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Jean-Sylvain Perrig
Premyss
Le modèle 60-40 tient bon dans des marchés toujours plus complexes
Remis en question après 2022, quand actions et obligations ont alors chuté de concert, l’inusable 60-40 prouve pourtant qu’en matière d’investissement, la discipline, la simplicité et la qualité d’exécution l’emportent sur les modes et les prédictions à court terme. Car derrière les performances, c’est moins le modèle qu’il faut revoir que la philosophie d’investissement elle-même — sans renier les fondamentaux. Bien évidemment…
Depuis plus de vingt ans, le modèle 60-40, 60 % d’actions et 40 % d’obligations, ou plus souvent 50-50 dans les pays européens, s’impose comme la référence dans la construction de portefeuilles équilibrés. Pourtant, après la crise de 2022, nombreux sont ceux qui ont anticipé sa disparition. À tort. Ce modèle, loin d’être dépassé, incarne la résilience et la simplicité dont les investisseurs, privés comme institutionnels, ont besoin dans un environnement financier de plus en plus complexe.
Le portefeuille 60-40 repose sur une logique simple : allier la recherche de rendement, portée principalement par les actions, à la stabilité procurée par les obligations souveraines et corporates. Historiquement, cette combinaison a permis de traverser les crises financières avec une relative sérénité. Lorsque les marchés actions chutent, les obligations souveraines issues des principaux pays industrialisés, États-Unis, Allemagne, ont tendance à s’apprécier, offrant ainsi un coussin de sécurité qui amortit les pertes des actifs risqués en portefeuille.
Cette corrélation négative a longtemps été la clé de voûte des stratégies d’investissement équilibrées. Elle permettait de limiter les pertes lors des épisodes de volatilité, tout en offrant un revenu régulier en période de calme.
La correction sévère des obligations en 2022 a changé la donne. Pour la première fois depuis des décennies, les obligations – souveraines comme corporates – et les actions ont évolué dans le même sens, à la baisse. Cette année-là, le S&P500 a perdu par exemple 18.1%, dividendes compris, tandis que l’indice obligataire Bloomberg Aggregate Total Return a lâché 13%. Phénomène inédit pour tous les professionnels de la finance en exercice aujourd’hui. Aucun d’entre eux n’avait alors vécu une telle situation. Ce scénario a donc conduit certains observateurs à remettre en cause la pertinence du modèle 60-40.
A l’usage, si la décorrélation n’est plus aussi systématique, le modèle 60-40 conserve cependant toute sa valeur. Même lorsque les obligations et les actions baissent simultanément, la présence d’obligations dans un portefeuille permet de limiter l’amplitude des fluctuations. L’objectif premier, réduire la volatilité globale, reste donc atteint, même si les mécanismes de protection sont moins efficaces qu’auparavant.
Ce qui est probablement devenu obsolète, ce n’est pas un modèle d’allocation, mais plutôt une philosophie d’investissement. Par le passé, les professionnels de la gestion d’actifs et de la gestion privée avaient accès à une meilleure information que le grand public. Elle leur permettait parfois de pouvoir ajuster les portefeuilles à l’environnement financier avec un temps d’avance sur le « retail ». Ce n’est plus le cas. De nos jours, chacun peut accéder à un niveau d’information sur la macro- ou la microéconomie comparable à celui qu’exploitent les professionnels. Ces derniers y perdent ainsi un avantage stratégique majeur.
Une estimation réaliste des performances attendues du portefeuille est désormais possible. Il suffit pour cela d’évaluer sur le long terme le rendement potentiel des obligations et des actions. Plus l’horizon temps est long, plus la fourchette de fluctuation est faible, car les fondamentaux vont primer sur tous les autres facteurs. Blackrock réalise ce type de prévisions pour les années à venir. Selon leurs dernières estimations, un portefeuille 60-40 devrait obtenir un rendement en USD compris entre 4.35% et 6.61% en moyenne par an sur les dix prochaines années, sans tenir compte des frais. Comme on le voit, il n’y a pas de raison de penser que le 60-40 ne fonctionne plus. Ce qu’un investisseur peut raisonnablement attendre d’une telle allocation repose avant tout sur les retours sur investissement des actions et obligations à long terme.
Il n’est pas nécessaire d’ajuster sans cesse la composition du portefeuille en fonction des fluctuations de court terme, mais au contraire de rester fidèle à une stratégie, quelles que soient les émotions du moment. Il faut accepter l’incertitude des marchés et demeurer investi. Des modifications peuvent être apportées à la composition du portefeuille, lorsque le régime financier change. Ce qui arrive en fait peu souvent.
L’essentiel est de privilégier la simplicité. Warren Buffett, le Sage d’Omaha, le prouve depuis plusieurs décennies : inutile de complexifier à outrance pour obtenir des résultats solides. La patience est également indispensable, car c’est bien le temps, et non le timing, qui permet d’obtenir de la performance.
Avoir une allocation d’actif qui convient à son profil de risque ne suffit pas. Il faut encore trouver les bons véhicules d’investissement pour implémenter sa stratégie. Sur ce point précis, il est important de rester intransigeant. Un fonds actif classé dans le troisième ou quatrième quartile de sa catégorie sur trois ou cinq ans n’a plus sa place en portefeuille. En cas de doute, mieux vaut privilégier un ETF liquide. De la même manière, la prudence s’impose face aux produits structurés, souvent coûteux et dépourvus d’un véritable marché secondaire, sauf à considérer quelques AMC de qualité, accessibles à la valeur nette d’inventaire.
Pour optimiser les résultats, il faut garder le cap sur le rapport rendement-risque, car tout objectif déviant de ce duo fondamental limitera tôt ou tard la performance. Les professionnels de la gestion qui chercheraient simultanément à maximiser leur rémunération et la performance du portefeuille poursuivent deux buts incompatibles. À long terme, seule la discipline d’une allocation bien pensée, exécutée sans concession sur la qualité des instruments, permet d’atteindre les rendements espérés. Ainsi, la question de la pérennité du modèle 60-40 n’est pas remise en question. Pour autant que l’on respecte les règles de base de l’investissement.
Pour les investisseurs suisses, confrontés à des taux obligataires historiquement bas, une question centrale se pose : que faire lorsque le rendement attendu des obligations d’État frôle le zéro pour la décennie à venir ? C’est un casse-tête flagrant. Trouver alors des alternatives devient indispensable, car investir dans un actif sans rendement attendu n’a plus de sens. Dans ce contexte, il devient nécessaire de repenser la construction du portefeuille, sans pour autant renoncer aux qualités de la diversification entre actions et obligations. Les solutions existent.
Le modèle 60-40 est avant tout une façon de définir un budget de risque. S’il continue de séduire, c’est parce qu’il reflète les attentes de la plupart des investisseurs — particuliers comme institutionnels — en matière de performance ajustée du risque. C’est aussi ce qui explique l’attention portée à ses résultats.
Dans un environnement financier où l’incertitude et la volatilité sont devenues la norme, la simplicité, la discipline et la flexibilité sont plus précieuses que jamais. Plutôt que de courir après des stratégies complexes, bien souvent peu profitables, les investisseurs ont tout intérêt à s’appuyer sur des principes qui ont fait leurs preuves
Face aux défis des marchés modernes, le modèle 60-40 incarne une continuité. Il existe des possibilités pour l’améliorer, mais il a su néanmoins démontrer son efficacité dans la durée. Si la décorrélation entre actions et obligations est moins forte à l’avenir, il faudra accepter plus de volatilité que par le passé pour obtenir un résultat similaire, c’est là que les esprits chagrins diront que l’approche a perdu de son lustre.
Jean-Sylvain Perrig
Premyss
Jean-Sylvain Perrig est le fondateur et CEO de Premyss, qui accompagne des gestionnaires indépendants et des family offices dans l’allocation d’actifs, la stratégie de portefeuille et l’analyse de marché. Jean-Sylvain a plus de 30 ans d’expérience dans la gestion d’actifs et le conseil stratégique. Il a occupé des fonctions dirigeantes dans des établissements bancaires suisses de premier plan notamment en tant que Chief Investment Officer. Il a également présidé la Swiss Financial Analysts Association (SFAA) dont le but est l’éducation financière des professionnels de l’investissement. Jean-Sylvain est titulaire d’un Master en gestion de l’entreprise de HEC Lausanne ainsi que de la certification fédérale d’analyste financier
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Devenus des piliers stratégiques dans les sociétés de gestion, les PMS évoluent bien au-delà de leur rôle opérationnel. Grâce aux avancées de l’IA, à l’automatisation des processus et à la transition vers des architectures ouvertes, ils se transforment en plateformes intelligentes, capables d’offrir une gestion plus fluide, plus personnalisée et mieux centrée sur le client.
Les grandes dynamiques à l’oeuvre dans la transformation des PMS
Les PMS forment aujourd’hui l’ossature des sociétés de gestion. Elles permettent aux gérants de rationaliser leurs opérations au quotidien et d’apporter une valeur ajoutée tangible à leurs clients. En intégrant des fonctions clés comme le CRM, l’OMS ou le DMS, ces plateformes automatisent de nombreux processus et renforcent la fluidité ainsi que la personnalisation de l’expérience client.
À l’heure où les données – qu’il s’agisse de flux de marché, de profils clients ou d’historiques de transactions – sont massivement collectées et analysées, les éditeurs de PMS sont idéalement placés pour exploiter les avancées technologiques qui ont cours en ce moment. Ces innovations rendront leurs plateformes plus intuitives, évolutives et véritablement centrées sur les besoins des clients.
Stratégies d’investissement personnalisées
Les PMS évoluent rapidement pour rendre la construction de portefeuille plus personnalisée et plus sophistiquée. Les plateformes actuelles permettent aux gérants de concevoir des portefeuilles adaptés aux objectifs, aux valeurs et au profil de risque propres à chaque client. Un élément central dans cette personnalisation est la capacité à regrouper et superviser tous les types d’actifs, quel que soit leur lieu de dépôt ou leur mode de conservation. L’intégration fluide de ces avoirs permet une approche véritablement holistique de la gestion du patrimoine.
Solutions cloud natives et évolutives
L’adoption du cloud transforme les PMS en outils bien plus agiles, capables d’accompagner efficacement la montée en charge des activités de gestion. Avec leurs tableaux de bord centralisés et leurs outils performants, ces nouvelles plateformes offrent aux gérants une grande flexibilité pour piloter portefeuilles et opérations à distance. Contrairement aux systèmes traditionnels installés sur site, les solutions cloud modernes montent en charge automatiquement, offrent une reprise rapide en cas d’incident et demandent peu de maintenance. Leur architecture native dans le cloud facilite le déploiement, l’intégration avec d’autres technologies, et contribue à une gestion plus efficace des coûts.
Collecte automatisée des données, rapprochement et efficacité opérationnelle
Les plateformes PMS de nouvelle génération optimisent la gestion des données en proposant des interfaces robustes avec les banques dépositaires. Elles assurent ainsi la collecte et le rapprochement automatiques des données de portefeuille à partir de sources multiples. En réduisant les interventions manuelles, ces systèmes limitent les erreurs et allègent la charge opérationnelle. Des moteurs de règles avancés renforcent la fiabilité en exerçant des contrôles stricts sur l’intégrité des données et la qualité des transactions, ce qui permet de détecter et corriger rapidement les écarts. En automatisant ces fonctions clés, les PMS garantissent une information plus fiable, des mises à jour accélérées et une gestion de portefeuille mieux sécurisée.
Reporting avancé et engagement digital du client
Les nouvelles solutions de reporting offrent aux clients une vision claire et structurée de leur portefeuille, en couvrant l’ensemble des classes d’actifs et des dépositaires. Cette transparence accrue renforce la relation de confiance. Les plateformes conçues pour un usage digital transforment l’expérience utilisateur : elles donnent accès à une visualisation intuitive des portefeuilles et à des analyses adaptées au profil de chaque client. Les portails ne se limitent plus à la consultation de comptes ; ils facilitent le partage de documents, simplifient les échanges et assurent un suivi en continu. Avec leurs tableaux de bord interactifs, les clients peuvent personnaliser l’affichage de leurs données, consulter leurs performances et surveiller les risques en temps réel.
Fonctions de conformité réglementaire
L’intensification des exigences réglementaires pousse les PMS à intégrer des outils d’automatisation de la conformité qui réduisent la charge administrative et s’alignent sur les normes en vigueur. Ces plateformes proposent désormais des vérifications KYC/AML automatisées, des pistes d’audit en temps réel et une transparence totale sur les frais — intégrant ainsi la conformité directement dans les processus opérationnels. Les contrôles en temps réel, associés à des évaluations de risque automatisées, permettent de détecter les anomalies en amont et de limiter les risques opérationnels. Les outils de reporting intégrés simplifient les dépôts réglementaires, tout en contribuant à une réduction significative des coûts de conformité.
Intégration API et connectivité écosystémique
Les PMS modernes sont de plus en plus conçus sur des architectures ouvertes via API, pour une intégration fluide avec une large gamme de systèmes tiers — plateformes de trading, dépositaires, outils CRM et fournisseurs de données. Grâce à la synchronisation des données en temps réel, à l’exécution automatisée des ordres et à l’analyse consolidée des portefeuilles, les API transforment la manière dont les gérants conçoivent et pilotent leur écosystème IT.
Ce niveau d’interopérabilité leur permet de construire des architectures sur mesure, parfaitement alignées avec leurs processus opérationnels et leurs objectifs stratégiques. Il garantit également la cohérence, l’intégrité des données et un haut niveau de sécurité sur l’ensemble des points de contact.
Intégration des investissements alternatifs
Les PMS évoluent pour répondre à la demande croissante d’investissements alternatifs tels que le private equity, l’immobilier, les hedge funds ou les cryptomonnaies. Ces systèmes proposent désormais des modèles de valorisation avancés, des outils de gestion de liquidité et des cadres de risque adaptés aux complexités propres à chacune de ces classes.
Gérer efficacement les investissements alternatifs nécessite des fonctionnalités spécifiques en matière de reporting, de suivi de performance et de conformité. Les PMS de nouvelle génération répondent à ces enjeux en agrégeant les données provenant de sources multiples, en automatisant le calcul des NAV et en ajustant leurs analyses aux spécificités des actifs illiquides ou à flux de trésorerie complexes. Ils intègrent également les contraintes de liquidité, les périodes de blocage et les structures de frais spécifiques dans leurs outils de gestion des risques.
Intelligence artificielle et automatisation
L’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique servent à automatiser l’analyse des données, le suivi réglementaire et l’analyse des portefeuilles. Les outils d’analyse prédictive et d’analyse de sentiment permettent aux gérants de prendre des décisions plus rapides et mieux fondées sur les données. Les systèmes basés sur l’IA sont désormais capables de traiter de vastes quantités de données non structurées afin de capturer efficacement l’information, quel que soit son format.
Interaction cognitive avec le client
L’IA générative est de plus en plus utilisée pour alimenter des conseillers virtuels capables d’expliquer les décisions de portefeuille dans un langage clair, naturel, et de simuler les résultats dans différents scénarios de marché. Ce type d’interface facilite la transmission de notions financières complexes. Elle rend ainsi la gestion de portefeuille plus compréhensible, plus transparente et mieux adaptée aux attentes des clients.
Optimisation prédictive des portefeuilles
L’IA utilisera des modèles d’apprentissage profond et génératif pour simuler divers scénarios de marché, et tester la résilience des portefeuilles face à différentes perturbations. Les outils d’IA générative peuvent analyser des données non structurées — comme les annonces de résultats ou le sentiment exprimé dans les médias — pour anticiper les mouvements de prix et suggérer des ajustements en temps réel. Ces modèles permettent également de détecter des corrélations cachées entre classes d’actifs et indicateurs macroéconomiques, facilitant de la sorte une gestion proactive des risques.
Sener Arslan
QPLIX
Sener Arslan est depuis l›an passé directeur Suisse chez Qplix, en charge du développement commercial sur ce marché. Fort de sa solide expérience dans la wealthtech, il se concentre sur les segments des gestionnaires de patrimoine, des family offices et des banques. Il a commencé sa carrière en tant que wealth manager chez UBS avant de fonder sa propre société de gestion. Par la suite, il a occupé différents postes de direction, notamment celui de Group COO chez Taurus Wealth, présent à Singapour, Dubaï et en Suisse, puis il a cofondé Integraal Partners. Il est titulaire d’un Bachelor of Science en banque et il détient la certification CFA.
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En repensant son infrastructure de base avec WIZE, Quilvest franchit une étape majeure dans sa transformation numérique. Ce nouveau core banking system de dernière génération redéfinit les standards du private banking : plus flexible, plus intégré et véritablement centré sur le client. Simon Gassmann, CIO et maître d’œuvre du projet, en livre une analyse détaillée et revient sur les choix qui ont guidé cette évolution.
Par Jérôme Sicard
Quelles motivations ont poussé Quilvest à remplacer son core banking system?
L’ancien système avait atteint ses limites naturelles. Il était fiable, mais rigide — une infrastructure pensée pour un monde qui n’existe plus. Pour une institution comme la nôtre, qui accompagne des clients sophistiqués, des familles multigénérationnelles et des structures transfrontalières complexes, cette rigidité était devenue un véritable frein.
Chaque nouvelle structure client, chaque exception nécessitait des contournements manuels. Cela reste gérable avec quelques centaines de portefeuilles, mais les inefficacités tendent à se multiplier dès que vous changez d’échelle, en raison des exigences réglementaires, opérationnelles et de reporting en constante hausse, Nous avons fini par comprendre que les améliorations à la marge ne suffiraient jamais à nous donner l’agilité nécessaire.
La question n’était donc pas « faut-il changer ? », mais « comment changer ? ». Nous avons choisi une voie ambitieuse : concevoir et construire un système sur mesure, depuis la base, qui reflète pleinement la manière dont Quilvest fonctionne et anticipe les besoins de ses clients.
Quelles fonctionnalités recherchiez-vous que les solutions existantes ne proposaient pas ?
Notre priorité absolue était la flexibilité. La plupart des systèmes standards fonctionnent bien pour la banque de détail ou la banque privée traditionnelle, mais ils peinent à gérer des structures multi-entités, multi-devises et multi-juridictions. Nous avions besoin d’une plateforme capable d’offrir une vision consolidée et en temps réel, couvrant les membres d’une famille, les trusts, sociétés et fondations, avec un haut degré de précision et de transparence.
Nous voulions également garder la maîtrise de nos données, de notre architecture et de notre feuille de route technologique. Les systèmes classiques enferment les institutions dans une dépendance aux fournisseurs et des cycles de mise à jour longs. Nous recherchions une plus grande liberté de mouvement pour adapter notre infrastructure,’y intégrer de nouveaux modules, API ou applications tierces au rythme de l’innovation.
L’expérience utilisateur était un autre critère essentiel. Nous avons donc misé sur la clarté et la simplicité : des interfaces épurées, une navigation intuitive, un accès direct aux informations pertinentes.
Enfin, l’intégration devait être totale. Le nouveau système devait dialoguer naturellement avec nos outils PMS, CRM, de conformité et de reporting. Il est en effet devenu impératif que les données puissent circuler automatiquement, sans double saisie ni information fragmentée.
Quels ont été les aspects les plus difficiles dans la création de ce core banking system à partir de zéro ?
Le principal défi n’était pas technique, mais culturel. Lorsque l’on annonce la construction de son propre core banking system, beaucoup pensent qu’une institution de notre taille n’en est pas capable. Il a fallu convaincre en interne, démontrer qu’agilité et taille peuvent être complémentaires.
Sur le plan technique, la difficulté résidait dans la hiérarchisation des priorités. Quand on part d’une feuille blanche, tout semble possible, mais il faut savoir se concentrer sur l’essentiel : les données clients, les transactions, les positions, les rapprochements et le reporting. Nous avons ensuite ajouté les modules étape par étape.
Nous avons adopté une approche agile : livraisons successives, boucles de retour d’expérience, et forte implication des utilisateurs de chaque département. C’était un facteur clé de réussite. Le projet n’a pas été imposé par l’informatique ; il a été construit par le métier, pour le métier.
Nous avons sans doute sous-estimé l’effort lié à la migration des données. Nettoyer, cartographier et valider des années d’historique est un chantier en soi. Mais une fois terminé, le bénéfice a été immense : exactitude, cohérence et traçabilité totale.
Quels éléments vous ont conduit à choisir WIZE comme partenaire ?
Nous avons évalué plusieurs options — fournisseurs traditionnels, fintechs modulaires et développement sur mesure. L’option WIZE est ressortie pour une raison simple : l’éditeur comprend véritablement les tenants et aboutissants d’una banque privée. Son équipe venait du monde de la gestion de fortune, pas de l’informatique générique. Cela a changé la donne. Dès les premiers échanges, ils ont saisi nos besoins : structures de comptes complexes, reporting consolidé, exigences de discrétion et de conformité.
Sur le plan technologique, leur plateforme était API-first et modulaire, parfaitement alignée avec notre vision à long terme. Nous voulions un système capable d’évoluer avec nous, pas de nous contraindre. WIZE offrait cette ouverture et cette évolutivité. Mais la vraie différence, c’était l’esprit du partenariat. Nous avons construit l’architecture ensemble, ligne par ligne. La confiance et la compréhension mutuelle ont été les fondations du projet.
Comment avez-vous convaincu votre conseil d’administration ?
Nous avons présenté une combinaison d’arguments stratégiques, opérationnels et financiers. Sur le plan stratégique, il s’agissait de reprendre le contrôle : devenir maîtres de notre propre infrastructure technologique. Sur le plan opérationnel, le nouveau système allait réduire drastiquement les interventions manuelles et le risque d’erreurs. Et, sur le plan financier, l’investissement initial important se justifie par ce qu’impliquait une plus grande efficacité : moins de maintenance, plus de productivité, et l’absence de licences coûteuses.
J’ai aussi insisté sur le fait que la technologie n’est plus une fonction de support : elle est devenue un facteur de différenciation. Les clients, les régulateurs et les collaborateurs attendent désormais transparence, rapidité et fiabilité. Une plateforme moderne soutient ces trois dimensions. Enfin, le partenariat avec un acteur expérimenté comme WIZE a rassuré le Conseil : il s’agissait d’un projet d’innovation maîtrisé, pas d’une aventure.
Qu’est-ce qui vous apporte le plus de satisfaction aujourd’hui ?
D’abord, la simplicité. Nous avons éliminé des couches de complexité et rendu nos processus beaucoup plus fluides. Les équipes peuvent se concentrer sur les clients, plutôt que sur les dysfonctionnements techniques. Ensuite, le sentiment d’appropriation : chacun perçoit ce système comme le nôtre, conçu pour nous et par nous. C’est extrêmement fédérateur.
Il y a aussi la fierté d’avoir transformé le scepticisme initial en engagement. Beaucoup de collègues, d’abord prudents, sont désormais les premiers à promouvoir le système et à proposer des améliorations. Quand la technologie devient partie intégrante de la culture de l’entreprise, c’est que le pari est réussi.
Combien de temps le projet a-t-il pris ?
Environ deux ans et demi, de la définition initiale à la mise en œuvre complète. La phase de migration, à elle seule, s’est étalée sur plusieurs mois et a nécessité un travail considérable.
Nous en avons profité pour nettoyer nos données et rationaliser nos structures de reporting. À bien des égards, cette migration a été aussi précieuse que le système lui-même : elle nous a obligés à repenser la manière dont nous structurons et livrons l’information à nos clients.
Aujourd’hui, avec la maturité acquise par la plateforme WIZE, si nous devions réimplémenter le système en ne conservant que la phase de migration, nous pourrions probablement achever l’ensemble du processus en moins d’un an.
En quoi ce nouveau système se distingue-t-il des solutions classiques ?
Les systèmes traditionnels sont transactionnels : ils enregistrent et stockent. Le nôtre est relationnel : il connecte, analyse et anticipe. Il ne se contente pas d’exécuter des opérations, il soutient la prise de décision. Les tableaux de bord en temps réel permettent par exemple aux relationship managers de visualiser instantanément les expositions, les performances et la liquidité, sur tous les comptes.
L’automatisation a également changé la donne : rapprochements, reporting et contrôles de conformité sont désormais largement automatisés. Ce qui prenait des heures de vérification manuelle se fait en quelques minutes. Et grâce à son architecture modulaire, le système évolue en continu – intégration de données ESG, suivi des marchés privés, reporting assisté par IA – sans refonte complète.
En résumé, nous sommes passés d’une infrastructure statique à un système vivant, qui évolue avec l’entreprise et avec nos clients.
En quoi cette transformation technologique constitue-t-elle un levier de croissance pour Quilvest ?
La technologie n’est plus un simple outil de support. Elle est devenue un véritable moteur de croissance. Ce nouveau système nous permet d’intégrer plus rapidement de nouveaux clients, de gagner en efficacité opérationnelle et d’offrir une qualité de service supérieure à moindre coût. C’est un avantage compétitif direct.
Mais au-delà de l’efficacité, il y a la perception. Les clients voient que nous investissons dans l’innovation, et cela renforce la confiance. Les jeunes générations, en particulier, attendent une transparence et une maîtrise digitale accrues. Cette nouvelle plateforme positionne Quilvest comme une institution moderne, agile,tournée vers l’avenir.
C’est aussi un levier d’attraction pour les talents. Les meilleurs professionnels veulent travailler dans un environnement où les outils les libèrent au lieu de les freiner. Ce projet envoie un signal fort : nous investissons dans l’avenir — le leur, comme celui de nos clients.
Simon Gassmann
Quilvest (Switzerland)
Simon Gassmann a débuté sa carrière comme développeur de logiciels avant de rejoindre Quilvest (Switzerland), où il a occupé diverses fonctions avant d’en être nommé Chief Information Officer en 2007. Responsable du département informatique, il agit également en tant que conseiller IT pour les différentes entités du groupe Quilvest. Il est titulaire d’un diplôme en informatique de la Haute école spécialisée OST.
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Face à un environnement marqué par la consolidation et la montée des exigences réglementaires, SSI Wealth Management incarne une nouvelle génération de gérants indépendants : structurés, connectés et tournés vers une croissance durable. Oliver Amstad, son CEO, explique ici comment la récente intégration au groupe Cinerius a permis à SSI d’accélérer son expansion tout en préservant sa fibre entrepreneuriale.
Par Jérôme Sicard
Quels facteurs ont soutenu la croissance durable de SSI au cours de la dernière décennie ?
Notre trajectoire au fil des dix dernières années s’est avant tout construite sur les personnes – sur la force et la complémentarité des équipes que nous avons réunies. Dès le départ, SSI a cherché à rassembler des profils qui aient à la fois une expertise approfondie et un esprit entrepreneurial. Cela vaut non seulement pour nos collaborateurs, mais aussi pour nos partenaires, pour le réseau élargi avec lequel nous travaillons et pour notre conseil d’administration. Nous l’avons progressivement remodelé afin qu’il reflète l’évolution et les nouvelles aspirations de l’entreprise.
Depuis 2023, nous nous sommes également réorganisés sous forme de holding, qui regroupe à ce jour environ 3 milliards d’actifs sous gestion. La holding inclut SSI Wealth Management, Huber & Partner, Monaval, SSI Asset Management au Liechtenstein, Carnot – une société de gestion spécialisée dans les investissements durables et l’efficacité énergétique – ainsi que SSI Services, une fiduciaire basée à Zurich. Chacune de ces unités apporte une expertise spécifique ; ensemble, elles forment un écosystème cohérent qui alimente notre croissance.
Notre réussite s’explique aussi par le fait que nous nous concentrons sur des marchés de niche et sur des domaines où nous pouvons offrir une réelle valeur ajoutée. Un bon exemple est notre Gold Equities Fund, passé de 30 millions à plus de 200 millions de francs suisses. La performance du fonds a naturellement attiré de nouveaux investisseurs, mais surtout, elle a démontré la solidité de notre réseau et notre capacité à croître par l’expertise plutôt que par le marketing.
Quels leviers de croissance privilégiez-vous aujourd’hui ?
Notre développement s’inscrit dans la continuité de la collaboration que nous entretenons notamment avec les fiduciaires, les family offices et bien sûr avec nos clients existants. Ces relations de long terme génèrent naturellement de nouvelles recommandations et de nouvelles opportunités. La croissance organique demeure un pilier essentiel, mais elle s’accompagne désormais d’une expansion externe sélective. Les deux se renforcent mutuellement : les acquisitions apportent de nouvelles compétences, tandis que la croissance interne garantit la préservation de notre culture et de nos standards.
Nous concentrons actuellement nos efforts sur notre présence dans la région DACH, tout en explorant de nouvelles perspectives en Scandinavie et en Israël, où nous disposons déjà de solides liens. L’objectif n’est pas une expansion agressive, mais une croissance maîtrisée – en veillant à maintenir la proximité et la qualité du service.
En quoi l’intégration au groupe Cinerius a-t-elle influencé cette trajectoire ?
Rejoindre Cinerius a donné une impulsion très concrète à nos développements. Avant cela, nous avions l’ambition de croître par acquisitions, mais sans disposer de l’infrastructure ni de l’expérience transactionnelle nécessaires pour avancer rapidement. Cinerius nous a fourni ce cadre : des équipes M&A expérimentées, des juristes spécialisés, des processus éprouvés. Sur cette base, nous avons réalisé deux acquisitions en une seule année – un rythme qui nous aurait pris beaucoup plus de temps auparavant.
Au-delà de l’aspect technique, faire partie de Cinerius nous apporte taille et crédibilité. Le groupe représente aujourd’hui près de 15 milliards de francs d’actifs. Cette masse critique est un atout majeur dans un environnement où les coûts liés à la conformité, à l’informatique et à la gestion des risques ne cessent d’augmenter. C’est aussi un avantage pour attirer de nouveaux talents. Cela dit, nous avons conservé une indépendance entrepreneuriale totale : les décisions stratégiques se prennent ici, à Bäch. Le modèle Cinerius fonctionne précisément parce qu’il allie les ressources du groupe à une réelle autonomie en local.
Votre approche de la croissance a-t-elle évolué depuis l’entrée dans Cinerius ?
Absolument. Nous sommes devenus plus rapides, plus structurés et plus stratégiques. Avant, la croissance externe dépendait beaucoup des opportunités : le bon contact, le bon moment. Aujourd’hui, nous disposons d’un processus clair, d’une méthodologie éprouvée et d’experts capables de mener une acquisition de l’idée à la conclusion en moins d’un an.
Dans le même temps, nous sommes devenus plus sélectifs. L’intégration est aussi importante que l’acquisition. Nous avons appris qu’une croissance réussie doit respecter la culture – l’ADN des entreprises que nous rejoignons. Chez SSI, nous procédons de manière progressive : comprendre les personnes, les clients, la philosophie. Cinerius partage pleinement cette approche. Nous intégrons les sociétés étape par étape, en préservant leur autonomie et leur identité.
Dans quelle mesure les fonctions mutualisées – conformité, informatique, RH, marketing digital – ont-elles contribué à optimiser vos opérations ?
Ces fonctions font une différence considérable. Même avant de rejoindre Cinerius, SSI avait mis en place une structure interne de holding centralisant la conformité, l’informatique, le marketing et les ventes pour ses filiales. Aujourd’hui, nous bénéficions d’un soutien supplémentaire à l’échelle du groupe.
En Allemagne, par exemple, Cinerius a développé des outils de marketing digital particulièrement performants pour l’acquisition de clients – que nous envisageons d’adapter pour le marché suisse. Le département RH du groupe nous apporte également une réelle valeur ajoutée, notamment pour le recrutement de relationship managers seniors et la coordination avec des chasseurs de têtes. Ces ressources nous permettent de rester agiles tout en maintenant des standards opérationnels élevés.
Il ne s’agit pas de perdre notre indépendance, mais de gagner en efficacité. Chaque entité conserve son identité, tout en profitant de la force collective du groupe.
En quoi cette collaboration influence-t-elle votre proposition de valeur auprès des clients ?
Pour nos clients, la collaboration avec Cinerius est presque invisible – et c’est exactement ainsi que nous le souhaitons. SSI reste SSI : la même équipe, la même philosophie, le même niveau de service personnalisé.
Cinerius apporte une base solide qui renforce notre stabilité et notre résilience, sans altérer l’essence de nos relations clients ni notre culture interne. Le groupe n’impose ni marque, ni processus. Il nous permet simplement de faire ce que nous faisons déjà – mais plus vite et plus efficacement.
SSI a récemment intégré Huber & Partner et Monaval. Quels enseignements tirez-vous de ces intégrations ?
A chaque intégration, il apparaît que la culture est primordiale. On peut aligner les systèmes et les processus, mais si la chimie humaine ne fonctionne pas, le projet échoue. Dès les premières discussions avec Huber & Partner et Monaval, il est apparu évident que nous partagions le même état d’esprit : une orientation client forte, de la discipline et une vision à long terme.
Le respect et la confiance sont essentiels, surtout lorsqu’on travaille avec des fondateurs qui ont bâti leur entreprise sur plusieurs décennies. Nous abordons chaque intégration progressivement, en prenant le temps de comprendre les clients et les équipes. Le but n’est pas d’absorber les sociétés, mais de créer des synergies. Ces sociétés que nous intégrons apportent leurs relations, leur savoir-faire et, de notre côté, nous apportons la structure, la conformité et la capacité à croître.
Comment accompagnez-vous concrètement ces sociétés dans leur développement post-intégration ?
Nous commençons par les fondamentaux : conformité, informatique, gestion des risques – des domaines de plus en plus exigeants en ressources. Ensuite, nous aidons à mettre en place des processus évolutifs pour que les équipes puissent se concentrer sur l’essentiel : les clients.
Huber & Partner, par exemple, sera pleinement intégrée sous la marque SSI d’ici 2026, mais d’ici là, elle continue d’opérer de manière autonome tout en profitant de notre infrastructure.
Nous accordons également une grande importance à la relève et à la continuité. Beaucoup de ces sociétés ont été fondées il y a 20 ou 30 ans. Assurer la transmission – pour les clients comme pour les collaborateurs – est crucial. Cela implique de former la nouvelle génération de relationship managers, de moderniser les outils et de créer un environnement attractif pour de nouveaux talents.
Dans un secteur en profonde mutation – marqué par la consolidation et la montée des exigences réglementaires et technologiques – pourquoi le modèle Cinerius vous semble-t-il particulièrement pertinent ?
Parce qu’il répond aux grands défis structurels de notre métier : la succession, la taille critique et la spécialisation. L’âge moyen des gérants indépendants en Suisse est élevé, et beaucoup d’entreprises peinent à assurer leur continuité. Cinerius offre une solution pérenne qui permet de se professionnaliser et de se développer sans renoncer à son esprit entrepreneurial.
Par ailleurs, le secteur a besoin de visibilité. Contrairement aux grandes banques privées comme Julius Baer ou Vontobel, les gérants externes restent souvent dans l’ombre. Une plateforme comme Cinerius leur donne une voix collective et une crédibilité accrue, tout en préservant leur indépendance.
Enfin, la taille compte. Que ce soit pour la digitalisation, la conformité ou l’investissement technologique, la dimension devient un atout stratégique. Le modèle Cinerius combine la force du groupe et la liberté individuelle. C’est ce qui le rend non seulement pertinent, mais indispensable pour la prochaine décennie.
Oliver Amstad
SSI Wealth Management
Oliver Amstad possède plus de trente ans d’expérience dans la gestion de fortune et la banque d’investissement. Il a passé cinq ans au sein de la direction d’une banque privée zurichoise avant de co-fonder SSI Wealth Management, qu’il a dirigée comme CEO et administrateur de 2010 à 2023. Depuis 2024, il est délégué du conseil d’administration de SSI Holding et siège dans plusieurs conseils d’administration du groupe.
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La digitalisation du secteur financier en Suisse, très en retard, se joue aussi sur la capacité des banques à repenser leur culture et leurs priorités. Pour Dorothée Borca Dumortier, elles doivent apprendre à fluidifier les parcours et à construire des expériences digitales cohérentes, transparentes sans friction. Dans un environnement où la rapidité, la personnalisation et la data redéfinissent les règles du jeu, elles sont désormais tenues de conjuguer agilité technologique et intelligence relationnelle.
Par Jérôme Sicard
Dans le récent classement mondial de Deloitte sur le digital et le secteur bancaire, la Suisse a chuté au 27e rang. Comment expliquez-vous ce recul alarmant ?
Ce classement reflète une réalité : la Suisse excelle peut-être dans les domaines de la sécurité et de la conformité, mais elle a tardé à investir dans l’expérience utilisateur et l’agilité technologique. Or, l’enjeu est colossal. D’ici 2048, ce sont environ 85’000 milliards de dollars qui vont être transférés entre générations. Les héritiers de ces fortunes ont des attentes radicalement différentes en matière d’expérience digitale. Les banques et institutions financières qui ne se transforment pas maintenant risquent tout simplement de louper le coche.
Dans quelle mesure le legacy des core banking systems freine-t-il la digitalisation des services financiers en Suisse ?
Il freine considérablement, mais pas de manière insurmontable. Le vrai problème n’est pas technique – il est selon moi plus culturel et organisationnel. Les banques doivent faire évoluer leur état d’esprit pour « raisonner client », en cherchant constamment à retirer toute friction dans le parcours, sans se laisser limiter par les contraintes techniques. Beaucoup de banques suisses manquent encore d’un processus end-to-end entièrement digitalisé pour l’ouverture de comptes, perdant des clients durant le tout le cycle onboarding. Trop d’institutions semblent attendre la solution parfaite plutôt que d’adopter une approche modulaire. Chez IG, nous avons fait le choix inverse : privilégier le progrès à la perfection, avec une architecture ouverte supportant des APIs sophistiquées, des protocoles multiples comme FIX ou Bloomberg EMSX, et une intégration progressive qui permet des solutions en temps réel. Le legacy se contourne par l’agilité et une approche pragmatique centrée sur l’expérience utilisateur.
Qu’est-ce qui distingue aujourd’hui les digital champions dans les services financiers, et plus particulièrement dans la gestion de fortune ?
Trois éléments font la différence : la rapidité d’exécution et de décision, la capacité à personnaliser l’expérience de chaque client grâce à une exploitation intelligente des données, et surtout, la création de cycles vertueux où chaque interaction génère de la valeur et renforce la relation client. Mais ce qui sépare vraiment les champions des autres, c’est leur proposition de valeur. Elle doit être claire, différenciante, et immédiatement perceptible par le client. Dans la gestion de fortune, ceux qui gagneront demain seront ceux qui orchestreront des écosystèmes digitaux où conseil, trading et analyse de données sont intégrés de manière fluide – tout en délivrant une expérience utilisateur irréprochable à chaque point de contact.
Vous-même IG Bank, où pensez-vous avoir pris le plus d’avance ?
Notre avance se situe dans deux domaines concrets. D’abord, l’exécution en temps réel. Nos clients tradent sur plus de 17’000 instruments financiers avec une latence minimale et une transparence sur les prix et l’exécution. Ensuite, l’innovation produit : nous développons actuellement une approche de segmentation client entièrement repensée, basée sur l’engagement réel plutôt que sur des critères statiques. C’est notre direction stratégique – créer une expérience qui évolue avec l’activité du client et qui récompense l’engagement, pas simplement le volume d’actifs.
Deloitte insiste sur la nécessité d’un « mobile-first mindset » et d’une expérience utilisateur « future proof ». Comment faut-il le comprendre ?
« Mobile-first » ne signifie pas simplement adapter un site web à un écran plus petit. C’est concevoir l’expérience complète pour des utilisateurs qui attendent une réactivité instantanée, une navigation instinctive, et surtout, une continuité parfaite entre mobile, desktop et API. « Future proof » signifie bâtir une architecture qui s’adapte aux comportements émergents – voice, AI agents, embedded finance – sans refonte complète à chaque innovation. L’embedded finance permet d’intégrer des services de trading directement dans d’autres applications, comme votre outil de gestion patrimoniale, sans jamais en sortir. Ces tendances continueront à se développer. Les banques doivent impérativement rester pertinentes face à une génération qui a grandi avec Netflix, Uber et Amazon.
Comment travaillez-vous concrètement sur la fluidité, la personnalisation et la conformité de vos parcours digitaux ?
Nous avons engagé un travail de fond sur trois axes simultanés, avec l’obsession de raisonner client. La fluidité d’abord. Nous avons lancé un processus de cartographie systématique de nos parcours clients pour identifier et éliminer les frictions. Notre démarche consiste à remettre en question chaque clic superflu, chaque formulaire redondant, chaque délai injustifié. Le client doit atteindre son objectif dans le minimum de temps et d’étapes possible. Ensuite la personnalisation. Nous travaillons sur la capacité à délivrer le bon contenu analytique au bon moment. Nos analystes produisent des contenus riches – analyses de marché, perspectives sectorielles, webinaires – et notre enjeu est de les acheminer de manière pertinente selon les intérêts et l’activité de chaque client. Enfin la conformité. Nous sommes en train d’accélérer nos processus digitaux KYC/AML, avec pour objectif de réduire les délais et la complexité pour le client tout en maintenant la rigueur réglementaire. Le défi est de transformer ce qui est perçu comme une contrainte administrative en une étape fluide du parcours client. C’est là que l’UX fait toute la différence.
L’étude Deloitte souligne également le rôle stratégique de la personnalisation dans la conversion des interactions digitales en revenus. Comment, chez IG Bank, abordez-vous la donnée client et l’intelligence artificielle pour y parvenir ?
Nous travaillons à développer une approche pragmatique et progressive. L’intelligence artificielle chez IG doit servir trois objectifs mesurables. L’anticipation du comportement client, l’optimisation des interactions, et la personnalisation de l’expérience. En tant que plateforme digitale execution-only, nous ne faisons pas de recommandations d’investissement, mais nous proposons un contenu analytique riche produit par nos analystes. L’IA nous permettra d’acheminer le bon contenu au bon moment – qu’il s’agisse d’analyses de marché, de webinaires ou d’insights sectoriels – pour que chaque trader puisse prendre ses décisions de manière informée. La clé n’est pas d’accumuler des données – c’est de construire les systèmes qui les transforment en actions commerciales concrètes générant des revenus mesurables, tout en renforçant la proposition de valeur perçue par le client.
Que faut-il changer rapidement pour que les gestionnaires de fortune en Suisse – banques privées, multi-offices, gérants indépendants… se découvrent enfin une vocation de « digital champions » ?
Le digital doit devenir une priorité stratégique au même titre que la performance des portefeuilles. Pour les gérants indépendants et family offices, cela signifie investir dans des solutions qui automatisent le reporting, simplifient l’agrégation des données et fluidifient la conformité. Tout ce qui libère du temps pour le conseil à haute valeur ajoutée.
Il faut repenser également les indicateurs de succès. Intégrer des KPIs centrés sur le client : Net Promoter Score, taux d’adoption des plateformes digitales, satisfaction par parcours. Ces métriques doivent être intégrées aux tableaux de bord stratégiques. Ce qui n’est pas mesuré n’est pas amélioré.
Enfin, il faut accepter qu’on ne peut pas tout construire seul. Le dilemme build versus buy doit être tranché pragmatiquement : développer les compétences cœur de métier, mais s’ouvrir massivement aux partenariats pour le reste. API banking, outils de visualisation patrimoniale, solutions de reporting enrichi – tout existe déjà.
L’urgence est là. La croissance explosive des néo-banques qui cassent les codes traditionnels montre que les attentes ont radicalement changé. Si l’industrie suisse ne se transforme pas dans les 2-3 prochaines années, ces capitaux migreront ailleurs. La Suisse a toujours su se réinventer – l’horlogerie l’a fait, la pharma l’a fait. La gestion privée en est capable aussi.
Dorothée Borca Dumortier
IG Bank
Forte de 20 ans d’expérience partagée entre banque privée et finance digitale, Dorothée Borca Dumortier est la CEO d’IG Bank., où elle pilote le développement et la vision stratégique de la banque. Elle en était auparavant la Chief Commercial Officer. Dans ces fonctions, elle a façonné la stratégie commerciale tout en renforçant l’expérience client et la performance organisationnelle.
Avant de rejoindre IG en 2020, Dorothée Borca Dumortier a évolué dans des postes de direction chez HSBC Private Bank — où elle s’est spécialisée dans la gestion de clients HNWI et institutionnels en Suisse, Europe, Royaume-Uni et Moyen-Orient — ainsi que chez Piguet Galland, où elle se consacrait aux Gérants Indépendants.
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