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Thomas Tietz
Corum
« Nous participons activement à la vague de consolidation dans le secteur des GFI »
Kamala Harris, une relative inconnue menant une campagne d’à peine trois mois et demi, n’avait qu’une chance limitée de l’emporter face à un ancien Président bénéficiant d’une aura de star depuis plusieurs décennies. De plus, le message fade de la gauche incapable de reconnaître les erreurs d’une présidence Biden très peu populaire n’aura pas pesé bien lourd face à la rhétorique belliqueuse et conquérante de Donald Trump.
Les médias de gauche autant que de droite avaient annoncé une bataille serrée et un comptage des votes qui devait prendre plusieurs jours. Pourtant, au lendemain du 5 novembre, les résultats, bien qu’encore provisoires, ne laissaient déjà plus place au doute. Il n’était plus question de savoir qui gagnerait, mais bien de combien de voix Donald Trump allait l’emporter. Très vite, le Sénat passait lui aussi en mains républicaines, puis enfin la Chambre des Représentants.
Alors que l’on pensait que l’ancien Président obtiendrait le soutien d’un électorat avant tout masculin, mûr, blanc et peu éduqué, force est de constater qu’il a su convaincre bien au-delà de ces clichés, en faisant mouche notamment auprès des jeunes de toutes communautés, des hispaniques et asiatiques, et des personnes à faibles revenus.
Des planètes alignées
Le Donald Trump de 2024 est loin d’être aussi conciliant que celui de 2016, ou même de 2020. Admirateur de figures politiques pour le moins autoritaires telles que Vladimir Poutine, Kim Jong-Un ou Viktor Orban, Donald Trump semble déterminé à mener le pays à son idée et à faire taire toute voix discordante. Les premières nominations indiquent d’ores et déjà qu’une loyauté indéfectible sera exigée.
Outre un Sénat offrant une marge confortable de six voix au Président-élu, la Chambre basse est elle aussi passée en mains républicaines. De plus, six des neuf juges de la Cour Suprême sont conservateurs, les trois plus fondamentalistes ayant par ailleurs été choisis par le futur Président lui-même.
À l’échéance de ce nouveau mandat, Donald Trump ne pourra pas se représenter. Il y a donc fort à parier que celui qui avait promis d’être dictateur au premier jour de sa présidence mènera une politique empreinte d’absolutisme durant les quatre prochaines années. Au prix de sérieuses coupes budgétaires, il aura à cœur de tenir ses trois promesses électorales fétiches, à savoir réduire encore l’imposition des entreprises et des particuliers, mettre un frein à l’immigration et imposer des barrières douanières drastiques.
Une cure de minceur
Avec la majorité au Congrès, les républicains auront les coudées franches pour mettre en œuvre les mesures prônées par Donald Trump. La réduction de l’imposition des entreprises de 21% à 15% risque de creuser un trou béant dans les finances du gouvernement, sans apporter de bénéfice aux contribuables. Pour mémoire, en 2017, 81% de ces baisses avaient financé des rachats d’actions et distributions de dividendes, d’après les statistiques du Center on Budget and Policy Priorities.
Comment combler ce déficit ? Elon Musk l’a annoncé : le peuple américain va vivre une période difficile. Nommé à la tête du tout nouveau Département de l’Efficacité Gouvernementale, la diminution du nombre de fonctionnaires est une de ses priorités. Certains programmes sociaux essentiels tels qu’Obamacare, Medicaid et la sécurité sociale, depuis longtemps déjà dans le viseur des républicains, seront nécessairement rabotés pour renflouer les finances fédérales.
‘America First’
La décision d’imposer des droits de douane est en grande partie laissée à la discrétion du Président. Sa promesse de campagne d’appliquer 10% de manière uniforme et jusqu’à 60% sur les importations chinoises pourrait donc devenir réalité très rapidement. Elle devrait aussi en toute logique générer une inflation significative. En effet, si selon le Président-élu ces barrières renfloueront les caisses de l’Etat et dans le même temps créeront des emplois en poussant les entreprises à fabriquer sur sol américain, ce rationnel ne tient pas compte des potentielles mesures de rétorsion ni du manque de main d’œuvre. Omettre ces deux points équivaut à occulter l’inflation des prix et des salaires qui pourraient en découler et donc un envisageable retour de la politique restrictive de la Fed.
Le futur du parti républicain
Le parti républicain actuel n’a plus guère de points communs avec celui de Ronald Reagan, ou encore des George Bush père et fils. Bien plus à droite sur l’échiquier politique et plus adepte du culte de la personnalité que de la défense d’un idéal conservateur, bien des membres du Congrès se définissent comme ‘MAGA-Republican’. La défection durant la campagne de plusieurs personnalités éminentes du parti au profit des démocrates est preuve que le mouvement initié par Donald Trump n’a pas que des sympathisants. Est-ce à dire que les élections présidentielles de 2028 verront l’avènement d’un troisième parti enfin capable de concourir à égalité avec les deux géants ? Si la démocratie aurait tout à y gagner, rien n’est pourtant moins sûr.
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Plusieurs options s’offrent aujourd’hui aux gérants indépendants qui cherchent un repreneur. Ils sont nombreux dans cette situation aujourd’hui. Vivien Jain examine ici les différents scénarios à envisager, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Quel que soit le schéma retenu, le facteur temps joue un rôle crucial dans le processus.
Par Jérôme Sicard
Pourquoi le thème de la planification de la succession est-il particulièrement pertinent pour vous en ce moment ?
Notre expérience, appuyée par les données du marché, montrent qu’au cours des prochaines années, environ 20 à 30 % des gestionnaires de fortune atteindront l’âge de la retraite fixé à 65 ans. Pour bon nombre d’experts, un processus de succession bien mené peut demander trois à cinq ans. Il est donc crucial, en tant qu’entrepreneur, de se pencher sur le sujet suffisamment tôt et d’avoir un plan directeur en tête. Il ne s’agit pas seulement de l’entreprise elle-même, mais aussi des clients qui souhaitent une solution durable. Sans clients, la société ne vaudrait – en forçant un peu le trait – presque rien. Dans la mesure où nous opérons dans un secteur hautement personnel et difficilement interchangeable, ce processus doit être mené avec le plus grand soin.
Quelles options les gérants indépendants devraient-ils envisager aujourd’hui lorsqu’il s’agit de leur succession ?
Il y a deux questions clés qui se posent : puis-je régler la succession en interne, avec peut-être des partenaires plus jeunes voire avec mes propres enfants, ou dois-je plutôt chercher une solution externe ? Une solution de succession interne peut être préparée par des remplacements anticipés au sein du service clientèle. Pour une solution externe, il faut d’abord trouver le repreneur adéquat, ce qui est souvent plus compliqué et prend plus de temps qu’on ne le pense.
Une autre voie est la consolidation – si l’on ne trouve pas de successeur adéquat, il reste la possibilité de s’associer à une autre société. Toutefois, cela nécessite d’abandonner sa propre entreprise et de s’intégrer dans une autre culture d’entreprise, ce qui ne peut fonctionner que si les valeurs et les méthodes de travail sont les mêmes. En outre, la volonté de lâcher prise est déterminante pour la réussite d’une succession.
Quelle serait, selon vous, la meilleure solution?
Il n’existe pas de « meilleure » solution, ou de solution universelle. Tout dépend toujours de la situation individuelle de l’entreprise : sa structure ? les attentes des propriétaires ? l’état d’esprit et l’appétit pour le risque des personnes concernées ? Et le temps pendant lequel le propriétaire souhaite rester actif ? Dans de nombreux cas, la situation actuelle se résume à une consolidation, ne serait-ce que pour des raisons de réglementation et de coûts. Le combattant solitaire a aujourd’hui la vie plus dure, raison pour laquelle les partenariats avec des entreprises partageant les mêmes idées sont souvent le meilleur choix. À la fin de la journée, la meilleure solution est toujours celle qui satisfait les clients.
Quelles sont les principales différences entre les asset deals et les share deals ?
Pour le vendeur, un share deal est souvent plus intéressant, car il y a des avantages fiscaux et il n’est pas nécessaire de liquider l’entreprise. L’acheteur reprend toutefois l’ensemble de la société, y compris toutes ses obligations, d’où la nécessité d’une due diligence approfondie. Les spécialistes du marché pensent que les coûts d’une bonne due diligence ne sont réellement rentables qu’à partir d’un volume d’actifs d’environ 1 milliard de francs. Pour des actifs plus petits, les dépenses peuvent être disproportionnées.
En revanche, un asset deal implique un nouveau transfert de la relation client. L’avantage pour l’acheteur est de pouvoir reprendre seulement les clients qui lui conviennent. Au sein du groupe Aquila, nous avons déjà expérimenté les deux variantes, ce qui nous donne une certaine flexibilité dans la gestion des solutions de succession.
Quel serait, selon vous, le pire scénario dans un processus de succession ?
Le pire des scénarios serait que la répartition des rôles entre le repreneur et le cédant ne soit pas clairement définie. De gros problèmes peuvent également survenir si les stratégies d’investissement diffèrent trop ou si des problèmes de santé doivent accélérer le processus. Le pire des cas est toutefois celui où le cédant n’arrive pas à lâcher prise. Il est crucial de fixer les règles du jeu suffisamment tôt afin d’éviter ce type de malentendus.
Comment Aquila soutient les sociétés de gestion qui s’engagent dans la phase de succession ?
Nous accompagnons nos partenaires dans toutes les phases de développement de leur entreprise, de la création à la planification de la succession. Notre réseau et notre longue expérience nous permettent de trouver le bon match pour une succession.
Nous avons déjà pu mettre en œuvre avec succès plusieurs solutions de succession, que ce soit par des transferts internes, des fusions ou l’intégration de partenaires externes. Par ailleurs, nous ne travaillons pas uniquement pour les sociétés Aquila, nous proposons notre expertise à l’ensemble du marché.
Quelles étapes préliminaires les gérants indépendants doivent-ils suivre pour réussir leur succession ?
L’étape la plus importante est de développer très tôt un plan directeur et de le revoir régulièrement. La famille ou le partenaire devraient être impliqués dans le processus, tout comme les clients, car leurs attentes jouent un rôle important.
Combien de temps faut-il prévoir pour une succession réussie ?
Si tout se déroule sans problème, le processus dure en général deux à trois ans. Mais si l’on doit encore chercher le successeur adéquat, cela peut prendre jusqu’à cinq ans. Plus on prend le temps de planifier, plus les options se multiplient.
Comment les clients doivent-ils être impliqués dans le processus de succession ?
Les clients devraient être informés à temps et complètement intégrés dans ce processus. En effectuant par exemple des visites en compagnie du successeur afin de renforcer la confiance. Une phase de transition d’environ deux ans me semble idéale pour que client puisse percevoir la continuité et s’en satisfaire.
Qu’est-ce qui est souvent négligé dans le processus de succession ?
Les facteurs humains sont souvent négligés dans la transmission. Beaucoup ne prennent pas le temps de réfléchir suffisamment tôt à la façon dont leur rôle évoluera après la passation, ni à la manière dont ils utiliseront le temps ainsi libéré. L’aspect émotionnel du détachement est fréquemment sous-estimé, tandis que l’attention se porte parfois de façon excessive sur les aspects financiers.
Vivien Jain
Aquila
Vivien Jain dirige la société Aquila en tant que CEO depuis 2021, succédant alors au fondateur de l’entreprise, Max Cotting, qui a pris de son côté la présidence du conseil d’administration. Âgée de 39 ans, elle fait partie de la famille Aquila depuis 2014 et a pris en 2016 la responsabilité des domaines juridiques, de la conformité et des risques. Avec sa double nationalité canadienne et suisse ainsi que ses racines indiennes, elle apporte une perspective aux multiples facettes. Vivien Jain a suivi des études de droit avant d’exercer différents postes dans des cabinets d’avocats en Suisse et à l’étranger, notamment au sein de la société d’audit et de conseil PwC à Zurich.
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BDO Suisse et le Geneva Compliance Group ont joint leur force pour proposer aux gestionnaires de fortune une formation certifiante sur les aspects liés aux autorisations, à la surveillance, à la compliance et à la gestion des risques. Taulant Avdija en présente ici les contours.
Par Levi-Sergio Mutemba
Quels sont les axes principaux de la réglementation entourant la formation des gestionnaires de fortune en Suisse ?
La FINMA met l’accent sur la nécessité pour les établissements financiers d’adapter leurs plans de formation à leurs besoins spécifiques, conformément à l’esprit de la LSFin et de la LEFin. Cependant, elle a également précisé que les organismes de surveillance ne disposent pas de la compétence légale pour fixer des standards de formation obligatoires. Au final, le consensus préexistant entre les OS sur les exigences minimales de formation a été abandonné, ce qui a créé une situation complexe.
Dans l’intervalle, nous avons décidé de continuer à appliquer les standards et pratiques issus de ce consensus initial afin d’éviter toute lacune dans l’approche réglementaire. Toutefois, une clarification de la part de la FINMA serait bienvenue pour uniformiser les attentes. Le phénomène de « OS shopping », où certains acteurs pourraient privilégier des OS aux standards moins exigeants, est problématique, car la loi et son application devraient rester les mêmes pour tous.
En quoi votre cursus peut combler cette incertitude réglementaire ? Qu’est-ce que les gestionnaires de fortune y apprendront ?
Notre objectif est de proposer une formation pragmatique, orientée sur les résultats, basée sur notre expérience en audit ainsi que sur notre expertise des pratiques de compliance et de contrôle des risques. Grâce à notre couverture du marché, nous disposons d’un benchmark qui nous permet d’identifier les problématiques concrètes rencontrées par les gestionnaires de fortune et les trustees. Nous pouvons donc leur suggérer des solutions directement applicables.
La formation traite des aspects réglementaires essentiels tels que la LBA, la LSFin et la LEFin, tout en mettant l’accent sur des thématiques connexes, qui s’inscrivent dans l’actualité, comme les sanctions ou la protection des données. Nous explorons également des questions clés, telles que le rôle stratégique de la fonction compliance et les meilleures pratiques pour identifier, évaluer et gérer efficacement les risques. Nous répondons de cette façon aux attentes des régulateurs et aux besoins opérationnels des participants. En proposant des sessions en présentiel, nous favorisons des échanges directs et constructifs avec les participants. Cette interaction renforce la pertinence du programme et permet de tirer parti des retours d’expérience de chacun. Il se crée ainsi une dynamique d’apprentissage ancrée dans la pratique.
Comment avez-vous élaboré ce cursus ?
L’élaboration de ce cursus s’appuie directement sur notre expérience et notre pratique quotidienne dans le secteur financier. Proposer une solution totalement maîtrisée, alignée sur notre connaissance approfondie du marché, était un développement naturel pour nous.
Nous avons conçu cette formation comme une initiative de praticiens destinée à des praticiens. Elle se concentre sur des problématiques concrètes et actuelles, avec un contenu qui détaille les points clés à maîtriser pour garantir une conformité effective et une gestion optimale des risques. En collaboration avec Geneva Compliance Group, qui partage cette approche pragmatique, nous avons veillé à offrir une solution orientée vers des besoins spécifiques et directement applicables.
En quoi un auditeur tel que BDO est-il légitime pour dispenser cette formation ?
Nous avons toujours cultivé une proximité forte avec le secteur et ses professionnels, nous sommes actifs au sein des organisations professionnelles, et nous entretenons des relations étroites avec les autorités. Cette double proximité – avec le marché d’un côté, et les autorités de l’autre – nous permet de proposer une formation qui soiot ancrée dans la réalité quotidienne des acteurs du marché, et qui intégre en même temps les attentes des régulateurs.
Comment les OS ont-elles réagi à votre initiative commune avec le Geneva Compliance Group ?
Certains OS se sont montrés préoccupés, craignant que nous n’allions dans le sens d’un nivellement vers le bas en matière de standards de formation. Nous avons clairement réfuté cette approche en maintenant les anciens consensus qui garantissent un niveau de qualité élevé. Nous avons également précisé que notre formation se concentre uniquement sur le respect des exigences réglementaires. Les participants doivent continuer à se former sur les aspects métiers auprès des associations professionnelles ou d’autres organismes spécialisés.
Dès le départ, nous avons été transparents sur nos intentions : notre initiative ne vise pas à concurrencer les associations professionnelles existantes, mais à proposer une solution complémentaire, ancrée dans la pratique. Elle permet aux gestionnaires de fortune et trustees de rester en phase avec les attentes réglementaires tout en se dotant d’outils avec lesquels ils pourront gérer leurs responsabilités de manière efficace.
Taulant Avdija
BDO
Taulant Avdija occupe le poste de Responsable Regulatory & Compliance pour la Suisse chez l’auditeur BDO, à Genève, où il a occupé diverses positions depuis près de neuf ans, dont celui de Manager – Legal Counsel, Regulatory & Compliance entre 2016 et 2019. En 2023, il en est devenu Associé. En possession d’un brevet d’avocat, Taulant Avdija est diplômé de l’Université de Lausanne, où il a obtenu un master en droit des affaires, ainsi que de l’Université de Genève, où il s’est spécialisé dans le droit numérique et la régulation financière.
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Yoann Ignatiew et Emmanuel Petit, associés-gérants chez Rothschild & Co Asset Management, sont à Genève le jeudi 28 novembre pour présenter leurs perspectives 2025 sur les marchés actions et fixed income. L’opportunité, en avant-première, de revenir avec Emmanuel Petit sur l’évolution du segment obligataire en 2024, alors que l’année touche à sa fin.
Par Jérôme Sicard
Que faut-il retenir de l’année qui s’achève en matière de gestion obligataire?
J’ai trouvé que c’était une année intéressante, notamment dans la façon dont les gens perçoivent l’environnement. Le sentiment général est que les taux ont baissé, mais il ne s’agit en réalité que des taux courts. Les taux longs sont eux en hausse. La forte baisse a eu lieu en fin d’année dernière. Mais en 2024, nous avons surtout assisté à une pentification des courbes, par une hausse des taux longs, ce que l’on appelle dans notre jargon un bear steepening. A ce stade du cycle, ce mouvement de pentification des courbes est assez normal. Cependant, cette baisse des taux est un boost que les banques centrales remettent dans l’économie avant que les chiffres d’inflation structurelle ne soient retournés à la cible des 2%. C’est donc un vrai pari qu’elles prennent et l’année 2024 peut se résumer dans cette volatilité des anticipations de marché sur le rythme de baisse des taux directeurs.
Il faut retenir aussi la désynchronisation du cycle monétaire japonais qui a amorcé son cycle de resserrement monétaire, alors que son inflation retrouvait de la vigueur, bien après le mouvement que l’on a connu dans les pays occidentaux.Je pense d’ailleurs que nous allons voir ce même phénomène de désynchronisation prendre forme entre les Etats-Unis et le reste du monde, suite à l’élection de Donald Trump.
Je terminerais par le crédit où se produit un véritable changement de paradigme avec l’écrasement des spreads entre dette corporate et dette souveraine. Ce spread a énormément baissé, redéfinissant du même coup la qualité relative de ces deux segments. Si l’on analyse la convergence des taux souverains et des taux de swaps, ca peut s’interpréter comme une dégradation de la qualité de crédit de la dette souveraine, et non comme une appréciation de la qualité de crédit des émetteurs corporates. Mais aussi, alors que nous sommes dans un cycle de Quantitative tightening, une réduction de la liquidité capable d’absorber la dette souveraine émise.
Quelles en sont pour vous les implications à terme ?
Pour l’instant, ca reste une observation qui nous alerte cependant sur la hausse du risque sur la dette souveraine. Est-ce un point de bascule? C’est difficile de se prononcer.
Au cours des cinq dernières années, marquées par des bouleversements significatifs – covid, taux zéro, répression financière, lnflation galopante et tensions géopolitiques – dans quelle mesure avez-vous adapté vos stratégies d’investissement ?
Notre ADN de gérants actifs, flexibles, veut que nous puissions nous adapter à des conditions de marché très variées quitte à changer de logiciel assez régulièrement. Je prends deux exemples. En 2021, nous avions vraiment une vue fondamentale sur les taux, anticipant les possibles poussées inflationnistes qui suivraient le passage aux taux négatifs. Cette année, nous avons privilégié une approche plus tactique, et nous avons géré la pente en fonction des anticipations de marché par rapport aux baisses de la BCE. Nous avons donc pris un horizon court-termiste, en ligne finalement avec des données macro capables de fluctuer d’un mois sur l’autre, rendant les banques « data dependent », façon élégante de dire qu’elles naviguent sans beaucoup de visibilité.
Et j’ai un troisième exemple. Au moment du covid, il fallait être opportuniste. Et, au vu de la violence du choc, pouvoir se mettre en face du marché avec une rapidité une rapidité impressionnante. C’était d’une telle violence. La fenêtre s’est vite refermée avec l’intervention des banques centrales sont arrivées mais il y avait quand même des opportunités à saisir en se montrant très, très réactif. Pour cela, il faut que le pôle en charge de la gestion soit parfaitement organisé et c’est là en fait la caractéristique des gérants flexibles.
Pourriez-vous revenir sur la désynchronisation des Etats-Unis avec le reste du monde que vous avez évoqué tout à l’heure.
Un petit séisme vient de se produire avec l’élection de Trump qui s’est engagé à remettre du boost sur une économie déjà en pleine croissance. Le risque inflationniste ne peut plus être négligé. Les mesures protectionnistes qu’il veut appliquer vont pénaliser reste du monde. La Chine va souffrir en premier lieu, tout comme l’Europe à cette nuance près que l’Europe n’a pas les ressources de la Chine pour redresser son économie. Il y a de quoi s’inquiéter pour elle.
Cette désynchronisation des économies à l’échelle mondiale va s’accompagner d’une désynchronisation des cycles monétaires et des politiques de taux. Nous allons modifier notre axe d’analyse où, jusqu’à présent, toutes les banques centrales étaient plus ou moins alignées sur la locomotive américaine. Demain, cette corrélation risque de disparaitre. Les politiques monétaires peuvent se différencier en fonction des impacts macro-économiques de ces éventuels bouleversements.
Voilà sur le court terme. Sur le long terme, d’autres dangers apparaissent. La situation tient tant qu’il n’y a pas de craintes sur la soutenabilité de la dette US, sur son service. La règle est la suivante: pour qu’une dette soit soutenable, il faut que son coût soit inférieure au taux de croissance nominal du PIB. Mais si, Trump met en œuvre une relance budgétaire trop massive, les taux longs peuvent s’envoler et créer de facto un choc de marché.
A quoi vous attendez-vous aujourd’hui de la part des banques centrales ?
Suite à l’élection, les anticipations de mouvements de taux ont divergé entre les Etats-Unis et l’Europe. On a retiré ½ baisse de taux aux US et on en a ajouté ½ en Europe.
Dans le scénario évoqué précédemment, la Fed pourrait potentiellement maintenir son biais restrictif ; et même si c’est prématuré, et il faut l’avouer très contrariant, on ne peut pas exclure des hausses de taux l’an prochain.
En Europe au contraire, la BCE pourrait devoir adopter un biais accommodant plus rapidement si les impacts sur la croissance se matérialisent sur une économie déjà fragilisée.
En cela, l’élection de Donald Trump modifie nos repères.
Dans cet environnement compliqué, quelles options privilégiez-vous pour 2025 ?
Dans un contexte de taux aussi incertain, il devient difficile d’acheter de la duration. La visibilité n’est pas vraiment géniale. Il va falloir observer la corrélation des taux européens avec les taux américains et agir en fonction.
A cela, s’ajoute un risque macro qui pousse un peu plus à la prudence. Le crédit, qui se situe entre actions et dette souveraine, s’accommode assez bien de ces situations floues, de ces zones grises qui manquent singulièrement de dynamisme. En revanche, si la situation économique conduit à une hausse significative des taux de défaut, le crédit ne résistera pas.
Au regard des niveaux de valorisation, le coût d’opportunité à réduire son risque a de toute façon baissé. Nous privilégions donc les émetteurs de meilleure qualité, et peu cyclique.
Nous allons également nous concentrer sur les non cycliques car, en cas de récession, les cycliques vont traverser pas mal de turbulences.
Emmanuel Petit
Rothschild & Co Asset Management
Emmanuel Petit a débuté sa carrière en 1998 chez HSBC Asset Management comme analyste dans le domaine de l’attribution de performances AIMR-GIPS puis il est devenu analyste crédit en 2001. En 2006, il rejoint Rothschild & Co Asset Management en tant que gérant obligataire sur les obligations privées. Il en est responsable de la gestion obligataire depuis 2011. Emmanuel est diplômé d’un mastère spécialisé en Finance d’entreprise et membre de la SFAF (Société Française des Analystes Financiers).
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Pour les gérants indépendants, le private equity présente l’avantage de s’inscrire naturellement dans des stratégies d’investissement axées sur le long terme. Et, comme le remarque Alain Gallati, il s’agit d’une classe d’actifs qui reste complexe mais qui se veut de plus en plus accessible.
Par Jérôme Sicard
Ces dernières années, comment avez-vous vu évoluer les stratégies d’allocation chez les gérants avec lesquels vous travaillez?
Sur le plan stratégique, nous n’avons pas constaté de changement majeur. C’est d’autant plus compréhensible que les gérants construisent pour leurs clients des stratégies sur le long terme. En revanche, nous voyons les allocations private equity monter doucement mais sûrement dans les portefeuilles. Il y a là une tendance de fonds qui se dessine. Voilà encore quelques années, le private equity n’intéressait que les grands investisseurs institutionnels. Aujourd’hui, il prend de plus en plus d’importance dans les segments HNWI et UHNWI. D’autant plus de sens que ce sont des investissements axés eux aussi sur le long terme. En termes d’allocation, nous n’en sommes pas encore aux 5 à 10% des portefeuilles institutionnels, mais ça vient.
Comment expliquez-vous cet engouement pour les produits private equity ?
C’est d’abord un marché qui s’inscrit dans une dynamique très positive. Il a connu une forte croissance ces dix dernières années, si bien qu’il approche aujourd’hui les 6’000 milliards de dollars en volume. Certains cabinets spécialisés le voient même doubler encore d’ici à 2030. Il profite en effet d’importants changements structurels. Les entreprises privées, de mieux en mieux financées, restent privées plus longtemps et nous voyons en parallèle se réduire le nombre de sociétés cotées sur les marchés. La montée en puissance du private equity reflète bien évidemment cette tendance de fond.
Il est clair que les investissements en private equity sont moins flexibles. Les capitaux sont immobilisés sur plusieurs années, mais la classe dans son ensemble devient plus facile d’accès, année après année, et l’émergence d’un marché secondaire en améliore aussi la liquidité.
Quelles difficultés les gérants indépendants rencontrent -ils dans la construction et la gestion de leur poche private equity ?
La première difficulté consiste à disposer de toutes les informations nécessaires pour identifier les meilleurs gestionnaires. C’est un exercice délicat. Comme dans l’univers des hedge funds, il peut y avoir d’importants écarts de performance d’un gérant à l’autre, pour des stratégies comparables. La deuxième difficulté est d’avoir un réseau suffisamment étendu pour avoir accès à ces gestionnaires, souvent peu enclins à intégrer de nouveaux investisseurs, leur carnet étant déjà bien fourni. Troisième difficulté: pouvoir libérer assez de capitaux pour franchir des minima parfois très élevés. Enfin, il est essentiel de maintenir une veille constante sur le marché pour en suivre l’évolution et repérer les talents qui émergent, porteurs d’idées fraîches et innovantes, qui pourraient représenter de précieuses opportunités. Un book private equity, il faut aussi savoir le faire vivre.
Vous-même, comment accompagnez-vous les gérants indépendants dans le domaine du private equity ?
Nous les faisons d’abord bénéficier de l’immense expérience acquise par le groupe en plus de 30 ans. Le premier investissement en private equity réalisé par Pictet remonte à 1989. Depuis, pour ne prendre que cet exemple, nous avons participé à plus de 400 investissements et plus de 90 relations actives avec des gestionnaires de fonds privés externes. Nous avons des équipes exclusivement dédiées à cette classe. Pictet gère actuellement plus de 25 milliards de dollars d’actifs dans le segment du private equity. Nous avons par ailleurs su développer une solide expertise sur différentes thématiques.
Les gérants avec lesquels nous travaillons ont bien sûr accès à nos fonds – nous en avons huit aujourd’hui ouverts à la souscription, dans les domaines du private debt, du private equity et du private real estate – mais ce que nos clients apprécient le plus, ce sont notre expertise et notre partenariat.
Dans l’offre Pictet, quels éléments peuvent leur sembler les plus attrayants ?
Notre maîtrise du private equity sous toutes les formes qu’il peut prendre : fonds buy-out, fonds de fonds, fonds thématiques, co-investissements au travers des millésimes multigestionnaires, fonds « elevators » où les capitaux sont investis par étapes. Nous couvrons tout ce spectre.
Nos seuils minimums sont de 140’000 francs. Ils suffisent aujourd’hui pour investir dans l’un de nos fonds. A l’opposé, nous sommes aussi capables de structurer des solutions personnalisées pour des investissements de grands volumes et des clients stratégiques.
Alain Gallati
Pictet Asset Services
Basé à Zurich, Alain Gallati est responsable du marché alémanique pour Pictet Asset Services. Il a rejoint le groupe Pictet en 2019 après avoir travaillé pendant 25 ans pour UBS, où il a occupé différentes fonctions dans les domaines de la banque d’investissement et de la banque privée, en Asie et en Suisse. Avant d’intégrer Pictet, il était responsable des intermédiaires financiers pour la Suisse alémanique chez UBS.
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