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Solutions Investissement

    • Hugo Rouast
    • Head of Advisory
    • Matis

    « Nous nous concentrons sur les 100 à 150 artistes les plus importants de l’après-guerre ».

    Matis, qui se lance sur le marché suisse, propose des co-investissements, sous forme d’obligations convertibles, dans des œuvres de majeures de grands artistes contemporains. Ce sont des noms emblématiques, qui ont profondément marqué l’histoire de l’art, avec une cote solide, bien établie, comme le précise ici Hugo Rouast.

    Par Jérôme Sicard

    Comment se positionne aujourd’hui Matis sur le marché de l’art ?

    Nous sommes une société d’investissement spécialisée dans l’art contemporain. Nous proposons à nos investisseurs de co-investir dans des œuvres majeures de grands artistes de l’après-guerre avec un ticket d’entrée à 20 000 euros, environ 19’000 francs.

    Le marché de l’art a cette particularité d’être très peu endetté — moins de 1 % La commercialisation des œuvres se fait essentiellement via les galeries ou les maisons de vente aux enchères. Lorsqu’une galerie choisit d’exposer un artiste, elle achète l’œuvre avec ses fonds propres. Selon les montants en jeu, cela peut représenter un effort de trésorerie très conséquent.

    C’est là qu’intervient Matis. Notre modèle repose sur le co-investissement. L’oeuvre est financée par plusieurs investisseurs et détenue par une société dédiée. Elle est ensuite « consignée », c’est-à-dire confiée à une galerie, non pas pour être stockée mais pour être exposée et mise en vente. L’avantage pour la galerie, c’est qu’elle n’a plus à mobiliser de capitaux pour acheter l’œuvre

    Les investisseurs, eux, souscrivent à des obligations convertibles adossées à une œuvre précise. Ils savent donc exactement dans quoi ils investissent. Notre sélection se concentre sur les 100 à 150 artistes les plus importants de l’après-guerre tels que Andy Warhol, Pablo Picasso, Pierre Soulages, Josef Albers ou Yves Klein.

    Quel est votre track record à ce jour ?

    Matis a été créé en 2023. En avril, nous avons dépassé les 50 millions d’euros de collecte, avec lesquels nous avons procédé à l’acquisition de 52 œuvres dont 10 ont déjà été revendues.

    Comment approchez-vous ce marché de l’art contemporain en tant qu’acheteur ?
    Il y a plusieurs façons d’investir dans l’art. Certains choisissent de se concentrer sur un ou sur des artistes émergents, en espérant trouver la perle rare. C’est une approche tout à fait légitime, mais ce n’est pas notre métier. Et surtout, ce n’est pas un risque que nous souhaitons faire porter à nos clients.

    Notre approche consiste à travailler sur des artistes qui ont déjà une cote solide — stable, voire en légère progression. L’objectif, c’est de générer de la valeur non pas en spéculant sur leur succès futur, mais en battant le marché à l’acquisition

    Ces opportunités se présentent régulièrement. Il y a un parallèle à établir avec le marché de l’immobilier, où les propriétaires sont parfois obligés de céder un objet rapidement pour des besoins de liquidité. C’est là que Matis intervient. Nous sommes capables de nous positionner très rapidement Cette réactivité nous permet d’accéder à des opportunités que d’autres acteurs ne peuvent pas saisir.

    Comment se passe la sélection des œuvres?

    Nous nous focalisons d’abord sur l’art contemporain, tout simplement parce que c’est le segment le plus dynamique du marché. Il représente aujourd’hui plus de 50 % des transactions, qu’il s’agisse de ventes aux enchères ou de ventes privées.

    Nous avons parfois une image très élitiste du marché de l’art, mais la réalité est différente. Environ 93 % des œuvres échangées se vendent à moins de 50’000 dollars.

    En revanche, le véritable potentiel de valorisation se situe dans une autre tranche : celle des œuvres estimées entre 500’000 et 5 millions de dollars. Ce segment-là — qui ne représente qu’environ 1 % du volume des transactions — concentre plus de la moitié des montants négociés sur le marché. C’est précisément là que nous nous positionnons, sur des œuvres iconiques d’artistes emblématiques, avec une vraie profondeur de marché et un réel potentiel de revente.

    Combien d’artistes suivez-vous sur vos radars ?

    L’indice Artprice 100, qui regroupe les cent artistes les plus échangés sur le marché, est une base assez représentative. Et si on élargit un peu, nous suivons de près une sélection d’environ 150 artistes. Nous nous intéressons surtout à des noms qui ont profondément marqué l’histoire de l’art.

    Un critère clé pour nous est leur présence dans les musées. Elle confère une forme de reconnaissance institutionnelle, qui renforce la stabilité de la cote dans le temps. À l’inverse, nous pouvons prendre l’exemple d’artistes extrêmement populaires, dont certaines œuvres atteignent des montants très élevés. Pourtant, nous ne les intégrons pas à notre univers d’investissement. Pourquoi ? Parce qu’ils ne sont pas ou peu présents dans les musées. Leur cote pourrait donc être plus vulnérable, notamment en cas de retournement de marché.

    Pourquoi le choix des obligations convertibles pour vos co-investissements ?

    Ce choix repose sur deux critères essentiels qui sont la fiscalité et la sécurité. Le choix des obligations convertibles permet de ne pas alourdir l’investissement avec la charge fiscale de la double imposition au niveau de la société qui détient l’œuvre. Or, notre opération est avant tout financière : elle vise à dégager un rendement substantiel pour l’investisseur, ce qui s’avère plus efficient avec des obligations convertibles.

    Et comme leur nom l’indique, ces obligations peuvent aussi se transformer en actions. Si, au bout de cinq ans, l’œuvre n’a pas été vendue, les investisseurs deviennent automatiquement copropriétaires de l’œuvre, au prorata de leur investissement. Ils ont alors la liberté de décider de la suite : conserver l’œuvre ou la mettre en vente — probablement via une maison d’enchères dans ce scénario. La véritable sécurité pour l’investisseur, c’est l’œuvre elle-même. Elle constitue le collatéral.

    Quels sont les rendements obtenus sur les opérations que vous avez menées jusqu’à présent?

     Nous avons opéré la cession de 10 œuvres sur les 52 acquisitions effectuées. La plus value moyenne s’est  élevée à 16,5 % nette de frais, avec une durée de détention moyenne d’un peu moins de huit mois. Nous arrivons donc à un TRI de 54.4 %. Le chiffre peut sembler impressionnant, mais il n’est pas dû au prix auquel nous avons revendu l’œuvre. C’est la rapidité avec laquelle nous avons trouvé l’acquéreur qui rend ce TRI aussi élevé. Notre force réside précisément là, dans notre vitesse d’exécution.

    Avant même d’acheter une œuvre, nous avons effectué un énorme travail d’anticipation. L’idée, ce n’est vraiment pas d’acheter pour conserver, mais d’acquérir uniquement ce que nous pensons pouvoir revendre dans un délai cible de deux à cinq ans. C’est ce qui nous a permis, par exemple, de revendre récemment une œuvre de Josef Albers en moins de cinq mois.

    Hugo Rouast

    Matis

    Chez Matis, Hugo Rouast occupe les fonctions de Head of Advisory pour le marché suisse, l’un des principaux axes de développement de la société. Hugo possède plus de dix ans d’expérience dans les domaines de la gestion d’actifs et des relations investisseurs. Il a  initié et développé plusieurs opportunités de co-investissement alternatif en Suisse, et il a également renforcé avec succès des équipes de relations investisseurs à Genève et à Zurich, notamment chez Foxstone. Hugo Rouast est diplômé de l’ecole Supérieure de Commerce de Clermont-Ferrand.

     

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      • Interview Sener Arslan
      • Directeur Suisse
      • QPLIX

      « Un PMS performant peut apporter un avantage décisif aux gérants indépendants ».

      Cloud, connectivité, intelligence artificielle… Les PMS entrent eux-aussi dans leur ère NextGen, avec une capacité accrue à faciliter le quotidien des gérants et à rendre leurs opérations plus fluides. Sener Arslan en présente ici le potentiel.

      Par Jérôme Sicard

      Quels changements majeurs avez-vous observés dans la manière dont fonctionnent les GFI ces dernières années ?
      Le secteur suisse des gérants indépendants a connu une transformation profonde ces dernières années, sous l’effet des changements réglementaires, de l’augmentation des coûts de conformité et de l’accélération de la numérisation. Certains acteurs, plus modestes, ont peut-être rencontré des difficultés d’adaptation, mais les GFI bien capitalisés ont élargi leur empreinte au travers d’acquisitions ou de développement à l’international, et le paysage concurrentiel s’en voit ainsi redéfini.
      Un mouvement de fond, en particulier chez les gérants de plus grande taille, est la focalisation accrue sur des connexions souples et performantes avec différentes banques dépositaires, intégrant des flux de données et des capacités de trader en direct. Cela permet de gérer de manière centralisée et agile des portefeuilles clients répartis sur plusieurs banques, avec une réactivité accrue face aux besoins individuels.
      Concernant les actifs illiquides tels que le capital-investissement ou l’immobilier, les GFI se tournent de plus en plus vers des PMS modernes qui assurent un suivi, un reporting et une intégration sans rupture, en complément des investissements traditionnels. La connexion fluide à des systèmes tiers –pour les contrôles des PEP, la préparation automatisée des données ou le monitoring de la conformité – est aujourd’hui indispensable quand il s’agit d’optimiser les processus et de se plier aux exigences réglementaires.
      Les points de contact numériques prennent également une place centrale, car les clients veulent davantage de transparence et des interactions sans friction. Les PMS de dernière génération permettent un reporting consolidé multi-dépositaires et multi-juridictions. Ils offrent aux clients une vision globale de leur patrimoine, et aux conseillers des moyens d’interagir en continu, avec des visualisations dynamiques de portefeuilles, des analyses personnalisées et un accès mobile aux données. Cela renforce durablement la fidélisation et la qualité du service.

      À votre avis, quelles sont les fonctions secondaires sur lesquelles les EAM perdent le plus de temps ?
      Dans mes échanges avec des gérants suisses, je constate souvent des inefficacités dans des activités qui ne relèvent pas du cœur de métier, mais qui leur prennent du temps et des ressources. Ils citent le plus souvent la consolidation et le rapprochement manuels des données, la documentation réglementaire, le contrôle de conformité, le reporting client et les processus de back-office.
      En matière de consolidation et de reporting, la saisie, l’harmonisation et le rapprochement manuels des données en provenance de banques ou de plateformes fait perdre beaucoup en efficacité. L’intégration des actifs illiquides, dont les données sont souvent issues de sources externes, accroît encore la complexité et sollicite trop de ressources. L’automatisation de ce processus permettrait de gagner en efficacité et de réallouer ces ressources à des tâches plus stratégiques. Ces dysfonctionnements ont un impact tangible sur les marges et l’efficacité opérationnelle, dans un contexte déjà tendu où la pression sur les revenus reste forte.

      Quelles sont, selon vous, les clés pour maximiser leur efficacité ?
      Les sociétés les plus performantes s’appuient sur plusieurs leviers essentiels pour optimiser leur efficacité tout en offrant un service client de haut niveau. Parmi ces leviers figurent la standardisation des processus, une intégration complète des données, l’interaction numérique avec les clients et une supervision automatisée de la conformité.
      Les EAM les plus efficaces privilégient l’intégration des données à travers des systèmes capables d’offrir une vue à 360° du patrimoine client, tous établissements confondus. Cela inclut l’intégration des données issues d’actifs illiquides tels que le private equity et l’immobilier, ce qui permet aux relationship managers de se concentrer sur la planification stratégique et la relation client plutôt que sur des tâches manuelles.
      Grâce à l’adoption de ces stratégies, les EAM peuvent à la fois améliorer leurs opérations, augmenter la satisfaction client et se positionner pour une croissance durable dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Chez Qplix, nous accompagnons les entreprises dans la mise en œuvre de ces solutions pour qu’elles puissent exploiter pleinement leur potentiel.

      Dans quels domaines un système de gestion de portefeuille peut-il leur apporter le plus de valeur aujourd’hui ?
      Un PMS performant peut apporter un avantage décisif aux gérants indépendants en résolvant leurs principaux défis opérationnels et en renforçant leur capacité à servir au mieux leurs clients.
      La consolidation des données multi-dépositaires est l’un des domaines où le PMS offre aujourd’hui le plus de valeur. Il permet d’agréger les données de plusieurs banques dépositaires dans une vue unifiée des portefeuilles clients – un atout majeur dans un pays comme la Suisse, où les relations multibanques sont courantes. De plus, un bon PMS intègre aussi les données d’actifs illiquides, souvent non déposés, afin d’offrir une vision exhaustive du patrimoine.
      D’autres apports clés résident dans l’automatisation des processus manuels, la gestion de la conformité, l’amélioration du reporting client, l’engagement digital et la capacité de montée en charge. Un PMS permet de standardiser les processus dans les domaines de la compliance, de la gestion de portefeuille et de l’exécution des ordres. Des workflows intelligents garantissent la cohérence, tout en préservant la flexibilité indispensable à un service personnalisé.

      Quelles tendances ou innovations façonnent actuellement l’avenir des PMS ?
      L’avenir des PMS est fortement influencé par l’intelligence artificielle, l’automatisation et les technologies cloud. Les PMS modernes automatisent l’analyse des données, le monitoring de la conformité et l’ajustement des portefeuilles.  De cette façon, ils améliorent à la fois l’efficacité opérationnelle et la qualité des décisions.
      Les solutions cloud offrent évolutivité, sécurité et accès distant, tandis que les interfaces intuitives, les fonctions en libre-service et les applications mobiles enrichissent l’expérience utilisateur.
      L’intégration de critères de durabilité et de stratégies d’investissement responsables devient également incontournable, tout comme la connectivité aux systèmes tiers pour le reporting et la conformité. Parallèlement, les exigences en matière de cybersécurité et de protection des données s’intensifient, afin de garantir la confidentialité des données clients.
      Les gérants qui adoptent activement ces innovations technologiques ne renforcent pas seulement leur structure. Ils s’assurent aussi un positionnement plus fort sur le marché de la gestion de fortune.

      Sener Arslan

      QPLIX

      Sener Arslan est Directeur Suisse chez Qplix, en charge du développement commercial sur ce marché. Son domaine d’expertise se concentre sur les gestionnaires de patrimoine, les family offices et les banques. Il a commencé sa carrière en tant que gestionnaire d’actifs chez UBS. Après une expérience dans le conseil en entreprise et la création de sa propre société de gestion, il a pris en charge le développement commercial et la distribution mondiale d’Expersoft. Avant de rejoindre Qplix, Arslan était Group COO de Taurus Wealth à Singapour, Dubaï et en Suisse. Il est titulaire d’un Bachelor of Science en banque et il détient la certification CFA.

       

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        Transition énergétique 3/4

        L’Intégrale

        Transition énergétique 3/4

          • Interview Pierre Mouton, Head of long-only strategies, et Alexis Sautereau, senior portfolio manager
          • NS Partners

          « L’électricité aujourd’hui, c’est un peu le passage de la télévision à internet »

          Le deuxième volet de L’Intégrale s’intéresse à la transition énergétique – ou plutôt, à l’adaptation énergétique, selon l’expression privilégiée par Alexis Sautereau et Pierre Mouton. Ce troisième interview de la série porte sur le thème de l’électrification, avec des changements de modèles assez radicaux qui voient l’émergence de réseaux intelligents capables de gérer des flux dans de multiples directions.

          Comment adapter le réseau électrique à l’électrification massive de secteurs comme l’industrie ou les transports?

          D’abord, l’écart entre l’Europe et les États-Unis en matière d’infrastructures électriques est frappant. Contrairement à l’image souvent véhiculée, l’Europe n’est pas nécessairement en retard. Un simple détour par Malibu, en Californie, suffit pour constater le triste sort de certaines infrastructures électriques américaines, laissées quasiment à l’abandon depuis des décennies. À l’inverse, de nombreuses villes européennes ont enterré leurs réseaux et modernisé leur distribution électrique avec énormément de rigueur.

          Ce sera peut-être plus facile pour de nombreux pays émergents, dont les infrastructures sont inexistantes ou peu développées, il est souvent plus simple de construire du neuf que de moderniser un système hérité, surtout lorsque les nouveaux modèles n’obéissent plus aux schémas traditionnels.

          Jusqu’aujourd’hui, les réseaux électriques étaient essentiellement centralisés : quelques grandes installations produisaient l’énergie, ensuite acheminée vers les consommateurs. C’est un modèle, vertical et unidirectionnel, qui rappelle celui de la télévision traditionnelle : un contenu produit par quelques-uns, diffusé à tous, sans interaction.

          Aujourd’hui, avec la montée en puissance des énergies renouvelables et la multiplication des sources de production, nous passons à un modèle distribué et interactif. C’est un peu comme le passage de la télévision à Internet : d’un système “one way” à un écosystème “two way” avec une infinité de producteurs et de points d’échange. L’électricité devient une affaire de réseaux intelligents, capables de gérer des flux dans toutes les directions.

          Deux axes sont donc prioritaires : le renouvellement des infrastructures, dans une logique décentralisée, interconnectée, et la gestion intelligente de ces réseaux, grâce notamment à l’intelligence artificielle, pour optimiser les flux, et équilibrer l’offre et la demande en temps réel.

          En dehors des transports, dans quels secteurs l’électrification ouvre-t-elle les perspectives les plus prometteuses?

          C’est dans l’industrie que les opportunités sont les plus substantielles, mais aussi les plus complexes. Certains procédés industriels reposent encore aujourd’hui presque exclusivement sur les énergies fossiles, et le passage à l’électrique est encore loin d’être acquise, comme par exemple dans la fabrication du ciment : à l’heure actuelle, c’est techniquement impossible. On se heurte là aux limites de la physique, mais aussi à celles de nos connaissances actuelles.

          Cela dit, ce sont justement ces contraintes qui laissent entrevoir d’immenses marges de progression, mais elles demandent énormément d’efforts – et de capitaux – en matière de recherche et de développement.

          Nous nous plaçons par ailleurs dans une logique nouvelle : il ne s’agit plus uniquement d’augmenter la production ou de réduire la consommation d’énergie, mais d’ajuster précisément la puissance nécessaire à la puissance réellement disponible. Cela suppose une gestion fine, intelligente, en temps réel, des flux énergétiques.

          C’est sur ce terrain celui de l’optimisation systémique, que les avancées sont les plus rapides et les plus mesurables. Cette exigence est d’autant plus forte que certains secteurs, comme les data centers, ne tolèrent aucune faille. Les niveaux de fiabilité attendus vont devenir de plus en plus élevés, avec des besoins de redondance que les usages domestiques n’exigent pas.

          Quels grands acteurs vous semblent les mieux positionnés sur le thème de l’électrification?

          On voit aujourd’hui deux mondes qui convergent sur ce thème. D’un côté, les grands groupes industriels, historiques, et de l’autre, des nouveaux entrants beaucoup plus agiles, plutôt dans les domaines du software ou de l’intelligence artificielle. Des acteurs comme Vesta, par exemple, se positionnent plutôt sur la gestion intelligente des réseaux.

          Chez les industriels « classiques », on retrouve des noms bien connus – parfois directement, parfois à travers des filiales, notamment lorsqu’il s’agit d’aller chercher des financements de manière plus ciblée. C’est le cas de Genova, la filiale de General Electric. D’autres groupes fonctionnent de manière plus intégrée, comme Siemens ou Schneider.

          Autour de ces poids lourds gravitent de nombreuses petites entreprises, très innovantes, qui se positionnent à différents niveaux de la chaîne de valeur. Mais dans la plupart des cas, ces structures finissent par se faire absorber Les grands groupes y voient un moyen d’enrichir leur offre, de capter des briques technologiques clés et de répondre plus efficacement aux besoins clients.

          Parce qu’au fond, pour un client, il est beaucoup plus simple d’avoir un ou deux interlocuteurs capables de gérer l’ensemble de son écosystème énergétique, plutôt que de devoir coordonner une douzaine de prestataires. L’enjeu, c’est la lisibilité et l’intégration.

          À terme, les énergies renouvelables ont-elles vraiment la capacité de soutenir l’électrification croissante de la demande énergétique?

          À ce stade, nous voudrions faire une petite parenthèse sur ce qu’on appelle la « transition énergétique ». Nous avons des doutes sur la direction réelle de cette transition. Il serait plus juste – et plus raisonnable – de parler d’adaptation énergétique. Parce qu’on ne basculera pas, du jour au lendemain – et peut-être même jamais – vers un système entièrement alimenté par des sources renouvelables. C’est tout simplement irréaliste.

          Les énergies renouvelables occupent aujourd’hui une place non négligeable dans le mix énergétique, c’est vrai. Mais tant qu’on n’aura pas résolu la question du stockage de longue durée, elles resteront structurellement secondaires.

          Sans percée scientifique majeure, il est donc difficile d’imaginer un mix énergétique qui se passerait des énergies fossiles à moyen terme. Et d’ailleurs, on le voit déjà : le gaz naturel gagne du terrain. On redécouvre ses vertus. Il est abondant, son coût marginal est faible, et surtout, les infrastructures pour le produire, le transporter et le distribuer existent déjà.

          Aujourd’hui, le gaz naturel représente environ 23 % du mix énergétique mondial. C’est la troisième source d’énergie la plus utilisée dans le monde, après le pétrole et le charbon. Et si la transition continue de montrer ses limites, il n’est pas exclu que cette part augmente dans les années à venir.

          Menée à grande échelle, comment l’électrification va-t-elle impacter les prix pour les consommateurs?

          La politique a très certainement un rôle à jouer, mais il est tout aussi essentiel de limiter les interventions étatiques. Il est indéniable qu’il faut faire évoluer les infrastructures, ce qui entraîne des coûts, mais il faut bien savoir que la question des prix ne provient pas uniquement de ces infrastructures. La crise ukrainienne a mis en lumière des lacunes stratégiques, notamment en matière de diversification des sources d’approvisionnement. Il est difficile de comprendre comment l’Allemagne a pu dépendre exclusivement de la Russie pendant si longtemps !

          En ce qui concerne les besoins d’investissement, il existe une distinction claire entre la consommation industrielle et la consommation domestique. Les deux segments ne nécessitent pas les mêmes investissements. Cependant, jusqu’à présent, les évolutions des infrastructures, des modes de production et de distribution n’ont pas décidé des prix.

          Quels sont, selon vous, les problèmes majeurs à résoudre encore dans ce vaste chantier de l’électrification, en dehors du stockage longue durée pour les énergies renouvelables?

          La disponibilité des ressources naturelles est inquiétante. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de quantité, mais aussi de qualité. Les gisements de métaux deviennent de moins en moins riches : les teneurs diminuent, ce qui oblige à extraire et traiter des volumes de roche beaucoup plus importants pour obtenir la même quantité de métal. Une tonne de minerai pouvait autrefois contenir jusqu’à 10 % de cuivre. Aujourd’hui, cette proportion est tombée souvent sous la barre des 1 %. Conséquence : les coûts d’exploitation explosent, les rendements économiques diminuent, et il devient de plus en plus difficile de justifier certains investissements sur le long terme dans l’extraction de métaux. Maintenant, plus les contraintes augmentent, plus les incitations à trouver des solutions innovantes se multiplient. C’est là que se créent beaucoup d’opportunités.

          Pierre Mouton répondra aux questions de Jérôme Sicard le 13 mai à Genève, à l’hôtel Métropole, lors de l’évènement Podium organisé par SPHERE.

          Pierre Mouton

          NS Partners

          Pierre Mouton a rejoint NS Partners en 2003. Il dirige les stratégies Long Only du groupe et il est membre également du comité d’allocation d’actifs. Pierre a débuté sa carrière financière en 1993 chez AG2R La Mondiale, où il a successivement géré des portefeuilles monétaires, obligataires et actions, avant de rejoindre en 2000 Fiduciary Trust à Genève et d’entrer ensuite chez NS Partners comme gestionnaire de portefeuille. En 2004, il a co-fondé Messidor Finance, avant de revenir chez NS Partners en 2010. Pierre Mouton est titulaire d’une licence et d’un master en finance, actuariat et gestion de portefeuille de SKEMA Business School à Lille, France.

          Alexis Sautereau

          NS Partners

          Alexis Sautereau a rejoint NS Partners en 2020. Il a plus de 20 ans d’expérience dans divers secteurs financiers. Il a commencé par travailler dans le trading d’options et d’actions avant de s’orienter vers le conseil en technologie puis la finance d’entreprise. En 1999, il rejoint Unigestion, l’un des leaders européens de la gestion alternative, dont il devient directeur exécutif, avant de le quitter en 2002 pour fonder Jam Research.

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            • TriLake Partners

            « Les gérants qui veulent s’établir en Asie bénéficient encore de vraies opportunités »

            En 2011, Forum Finance, Boccard et Partenaires et Avalor se sont regroupés pour fonder TriLake à Singapour, avec une ambition claire : capitaliser sur leur savoir-faire en matière de gestion de fortune pour le déployer en Asie, dans une région en forte croissance. Aujourd’hui encore, comme l’explique Lucie Hulme, le marché est en pleine expansion.

            Par Jérôme Sicard

            Quelles étaient les ambitions stratégiques de Forum Finance, Boccard et Partenaires et Avalor Investment lorque TriLake a été créé? 

            Lorsque nous avons fondé TriLake à Singapour en 2011, le concept de gestion de fortune indépendante y était encore très peu développé. Contrairement à la Suisse, où ce modèle était déjà bien ancré, la majorité des clients asiatiques avaient pour référence des institutions bancaires traditionnelles, avec une approche souvent plus transactionnelle, moins axée sur un conseil véritablement indépendant.

            Nous étions toutefois convaincus que ce modèle allait prendre de l’ampleur dans la région, avec une demande croissante des investisseurs pour davantage de transparence et de proximité dans la gestion de leur patrimoine. C’est cette conviction qui nous a poussés à nous positionner tôt sur le marché, pour être présents dès les premières phases de cette évolution.

            Dès le début de l’aventure, l’ambition stratégique de TriLake a été claire : capitaliser sur notre savoir-faire suisse en matière de gestion d’actifs pour le déployer en Asie, un marché en pleine croissance. Nous avons cherché à établir un pont entre deux mondes : la tradition de la gestion de fortune Suisse et les opportunités uniques offertes par les marchés asiatiques.

            Notre objectif n’était pas simplement d’exporter un modèle existant, mais de le refondre de manière intelligente et ciblée. Nous avons ainsi affiné notre approche, en l’adaptant aux demandes de la clientèle locale tout en conservant l’essence même de ce qui fait la force de la gestion suisse : la vision long terme, l’approche personnalisée, l’indépendance dans les décisions d’investissement, et la recherche systématique de performance.

            Comment se positionne TriLake aujourd’hui sur le marché asiatique de la gestion de fortune ?

            TriLake est aujourd’hui un gérant établi et reconnu à Singapour. La société est présente dans la région depuis bientôt quinze ans, et l’équipe dispose d’une connaissance approfondie du marché ainsi que des exigences de la place financière.

            Au fil des années, nous avons construit un écosystème solide, en nous entourant de partenaires de confiance, où figurent une large sélection de banques dépositaires, d’intermédiaires financiers et de prestataires spécialisés.

            Nos clients recherchent avant tout un allié capable de conjuguer expertise locale et vision globale. C’est cette combinaison unique qui fait la force de TriLake.

            Quelles grandes différences observez-vous entre les attentes des clients asiatiques et celles des clients européens ou suisses ?

            Nous distinguons généralement deux types de clientèle, dont les attentes diffèrent sensiblement selon leur origine géographique et leur niveau de familiarité avec le modèle de gestion indépendante.

            Le premier groupe est constitué de clients internationaux – notamment européens ou suisses – qui ne résident pas en Asie, mais qui choisissent TriLake pour différentes raisons. Certains recherchent une diversification géographique de leurs actifs, d’autres souhaitent bénéficier d’un accès privilégié aux opportunités offertes par les marchés asiatiques, particulièrement dynamiques. Ces clients sont généralement déjà familiers avec le modèle de gestion indépendante. Ils attachent une grande importance à la qualité du conseil, à la personnalisation de la relation, ainsi qu’à une gestion structurée, de long terme.

            Le second groupe comprend des clients domiciliés en Asie. Pour bon nombre d’entre eux, le concept de gestion indépendante est encore relativement nouveau. Historiquement, ils ont été davantage exposés à des institutions bancaires où la relation client est souvent orientée vers des produits ou des transactions ponctuelles. De ce fait, ils sont souvent moins habitués à payer pour un conseil en investissement, et ils adoptent une approche plus transactionnelle. Il est donc nécessaire de démontrer la valeur ajoutée d’un accompagnement indépendant, sur mesure, et véritablement aligné sur leurs intérêts.

            Comment comparez-vous ces deux grands marchés de la gestion de fortune que sont la Suisse et Singapour?

            Je pense que les marchés de la gestion de fortune en Suisse et à Singapour, bien qu’étant des centres financiers majeurs, demeurent encore assez différents, et ce à plusieurs niveaux. En Suisse, la gestion de fortune indépendante est profondément ancrée, et très mature. À Singapour, bien que le marché ait connu une croissance spectaculaire ces dernières années, notamment avec l’émergence de nombreux family offices, le nombre de gérants indépendants reste encore relativement faible par rapport à la Suisse. A Singapour, le secteur reste dominé par les institutions bancaires. Cependant, cela est en train de changer. Nous observons un intérêt croissant pour des solutions plus personnalisées et indépendantes, en particulier auprès de clients privés recherchant davantage de flexibilité et de transparence.

            Sur quels éléments repose le succès d’un gérant indépendant établi à Singapour?

            Il repose sur plusieurs éléments clés. Tout d’abord, il est essentiel de savoir s’adapter aux spécificités et aux attentes de la clientèle asiatique tout en maintenant une cohérence avec sa propre stratégie d’investissement.

            Cela implique non seulement une expertise en gestion d’actifs, mais aussi une réelle capacité à s’adapter à l’environnement local.

            De plus, le cadre réglementaire de Singapour est particulièrement rigoureux. S’il peut représenter un défi pour les gérants indépendants, il n’en constitue pas moins un atout, car il offre une stabilité et une transparence qui rassurent les clients. Il est donc impératif pour un gérant indépendant de maîtriser les exigences en termes de compliance. Disposer d’une équipe solide et compétente, avec une connaissance accrue de la règlementation locale, semble à mon sens indispensable pour naviguer avec succès dans cet environnement.

            Quelles opportunités voyez-vous pour les gérants suisses qui aimeraient s’établir en Asie, si c’est encore possible?

            Oui, les gérants suisses qui souhaitent s’établir en Asie bénéficient encore de réelles opportunités, pour plusieurs raisons.

             Tout d’abord, il y a une demande croissante de la part des clients européens à la recherche de solutions pour diversifier leur portefeuille. L’Asie, et Singapour en particulier, s’impose comme un choix privilégié pour ces clients fortunés qui souhaitent soit exposer une partie de leurs actifs à des marchés à forte croissance, soit répartir certains éléments de leur fortune dans des juridictions variées, de qualité.

            L’acquisition de clients en Asie représente une autre dimension importante pour les gérants suisses. La région est dynamique, avec une demande croissante pour des services de gestion de fortune. Ce marché offre de nombreuses opportunités à ceux qui savent s’y adapter.

            Il peut être alors judicieux de réfléchir à des partenariats stratégiques avec des acteurs déjà établis à Singapour, plutôt que de créer une nouvelle entité à partir de zéro. En collaborant avec des partenaires locaux disposant d’une expertise et d’un réseau déjà bien implanté, il est possible de réduire les risques et d’accélérer l’intégration sur ce marché.

            Comment envisagez-vous vos propres développements pour ces prochaines années ?

            Nous envisageons plusieurs axes stratégiques, comme justement des partenariats avec des sociétés qui souhaitent s’implanter en Asie ou qui ont des clients cherchant à diversifier leur patrimoine.

            Nous continuerons également à forger notre réseau au sein de la région, avec l’objectif de renforcer encore notre présence sur des marchés stratégiques. À titre d’exemple, nous avons ouvert un bureau de représentation en Thaïlande en 2023, ce qui marque une étape importante dans notre développement.

            Parallèlement à ces initiatives, nous continuerons à promouvoir activement les bienfaits de la gestion indépendante ainsi que de l’investissement à long terme.

            Dans un environnement souvent dominé par des dynamiques de court terme, nous restons convaincus que la création de valeur durable repose sur la patience, la discipline et la clarté de la vision stratégique.

            Lucie Hulme

            TriLake Partners

            Lucie Hulme est la CEO de TriLake Partners, et fait partie de l’équipe fondatrice depuis sa création en 2011. Elle possède plus de 20 ans d’expérience dans la gestion de fortune indépendante et la banque privée, en Suisse et à Singapour. Lucie a été présidente de l’Association of Independent Wealth Managers à Singapour, et a siégé au sein de son comité pendant neuf ans. Elle joue un rôle actif dans le secteur de la gestion de fortune indépendante à Singapour et collabore étroitement avec diverses institutions, universités, afin de promouvoir cette industrie en Asie.

            Mais sur ce premier trimestre, c’est essentiellement la surperformance des indices européens sur les indices américains qui retiendra l’attention : le S&P 500 est en repli de 8,4 % sur la période et le Nasdaq de 14,1 % ! Pourtant cette surperformance s’inscrit dans le temps. Peu d’investisseurs ont en tête que sur trois ans, en euro, l’Eurostoxx surperforme le S&P 500, ou que le secteur bancaire en Zone euro affiche une performance trois fois supérieure à celle des « Magnificent 7 » sur la période. Et cette dynamique pourrait se poursuivre, comme en témoigne le retour des flux vers l’Europe qui s’amorce, reflet du rééquilibrage des allocations. En effet, depuis le début de l’année, le billet vert est directement impacté, comme l’ensemble des « Trump trades », et il devient de plus en plus difficile de justifier les niveaux de valorisations, proches des points hauts historiques sur le S&P 500, dans un environnement de plus en plus incertain qui impacte notamment la confiance du consommateur américain. Par ailleurs, la baisse des marchés pèse également sur l’effet richesse, à laquelle s’ajoute l’inquiétude vis-vis du caractère inflationniste des taxes douanières annoncées.

             

            Sphere

            The Swiss Financial Arena

            Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

            Spoutnik

            Solutions Investissement

              • Raj Shant
              • Client portfolio manager
              • Jennison Associates

              « Avec l’IA, les gains les plus substantiels se situent aujourd’hui dans les logiciels et les applications »

              Le premier trimestre a marqué un tournant pour les valeurs technologiques. La percée de DeepSeek, une startup chinoise spécialisée dans l’IA low cost, symbolise cette nouvelle phase : la création de valeur s’est vite déplacée du hardware vers les logiciels et les applications. Comme le souligne Raj Shant, Nvidia ne sera probablement plus le leader incontesté des marchés.

              Par Jérôme Sicard

              Les Magnificent Seven ont représenté 43 % des actions du marché mondial l’an dernier. Qu’en est-il de leur performance au premier trimestre 2025?

              En fait, le premier trimestre a été très mauvais pour ce groupe, probablement en raison de sa forte concentration. Cela dit, nous continuons de penser que l’IA générative changera votre monde, le mien et celui de nos enfants au cours des dix prochaines années. Aujourd’hui, nous voyons se dessiner des schémas semblables à ceux que nous avons pu observer par le passé, avec l’internet par exemple. Les premiers retours sur investissement qui suivent de grandes avancées technologiques portent d’abord sur le hardware et les infrastructures.

              Cependant, les gains les plus substantiels se situent généralement au-delà, dans la couche logicielle et la couche applicative. Ce fut déjà le cas avec les mainframes introduits dans les années 60-70, puis avec les PC, internet et plus récemment la blockchain. C’est sur l’internet mobile que des géants comme Amazon, Facebook ou Instagram ont fait reposer leurs modèles économiques et ont pu générer des profits sans précédent, mais ce n’est pas l’infrastructure elle-même qui a produit les rendements les plus significatifs en bourse.

              Nvidia a perdu près d’un cinquième de sa valorisation depuis le début de l’année. Comment les investisseurs doivent-ils désormais aborder la mégatendance de l’IA?

              Au cours de ces neuf derniers mois, nous avons réduit progressivement notre exposition au hardware qui supporte les développements de l’IA. Cela concerne bien sûr les semi-conducteurs — Nvidia en tête — sur lesquels nous avons réalisé d’importants bénéfices ces derniers mois. Nous avons choisi d’alléger cette position car, même s’il reste potentiellement une vague de profits à venir, elle devrait être bien moins marquée que celle observée en 2023 et 2024.

              En janvier, DeepSeek a bien montré que la création de Large Language Models ne demandait pas nécessairement autant de hardware et de puissance de calcul qu’on pouvait d’abord le penser.  D’ailleurs, depuis huit semaines, nous avons vu arriver une vague de nouveaux LLMs, au point que ce n’est plus vraiment un sujet d’actualité.

              À chaque grande révolution, le même schéma se répète : la technologie clé voit son prix chuter. C’est cette forte déflation qui permet d’ailleurs sa diffusion massive et son adoption à grande échelle. Ce n’est donc pas inhabituel. Et c’est Deepseek qui s’est chargé de marquer ce passage du hardware aux logiciels et aux applications, devenus tout de suite plus accessibles.

              Bien évidemment, cela ne se fait jamais sans heurts. Nvidia ne sera probablement plus le grand leader boursier qu’il a été, surtout après les investissements massifs réalisés par les entreprises en 2023 dans les puces GPU. La dynamique s’est poursuivie en 2024, mais aujourd’hui, les signaux sont clairs : le rythme de croissance de Nvidia semble avoir atteint son maximum, les marchés s’interrogeant désormais sur ce que seront les prochains grands moteurs de croissance.

              Quels principaux enseignements tirez-vous du cas DeepSeek, comparé par beaucoup à un épisode de type Spoutnik ?

              Au-delà de cette transition du hardware au software, et de la baisse du prix des infrastructures qui en résulte, DeepSeek a mis en lumière la forte capacité d’innovation de la tech chinoise, portée par des ingénieurs de haut niveau, tous formés en Chine. C’est un fait remarquable, quand on voit les percées majeures réalisées récemment en Europe ou aux États-Unis. Le contraste est frappant. Cela dit, les États-Unis restent un puissant aimant pour les talents venus d’Europe, d’Inde ou de Chine. À long terme, c’est sans doute là que continueront à se concentrer les plus grandes opportunités.

              Elles se situeront très vraisemblablement dans la couche logicielle et la couche applicative que nous avons évoquées. Cette évolution naturelle va bien sûr engendrer une certaine incertitude et de la volatilité, comme nous avons pu le constater encore en janvier.

              Quelles entreprises citeriez-vous à propos de ces couches logicielles et applicatives ?

              Je peux prendre l’exemple de BYD, qui est l’équivalent de Tesla sur le marché chinois. Dans le domaine applicatif, ils ne créent pas d’intelligence artificielle, mais ils l’utilisent pour améliorer l’expérience du conducteur à un prix que personne d’autre n’est en mesure de proposer aujourd’hui. Je pense aussi à Apple. Ils ne disposent pas de leur propre LLM, mais ils sont en mesure de collaborer avec tout le monde. Avec OpenAI aux Etats-Unis, ou avec Alibaba en Chine. Apple a vite compris que la création de valeur ne se situe pas dans le développement de l’IA générative, mais dans son exploitation et c’est bien ainsi qu’ils ont défini leur stratégie.

              Que pensez-vous du rebond relatif d’une Europe peu ou mal positionnée sur ce monde de l’intelligence artificielle ?

              L’Europe a bénéficié de plusieurs facteurs favorables qui ont propulsé ses marchés actions au premier trimestre, mais je m’interroge sur ce qu’il restera de ce rallye d’ici un an. Restons-en dans le domaine de l’intelligence artificielle. Beaucoup d’entreprises européennes essaient de se développer mais elles se heurtent à ce problème récurrent qu’est la réglementation. Avant même d’avoir créé un LLM, on cherche déjà à en figer le concept dans un cadre réglementaire. C’est l’Europe. On pense à réguler avant d’innover. Pour moi, le marché américain gardera une position dominante, car il privilégie d’abord l’innovation, et les opportunités les plus attrayantes se trouveront pendant encore longtemps aux Etats-Unis et en Chine.

              Raj Shant

              Jennison Associates

              Raj Shant est gestionnaire de portefeuille client chez Jennison Associates pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique. Basé à Londres, il a rejoint la société en 2019. Auparavant, Raj a passé 17 ans chez Newton Investment Management, d’abord en tant que responsable des actions européennes, puis en tant que gestionnaire de portefeuille d’actions mondiales. Au cours de sa dernière année chez Newton, Raj était également responsable de l’investissement durable. Auparavant, il a été responsable des actions européennes au Credit Suisse Asset Management. Il a commencé sa carrière dans la banque d’investissement et l’analyse des actions. Raj est titulaire d’une licence avec mention en économie et gestion de l’université de Leeds.

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