Salaires 2025

Leaders

  • Interview Julie Guittard & Mathieu Raynot
  • Senior managers
  • Michael Page

« Les profils en KYC, conformité et réglementation restent très demandés »

Dans un marché de l’emploi plutôt poussif, les dynamiques salariales évoluent à plusieurs vitesses. L’intensification des exigences réglementaires tire la demande – et les rémunérations – pour les fonctions liées à la conformité et au contrôle. En parallèle, l’automatisation érode les métiers du support, tandis que l’IA redéfinit les besoins côté IT. Dans ce paysage en recomposition, de nouveaux profils apparaissent mêlant finance, technologie, data et durabilité.

Par Jérôme Sicard

Comment qualifieriez-vous l’état actuel du marché suisse?

Le marché suisse enregistre un ralentisse­ment notable depuis deux ans, qui contraste avec la reprise post-Covid de 2022 et 2023. Nous observons un marché de l’emploi atone, particulièrement dans le secteur bancaire, en phase de consolidation. Les banques privées rationalisent leurs coûts tout autant que les gérants indépendants. À cela s’ajoute un contexte macroéconomi­que incertain, accentué par des tensions géopolitiques persistantes. L’économie suisse reste résiliente, mais le dynamisme de l’emploi marque clairement le pas.

Quelles sont les principales différences salariales entre Genève et Zurich?

Les salaires à Zurich sont historiquement plus élevés, avec un écart de 15% en moyenne par rapport à Genève. Cela s’ex­plique par la taille du marché, la concentra­tion des sièges sociaux, et un tissu écono­mique plus dense. Cependant, le coût de la vie y est également plus élevé, même si les charges fiscales restent globalement plus faibles qu’en Romandie.

Et en termes de recrutement, les profils recherchés sont-ils différents d’une ville à l’autre?

Les profils sont assez similaires, mais Zurich bénéficie d’un volume d’opportuni­tés plus importants lié à la taille d’un marché trois fois plus large que la place genevoise. La banque d’investissement et la gestion d’actifs sont beaucoup mieux implantées à Zurich, grâce à la proximité du SIX Swiss Exchange et à la forte concentration de grandes institutions financières.

À Genève, les recruteurs recherchent plutôt des profils orientés private wealth, avec une forte demande pour des private bankers, ou des wealth planners. À Zurich, la logique est tout autre. Les profils recher­chés relèvent davantage du corporate banking, du sales & trading ou encore de la gestion de comptes clés dans un cadre ins­titutionnel. La fonction de key account manager y prend plus d’ampleur.

Les fonctions liées à la banque d’investis­sement sont quasi exclusivement concen­trées à Zurich et nous voyons aussi un découpage clair dans les fonctions de support. À Genève, on observe une demande ciblée sur le data management, en lien avec des structures souvent plus souples et intégrées. À Zurich, les recrute­ments portent plutôt sur des operations managers, des spécialistes post-trade, ou encore des collateral analysts, au service d’organisations plus imposantes.

Ces différences de profils reflètent deux cultures de place assez distinctes. Genève fonctionne sur des structures souvent plus petites, plus flexibles, avec une clientèle internationale et des circuits décisionnels courts. Zurich, en revanche, s’inscrit dans un univers de groupes institutionnels, aux organigrammes complexes, à la culture plus hiérarchique, où la spécialisation des rôles est la norme.

Quels sont en fait les profils les plus recherchés?

Les profils en conformité, KYC, et régle­mentation restent très demandés. Par ailleurs, les fonctions commerciales conser­vent une place centrale : banquiers privés, gestionnaires de fortune, Sales en private markets ou en asset management, avec une vraie demande sur les profils capables de générer du revenu.

Quelles fonctions étaient très demandées auparavant et le sont moins aujourd’hui?

Les fonctions de support – telles que le back-office, la gestion du fichier central – le sont aujourd’hui beaucoup moins, en grande partie en raison de l’automatisation et de la digitalisation croissante des process.

Quel impact a eu l’absorption de Credit Suisse par UBS?

Cette fusion a drainé un nombre significa­tif de candidats sur le marché – majoritaire­ment en Suisse Allemande. Les autres banques privées, cantonales ou régiona­les, ont profité de cette opportunité pour récupérer aussi bien de nouveaux colla­borateurs que de nouveaux clients. Certai­nes équipes entières ont ainsi changé d’établissement, permettant à des acteurs plus petits de gagner en parts de marché. A noter toutefois que l’organisation des ressources humaines chez Crédit Suisse n’est pas toujours facile à décrypter pour le marché de l’emploi, avec des postes très spécialisés et des intitulés parfois obscurs en dehors du cadre interne de la banque.

Quels profils ont le plus facilement rebondi?

Les profils front-office, notamment les ban­quiers privés, investment advisors et assis­tants de gestion ayant une relation forte avec leur clientèle. Ils ont rebondi rapidement, souvent en équipe ou grâce à leur réseau.

Quel rôle joue l’IA dans la transformation des métiers du back-office et de l’IT?

L’IA accélère une transformation déjà amorcée depuis une dizaine d’années. Les métiers du support – réconciliation, repor­ting, comptabilité des opérations… – tendent à se réduire. En IT, les profils évoluent vers des compétences en data, en cybersécurité, et en développement d’outils intégrant l’IA.

Certaines fonctions sont-elles menacées de disparition?

Oui, notamment celles qui reposent sur des tâches répétitives ou standardisables, comme dans le back-office ou le service client traditionnel. Ces activités sont de plus en plus remplacées par des solutions auto­matisées – chatbots, traitement algorithmi­que – ou délocalisées vers des centres d’externalisation à l’étranger, souvent dans des environnements à moindre coût. Le mouvement, déjà amorcé, est porté à la fois par la recherche d’efficience et par les évo­lutions technologiques.

Quels nouveaux profils vont apparaître?

De nouveaux profils hybrides entre finance, technologies, data et durabilité. Les data analysts, spécialisés par exemple dans les investissements et les technologies IA, sont promis à un bel avenir. L’analyse climat, la modélisation ESG ou la réglementation crypto font également émerger des com­pétences pointues et très recherchées. Ce sera également le cas dans l’analyse climat, la modélisation ESG ou la crypto.

Concrètement, les exemples se multi­plient. Une grande banque suisse a récemment nommé un « digital banking lead » pour piloter le développement de son interface mobile nouvelle génération, dédiée aux clients fortunés. À Genève, plusieurs cabinets d’avocats financiers recrutent désormais des juristes spécia­lisés dans la régulation crypto, qu’il s’agisse du cadre MiCA ou des exigen­ces FINMA. Toujours à Genève, une importante société de gestion est allée jusqu’à intégrer un data scientist pour affiner ses modèles de scoring ESG sur les actions cotées. Une autre banque privée a structuré une équipe ESG dédiée, avec notamment l’embauche d’une analyste climat chargée de modé­liser l’empreinte carbone des porte­feuilles d’investissement.

Quelles compétences les jeunes diplômés doivent-ils développer?

Des compétences techniques liées aux produits financiers, à la data et à la pro­grammation, combinées à de solides com­pétences linguistiques, deviennent essen­tielles, notamment en Suisse, où le multilinguisme reste un véritable atout.

Il y a une prise de conscience réelle, et on observe une évolution positive des filières de formation, mais il reste encore du chemin à parcourir. Les universités et écoles suisses comme l’Université de Genève, HEC Lau­sanne, l’Université de Saint-Gall ou l’EPFL intègrent de plus en plus de modules en finance durable, en data science, ou en technologies financières. De nouvelles formations mixtes émergent également, mêlant finance et informatique, ou finance et développement durable.

Cela dit, la filière est encore en cours de structuration. Il existe parfois un décalage entre les compétences académiques et les attentes opérationnelles du marché.

Les employeurs investissent-ils suffisamment dans la montée en compétences?

Malheureusement pas assez, que ce soit pour former de nouveaux collaborateurs ou pour développer les connaissances des collaborateurs déjà en place. Il y a un vrai déficit de formation à l’entrée avec des apprentis de moins en moins nom­breux dus à la consolidation des banques et des formations académiques supérieu­res souvent trop éloignées du champ pra­tique.

Nous voyons une pression constante sur la productivité et les résultats. Elle pousse certains employeurs à privilégier la rapi­dité d’intégration plutôt que le temps long nécessaire à la montée en compétences. Investir dans la formation est un levier essentiel pour créer de la valeur, mais cela suppose une vision à long terme et des moyens que toutes les entreprises n’ont pas, en particulier les PME, souvent moins bien armées que les grands groupes sur le plan budgétaire.

Les profils NextGen ont-ils des attentes différentes?

Clairement oui ! Ils recherchent avant tout du sens, de la transparence et une vraie stratégie d’entreprise. Les avantages extra-salariaux, la flexibilité, le temps partiel, les opportunités d’évolution et de formation de même que l’équilibre de vie sont des critères déterminants. Selon notre dernière étude, Talent Trends 2025, 87 % des jeunes talents placent la flexibilité au coeur de leurs priorités. Ils attendent de leur employeur des valeurs vécues – pas affi­chées – et surtout une culture fondée sur la confiance.

Julie Guittard

Michael Page

Spécialisée dans le recrutement au sein du secteur bancaire et des services financiers en Suisse romande, Julie Guittard est senior manager chez Michael Page. Elle a plus de 14 ans d’expérience dans la gestion de talents. Au cours de sa carrière, elle a dirigé des équipes et couvert un large éventail de postes dans les domaines du risque, de la conformité, de la finance, des investissements, des opérations et du front office pour des banques privées, des asset managers et des gestionnaires de fortune.

Mathieu Raynot

Michael Page

Diplômé d’un Master en Management, Spécialisation Négociation d’Affaires, Mathieu Raynot a rejoint la Division Banking & Financial Services de Michael Page à Genève en 2014. Onze années plus tard, il s’est spécialisé sur les métiers techniques en opérations, en risque & compliance, en investissement et en gestion de fortune pour une clientèle composée de banques privées, de sociétés de gestion, de family offices, d’assets managers, de trusts, de fintechs et d’acteurs de l’assurance. Il accompagne aujourd’hui tant des jeunes diplômés que des profils experts sur ces métiers de la finance, et intervient également dans des écoles et différents cercles économiques locaux.

    Vous aimerez aussi

    LEADERS
    Innovation

    Innovation

    Simon Gassmann
    Quilvest (Switzerland)
    « La Tech n’est plus une fonction de support, mais un levier de croissance »

    Sphere

    The Swiss Financial Arena

    Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

    Interview Chairman

    Interview Chairman

    • Interview Laurent Pellet
    • Limited partner, Global Head EAM
    • Banque Lombard Odier

    « Les GFI doivent proposer une offre plus sophistiquée, mieux alignée sur les nouvelles sensibilités des clients. »

    Entre pression réglementaire, montée des coûts et émergence d’une nouvelle génération d’investisseurs, le modèle indépendant se transforme vite en ce moment. Au cœur de cette transition, de nombreuses structures atteignent désormais la taille de petites banques et fixent pour le secteur de nouveaux standards. Laurent Pellet décrypte sans détour les dynamiques qui redéfinissent aujourd’hui les contours de la profession.

    Par Jérôme Sicard

    En termes d’encours, combien pèsent aujourd’hui les quelque 1’600 gestionnaires de fortune agréés par la FINMA ?

    Malheureusement, nous manquons encore d’informations sur ce point. Tout porte à croire que les volumes gérés par les GFI en Suisse se situent dans la même fourchette que les estimations historiques. Nous parlons donc d’un total compris entre 400 et 500 milliards de francs. En 2017, Credit Suisse et l’Université de Saint-Gall avait réalisé une étude mentionnant un montant d’environ 400 milliards.

    Lors du devoir d’annonce à la FINMA en juin 2020, 1’934 sociétés s’étaient enregistrées. En 2025, elles ne sont qu’environ 1’500 à avoir obtenu une licence, soit une baisse de l’ordre de 20 %. Cette diminution reflète avant tout un mouvement de consolidation. De nombreux acteurs ont choisi de se regrouper, entraînant par là même une concentration des encours plutôt qu’une véritable érosion du marché. Les actifs sous gestion, eux, sont donc restés globalement stables.

    Comment anticipez-vous l’évolution de ces volumes sous gestion dans les prochaines années ?

    Je pense que le nombre de sociétés de gestion indépendantes se réduira encore. Les coûts liés à la réglementation, aux exigences de gouvernance ou encore aux investissements technologiques restent élevés. Ils pèsent d’autant plus sur les petites structures. Beaucoup choisiront de rejoindre un acteur plus grand pour mutualiser les charges, accéder à de nouvelles compétences et élargir leur offre de services. D’autres mettront simplement un terme à leur activité, faute de succession ou par choix personnel.

    Cela dit, cette contraction n’aura pas pour résultat un recul du marché. Après une phase de stabilisation liée à la mise en conformité avec les nouveaux textes de loi, les encours sous gestion devraient au contraire repartir à la hausse. La consolidation du secteur devrait renforcer les plateformes existantes et favoriser une croissance plus soutenue à moyen terme.

    De plus en plus de sociétés de gestion atteignent des tailles comparables à de petites banques, avec des encours dépassant les 5, voire même les 10 milliards. Quel regard portez-vous sur cette tendance ?

    Historiquement, le modèle des gérants de fortune indépendants reposait sur la proximité avec les clients, des structures légères et la délégation des fonctions bancaires aux dépositaires. L’entrée en vigueur des nouvelles lois en 2020 a profondément changé la donne : les coûts fixes, qu’ils soient réglementaires ou technologiques, ont nettement augmenté. Dans ce contexte, les acteurs les plus importants bénéficient désormais d’économies d’échelle et se retrouvent en mesure de renforcer leur position.

    Cette croissance s’explique aussi par le mouvement de consolidation à l’œuvre dans le secteur. Les gérants en quête d’une solution durable se rapprochent d’acteurs plus solides, capables d’offrir une organisation professionnelle, une gouvernance éprouvée, des fonctions de risk management et de compliance – intégrées ou externalisées – ainsi qu’une infrastructure technologique de pointe. Au fil de ces regroupements, la masse sous gestion de ces grands acteurs continue naturellement à progresser.

    La taille prise par ces structures laisse-t-elle envisager à terme un durcissement réglementaire ?

    La FINMA a toujours défendu le principe de proportionnalité. Certaines sociétés de gestion atteignent aujourd’hui des tailles comparables à celles de petites banques, mais elles n’en possèdent pas la licence et n’en remplissent pas davantage les fonctions de dépositaire. L’autorité de surveillance applique donc un cadre adapté, allégé par rapport à celui des établissements bancaires. L’objectif reste de préserver un niveau de sécurité et de gouvernance adéquat, sans remettre en cause la nature-même du modèle indépendant.

    Quelles devraient être aujourd’hui leurs priorités opérationnelles ?

    La priorité pour les gérants indépendants reste la mise en œuvre rigoureuse des exigences de conformité et de gouvernance issues de la LSFin et de la LEFin. Il leur faut donc intégrer pleinement les processus de suitability et d’appropriateness dans le quotidien de la relation client, automatiser la documentation et maintenir à jour l’ensemble des procédures et directives internes.

    Il est également essentiel de se préparer aux audits réglementaires et aux inspections de la FINMA avec des dossiers complets et irréprochables. Enfin, les GFI doivent évaluer leurs besoins technologiques pour gagner en efficience et réduire la complexité opérationnelle, notamment par l’automatisation des tâches répétitives. Cette modernisation vise aussi à améliorer l’expérience client, qui devient un levier central de différenciation.

    Comment adaptez-vous vos services à la façon dont les gérants se reconfigurent ?

    Les banques dépositaires ne sont plus de simples gardiennes d’actifs pour les gérants indépendants. Elles remplissent aujourd’hui un rôle de partenaire stratégique. Nous mettons à disposition de nos partenaires GFI une plateforme technologique performante que nous faisons évoluer en continu, en y intégrant de nouvelles fonctionnalités, un processus de négoce FIX ou encore un outil leur permettant de simuler et de traiter des produits structurés.

    Au-delà de l’infrastructure, nous les accompagnons aussi dans l’optimisation de leurs portefeuilles en leur donnant accès à des produits plus sophistiqués, tels que les actifs non cotés ou les solutions alternatives. Notre objectif est de leur permettre de se concentrer sur leur cœur de métier tout en leur offrant les moyens technologiques et les solutions d’investissement nécessaires pour rester compétitifs.

    Où sont aujourd’hui leurs principaux leviers de croissance ?

    Les leviers de croissance résident avant tout dans la spécialisation et la capacité à proposer une offre réellement différenciante. Le développement de services à forte valeur ajoutée — en matière de succession, de fiscalité internationale, d’actifs privés non cotés ou de solutions alternatives — constitue un atout décisif pour attirer une nouvelle génération d’investisseurs.

    Les next gen, les héritiers, mais aussi les entrepreneurs et les clients à très haut patrimoine montrent un intérêt croissant pour le modèle indépendant, précisément en raison de son agilité, de sa proximité et de son expertise ciblée. Ceux qui sauront conjuguer personnalisation et professionnalisme pourront se fondre dans cette dynamique.

    Comment les gérants indépendants se sont-ils le plus transformés ces dernières années ?

    La première transformation majeure a été la mise en œuvre des lois LSFin et LEFin. Leur entrée en vigueur a obligé les gérants à obtenir une autorisation d’exercer, à formaliser leur gouvernance, à structurer leur documentation client et à renforcer leurs procédures de compliance. Ce cadre a forcé le secteur à se professionnaliser et à élever le niveau d’exigence.

    La deuxième évolution, plus récente, concerne l’adoption de solutions technologiques externes : plateformes de reporting, systèmes de gestion de portefeuille, CRM ou encore outils cloud. Ces solutions permettent d’automatiser un grand nombre de tâches administratives, de gagner en efficience et d’améliorer l’expérience client. La digitalisation n’est plus un choix stratégique, mais un facteur clé de compétitivité.

    Enfin, les attentes de la clientèle ont elles aussi évolué. Les investisseurs recherchent désormais la performance, certes, mais aussi davantage de transparence, de durabilité et de diversification. L’intérêt croissant pour les actifs privés, les services de family governance, la structuration patrimoniale ou l’impact investing pousse les gérants indépendants à repenser leur modèle. Ils doivent se spécialiser davantage et proposer une offre à la fois plus sophistiquée et plus alignée sur les nouvelles sensibilités des clients.

    Dans quels domaines doivent-ils encore se renforcer ?

    Le principal axe de renforcement réside dans une adoption plus rapide et plus ciblée des technologies. Il n’existe évidemment pas de modèle unique applicable à tous les gérants indépendants, mais chaque structure doit intégrer des outils adaptés à ses besoins spécifiques — qu’il s’agisse d’intelligence artificielle, de solutions cloud ou de blockchain. Ces technologies permettent d’accroître l’efficience, de simplifier les processus et, in fine, de mieux maîtriser les coûts.

    Elles constituent également un levier essentiel pour améliorer l’expérience client. Une utilisation intelligente de la donnée et des outils digitaux permettra non seulement d’anticiper les attentes des clients actuels, mais aussi de répondre aux besoins des prochaines générations, plus technophiles et plus exigeantes en matière de personnalisation.

    Quelles grandes tendances vont décider de la dynamique de ce secteur au cours des prochaines années ?

    La transmission de patrimoine à la prochaine génération constitue sans doute la tendance la plus structurante pour les années à venir. Cette transition ne concernera pas uniquement les Gen Z, souvent décrits comme des natifs numériques, mais aussi les Millennials et une partie de la génération X. Les gérants devront intégrer à leur offre de gestion de nouveaux types d’actifs — privés, alternatifs, voire numériques — tout en tenant compte des aspirations croissantes en matière de durabilité et d’investissement à impact.

    Parallèlement, la numérisation deviendra un facteur clé de compétitivité. Les prochaines générations privilégient une relation plus directe et interactive, via des plateformes en ligne, des applications mobiles ou les réseaux sociaux. Pour pérenniser leurs activités, les gérants devront se montrer tout aussi agiles.

    Laurent Pellet

    Limited Partner, Global Head of EAM

    Laurent Pellet a rejoint la Banque Lombard Odier & Cie SA en 2017 et pris la responsabilité du département des gérants de fortune externes pour le groupe en 2018. Après ses débuts chez Ferrier Lullin & Cie SA, il a occupé diverses fonctions chez Banque Julius Baer durant plus de 20 ans. Il est titulaire d’un diplôme en gestion quantitative de fortune de HEC Genève et d’un diplôme en droit de la finance digitale de l’Université de Genève et de la CWMA.

    Sphere

    The Swiss Financial Arena

    Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

    Balance

    Solutions EAM

    • Jean-Sylvain Perrig
    • Fondateur & CEO
    • Premyss

    Sur une idée simple, le modèle 60-40 tient bon dans des marchés toujours plus complexes

    Remis en question après 2022, quand actions et obligations ont alors chuté de concert, l’inusable 60-40 prouve pourtant qu’en matière d’investissement, la discipline, la simplicité et la qualité d’exécution l’emportent sur les modes et les prédictions à court terme. Car derrière les performances, c’est moins le modèle qu’il faut revoir que la philosophie d’investissement elle-même — sans renier les fondamentaux. Bien évidemment…

    Depuis plus de vingt ans, le modèle 60-40, 60 % d’actions et 40 % d’obligations, ou plus souvent 50-50 dans les pays euro­péens, s’impose comme la référence dans la construction de portefeuilles équilibrés. Pourtant, après la crise de 2022, nombreux sont ceux qui ont anticipé sa disparition. À tort. Ce modèle, loin d’être dépassé, incarne la résilience et la simplicité dont les investisseurs, privés comme institution­nels, ont besoin dans un environnement financier de plus en plus complexe.

    Le portefeuille 60-40 repose sur une logique simple : allier la recherche de ren­dement, portée principalement par les actions, à la stabilité procurée par les obli­gations souveraines et corporates. Historiquement, cette combinaison a permis de traverser les crises financières avec une relative sérénité. Lorsque les marchés actions chutent, les obligations souveraines issues des principaux pays industrialisés, États-Unis, Allemagne, ont tendance à s’ap­précier, offrant ainsi un coussin de sécurité qui amortit les pertes des actifs risqués en portefeuille.

    Cette corrélation négative a longtemps été la clé de voûte des stratégies d’investisse­ment équilibrées. Elle permettait de limiter les pertes lors des épisodes de volatilité, tout en offrant un revenu régulier en période de calme.

    La correction sévère des obligations en 2022 a changé la donne. Pour la première fois depuis des décennies, les obligations – souveraines comme corporates – et les actions ont évolué dans le même sens, à la baisse. Cette année-là, le S&P500 a perdu par exemple 18.1%, dividendes compris, tandis que l’indice obligataire Bloomberg Aggregate Total Return a lâché 13%. Phé­nomène inédit pour tous les professionnels de la finance en exercice aujourd’hui. Aucun d’entre eux n’avait alors vécu une telle situation. Ce scénario a donc conduit certains observateurs à remettre en cause la pertinence du modèle 60-40.

    A l’usage, si la décorrélation n’est plus aussi systématique, le modèle 60-40 conserve cependant toute sa valeur. Même lorsque les obligations et les actions baissent simul­tanément, la présence d’obligations dans un portefeuille permet de limiter l’ampli­tude des fluctuations. L’objectif premier, réduire la volatilité globale, reste donc atteint, même si les mécanismes de protec­tion sont moins efficaces qu’auparavant.

    Ce qui est probablement devenu obsolète, ce n’est pas un modèle d’allocation, mais plutôt une philosophie d’investissement. Par le passé, les professionnels de la gestion d’actifs et de la gestion privée avaient accès à une meilleure information que le grand public. Elle leur permettait parfois de pouvoir ajuster les portefeuilles à l’environ­nement financier avec un temps d’avance sur le « retail ». Ce n’est plus le cas. De nos jours, chacun peut accéder à un niveau d’information sur la macro- ou la microéco­nomie comparable à celui qu’exploitent les professionnels. Ces derniers y perdent ainsi un avantage stratégique majeur.

    Une estimation réaliste des performances attendues du portefeuille est désormais possible. Il suffit pour cela d’évaluer sur le long terme le rendement potentiel des obligations et des actions. Plus l’horizon temps est long, plus la fourchette de fluc­tuation est faible, car les fondamentaux vont primer sur tous les autres facteurs. Blackrock réalise ce type de prévisions pour les années à venir. Selon leurs derniè­res estimations, un portefeuille 60-40 devrait obtenir un rendement en USD compris entre 4.35% et 6.61% en moyenne par an sur les dix prochaines années, sans tenir compte des frais. Comme on le voit, il n’y a pas de raison de penser que le 60-40 ne fonctionne plus. Ce qu’un investisseur peut raisonnablement attendre d’une telle allocation repose avant tout sur les retours sur investissement des actions et obliga­tions à long terme.

    Il n’est pas nécessaire d’ajuster sans cesse la composition du portefeuille en fonction des fluctuations de court terme, mais au contraire de rester fidèle à une stratégie, quelles que soient les émotions du moment. Il faut accepter l’incertitude des marchés et demeurer investi. Des modifications peuvent être apportées à la composition du portefeuille, lorsque le régime financier change. Ce qui arrive en fait peu souvent.

    L’essentiel est de privilégier la simplicité. Warren Buffett, le Sage d’Omaha, le prouve depuis plusieurs décennies : inutile de complexifier à outrance pour obtenir des résultats solides. La patience est également indispensable, car c’est bien le temps, et non le timing, qui permet d’obtenir de la performance.

    Avoir une allocation d’actif qui convient à son profil de risque ne suffit pas. Il faut encore trouver les bons véhicules d’inves­tissement pour implémenter sa stratégie. Sur ce point précis, il est important de rester intransigeant. Un fonds actif classé dans le troisième ou quatrième quartile de sa catégorie sur trois ou cinq ans n’a plus sa place en portefeuille. En cas de doute, mieux vaut privilégier un ETF liquide. De la même manière, la prudence s’impose face aux produits structurés, souvent coûteux et dépourvus d’un véritable marché secon­daire, sauf à considérer quelques AMC de qualité, accessibles à la valeur nette d’in­ventaire.

    Pour optimiser les résultats, il faut garder le cap sur le rapport rendement-risque, car tout objectif déviant de ce duo fondamental limitera tôt ou tard la performance. Les pro­fessionnels de la gestion qui chercheraient simultanément à maximiser leur rémuné­ration et la performance du portefeuille poursuivent deux buts incompatibles. À long terme, seule la discipline d’une allo­cation bien pensée, exécutée sans conces­sion sur la qualité des instruments, permet d’atteindre les rendements espérés. Ainsi, la question de la pérennité du modèle 60-40 n’est pas remise en question. Pour autant que l’on respecte les règles de base de l’investissement.

    Pour les investisseurs suisses, confrontés à des taux obligataires historiquement bas, une question centrale se pose : que faire lorsque le rendement attendu des obliga­tions d’État frôle le zéro pour la décennie à venir ? C’est un casse-tête flagrant. Trouver alors des alternatives devient indispensa­ble, car investir dans un actif sans rende­ment attendu n’a plus de sens. Dans ce contexte, il devient nécessaire de repenser la construction du portefeuille, sans pour autant renoncer aux qualités de la diversifi­cation entre actions et obligations. Les solu­tions existent.

    Le modèle 60-40 est avant tout une façon de définir un budget de risque. S’il conti­nue de séduire, c’est parce qu’il reflète les attentes de la plupart des investisseurs — particuliers comme institutionnels — en matière de performance ajustée du risque. C’est aussi ce qui explique l’attention portée à ses résultats.

    Dans un environnement financier où l’in­certitude et la volatilité sont devenues la norme, la simplicité, la discipline et la flexi­bilité sont plus précieuses que jamais. Plutôt que de courir après des stratégies complexes, bien souvent peu profitables, les investisseurs ont tout intérêt à s’appuyer sur des principes qui ont fait leurs preuves

    Face aux défis des marchés modernes, le modèle 60-40 incarne une continuité. Il existe des possibilités pour l’améliorer, mais il a su néanmoins démontrer son efficacité dans la durée. Si la décorrélation entre actions et obligations est moins forte à l’ave­nir, il faudra accepter plus de volatilité que par le passé pour obtenir un résultat simi­laire, c’est là que les esprits chagrins diront que l’approche a perdu de son lustre.

    Jean-Sylvain Perrig

    Premyss

    Jean-Sylvain Perrig est le fondateur et CEO de Premyss, qui accompagne des gestionnaires indépendants et des family offices dans l’allocation d’actifs, la stratégie de portefeuille et l’analyse de marché. Jean-Sylvain a plus de 30 ans d’expérience dans la gestion d’actifs et le conseil stratégique. Il a occupé des fonctions dirigeantes dans des établissements bancaires suisses de premier plan notamment en tant que Chief Investment Officer. Il a également présidé la Swiss Financial Analysts Association (SFAA) dont le but est l’éducation financière des professionnels de l’investissement. Jean-Sylvain est titulaire d’un Master en gestion de l’entreprise de HEC Lausanne ainsi que de la certification fédérale d’analyste financier

     

     

    Sphere

    The Swiss Financial Arena

    Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

    Boulons

    Solutions EAM

    • Sener Arslan
    • Directeur Suisse
    • QPLIX

    Les innovations qui redéfinissent le rôle des PMS

    Devenus des piliers stratégiques dans les sociétés de gestion, les PMS évoluent bien au-delà de leur rôle opérationnel. Grâce aux avancées de l’IA, à l’automatisation des processus et à la transition vers des architectures ouvertes, ils se transforment en plateformes intelligentes, capables d’offrir une gestion plus fluide, plus personnalisée et mieux centrée sur le client.

    Les grandes dynamiques à l’oeuvre dans la transformation des PMS

    Les PMS forment aujourd’hui l’ossature des sociétés de gestion. Elles permettent aux gérants de rationaliser leurs opérations au quotidien et d’apporter une valeur ajoutée tangible à leurs clients. En intégrant des fonctions clés comme le CRM, l’OMS ou le DMS, ces plateformes automatisent de nombreux processus et renforcent la flui­dité ainsi que la personnalisation de l’expé­rience client.

    À l’heure où les données – qu’il s’agisse de flux de marché, de profils clients ou d’his­toriques de transactions – sont massive­ment collectées et analysées, les éditeurs de PMS sont idéalement placés pour exploiter les avancées technologiques qui ont cours en ce moment. Ces innovations rendront leurs plateformes plus intuitives, évolutives et véritablement centrées sur les besoins des clients.

    Stratégies d’investissement personnalisées

    Les PMS évoluent rapidement pour rendre la construction de portefeuille plus person­nalisée et plus sophistiquée. Les platefor­mes actuelles permettent aux gérants de concevoir des portefeuilles adaptés aux objectifs, aux valeurs et au profil de risque propres à chaque client. Un élément central dans cette personnalisation est la capacité à regrouper et superviser tous les types d’actifs, quel que soit leur lieu de dépôt ou leur mode de conservation. L’intégration fluide de ces avoirs permet une approche véritablement holistique de la gestion du patrimoine.

    Solutions cloud natives et évolutives

    L’adoption du cloud transforme les PMS en outils bien plus agiles, capables d’accom­pagner efficacement la montée en charge des activités de gestion. Avec leurs tableaux de bord centralisés et leurs outils perfor­mants, ces nouvelles plateformes offrent aux gérants une grande flexibilité pour piloter portefeuilles et opérations à dis­tance. Contrairement aux systèmes tradi­tionnels installés sur site, les solutions cloud modernes montent en charge automati­quement, offrent une reprise rapide en cas d’incident et demandent peu de mainte­nance. Leur architecture native dans le cloud facilite le déploiement, l’intégration avec d’autres technologies, et contribue à une gestion plus efficace des coûts.

     Collecte automatisée des données, rapprochement et efficacité opérationnelle

    Les plateformes PMS de nouvelle généra­tion optimisent la gestion des données en proposant des interfaces robustes avec les banques dépositaires. Elles assurent ainsi la collecte et le rapprochement automati­ques des données de portefeuille à partir de sources multiples. En réduisant les interventions manuelles, ces systèmes limi­tent les erreurs et allègent la charge opéra­tionnelle. Des moteurs de règles avancés renforcent la fiabilité en exerçant des contrôles stricts sur l’intégrité des données et la qualité des transactions, ce qui permet de détecter et corriger rapidement les écarts. En automatisant ces fonctions clés, les PMS garantissent une information plus fiable, des mises à jour accélérées et une gestion de portefeuille mieux sécurisée.

    Reporting avancé et engagement digital du client

    Les nouvelles solutions de reporting offrent aux clients une vision claire et structurée de leur portefeuille, en couvrant l’ensemble des classes d’actifs et des dépositaires. Cette transparence accrue renforce la rela­tion de confiance. Les plateformes conçues pour un usage digital transforment l’expé­rience utilisateur : elles donnent accès à une visualisation intuitive des portefeuilles et à des analyses adaptées au profil de chaque client. Les portails ne se limitent plus à la consultation de comptes ; ils facili­tent le partage de documents, simplifient les échanges et assurent un suivi en continu. Avec leurs tableaux de bord interactifs, les clients peuvent personnaliser l’affichage de leurs données, consulter leurs performan­ces et surveiller les risques en temps réel.

    Fonctions de conformité réglementaire

    L’intensification des exigences réglemen­taires pousse les PMS à intégrer des outils d’automatisation de la conformité qui réduisent la charge administrative et s’ali­gnent sur les normes en vigueur. Ces pla­teformes proposent désormais des vérifi­cations KYC/AML automatisées, des pistes d’audit en temps réel et une transparence totale sur les frais — intégrant ainsi la conformité directement dans les processus opérationnels. Les contrôles en temps réel, associés à des évaluations de risque auto­matisées, permettent de détecter les ano­malies en amont et de limiter les risques opérationnels. Les outils de reporting inté­grés simplifient les dépôts réglementaires, tout en contribuant à une réduction signifi­cative des coûts de conformité.

    Intégration API et connectivité écosystémique

    Les PMS modernes sont de plus en plus conçus sur des architectures ouvertes via API, pour une intégration fluide avec une large gamme de systèmes tiers — plate­formes de trading, dépositaires, outils CRM et fournisseurs de données. Grâce à la synchronisation des données en temps réel, à l’exécution automatisée des ordres et à l’analyse consolidée des portefeuilles, les API transforment la manière dont les gérants conçoivent et pilotent leur éco­système IT.

    Ce niveau d’interopérabilité leur permet de construire des architectures sur mesure, parfaitement alignées avec leurs processus opérationnels et leurs objectifs stratégiques. Il garantit également la cohérence, l’intégrité des données et un haut niveau de sécurité sur l’ensemble des points de contact.

    Intégration des investissements alternatifs

    Les PMS évoluent pour répondre à la demande croissante d’investissements alternatifs tels que le private equity, l’immo­bilier, les hedge funds ou les cryptomon­naies. Ces systèmes proposent désormais des modèles de valorisation avancés, des outils de gestion de liquidité et des cadres de risque adaptés aux complexités propres à chacune de ces classes.

    Gérer efficacement les investissements alternatifs nécessite des fonctionnalités spécifiques en matière de reporting, de suivi de performance et de conformité. Les PMS de nouvelle génération répondent à ces enjeux en agrégeant les données pro­venant de sources multiples, en automatisant le calcul des NAV et en ajustant leurs analyses aux spécificités des actifs illiqui­des ou à flux de trésorerie complexes. Ils intègrent également les contraintes de liquidité, les périodes de blocage et les structures de frais spécifiques dans leurs outils de gestion des risques.

    Intelligence artificielle et automatisation

    L’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique servent à automatiser l’ana­lyse des données, le suivi réglementaire et l’analyse des portefeuilles. Les outils d’ana­lyse prédictive et d’analyse de sentiment permettent aux gérants de prendre des décisions plus rapides et mieux fondées sur les données. Les systèmes basés sur l’IA sont désormais capables de traiter de vastes quantités de données non structu­rées afin de capturer efficacement l’infor­mation, quel que soit son format.

    Interaction cognitive avec le client

    L’IA générative est de plus en plus utilisée pour alimenter des conseillers virtuels capables d’expliquer les décisions de por­tefeuille dans un langage clair, naturel, et de simuler les résultats dans différents scé­narios de marché. Ce type d’interface faci­lite la transmission de notions financières complexes. Elle rend ainsi la gestion de portefeuille plus compréhensible, plus transparente et mieux adaptée aux attentes des clients.

    Optimisation prédictive des portefeuilles

    L’IA utilisera des modèles d’apprentissage profond et génératif pour simuler divers scénarios de marché, et tester la résilience des portefeuilles face à différentes pertur­bations. Les outils d’IA générative peuvent analyser des données non structurées — comme les annonces de résultats ou le sentiment exprimé dans les médias — pour anticiper les mouvements de prix et suggérer des ajustements en temps réel. Ces modèles permettent également de détecter des corrélations cachées entre classes d’actifs et indicateurs macroécono­miques, facilitant de la sorte une gestion proactive des risques.

    Sener Arslan

    QPLIX

    Sener Arslan est depuis l›an passé directeur Suisse chez Qplix, en charge du développement commercial sur ce marché. Fort de sa solide expérience dans la wealthtech, il se concentre sur les segments des gestionnaires de patrimoine, des family offices et des banques. Il a commencé sa carrière en tant que wealth manager chez UBS avant de fonder sa propre société de gestion. Par la suite, il a occupé différents postes de direction, notamment celui de Group COO chez Taurus Wealth, présent à Singapour, Dubaï et en Suisse, puis il a cofondé Integraal Partners. Il est titulaire d’un Bachelor of Science en banque et il détient la certification CFA.

     

     

    Sphere

    The Swiss Financial Arena

    Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.

    Innovation

    Leaders

    • Interview Simon Gassmann
    • Chief Information Officer
    • Quilvest Switzerland

    « La Tech n’est plus une fonction de support, mais un levier de croissance »

    En repensant son infrastructure de base avec WIZE, Quilvest franchit une étape majeure dans sa transformation numérique. Ce nouveau core banking system de dernière génération redéfinit les standards du private banking : plus flexible, plus intégré et véritablement centré sur le client. Simon Gassmann, CIO et maître d’œuvre du projet, en livre une analyse détaillée et revient sur les choix qui ont guidé cette évolution.

    Par Jérôme Sicard

    Quelles motivations ont poussé Quilvest à remplacer son core banking system?
    L’ancien système avait atteint ses limites naturelles. Il était fiable, mais rigide — une infrastructure pensée pour un monde qui n’existe plus. Pour une institution comme la nôtre, qui accompagne des clients sophistiqués, des familles multigénérationnelles et des structures transfrontalières complexes, cette rigidité était devenue un véritable frein.

    Chaque nouvelle structure client, chaque exception nécessitait des contournements manuels. Cela reste gérable avec quelques centaines de portefeuilles, mais les inefficacités tendent à se multiplier dès que vous changez d’échelle, en raison des exigences réglementaires, opérationnelles et de reporting en constante hausse, Nous avons fini par comprendre que les améliorations à la marge ne suffiraient jamais à nous donner l’agilité nécessaire.

    La question n’était donc pas « faut-il changer ? », mais « comment changer ? ». Nous avons choisi une voie ambitieuse : concevoir et construire un système sur mesure, depuis la base, qui reflète pleinement la manière dont Quilvest fonctionne et anticipe les besoins de ses clients.

    Quelles fonctionnalités recherchiez-vous que les solutions existantes ne proposaient pas ?
    Notre priorité absolue était la flexibilité. La plupart des systèmes standards fonctionnent bien pour la banque de détail ou la banque privée traditionnelle, mais ils peinent à gérer des structures multi-entités, multi-devises et multi-juridictions. Nous avions besoin d’une plateforme capable d’offrir une vision consolidée et en temps réel, couvrant les membres d’une famille, les trusts, sociétés et fondations, avec un haut degré de précision et de transparence.

    Nous voulions également garder la maîtrise de nos données, de notre architecture et de notre feuille de route technologique. Les systèmes classiques enferment les institutions dans une dépendance aux fournisseurs et des cycles de mise à jour longs. Nous recherchions une plus grande liberté de mouvement pour adapter notre infrastructure,’y intégrer de nouveaux modules, API ou applications tierces au rythme de l’innovation.

    L’expérience utilisateur était un autre critère essentiel. Nous avons donc misé sur la clarté et la simplicité : des interfaces épurées, une navigation intuitive, un accès direct aux informations pertinentes.

    Enfin, l’intégration devait être totale. Le nouveau système devait dialoguer naturellement avec nos outils PMS, CRM, de conformité et de reporting. Il est en effet devenu impératif que les données puissent circuler automatiquement, sans double saisie ni information fragmentée.

    Quels ont été les aspects les plus difficiles dans la création de ce core banking system à partir de zéro ?
    Le principal défi n’était pas technique, mais culturel. Lorsque l’on annonce la construction de son propre core banking system, beaucoup pensent qu’une institution de notre taille n’en est pas capable. Il a fallu convaincre en interne, démontrer qu’agilité et taille peuvent être complémentaires.

    Sur le plan technique, la difficulté résidait dans la hiérarchisation des priorités. Quand on part d’une feuille blanche, tout semble possible, mais il faut savoir se concentrer sur l’essentiel : les données clients, les transactions, les positions, les rapprochements et le reporting. Nous avons ensuite ajouté les modules étape par étape.

    Nous avons adopté une approche agile : livraisons successives, boucles de retour d’expérience, et forte implication des utilisateurs de chaque département. C’était un facteur clé de réussite. Le projet n’a pas été imposé par l’informatique ; il a été construit par le métier, pour le métier.

    Nous avons sans doute sous-estimé l’effort lié à la migration des données. Nettoyer, cartographier et valider des années d’historique est un chantier en soi. Mais une fois terminé, le bénéfice a été immense : exactitude, cohérence et traçabilité totale.

    Quels éléments vous ont conduit à choisir WIZE comme partenaire ?
    Nous avons évalué plusieurs options — fournisseurs traditionnels, fintechs modulaires et développement sur mesure. L’option WIZE est ressortie pour une raison simple : l’éditeur comprend véritablement les tenants et aboutissants d’una banque privée. Son équipe venait du monde de la gestion de fortune, pas de l’informatique générique. Cela a changé la donne. Dès les premiers échanges, ils ont saisi nos besoins : structures de comptes complexes, reporting consolidé, exigences de discrétion et de conformité.

    Sur le plan technologique, leur plateforme était API-first et modulaire, parfaitement alignée avec notre vision à long terme. Nous voulions un système capable d’évoluer avec nous, pas de nous contraindre. WIZE offrait cette ouverture et cette évolutivité. Mais la vraie différence, c’était l’esprit du partenariat. Nous avons construit l’architecture ensemble, ligne par ligne. La confiance et la compréhension mutuelle ont été les fondations du projet.

    Comment avez-vous convaincu votre conseil d’administration ?
    Nous avons présenté une combinaison d’arguments stratégiques, opérationnels et financiers. Sur le plan stratégique, il s’agissait de reprendre le contrôle : devenir maîtres de notre propre infrastructure technologique. Sur le plan opérationnel, le nouveau système allait réduire drastiquement les interventions manuelles et le risque d’erreurs. Et, sur le plan  financier, l’investissement initial important se justifie par ce qu’impliquait une plus grande efficacité : moins de maintenance, plus de productivité, et l’absence de licences coûteuses.

    J’ai aussi insisté sur le fait que la technologie n’est plus une fonction de support : elle est devenue un facteur de différenciation. Les clients, les régulateurs et les collaborateurs attendent désormais transparence, rapidité et fiabilité. Une plateforme moderne soutient ces trois dimensions. Enfin, le partenariat avec un acteur expérimenté comme WIZE a rassuré le Conseil : il s’agissait d’un projet d’innovation maîtrisé, pas d’une aventure.

    Qu’est-ce qui vous apporte le plus de satisfaction aujourd’hui ?
    D’abord, la simplicité. Nous avons éliminé des couches de complexité et rendu nos processus beaucoup plus fluides. Les équipes peuvent se concentrer sur les clients, plutôt que sur les dysfonctionnements techniques. Ensuite, le sentiment d’appropriation : chacun perçoit ce système comme le nôtre, conçu pour nous et par nous. C’est extrêmement fédérateur.

    Il y a aussi la fierté d’avoir transformé le scepticisme initial en engagement. Beaucoup de collègues, d’abord prudents, sont désormais les premiers à promouvoir le système et à proposer des améliorations. Quand la technologie devient partie intégrante de la culture de l’entreprise, c’est que le pari est réussi.

    Combien de temps le projet a-t-il pris ?
    Environ deux ans et demi, de la définition initiale à la mise en œuvre complète. La phase de migration, à elle seule, s’est étalée sur plusieurs mois et a nécessité un travail considérable.

    Nous en avons profité pour nettoyer nos données et rationaliser nos structures de reporting. À bien des égards, cette migration a été aussi précieuse que le système lui-même : elle nous a obligés à repenser la manière dont nous structurons et livrons l’information à nos clients.

    Aujourd’hui, avec la maturité acquise par la plateforme WIZE, si nous devions réimplémenter le système en ne conservant que la phase de migration, nous pourrions probablement achever l’ensemble du processus en moins d’un an.

    En quoi ce nouveau système se distingue-t-il des solutions classiques ?
    Les systèmes traditionnels sont transactionnels : ils enregistrent et stockent. Le nôtre est relationnel : il connecte, analyse et anticipe. Il ne se contente pas d’exécuter des opérations, il soutient la prise de décision. Les tableaux de bord en temps réel permettent par exemple aux relationship managers de visualiser instantanément les expositions, les performances et la liquidité, sur tous les comptes.

    L’automatisation a également changé la donne : rapprochements, reporting et contrôles de conformité sont désormais largement automatisés. Ce qui prenait des heures de vérification manuelle se fait en quelques minutes. Et grâce à son architecture modulaire, le système évolue en continu – intégration de données ESG, suivi des marchés privés, reporting assisté par IA – sans refonte complète.

    En résumé, nous sommes passés d’une infrastructure statique à un système vivant, qui évolue avec l’entreprise et avec nos clients.

    En quoi cette transformation technologique constitue-t-elle un levier de croissance pour Quilvest ?
    La technologie n’est plus un simple outil de support. Elle est devenue un véritable moteur de croissance. Ce nouveau système nous permet d’intégrer plus rapidement de nouveaux clients, de gagner en efficacité opérationnelle et d’offrir une qualité de service supérieure à moindre coût. C’est un avantage compétitif direct.

    Mais au-delà de l’efficacité, il y a la perception. Les clients voient que nous investissons dans l’innovation, et cela renforce la confiance. Les jeunes générations, en particulier, attendent une transparence et une maîtrise digitale accrues. Cette nouvelle plateforme positionne Quilvest comme une institution moderne, agile,tournée vers l’avenir.

    C’est aussi un levier d’attraction pour les talents. Les meilleurs professionnels veulent travailler dans un environnement où les outils les libèrent au lieu de les freiner. Ce projet envoie un signal fort : nous investissons dans l’avenir — le leur, comme celui de nos clients.

    Simon Gassmann
    Quilvest (Switzerland)

    Simon Gassmann a débuté sa carrière comme développeur de logiciels avant de rejoindre Quilvest (Switzerland), où il a occupé diverses fonctions avant d’en être nommé Chief Information Officer en 2007. Responsable du département informatique, il agit également en tant que conseiller IT pour les différentes entités du groupe Quilvest. Il est titulaire d’un diplôme en informatique de la Haute école spécialisée OST.

      Vous aimerez aussi

      LEADERS
      Innovation

      Innovation

      Simon Gassmann
      Quilvest (Switzerland)
      « La Tech n’est plus une fonction de support, mais un levier de croissance »

      Sphere

      The Swiss Financial Arena

      Depuis sa création en 2016, SPHERE anime la communauté des pairs de la finance suisse. Elle leur propose en français et en allemand différents espaces d’échange avec un magazine, des hors-série réservés aux Institutionnels, un site web et des évènements organisés tout au long de l’année pour aborder de nombreuses thématiques. Toutes les parties prenantes de la finance, l’un des plus importants secteurs économiques de Suisse, ont ainsi à leur disposition une plateforme où il leur est possible d’échanger, de s’informer et de progresser.