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Thomas Tietz
Corum
« Nous participons activement à la vague de consolidation dans le secteur des GFI »
La digitalisation des activités des gestionnaires de fortune indépendants est en plein essor. Ce qui pose de nombreuses questions juridiques, notamment lorsque des fonctions centrales sont externalisées. Ceci dit, pour Nicolas Ramelet, les intéressés devraient avant tout être guidés par leurs besoins opérationnels, pas par les problématiques juridiques, lors du choix d’une stratégie numérique.
Quelles questions relatives à la surveillance un gestionnaire de fortune doit-il se poser, lorsqu’il opère son virage vers la digitalisation?
Même si la grande majorité des gestionnaires de fortune ont intégré des solutions informatiques pointues dans leurs processus opérationnels, il n’existe pas de contraintes spécifiques dans ce domaine. D’ailleurs, en règle générale, cette digitalisation des processus de travail ne soulève pas trop de problème, du point de vue du droit de la surveillance, lors d’une demande d’autorisation, ou lorsqu’une autorisation a déjà été accordée. S’il s’agit de la délégation de tâches essentielles, la problématique doit être expressément prise en compte dans le cadre du système de contrôle interne et des différents processus de contrôle, et certaines conditions doivent être fixées par contrat avec le prestataire de services. En outre, il est plus facile de faire appel à un partenaire basé en Suisse qu’à un partenaire étranger. Car, lors de la digitalisation, apparaissent aussi des questions dans le domaine de la protection des données, qui est devenu un autre thème prioritaire pour les établissements financiers depuis le renforcement drastique de la loi sur la protection des données à l’automne 2023.
De quelle liberté dispose un gestionnaire de fortune indépendant lorsqu’il s’agit de choisir ses partenaires digitaux ?
Il est assez libre dans ce domaine. Mais il ne doit pas oublier les conséquences en termes de contrôle, qui varient selon la solution utilisée ou le prestataire auquel il fait appel. Ceci dit, en règle générale, n’importe quelle solution peut être intégrée dans les activités opérationnelles. Bien entendu, il vaut la peine de procéder au préalable à une due diligence et vérifier minutieusement les références. Faire appel à une « Bad Apple » ne coûte pas seulement du temps et de l’argent, mais peut aussi nuire à la réputation, entraîner une perte de confiance et des mesures de surveillance supplémentaires.
D’un point de vue juridique, quelles sont les plus grandes difficultés lors d’un processus d’externalisation ?
Souvent, les gestionnaires de fortune concentrent l’essentiel de leur attention sur les problématiques liées au droit de la surveillance. Toutefois, il ne faut pas négliger le contrat de base qui vous lie au partenaire informatique, ce qui est du droit civil. Il arrive en effet que des solutions déjà commercialisées se révèlent finalement incomplètes, mais qu’il soit difficile d’en sortir, ou que l’exécution des clauses de garantie soit problématique, à cause d’un contrat mal établi.
En février, la Finma a clairement indiqué qu’elle allait être plus attentive aux situations d’externalisation des activités de gestion des risques et de compliance. Comment interprétez-vous cette décision ?
Après la première vague d’autorisations accordées aux gérants de fortune, de nombreux prestataires ont proposé leurs services comme partenaires externes, pour s’occuper des risques et de la compliance. Mais tous ne bénéficiaient pas d’une expérience solide suffisante, ce qui était difficile à vérifier en amont, tout comme la qualité des prestations promises. Dans ce contexte, les premiers audits ont souvent été impitoyables, y compris pour ces partenaires externes. Avec comme conséquence, pour les gestionnaires de fortune, dans de nombreux cas, des enchaînements de problèmes, ce qui a même, parfois, nécessité des restructurations. Ce qui a fait prendre conscience à la Finma qu’il fallait être plus attentif à cette problématique de l’externalisation de la compliance et de la gestion des risques.
Le fait que la FINMA s’intéresse désormais de plus près aux prestataires externes est donc en soi une bonne chose ?
Oui, mais il est particulièrement difficile de séparer le bon grain de l’ivraie avant que les problèmes surviennent. En effet, comment savoir quel partenaire externe va réaliser un bon travail de compliance et de gestion des risques? Il n’existe guère de formations reconnues dans ce domaine.
Les questions touchant à la digitalisation et à l’externalisation de certaines tâches, de la collaboration avec les fournisseurs digitaux, n’étaient pas centrales pour l’octroi des autorisation. Vont-elles le devenir après les audits ?
Ces problématique était déjà importante au moment des autorisations, où l’existence d’accords avec les partenaires externes et les processus de contrôle étaient soigneusement examinés. Mais, au final, seule l’épreuve du feu permet de savoir si ces accords sont vraiment efficaces, et s’ils sont suffisants quand des problèmes concrets arrivent. Quoi qu’il en soit, ces questions conserveront toute leur importance dans un avenir proche car le nombre de solutions IT qui débarquent dans ce marché en pleine croissance ne cesse d’augmenter. Bref, cette problématique restera centrale pendant toute la durée des activités d’un établissement financier.
Certains gestionnaires de fortune ont assuré que leur processus d’autorisation avait été facilité parce qu’ils utilisaient des solutions informatiques similaires à celle des banques, du moins en ce qui concerne la LBA. C’est une rumeur ou c’est la vérité ?
L’utilisation de solutions informatiques établies pour tout ce qui touche au KYC/AML/Risk Management permet en effet d’aborder la problématique avec un certain degré de confiance. A un bémol près quand même, c’est que le système doit être utilisé correctement, et par les bonnes personnes. Des paramètres mal définis, de la négligence, voire, dans le pire des cas, une volonté criminelle de la part de l’utilisateur, pourront facilement saboter même le meilleur des logiciels. Ce qui ne va apparaître que lors de l’audit. Ceci dit, l’utilisation de tels logiciels est, à mon avis, un avantage non négligeable lors de la demande d’autorisation. En effet, pour la Finma, les processus utilisés par le gestionnaire de fortune sont un des points essentiels. Ils doivent correspondre au business case. Mais n’oublions pas non plus que l’utilisation de tels logiciels est également gage d’efficacité accrue, d’autant plus si vos d’activité exigent un nombre élevé et une fréquence importante de contrôles.
Nicolas Ramelet
Ramelet Legal
Depuis 2019, Nicolas Ramelet est Partner chez Ramelet.Legal. Après des études de droit à Berne, et plusieurs diplômes internationaux, il a, dès 2009, travaillé pour la Finma en tant que collaborateur juridique puis pour le cabinet d’avocats Bär & Karrer à Zurich. De 2014 à 2018, il a également été le CEO de VQF.
Fanny Eyraud
Jema
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Deux mois après l’autorisation SEC, il apparaît clairement que Blackrock/iShares et Fidelity sont les deux grands gagnants de la mise sur le marché des ETF bitcoins. A eux deux, ils ont collecté près de 25 milliards de dollars, une performance remarquable comme le souligne Carlos Martin Doncel.
La remontée du bitcoin est-elle due essentiellement à l’agrément SEC sur les ETF bitcoins ou d’autres facteurs entrent-ils en jeu ?
Non, on ne peut pas affirmer que la remontée du bitcoin soit due exclusivement au feu vert de la SEC, mais il est clair que cette décision a exercé une forte influence sur l’évolution du cours. Plusieurs paramètres nous proposent des pistes intéressantes, comme par exemple les mouvements dans les blockchains ou les données publiées par différents exchanges. Il en ressort que les flux d’investissement se sont principalement concentrés sur les wallets qui contiennent de grandes réserves de bitcoins, supérieures à 100. Il y a donc eu un effet d’accumulation. Dans cette remontée du bitcoin après l’aval de la SEC, je crois aussi qu’il y a eu de la part des investisseurs un réflexe FOMO à ne pas négliger.
En termes de collecte, quels gestionnaires ont le plus profité de l’autorisation donnée par la SEC à l’émission d’ETF bitcoins ?
La mise sur le marché des ETF bitcoins a désigné deux grands gagnants qui sont Fidelity et Blackrock, avec iShares. J’y ajoute Coinbase qui est le custodian de huit de ces nouveaux ETFs. En l’espace de deux mois, la collecte de Blackrock approche les 15 milliards de dollars et celle de Fidelity approche les 10. Il faut cependant comptabiliser les sorties de Grayscale. Son ETF bitcoin au comptant a été délesté de 10 milliards par ses investisseurs depuis la mi-janvier. Il n’en reste pas moins que les flux positifs sur les ETF bitcoins approchent les 15 milliards, un record absolu pour l’industrie. Il a fallu par exemple 2 ans aux ETF Or pour atteindre ces montants, contre 2 mois pour l’ETF de iShares (IBIT).
Parmi les milliers de devises qui composent aujourd’hui l’univers crypto, combien ont réussi à s’installer durablement sur le marché ?
En analysant les évolutions du marché année après année, on voit bien que l’intérêt accordé à différents projets dépend énormément du momentum qu’ils sont capables de générer dans des périodes de bull-run. Mais nous nous apercevons également que les projets sérieux sont capables de s’inscrire dans la durée et de parvenir à des valorisations de plusieurs milliards de dollars.
Aujourd’hui, plus de 13’000 cryptos sont officiellement répertoriées ! Mais sur ces 13’000, seules quelques centaines sont dignes d’intérêt. 400 d’entre elles ont des valorisations supérieures à 100 millions de dollars et 300 dépassent les 200 millions. C’est sur ce sous-ensemble qu’il vaut mieux se concentrer. Il y a des sociétés très intéressantes à suivre dans ce segment Small Caps. Je pense par exemple à Request, lancée en 2020, qui pèse aujourd’hui 150 millions. Elle propose des receivables/créances et je pense qu’elle est promise à de beaux développements. Nous trouvons aussi dans le même univers Gnosis, un projet de 2017 reconverti maintenant en écosystème bancaire complétement intégré on-chain, et valorisé à plus de 1 milliard de dollars.
Quelle est la part de marché que contrôlent les 10 plus importantes cryptos du moment ?
Dans ce top 10, on trouve aujourd’hui deux stablecoins – l’USDT et l’USDC – deux meme-coins – Dogecoin et Shiba – et six token natifs – Bitcoin, Ether, Ripple, Binance. Solana et Cardano. A elles dix, elles représentent 85% du marché, même s’il vaut mieux en sortir les stablecoins du fait qu’elles ne présentent pas un caractère spéculatif.
Au cours de ces dernières semaines, la taille du marché crypto a-t-elle suivi la même progression que le cours du bitcoin ?
Oui, mais il faut noter que la part de marché du bitcoin a continué d’augmenter. Elle était d’environ 50% en janvier et elle approche les 52% en mars 2024. Le bitcoin reste donc le projet qui attire encore le plus d’encours. Mais les investisseurs sont quand même allés chercher de la valeur sur des monnaies moins courues, comme Solana par exemple, qui a vu son cours multiplié par onze en quelques semaines à peine !
Carlos Martin Doncel
Swissquote
Présent dans le monde des cryptos depuis plus de dix ans, Carlos Martin Doncel est responsable de la stratégie pour les actifs digitaux chez Swissquote où il est entré en 2022. Son parcours professionnel l’a mené dans la gestion d’actifs, le private equity, la recherche financière, la finance d’entreprise et l’entreprenariat. Carlos est diplômé en économie de l’Université d’Alicante.
Présidente de l’ASWM, l’Alliance des gestionnaires de fortune suisses, CEO de Capital Y, Nicole Curti aborde ici les grandes tendances qui animent le marché de la gestion de fortune. Avec une attention plus particulière portée à la féminisation de la clientèle.
Fanny Eyraud
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Alors que l’on observe un peu partout une baisse des prix de l’immobilier, c’est l’inverse qui se produit dans le domaine des crypto-monnaies. Quel est le rapport entre ces deux tendances ? Et que peut-on envisager sur le long terme ? C’est sur ces questions que se penche Olivier de Berranger.
A l’évidence, rien de plus réel et solide que l’immobilier : utilité, revenus, réglementations, ancienneté, profondeur de marché… On parle d’ailleurs en anglais de « real estate », de « patrimoine réel ». A l’opposé, rien de plus virtuel que les cryptomonnaies : intangibles, peu utilisées, absconses pour le commun des mortels, sans revenus intrinsèques, peu régulées, sans ancienneté…
Pourtant, l’immobilier d’investissement a vu s’évaporer en quelques mois des sommes gigantesques dans le monde entier, comme si les valorisations des dernières années n’étaient finalement que virtuelles. Pas seulement en Chine, où la faillite de certains des plus grands promoteurs alimente une défiance générale. Mais dans la plupart des pays développés également, au point de faire trembler certaines banques régionales aux Etats-Unis, ou récemment en Allemagne à l’exemple de la Deutsche Pfandbriefbank. En Suède, un des pays où l’immobilier est le plus sous pression, la banque centrale surveille de près un risque bancaire généralisé. En France, plus de vingt sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ont été contraintes de revoir à la baisse la valeur de leurs parts depuis début 2023, dans des ampleurs généralement comprises entre 10 et 15%. Et, de nouvelles dépréciations sont annoncées en ce début 2024.
Dans le même temps, les monnaies virtuelles flambent. Le bitcoin vient d’atteindre 63 000 dollars américain fin février, progressant de près de 50% depuis le début de l’année, tutoyant les records établis en 2021 à plus de 67 000 dollars américains. Le virtuel pur conserverait-il donc mieux la richesse que le « réel » le plus solide en cas de hausse des taux ? Le digital vaut-il mieux que le béton ?
Certaines caractéristiques des monnaies virtuelles sont, il est vrai, à leur avantage : relative facilité de transaction par rapport à l’immobilier, prix ajustés en temps réel, diversité croissante des supports, augmentation des volumes traités, etc. Le régulateur américain lui-même vient d’accepter la création de fonds centrés sur le bitcoin, dans lesquels se sont déversés en deux mois plusieurs milliards. De surcroît, il faut leur reconnaître une certaine transparence sur le risque, les monnaies virtuelles ne cachant pas leur volatilité. A l’inverse, les investisseurs ont parfois tendance à sous-estimer le risque de l’immobilier physique, dont la volatilité ne se déclare que par à-coups, et se terre le reste du temps… Le risque immobilier n’est pas en effet régulier, mais éruptif – ou « sauvage » comme l’écrivait le mathématicien Benoît Mandelbrot.
Cela dit, les risques inhérents au pur virtuel, bien que manifestes, ne sont pas forcément si bien compris. Ainsi, qui peut expliquer – autrement que par la spéculation en premier lieu – que le Bitcoin ait gagné 520% en 7 mois, avant de reperdre peu après 75% en un an? Si le risque de l’immobilier est certes en partie caché, il correspond du moins à des données relativement intuitives – principalement les taux d’intérêt, ainsi que la qualité du bâti, l’emplacement et la solvabilité du locataire. Alors que le risque sur les monnaies virtuelles jusqu’ici, semble très difficile à relier à des paramètres fondamentaux.
Ce caractère « hors sol » constitue un des principaux arguments anti-Bitcoin développés dans le récent pamphlet issu de deux auteurs appartenant à la Banque Centrale Européenne. Selon eux, étant dénué de rendement intrinsèque ou d’autre utilité durable et légitime, sa valeur « fondamentale » serait de … 0 ! Pourtant, le risque que le Bitcoin vaille un jour 0 est certainement peu présent aux yeux des investisseurs. En ce sens, la perception de son risque profond par les épargnants n’est pas forcément adéquate. Alors que le risque immobilier est au fond limité : comment des actifs immobiliers, même de qualité moyenne, pourraient-ils valoir zéro ?
Il y a donc tout lieu de s’attendre à ce que le « réel » finisse par retrouver sa prédominance sur le virtuel dans les préférences des investisseurs, une fois les prix ajustés – ce qui, il est vrai, pourrait être long. Le pur virtuel restera incontrôlable tant qu’il sera dénué de valeur fondamentale. Sauf à compter comme « fondamental(e) » le plaisir de la spéculation, l’utilité d’une monnaie pour le commerce illégal, ou surtout la défiance à l’égard des monnaies d’Etat. Si ces trois facteurs comptent comme fondamentaux, alors il y a peu de chance en effet que le Bitcoin vaille un jour zéro. De ce fait, actifs réels comme virtuels ont chacun leur place – à condition de bien discriminer leur (dé)mérites respectifs.
Olivier de Berranger
La Financière de l’Echiquier
Olivier de Berranger est le directeur général et le CIO de La Financière de l’Echiquier. Il a occupé depuis 1990 des postes de trader, ainsi que de responsable de desk de trading sur les produits de taux d’intérêt, cash et dérivés au Crédit Lyonnais puis chez Calyon. Il a ensuite été responsable du pôle Capital Markets chez First Finance. Olivier de Berranger rejoint La Financière de l’Échiquier en mars 2007 en qualité de gérant obligataire. Après être devenu directeur de la gestion taux, crédit et diversifié, il est nommé en 2017 directeur de la gestion d’actifs et entre au comité de direction. En décembre 2023, il en devient directeur général de LFDE. Olivier de Berranger est diplômé d’HEC.
2023 a été marquée par une forte augmentation d’allégations de greenwashing, notamment dans les secteurs de l’énergie et de la finance. Dans de nombreux cas, ces allégations ont donné lieu à des procédures judiciaires formelles et, dans certains cas, à des amendes. Pour Jon Duncan, lutter contre le greenwashing de cette manière est un signe encourageant d’un marché qui fonctionne bien.
Notre compréhension globale actuelle des questions de durabilité bénéficie de l’appui d’un ensemble diversifié d’institutions universitaires internationales qui se concentrent sur une science des systèmes complexes. La croissance rapide de la surveillance géospatiale en temps réel des indicateurs d’eau, d’air, des sols, de la pollution et de la biodiversité ainsi que les avancées phénoménales en termes de puissance de calcul et de traitement, contribuent au développement de cette compréhension collective. Cet essor rapide des technologies de surveillance en temps réel par satellite fournit une perspective solide et pragmatique des risques émergents auxquels la planète est confrontée. Bien qu’il existe un consensus croissant parmi les organismes scientifiques mondiaux sur l’importance des risques de durabilité, les solutions donnent lieu à un différend politique grandissant.
Aux États-Unis, plusieurs hommes politiques ont adopté un discours « anti-ESG » et, dans l’Union européenne, nous assistons à une « marche arrière » politique sur l’économie verte et les plans de décarbonisation. La politisation de plus en plus forte du thème global de la durabilité fait apparaître plus clairement que le greenwashing est simplement une « preuve » de la tendance persistante du marché à vendre les produits à mauvais escient. Sur ce point, la « finance verte » ne fait pas exception.
Gestion des attentes : impact « direct » contre impact « indirect »
Une autre preuve de la maturation du monde de la finance durable est la prise de conscience croissante de la différence entre impact direct et impact indirect. En d’autres termes, les titres liquides cotés en bourse ont pour la plupart un impact direct, obtenu grâce à une exposition à des entreprises présentant des niveaux de risques ESG opérationnels plus faibles et/ou une exposition accrue à des « revenus verts ». En revanche, il est possible d’optimiser l’impact direct par le biais d’une exposition à des actifs sur les marchés privés, par exemple au moyen d’un investissement direct dans le capital privé d’une entreprise de protéines alternatives ou par le biais d’une allocation de dette privée à des infrastructures renouvelables ou à des logements abordables. À l’heure actuelle, seules les « obligations vertes/durables » et certaines stratégies actions de niche permettent d’avoir un impact direct via les marchés publics liquides.
La taille des tickets d’entrées et les problèmes de liquidité se traduisent généralement par une sous-représentation des marchés privés dans les portefeuilles de gestion privée. L’exposition moyenne des portefeuilles sur les différents marchés mondiaux varie de 8 % à 12 %, l’immobilier étant l’alternative privilégiée des marchés privés. À titre de comparaison, l’étude 2023 BlackRock Global Private Markets Survey indique que les investisseurs institutionnels mondiaux ont une allocation moyenne de 24 % aux marchés privés. Le fonds de dotation de l’Université de Harvard (Harvard Endowment) est connu pour avoir été l’un des premiers à attribuer une allocation à grande échelle et à long terme aux marchés privés, avec une allocation actuelle de 39 % exclusivement dédiée au capital investissement. Au sein de la communauté des family offices et des investisseurs fortunés, il existe désormais un intérêt croissant pour les actifs des marchés privés, qui s’explique par les avantages qu’ils offrent en termes de diversification, ainsi que par la reconnaissance grandissante du fait que cette classe d’actifs offre un accès direct aux opportunités de l’économie verte émergente.
La demande accrue stimule l’innovation pour l’accès aux marchés privés
En réponse à cette demande croissante émanant de la gestion de patrimoine, plusieurs plateformes, telles que Moonfare et I-Capital, ont vu le jour et offrent un accès digitalisé aux actifs des marchés privés. Du point de vue de l’impact, il est encourageant de constater que ces plateformes digitales reflètent naturellement les opportunités commerciales émergentes associées à différentes initiatives. Il en va ainsi de la réduction des émissions de carbone, de l’utilisation efficiente des ressources et de la promotion de l’inclusion sociale, à savoir la génération automatisée de rapport sur le bilan carbone des sols, le recyclage des déchets plastiques et les micro-entreprises d’énergie hors réseaux. Cet alignement technologique entre les capitaux privés à long terme, les actifs des marchés privés et les opportunités de croissance économique verte est une tendance positive pour le monde de la finance durable en général et pour les investisseurs fortunés en particulier.
Jon Duncan
Reyl Intesa Sanpaolo
Avant de rejoindre Reyl Intesa Sanpaolo, Jon Duncan a dirigé le pôle Investissement responsable de la compagnie d’assurance internationale Old Mutual, basée en Afrique du Sud. Il a été pendant onze ans responsable de de la conception et du déploiement d’un programme d’investissement responsable à l’échelle mondiale. Auparavant, il a été associé chez Environmental Resource Management, où il a participé à la mise en place de pratiques respectueuses envers le climat et le développement durable. Jon est titulaire d’un bachelor en génie civil de l’Université du Cap et d’un master en sciences de l’environnement de l’Université de Natal.