Solutions d’investissement
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- Interview Emmanuel Petit
- Responsable de la gestion obligataire, gérant de R-co Conviction Credit Euro
- Rothschild & Co Asset Management
Des baisses de taux synonymes d’opportunités ?
Alors que la BCE et la Fed viennent toutes deux d’entamer la normalisation de leurs politiques monétaires, le rythme et l’ampleur de ce mouvement restent encore incertains au regard des fondamentaux économiques. Emmanuel Petit livre ici son analyse sur ce nouvel environnement.
Comment interpréter les dernières baisses de taux directeurs ?
Les décisions prisent dernièrement par les banques centrales marquent clairement l’enclenchement d’un cycle de baisse de taux. La BCE a déjà opéré deux baisses de 25 points de base, en juin, puis en septembre, alors que la Fed vient d’entériner une première baisse de 50 points de base, une première depuis 2020. Ces décisions s’appuient sur des chiffres d’inflation globale bien orientés, à 2,2 % en Europe et 2,5 % aux États-Unis, proches de la cible des 2 %. L’inflation structurelle, dite « core », hors alimentation et énergie, reste toutefois stable, autour de 2,8 % en Europe et 3,2 % aux États-Unis. Elle reste soutenue par un secteur des services particulièrement exposé aux pressions salariales.
Cette décision marque-t-elle un changement d’appréciation de la part des banques centrales ?
En dépit de ce changement de cap, les banques centrales continuent de marteler qu’elles sont et resteront « data dependent ». Jusqu’à présent, l’inflation leur servait de boussole mais, désormais, ce sont les données d’emploi qui sont observées avec la plus grande attention. La décision d’assouplir leurs politiques monétaires indiquent néanmoins qu’elles misent toutes deux sur une hausse du taux de chômage dans les mois à venir.
Comment se comporte le marché de l’emploi dans ces deux zones ?
En Europe, le taux de chômage est au plus bas et la croissance des salaires reste vigoureuse, à près de 4 %, sans gain de productivité. Les entreprises pourraient, dès lors, être tentées d’augmenter leurs prix pour maintenir leurs marges. Du côté des États-Unis, le taux de chômage à, certes, augmenté de 0,8 % depuis son point bas du mois de mai 2023 mais, comme l’indiquaient les dernières publications, les inscriptions au chômage tendent également à la baisse. Avec des ventes au détail qui restent résilientes, ces chiffres nous indiquent que nous sommes encore loin d’un environnement récessionniste.
À quoi peut-on s’attendre dans les mois à venir ?
Pour l’instant, on peut estimer que les banques centrales réduisent leur politique monétaire restrictive au rythme de la perte de vitesse des économies. Il faudrait que ces dernières chutent brutalement au cours des prochains mois pour que les banques centrales se sentent véritablement à l’aise avec l’idée de continuer à baisser leurs taux. Lorsque l’on regarde les indicateurs avancés, ils signalent d’ores et déjà un ralentissement économique. Néanmoins, la valorisation des actifs risqués n’intègre absolument pas l’éventualité d’une récession. Un scénario alternatif à la récession et au « soft landing » repose sur l’idée que les banques centrales commencent trop tôt à desserrer l’étau monétaire, avant que l’inflation ne soit revenue à la cible. En reboostant l’économie par des baisses de taux, le risque serait faire repartir l’inflation, et donc de remonter les taux plus tard avec, pour le coup, un impact très négatif sur l’économie. Les banques centrales prennent donc actuellement un vrai pari concernant la maitrise de l’inflation.
Où se situent actuellement les niveaux de taux ?
Les courbes de taux se sont repentifiés durant l’été. La pente de la courbe américaine s’est même réinstallée en territoire positif entre le 2 et le 10 ans, après avoir atteint un plus bas, à -110 points de base, en Juillet 2023. Nous pensons néanmoins qu’il convient de prendre un peu de perspective. Le point haut atteint par les taux européens date d’octobre 2023 et s’établissait à près de 3 %. Son niveau se situe désormais à 2,15 % alors que la repentification des courbes a débuté en juillet 2023.
Quelle approche privilégier dans cet environnement ?
Actuellement, la difficulté tient au positionnement à prendre vis-à-vis des anticipations de taux à un an. Nous considérons qu’il convient de se montrer plus prudent sur la duration pour deux raisons, avec un biais pour la pentification de la courbe. La première concerne la valorisation des courbes de taux qui intègre déjà un scénario de récession, notamment via des anticipations d’inflation à 1,60 % sur la courbe allemande, alors que la cible des banques centrales est de 2 %.
Par ailleurs, si les marchés se montrent trop optimistes quant au rythme et à l’ampleur des baisses de taux, dans le cas où l’économie reste résiliente, on peut s’attendre à une hausse de la volatilité qu’il faudra être en mesure de capter. Cette volatilité se matérialisera certainement sur les taux, mais également sur le crédit, où les spreads se sont beaucoup resserrés. Par ailleurs, cette classe d’actifs réagirait particulièrement mal si les investisseurs venaient à être pris à contrepied sur les taux. Une situation qui, pour le coup, précédera un retournement cyclique plus dur. Compte tenu de ces éléments, cette stratégie nous paraît actuellement être la plus convexe.
Emmanuel Petit
Rothschild & Co Asset Management
Emmanuel Petit a débuté sa carrière en 1998 chez HSBC Asset Management comme analyste dans le domaine de l’attribution de performances AIMR-GIPS puis il est devenu analyste crédit en 2001. En 2006, il rejoint Rothschild & Co Asset Management en tant que gérant obligataire sur les obligations privées. Il en est responsable de la gestion obligataire depuis 2011. Emmanuel est diplômé d’un mastère spécialisé en Finance d’entreprise et membre de la SFAF (Société Française des Analystes Financiers).
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