même n’est souvent qu’une simple ‘enveloppe sous licence’.

Quels autres modèles de valorisation recommanderiez-vous ?

Comme je viens de le mentionner, la vraie richesse d’une société de gestion de fortune, ce sont ses clients et sa capacité à les transférer en d’autres mains. C’est pourquoi le ROA nous semble être le modèle d’évaluation le plus juste et le plus pertinent. Tant le portefeuille de clients que le rôle du cédant y jouent un rôle clé.

Comme je viens de le mentionner, la vraie richesse d’une société de gestion de fortune, ce sont ses clients et sa capacité à les transférer en d’autres mains. C’est pourquoi le ROA nous semble être le modèle d’évaluation le plus juste et le plus pertinent. Tant le portefeuille de clients que le rôle du cédant y jouent un rôle clé.

Les jeunes entrepreneurs ne sont pas principalement intéressés par la reprise des actifs de l’ancienne génération d’EAM, mais plutôt par une participation aux revenus. Cette participation aux revenus offre une plus grande sécurité, car elle est axée sur la rentabilité des clients et non sur les actifs gérés, qui pourraient ne pas être maintenus à long terme. En outre, les jeunes entrepreneurs sont prêts à assumer les obligations réglementaires de l’ancienne génération, ce qui devrait également être pris en compte dans l’évaluation.

Comment mesurez-vous la rentabilité d’un portefeuille de clients ?

Comme nous en avons parlé plus tôt, le ROA, autrement dit la profitabilité des encours gérés, est le principal indicateur. Il faut toutefois prêter attention aux structures de clients, comme les family offices, qui gèrent plus souvent des portefeuilles moins rentables pour les membres de la famille. Or, ces portefeuilles sont importants pour la fidélisation des clients, la rétention à long terme et la croissance. La rentabilité doit donc être considérée dans le contexte global des relations clients et ne pas se limiter à des portefeuilles individuels.

Sur quelle base les actifs gérés sont-ils actuellement négociés ?

Tout dépend encore une fois du portefeuille Clients et des modèles de frais qui y sont associés. Ils jouent un rôle essentiel dans l’équation. Pour prendre un exemple, le ROA des clients suisses peut être nettement inférieur à celui des clients internationaux. Nous observons actuellement qu’un ROA de 0,8 % peut conduire à un prix compris entre 1,5 et 2 %, à condition que le cédant réussisse à conserver les clients pendant encore deux à trois ans.

Quels sont les facteurs qui influencent l’évaluation de ces actifs à la hausse ou à la baisse ?

Le portefeuille clients, qui inclut la structure d’âge et la répartition géographique, joue un rôle crucial dans la détermination du prix. De plus, l’implication du cédant est essentielle pour assurer une transition en douceur. Bien que je reste quelque peu sceptique quant à l’influence significative des pays clients sur le prix, il convient de noter que des licences spéciales, notamment celles requises pour des pays comme l’Afrique du Sud, les États-Unis et le Canada, peuvent accroître la valeur de la société. Ces licences sont souvent coûteuses et difficiles à obtenir.

Par ailleurs, l’organisation même de la société constitue un élément fondamental. Des facteurs négatifs, tels que des problèmes de legacy, ou des rapports de due diligence peu concluants, peuvent entraîner une baisse significative du prix. À l’inverse, un plan de transmission du patrimoine bien élaboré par les clients peut accroître la valeur, car il assure stabilité et continuité à long terme.

Comment un gérant peut-il mieux valoriser ses actifs au fil du temps ?

Une approche judicieuse consiste à envisager combien on serait prêt à payer pour ces actifs en tant qu’acheteur, tout en réfléchissant à la manière d’assurer la fidélité des clients à long terme. Il faut donc aborder des questions telles que la planification de la succession pour ses propres clients et l’élargissement de l’offre afin de renforcer la loyauté de la clientèle. La valorisation devrait également prendre en compte la rentabilité et la tarification – entre banque dépositaire et GFI, par exemple – et, le cas échéant, prévoir des ajustements pour optimiser le ROA. »

Carine Frick-Delaloye

Aquila

Carine Frick-Delaloye a entamé son parcours professionnel au Credit Suisse en 1999. A partir de juin 2008, elle a occupé différents postes de direction dans les divisions Retail et Private Banking. En 2013, elle a pris la direction de la ligne Personal & Business Banking pour le marché rhénan à Zurich avant de passer au Wealth Management où elle a été nommée responsable du pôle EAM. Carine Frick-Delaloye détient un DEA Banque & Finance délivré par le Swiss Finance Institute – Université de Berne, et un CAS Digital Banking de la Kalaidos University of Applied Sciences à Zurich.

 

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Succession

Solutions EAM

  • Markus Angst
  • Responsable Clients, partenaires et collaborations
  • Aquila

Par Jérôme Sicard

« Le prix d’achat doit être basé sur la rentabilité du portefeuille Clients »

Sur l’ensemble des gérants indépendants en activité aujourd’hui, Markus Angst en voit un bon tiers passer la main ces toutes prochaines années. Le thème de la transmission est devenu pour eux un chantier prioritaire, qui exige une approche rationnelle en raison de sa complexité. De même qu’un sens certain de l’anticipation.

Au chapitre de la succession, quelles sont les différentes options qui se présentent aujourd’hui pour les gérants indépendants ?

Les gérants disposent de différentes options, qui dépendent fortement de la taille de la société et des préférences individuelles des associés.

Pour les petites sociétés, avec deux associés au plus, la succession est souvent compliquée. Une possibilité consiste à s’intégrer très tôt dans une société plus grande. L’avantage dans ce cas est de pouvoir transférer le portefeuille Clients sur une plateforme établie qui possède déjà les structures et les ressources nécessaires. La charge juridique et réglementaire s’en trouve allégée et, de plus, il y a en place une base plus stable pour la croissance future et le suivi des clients.

Une autre option pour les gérants de petite taille est de transférer les clients à une autre société qui se concentre autant que possible sur un même segment de clientèle. Le cédant reste alors dans un rôle d’encadrement relationnel, sans responsabilité opérationnelle, ce qui permet une phase de transition plus douce.

Pour les sociétés moyennes et grandes, à plusieurs associés, les possibilités sont plus étendues. Il peut s’agir par exemple d’un plan de succession interne, dans lequel les jeunes associés assument progressivement les responsabilités clés, tandis que le cédant réduit de son côté son volant opérationnel. Ce schéma garantit la continuité du service à la clientèle et favorise en parallèle le développement de nouveaux leaders au sein de l’organisation.

Une autre solution pourrait être d’envisager un transfert définitif des clients et un retrait complet de la société, ce qui permettrait une séparation claire et un transfert ordonné des responsabilités.

Pour tous les gérants, quelle que soit leur taille, il reste encore la possibilité de vendre la société à des tiers. Ce qui peut néanmoins engendrer quelques tensions sur le plan émotionnel, car les relations de longue date avec les clients et la réputation de la société changent de mains.

Pour résumer, le choix final dépend fortement des circonstances et des objectifs spécifiques de chaque gérant. Une analyse précoce et approfondie des options disponibles est essentielle pour prendre une décision qui soit à la fois viable à long terme et satisfaisante pour toutes les parties concernées.

Parmi toutes ces options, lesquelles vous paraissent les plus réalisables ?

Pour les sociétés qui n’ont pas plus de deux associés, l’intégration dans une société plus grande me semble l’option la plus réaliste. Pour les sociétés plus grandes, la solution en interne est souvent l’option privilégiée. Auquel cas, il est possible de recruter dans l’entreprise des successeurs qui ont déjà une connaissance approfondie des structures de l’entreprise et des besoins des clients. La transition s’en trouve facilitée, et le risque de perdre de clients en raison d’un manque de continuité ou d’un suivi insuffisant s’en voit minimisé.

Je rajouterais aussi qu’il est vraiment très important de prendre en compte la structure d’âge des associés au sein de la société. Elle peut avoir énormément d’influence sur le timing de la succession, ainsi que sur sa planification. Dans de nombreux cas, l’identification et le recrutement précoces d’un successeur potentiel peuvent être la meilleure stratégie pour assurer la continuité à long terme.

Quels principaux pièges les gérants sont-ils susceptibles de rencontrer ?

Les principaux pièges comprennent souvent la difficulté à anticiper et à commencer la planification suffisamment tôt. Un autre écueil est la composante émotionnelle de la cession ainsi que le manque d’objectifs clairs définis pour la période qui s’en suit. Le processus de succession prend souvent plus de temps que prévu. Il nécessite une coordination minutieuse des aspects financiers, juridiques et personnels.

Quels sont les principaux obstacles, tant du côté de l’achat que du côté de la vente ?

Les aspects humains et les décisions émotionnelles sont les principaux obstacles. Du côté de l’acheteur, des vérifications préalables minutieuses doivent être effectuées pour bien évaluer les risques potentiels. Le prix d’achat doit être basé de manière réaliste sur la rentabilité du portefeuille de clients car, souvent, les normes du marché ne reflètent pas la valeur économique réelle.

Sur ce thème de la succession, comment voyez-vous le secteur des GFI bouger en ce moment?

Le marché est confronté à un important défi démographique. De nombreux associés s’apprêtent à prendre leur retraite. Dans les 1’400 sociétés agréées Finma, c’est un problème qui concerne un bon tiers des associés. La nécessité de planifier la relève de manière structurée se fait donc de plus en plus pressante. Au sein du réseau Aquila et en dehors, nous voyons bien qu’il y a une demande de plus en plus forte pour du soutien et des conseils dans ce domaine. Il est donc essentiel d’aborder la question de la succession à un stade précoce afin d’assurer une continuité sans faille dans la gestion de la relation client.

En termes d’évaluation, quels sont les modèles les plus populaires ?

La valorisation des sociétés de gestion de fortune ne repose pas uniquement sur des indicateurs financiers tels que l’EBITDA, mais de plus en plus sur la rentabilité du portefeuille de clients. Cette approche me semble d’autant plus pertinente que de nombreux gérants ont retiré d’importants bénéfices de l’entreprise au fil du temps. La valorisation basée sur l’EBITDA s’en trouve donc faussée. Des modèles de valorisation plus réalistes doivent donc tenir compte de la fidélisation des clients sur le long terme et de la rentabilité.

Les prix des AUM ont-ils augmenté ou diminué au cours des dix dernières années ?

Les prix ont eu tendance à se stabiliser ou à baisser en raison d’une évaluation plus réaliste de la rentabilité des clients. Les normes antérieures, qui fixaient le prix de vente à 3 ou 4 % des encours se sont souvent révélées irréalistes et n’ont que rarement abouti à des transactions réussies.

Où les acheteurs doivent-ils désormais concentrer leur attention ?

Il faut en passer par l’analyse minutieuse du portefeuille de clients et des risques liés. Une due diligence approfondie est indispensable pour éviter des complications futures. L’adéquation stratégique et culturelle entre l’acheteur et l’entreprise cible est également essentielle pour garantir une intégration réussie et maintenir la fidélité des clients.

Et qu’en-est-il du côté des vendeurs ?

Ils doivent se résoudre à proposer un prix réaliste et à préparer la transmission de manière exhaustive. Une volonté claire de remettre l’entreprise et les clients entre les mains de l’acheteur est fondamentale dans le processus de vente. Le vendeur assume encore certaines responsabilités juridiques après la vente. Il doit donc planifier soigneusement la dissolution de la société et le respect des obligations réglementaires.

Qu’est-ce qui est préférable aujourd’hui pour un EAM : créer sa propre structure à partir de zéro ou acheter une structure existante ?

Ce choix dépend de plusieurs facteurs. Une nouvelle structure offre la possibilité de créer une organisation sur mesure sans legacy. L’achat d’une structure existante avec une licence FINMA nécessite toutefois un examen approfondi et l’approbation de la FINMA, ce qui implique des défis supplémentaires.

D’après les retours que vous avez du marché, combien de sociétés auront à gérer leur succession au cours des cinq à dix prochaines années ?

Une part importante ! Probablement entre le quart et le tiers des sociétés en activité aujourd’hui. Cette tendance, dictée par des facteurs démographiques, oblige à une planification proactive de la succession pour garantir la continuité et s’assurer de la loyauté de la clientèle.

Markus Angst

 Aquila

Markus Angst a rejoint Aquila en 2013, comme membre de la direction générale et responsable des services bancaires. Après avoir joué un rôle déterminant dans le développement de l’Aquila Bank, il dirige depuis 2021 le secteur Clients, partenaires et coopération. Markus Angst a travaillé auparavant pour la banque Leu, puis Clariden Leu, de 1986 à 2012. Il a d’abord été responsable de divers départements du back office avant de devenir responsable mondial des gérants indépendants en 1999. Markus Angst est diplômé de l’Université de Lucerne, où il a obtenu un Master Exécutif en Administration des Affaires

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Plateforme

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  • Interview Carine Frick-Delaloye
  • Head Corporate & Business Development, Aquila
  • Head Bank Aquila

« La volonté de déléguer certaines fonctions devient de plus en plus perceptible »

Ancienne responsable du pôle EAM Core chez Credit Suisse, Carine Frick-Delaloye a rejoint cette année la direction d’Aquila. Elle a pris sous sa responsabilité le développement de la plateforme et s’est vu confier également la direction de la banque dépositaire. Au cœur de ses priorités : des services plus compétitifs et un accompagnement plus adapté pour les tiers-gérants.

Avec les nouvelles réglementations, la surveillance prudentielle, le digital, comment voyez-vous le métier de gérant se transformer, dans l’offre comme dans les modes opératoires ?

Le marché des tiers gérants va se consolider dans les prochaines années, dû principalement à l’augmentation des coûts et de la réglementation. A l’avenir, les petites entreprises avec une ou deux personnes auront beaucoup de peine à rester profitables. Les nouvelles entreprises qui se créent à l’heure actuelle se composent en général de trois à cinq personnes afin d’avoir une base de clients et de revenus plus importante. De plus, la volonté de se concentrer sur la gestion des clients et de déléguer certaines fonctions devient de plus en plus perceptible.

Les gérants sont également confrontés à un changement de génération de leur clientèle. Outre le fait d’assurer la continuité des clients, ils doivent faire face à de nouvelles attentes, comme plus de transparence en matière de prix et de services. La proximité avec les clients et les bonnes performances ne suffisent plus en tant qu’USP pour la NextGen. Le gérant devra donc étendre sa gamme pour rester attractif.

Quel est le cœur de la proposition que vous formulez aujourd’hui aux gérants indépendants susceptibles de vous rejoindre ?

Aquila déploie pour les tiers gérants une solution complète à partir d’une seule et même source, ce qui nous différencie des autres prestataires. Nous ne nous contentons pas de proposer différentes options en matière d’outsourcing ; nous sommes d’abord des « coéquipiers » pour les gérants indépendants. Nous leur apportons des conseils dans chacune des phases qui rythment le développement de leur société, de la fondation à la succession. Nous y ajoutons une large palette de services qui couvrent différentes fonctions : juridique, fiduciaire, informatique, ressources humaines, administration ou encore gestion d’entreprise.

Les gérants ont également la possibilité d’ouvrir des comptes pour leurs clients auprès de notre propre banque dépositaire, la banque Aquila, ouverte en 2012 et destinée aux GFI suisses, qu’ils soient affiliés à Aquila ou non. Notre équipe Investment & Wealth Management assiste les gérants dans tous les aspects relatifs aux placements.  Leurs prestations peuvent inclure de l’advisory, des analyses de marchés ou encore des rapports consolidés en matière de risque et de performance.

Quels leviers de croissance allez-vous activer pour Aquila ces prochaines années ?

Un grand nombre de gérants se trouvent engagés dans une période charnière où se pose la question de leur propre succession. C’est un développement que nous observons d’ailleurs au sein même d’Aquila et nous lui consacrons de plus en plus de temps. A mon avis, il y a un potentiel important sur l’ensemble du marché suisse. Cependant, c’est un sujet qu’il n’est pas toujours facile d’aborder et de traiter. Il demande du tact et de l’expérience. Vu la taille de notre réseau, qui rassemble aujourd’hui 90 partenaires, nous avons cependant acquis au fil des années une expertise appréciable dans ce domaine.

Nous voyons un deuxième levier de croissance chez les nouveaux gérants indépendants, qui manifestent de l’intérêt pour une plateforme de services comme la nôtre au vu de l’augmentation des coûts qui touche l’ensemble du secteur. Juridique, cybersécurité, IT, révision, digitalisation : aucun domaine n’y échappe, et les budgets augmentent continuellement. Dès lors, une plateforme comme celle d’Aquila prend tout son sens. Elle permet de mutualiser les coûts, tout en s’adaptant jour après jour aux nouvelles normes qui régissent le secteur. Les gérants bénéficient donc d’un service complet délivré par un seul et même prestataire, à un prix conforme aux évolutions du marché. Il leur est alors d’autant plus facile de se concentrer sur la gestion de la clientèle. 

Quels développements voulez-vous donner à Aquila sur un marché où vous êtes moins présent, celui de la Suisse romande ?

Il est vrai qu’Aquila est moins visible en Romandie, bien que nous ayons déjà plusieurs partenaires à Genève et à Lausanne. Cependant, je ne pense pas que les besoins des gérants indépendants romands différent beaucoup par rapport à ceux de leurs collègues tessinois ou alémaniques. Etant moi-même Romande, je suis certaine que le modèle d’Aquila peut très bien fonctionner au-delà du « röstigraben ». Je me réjouis donc de développer Aquila en Suisse romande ces prochaines années. Ce sont là des perspectives qui me tiennent personnellement à cœur.

Carine Frick-Delaloye

Aquila

Carine Frick-Delaloye a entamé son parcours professionnel au Credit Suisse en 1995. A partir de juin 2008, elle a occupé différents postes de direction dans les divisions Retail et Private Banking. En 2013, elle a pris la direction de la ligne Personal & Business Banking pour le marché rhénan à Zurich avant de passer au Wealth Management où elle a été nommée responsable du pôle EAM Core. Carine Frick-Delaloye détient un DEA Banque & Finance délivré par le Swiss Finance Institute – Université de Berne, et un CAS Digital Banking de la Kalaidos University of Applied Sciences à Zurich.