Bougies

  • Par Patrick Oberhaensli
  • Fondateur & CEO
  • EVOLIDS FINANCE

Le reverse convertible: 25 ans d’innovation !

Créés voilà maintenant 25 ans – un quart de siècle – les reverse convertibles montrent qu’il est toujours possible d’innover en termes de produits d’investissement – aujourd’hui encore.

 

Patrick Oberhaensli

J’ai demandé à ChatGPT (dans les règles de ce nouvel art) d’écrire l’article à ma place. La déception ne sait pas faite attendre : l’Intelligence Artificielle est rapide mais si le sujet n’a pas déjà été traité d’une certaine manière il faut partir du principe que le résultat ne sera pas à la hauteur. Par contre, il est bien possible que cet article serve justement à « nourrir » la machine à l’avenir sans mon accord!

C’est l’histoire du premier (vrai) lancement du reverse convertible. Racontée en gardant un esprit pratique, loin d’une approche livresque.

La création du reverse convertible

C’était au printemps 1998 et les taux d’intérêts Suisse (et US) étaient déjà bas – la grande crise de l’an 2000 allait arriver 2 and plus tard. Pour les investisseurs institutionnels, il s’agissait d’optimiser les placements par rapport à leurs vues à moyen terme, appliquées à des actions défensives ou des actions qu’ils étaient prêts à accumuler si cela devenait nécessaire. Les horizons temps qui cohabitent ensemble sont en effet un élément clé pour ce segment d’investisseurs qui utilisent à la fois une allocation d’actifs stratégique et des ajustements tactiques – ces derniers reflétant une vue à court terme. Une vue à moyen terme complétant avantageusement ces deux perspectives communes. Et ce, en évitant l’effet de levier au niveau des investissements.

Ce dialogue risque-rendement pour être une base créative doit être soutenu par des connaissances techniques et pratiques très avancées. En effet, il s’agit là de comprendre tous les mécanismes clés liés aux options. Cela va du modèle de prix de l’option et des paramètres de risques à la relation entre deux options ayant le même sous-jacent, la même échéance ainsi que le même «strike»: la souvent mal comprise «put-call parity». A partir du prix du put qui donne le droit de vendre le sous-jacent au strike à l’échéance, on peut en déduire celui du call (avec les mêmes paramètres) et viceversa: tout «simplement». Et c’est ainsi que naquit le premier reverse convertible…

Le reverse convertible c’est si simple…

Le reverse convertible est un produit structuré composé d’une obligation et d’un put vendu indirectement par l’investisseur. Et c’est bien la prime provenant de la vente couverte et donc sans effet de levier du put (d’où une obligation de recevoir des actions en cas d’exercice) qui va permettre d’augmenter très sensiblement les coupons de l’obligation. Quant à l’investisseur qui achète le produit structuré au prix de 100% – côté à l’identique d’une obligation – il sera, à maturité du produit, soit remboursé à 100% soit il recevra un ensemble d’actions prédéfini si celles-ci perdent de la valeur par rapport au moment de l’émission (du reverse convertible). Dans ce cas, l’investisseur a une perte non-réalisée mais qui ne peut jamais aller au-delà des 100%. Aussi ne faut-il pas oublier de prendre en compte de risque de crédit de ladite obligation.

Le vrai premier reverse convertible

Si le tout premier reverse convertible a été émis sur l’action de la banque (émettrice) elle-même pour des raisons évidentes de simplicité, c’est sur une action particulière américaine que le vrai premier reverse convertible apparu. Il s’agissait de l’action Philip Morris et ce pour de nombreuses raisons. D’abord, l’action avait un risque spécifique bien connu, ensuite ce sont des caractéristiques attractives de volatilité et de dividende qui furent déterminantes. C’est en effet avec une volatilité (future) importante ainsi qu’un dividende supérieur que le put (qui est vendu) a un prix plus élevé.

Maintenant, si la banque émet en même temps un call warrant (option call à long terme) aux paramètres clés identiques alors la «put-call parity» est vérifiée et l’exposition résultante côté banque est tout simplement «short le sous-jacent». Et il n’y a dès lors rien de plus simple pour se couvrir des risques des options car il suffit d’être long le sous-jacent! La volatilité n’est ainsi plus un risque et les prix pour l’investisseurs peuvent être plus avantageux. Une situation véritablement gagnante-gagnante. Et ce fût un succès phénoménal dès le début car ce nouveau produit structuré répondait à un besoin réel des investisseurs.

C’est dans le régime actuel de volatilité (plus) élevée pour les actions que le reverse convertible est particulièrement attractif. Et ce d’autant plus que les taux d’intérêts sont plus hauts alors que l’on peut estimer (c’est une opinion) que les perspectives à moyen/plus long terme quant à ces taux seront meilleures.

Au fait, si je connais si bien l’histoire du reverse convertible, c’est que j’ai eu le privilège de créer cette toute nouvelle structure au printemps comme un nouveau départ, il y a 25 ans déjà cette année. Et le vrai premier reverse convertible fût bien remboursé en cash, au bout des trois ans de durée de l’instrument! Le reverse convertible est cependant aussi un cas très intéressant de la gestion de l’innovation en finance: un thème à explorer.

 

Patrick Oberhaensli

EVOLIDS FINANCE

Patrick Oberhaensli – 30 ans d’expérience « banque & finance » – est le fondateur/CEO d’ EVOLIDS FINANCE, société de services financiers disruptive. Si depuis 2009, il enseigne la finance à des professionnels dans différents domaines spécialisés, il a été responsable plus de 5 ans du développement institutionnel suisse chez un gestionnaire d’actifs néerlandais, dont il a permis la nette croissance. Auparavant, il a occupé différents postes seniors essentiellement orientés clients dans une grande banque suisse où il a en particulier créé le produit structuré reverse convertible. Patrick est titulaire d’un master de l’EPFL. Il détient également les diplômes CFA, CMT et FRM ainsi que le Certificate in ESG Investing,.

Trajectoire

  • Par Francesco Mandalà
  • Chief Investment Officer
  • MBaer Merchant Bank

Alerte à Pékin : vents contraires pour la Chine ?

L’histoire est pleine de revirements de sens épiques. En décembre dernier, la Chine a stupéfié le monde en annonçant l’abandon de sa politique « zero-COVID » en vigueur depuis 2020. Les ménages et les entreprises n’ont certes plus à s’inquiéter du verrouillage, mais la confiance des consommateurs et des entrepreneurs est fragile et l’ambiance reste chancelante.

Francesco Mandalà

Le changement d’attitude du gouvernement chinois à l’égard de la politique « zero-COVID » était un signe de pragmatisme. L’augmentation des coûts économiques et la diminution de l’incitation politique ont été les principaux facteurs qui ont poussé les autorités chinoises à prendre cette décision soudaine. Une autre raison était les preuves croissantes contre l’efficacité de la politique zéro COVID.

La fin des restrictions a certes déclenché une reprise économique, mais il reste à voir si elle permettra de réaliser des progrès durables. En effet, l’économie chinoise a nettement ralenti en 2022 (voir graphique 1) et le ralentissement devrait se poursuivre, car le pays doit faire face à des vents contraires tant conjoncturels que structurels.

Graphique 1: Croissance du PIB réel en Chine et indice de confiance des consommateurs.

Croissance du PIB réel en Chine et indice de confiance des consommateurs.

Source : Bloomberg, calculs mBaer.

Les économistes libéraux estiment que des années de planification centralisée faussent les prix et répartissent mal les ressources, ce qui se traduit finalement par une performance économique plus faible.

L’opinion la plus courante est que la Chine maintiendra sa croissance étonnante et continuera à surpasser les économies de marché libérales, y compris en termes d’innovation.

La Chine est devenue la plus grande économie du monde en 2016, et sa part du PIB mondial est désormais de 19%, contre seulement 15% pour les États-Unis. La Chine est également le leader mondial de la production, un partenaire commercial important, le principal moteur de la croissance économique mondiale et le siège de la plupart des entreprises les plus précieuses de la liste Fortune Global 500. Ce sont là des arguments de poids pour que la croissance chinoise se poursuive sans relâche. Les données les plus récentes montrent que l’économie a connu sa plus forte croissance depuis un an. Le gouvernement a réaffirmé son orientation favorable à la croissance en augmentant son objectif de déficit budgétaire, en s’engageant à protéger les droits des entrepreneurs et en introduisant diverses mesures pour lutter contre le problème du logement. La référence des fonctionnaires à la « nécessité de renforcer la confiance dans le marché » et aux « droits et intérêts des entrepreneurs » sont des changements bienvenus dans la rhétorique du parti.

Les vents contraires font flotter les drapeaux rouges

Les perspectives de la Chine sont aujourd’hui bien moins roses qu’au bon vieux temps de la croissance à deux chiffres du PIB (voir graphique 1).

Tout d’abord, l’économie s’est structurellement affaiblie au cours des dix dernières années. La liste verte des vents économiques contraires structurels comprend le surinvestissement chronique, la mauvaise allocation du capital – immobilier, un pour tous, la faible croissance de la productivité, la détérioration des finances publiques, le vieillissement de la population et un contrôle central plus strict de l’économie.

Deuxièmement, la pandémie a freiné les perspectives de croissance de la Chine. Troisièmement, le marché immobilier s’est fortement effondré ces deux dernières années, depuis la chute du grand promoteur immobilier, Evergrande. Le secteur immobilier est toujours en forte contraction. Il y a un risque que le retard en matière de logements partiellement construits ne puisse être rattrapé. Quatrièmement, l’environnement économique extérieur s’est détérioré, avec des risques croissants de récession aux États-Unis et en Europe, ce qui entraîne une baisse de la demande mondiale pour les exportations chinoises. La rivalité et la méfiance croissantes entre les États-Unis et la Chine, comme l’a montré l’incident du ballon espion, constituent un vent contraire supplémentaire pour l’économie chinoise, alors que les États-Unis augmentent leurs sanctions et leurs droits de douane sur les exportations chinoises.

La récente reprise de l’économie pourrait indiquer que la plus difficile période est terminée. Néanmoins, la Chine est confrontée à des défis économiques considérables et il lui faudra du temps pour se remettre de la politique « zero-COVID ». La trajectoire de croissance de la Chine n’est pas prometteuse.

 

Biographie

Francesco Mandalà, PhD a rejoint MBaer Merchant Bank en février 2021. Il a une formation en économie et en ingénierie financière, et ses compétences sont la gestion de portefeuille, la modélisation des titres à revenu fixe, la stratégie macro, la gestion des risques et l’analyse des fonds. Auparavant, Francesco a occupé diverses fonctions chez UBS et Julius Baer. Auparavant, il a été statisticien à la Banque centrale européenne (BCE) à Francfort et analyste au Comité européen des contrôleurs bancaires (CECB) à Londres. Il collabore actuellement avec le Swiss Finance Institute (SFI) et co-dirige certaines classes de maître avec des universitaires du SFI. Francesco est titulaire d’un certificat en ingénierie financière et gestion des risques (Columbia University), d’un certificat en gestion des investissements avec Python et apprentissage automatique (EDHEC Risk Institute), d’un doctorat en économie (Pavia University), d’un MSc en économie et économétrie (Southampton University) et d’une licence en économie (Bocconi University, notes : 110/110). Francesco parle couramment l’italien et l’anglais.

Relance

    • Alice Wang
    • Gestionnaire de portefeuille
    • Quaero Capital

Le dynamisme étonnant de l’économie chinoise

Après trois ans de restrictions dues à la crise du Covid, la Chine a finalement rouvert ses portes aux voyageurs étrangers et son économie affiche un dynamisme étonnant.

Lorsque l’on visite aujourd’hui la Chine, on est surpris par le manque d’intérêt pour les sujets géopolitiques qui agitent nos médias occidentaux. De fait, la population – et le gouvernement – se concentrent sur la forte reprise économique qui anime le pays après deux ans de confinement sévère.

L’économie domestique a en effet redémarré sur les chapeaux de roue. A titre d’exemple, les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration interrogés déclarent avoir récupéré trois mois de pertes en quelques jours, à l’occasion de la frénésie qu’a suscité le Nouvel An chinois dans le pays finalement réouvert. A Shanghai, la ville la plus touchée par les lockdowns, ce ne sont pas moins de 20 nouveaux centres commerciaux qui vont ouvrir prochainement dans la ville. Quelques mois seulement après la réouverture, les investissements bourgeonnent de toutes parts – l’opportunisme et l’optimisme chinois en matière de profits sont de retour.

Pour les investisseurs étrangers, les confinements de l’année dernière ont peut-être été l’équivalent de Tienanmen, mais avec le retour de l’excitation, de la normalité et des voyages, ces fermetures ne seront bientôt plus qu’un lointain souvenir pour les Chinois.

La Chine de l’après-COVID

Cette croissance ne touche pas que les villes principales. De fait, même les villes plus petites ont beaucoup évolué au cours des trois dernières années. Dans tout le pays, de nouveaux centres commerciaux ont vu le jour, construits pour ressembler aux rues et aux palais chinois traditionnels. Ils apparaissent comme des oasis au milieu des gratte-ciel imposants. Dans ces centres, on aperçoit parfois une jeune femme chic ou un élégant jeune homme vêtu non pas en Versace ou en Gucci, mais du hanfu traditionnel, qui passe gracieusement avec un parapluie. Même dans les villes bien plus petites, celles de catégorie 5, les gouvernements ont consacré des budgets pour développer les jardins traditionnels chinois afin d’améliorer la qualité de vie, tout en modernisant l’infrastructure locale pour améliorer l’efficacité – car même avec 1 million d’habitants, les « petites » villes chinoises peuvent considérablement augmenter leur productivité et réduire les émissions de gaz à effet de serre grâce à des investissements dans les transports publics peu émetteurs comme le métro. L’urbanisation rapide de la Chine au cours des dix dernières années a en effet créé de nouvelles opportunités pour les investissements dans les infrastructures.

Efficacité et amélioration des processus sont appliqués à tous les niveaux. A titre d’exemple, la chaîne Luckin Coffee, qui exploite désormais plus de magasins que Starbucks et se concentre exclusivement sur la livraison, a ramené le coût d’un café latte à moins de RMB 20 (environ 2,5 francs). A tel point que les entreprises préfèrent commander du Luckin Coffee plutôt que d’utiliser leurs propres machines à expresso.

En comparaison internationale, le contraste est saisissant : alors que dans la plupart des pays émergents, être moins que très riche, c’est vivre dans des conditions insalubres, avoir des horaires de travail abrutissants et vivre au jour le jour, en Chine, on assiste à l’émergence d’une vraie classe moyenne qui mène une vie sûre, propre, abordable et, pour l’heure, empreinte d’un optimisme naissant.

Un moteur : la croissance organique

Plus que le commerce international, c’est aujourd’hui la croissance organique de la consommation qui est devenue le moteur de la croissance chinoise, alors qu’elle n’a bénéficié d’aucune mesure de relance, d’aucun transfert direct de la part du gouvernement et qu’elle sort de la pire crise immobilière de l’histoire du pays. Le consommateur chinois semble enfin prêt à prendre les rênes, non seulement dans les villes de catégorie 1, mais dans l’ensemble du pays. Il ne faut donc pas s’attendre à de grands gestes politiques, car la reprise tirée par la consommation devrait conduire à une reprise de l’investissement privé (l’investissement dans l’immobilier commercial montre déjà une reprise significative).

Privés des revenus des transactions immobilières, les gouvernements locaux n’ont pas d’argent et ce sont les consommateurs qui doivent se débrouiller seuls. Les politiques n’interviendront que si c’est nécessaire.

La Chine se concentre sur l’économie et la prospérité à long terme du pays. Elle ne veut pas être poussée à la guerre par des pressions extérieures ou intérieures. Le calcul des autorités aujourd’hui est d’attendre, d’endurer. Parce que, selon leurs propres termes, le temps joue en leur faveur.

Alice Wang

Quaero Capital

Alice Wang gère le fonds Bamboo depuis 2015 et le fonds China depuis 2020 au sein de Quaero Capital LLP à Londres. Elle a commencé sa carrière professionnelle comme analyste, spécialiste de la Chine, Corée du Sud, Taïwan et Philippines, avec un focus sur la technologie, les soins de santé et la consommation. Alice a obtenu une licence en sciences humaines et en histoire chinoise à l’université de Yale. Elle détient la certification CFA. Née en Chine, sa langue maternelle est le mandarin.

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    Décryptage

    • Olivier de Berranger
    • La Financière de l’Echiquier

    Il faut savoir entendre ce que nous dit l’or, ce grand bavard

    Ce printemps, l’or flirte allègrement avec la barre des 2’000 dollars l’once. Au-delà de ces valorisations records, il est intéressant d’élargir le cadre et d’analyser ces mouvements de façon à pouvoir anticiper sur les orientations des politiques monétaires.

     

     

    L’or se rapproche de ses sommets historiques : passé au-dessus des 2’040 dollars le 13 avril dernier, il frôle son niveau historique du 6 août 2020, lorsqu’il a atteint 2063 dollars, un niveau approché également en mars 2022. Certes, en prix « réels », ajustés de l’inflation, le record est encore éloigné, car sur trois ans l’inflation cumulée est considérable. Il n’empêche : la tendance récente à l’appréciation est nette, surtout lorsqu’on le compare à son niveau de début 2019, sous les 1300 dollars. Soit plus de 50% de hausse.

    Or le métal jaune est intelligent ; il réagit – par l’intermédiaire des prises de positions tactiques ou spéculatives des financiers – aux conditions monétaires, avec finesse et anticipation. On s’aperçoit souvent, rétrospectivement, qu’il était annonciateur de crises ou de mouvements importants de politique monétaire. En 2008 par exemple, l’or avait nettement progressé juste avant la grande crise financière, alors que les banques centrales montaient leurs taux. En 2011, lors de ses précédents records à plus de 1’800 dollars, soit beaucoup plus en dollars actuels, il avait joué un rôle de couverture efficace contre la dégradation de la note souveraine des Etats-Unis et la crise de la monnaie unique.

    Qu’annonce donc son envolée actuelle ? Tentons de le faire parler.

    « Je vois les taux réels baisser ». L’or réagit favorablement aux taux réels négatifs, c’est-à-dire lorsque l’inflation dépasse le niveau des taux. Certes, le message est imprécis, car il y a plusieurs mesures d’inflation, dans des pays différents, et de nombreuses références sur les taux (courts, longs, actuels, anticipés…). Mais considérés dans leur ensemble, les facteurs en cause sont clairs : le niveau général d’inflation attendu à quelques mois aux Etats-Unis, si l’or a raison, creuserait son écart positif avec la moyenne des taux. Ce qui peut signifier soit que l’inflation resterait élevée, voire remonterait, à niveau de taux égal, soit que les taux d’intérêts rebaisseraient nettement, et surtout plus vite que l’inflation. La dernière hypothèse est aujourd’hui favorisée par le marché. Depuis la faillite de quelques banques en mars aux Etats-Unis, le marché anticipe de fortes baisses de taux directeurs de la part de la Réserve fédérale dès la seconde moitié de 2023. Ce qui implique, en creux, des craintes élevées de récession, confirmées d’ailleurs par le dernier compte rendu de la réunion de la Fed où cette hypothèse fut considérée comme centrale.

    Autre message possible de l’or : « Je vois le dollar baisser ». Exprimé en dollars, le prix de l’or peut avoir tendance à monter afin de conserver sa valeur réelle si le dollar baisse. C’est ce qui se passe actuellement : face à un panier de devises mondiales, le dollar perd du terrain depuis le dernier trimestre 2022. La raison de cette faiblesse tient à l’hypothèse du marché sur le niveau des taux directeurs, qu’il voit baisser plus tôt et plus fortement aux Etats-Unis que dans la plupart des autres régions. Par exemple, le consensus n’entrevoit aucune baisse de taux en zone euro en 2023, contre plusieurs aux Etats-Unis. Idem pour le Royaume-Uni ou le Japon – où le marché incline même en faveur d’une hausse de taux. Quant à la Chine, il est peu probable qu’elle baisse ses taux alors que l’activité décolle.

    Dernier message concevable : « Je vois une crise de la dette américaine ». Que ce soit en raison des fragilités des banques régionales ou de l’immobilier commercial, tous deux sous la pression des hausses des taux, ou, plus grave encore, du blocage politique sur le plafond de la dette américaine, il n’est pas impossible que la note de crédit américaine soit questionnée. On se souvient de la dégradation de la note américaine le 5 août 2011 : coup de tonnerre dans le ciel d’été, elle avait correspondu au sommet de la précédente vague haussière de l’or. Or, on constate justement depuis 2022 une hausse ininterrompue du coût de la couverture contre un défaut des Etats-Unis. Même si un réel défaut paraît inimaginable, car suicidaire économiquement, les tensions autour du vote sur le relèvement du plafond de la dette pourraient encore augmenter dans les prochains mois. En 2011, l’agence S&P avait justifié sa dégradation par la déclaration suivante : « la dégradation de la note reflète notre vue que l’effectivité, la stabilité et la prédictibilité de la politique et des institutions politiques ont été affaiblies ». Des ressemblances avec la situation actuelle ?

     

    Olivier de Berranger

    La Financière de l’Echiquier

    Depuis 1990, Olivier de Berranger a successivement occupé des postes de trader puis de responsable de desk de trading sur les produits de taux d’intérêt cash et dérivés au Crédit Lyonnais puis chez Calyon. Il a été ensuite responsable du pôle Capital Markets chez First Finance, société de conseil et de formation. Il rejoint La Financière de l’Échiquier en mars 2007 comme gérant obligataire. Il est notamment en charge de la poche investie en produits de taux du fonds Echiquier Patrimoine et gère Echiquier Arty ainsi que Echiquier Credit Europe. En 2017, il est nommé directeur de la gestion d’actifs et entre au comité de direction. En avril 2019, il devient également directeur général délégué. Olivier de Berranger est diplômé d’HEC.

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      Journée de la Terre

      • Pascal Dudle & Matthias Fawer
      • Head of Listed Impact and Analyste senior, ESG & Impact
      • Vontobel Asset management

      Transition écologique : le coût trop élevé de l’inaction

      A l’occasion de la Journée Internationale de la Terre, célébrée pour la première fois en 1970, Pascal Dudle et Matthias Fawer reviennent sur l’importance cruciale d’investir en force dans une économie capable de composer avec les grands enjeux environnementaux du moment.

      A l’occasion de la Journée Internationale de la Terre, célébrée pour la première fois en 1970, Pascal Dudle et Matthias Fawer reviennent sur l’importance cruciale d’investir en force dans une économie capable de composer avec les grands enjeux environnementaux du moment.

      Le monde est confronté à une crise environnementale d’une ampleur sans précédent. Le changement climatique, la déforestation, le stress hydrique de plus en plus présent et la pollution entraînent des modifications de la biodiversité ayant un impact à tous les niveaux. Elles vont des sécheresses et inondations jusqu’à la santé humaine, en passant par la production industrielle.

      Indépendamment de la volonté des différents gouvernements de réguler les effets, des investissements importants sont nécessaires dans les décennies à venir pour éviter que les températures ne dépassent pas de plus de 1,5 °C les températures de l’ère préindustrielle. Pour empêcher cette hausse, il est nécessaire d’investir massivement dans la transition vers une économie à faible teneur en carbone et dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Selon le GIEC, pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels, les émissions mondiales de CO2 devraient diminuer d’environ 45 % par rapport aux niveaux de 2010 d’ici à 2030 et atteindre un niveau net nul vers 2050.

      Les investissements nécessaires pour permettre la transition de l’économie réelle sont considérables. Selon les estimations, d’ici la fin de la décennie, il faudra investir 1’000 milliards de dollars supplémentaires par an dans les énergies propres afin de pouvoir atteindre le niveau zéro d’ici à 2050. Cela représente une multiplication par sept des niveaux actuels.

      Ne pas agir pour empêcher une hausse des températures supérieure à 1,5 °C coûterait encore plus cher. Le secteur privé a un rôle important à jouer pour relever les défis environnementaux mondiaux. En prenant des mesures pour réduire son empreinte écologique et en soutenant les initiatives en faveur du développement durable, le secteur privé peut contribuer à un avenir plus durable et plus résilient pour tous. Toutefois, cela nécessite une collaboration entre les gouvernements, le secteur privé et les institutions financières.

      La Commission européenne a répondu à la loi américaine sur la réduction de l’inflation (IRA) par une loi sur l’industrie nette zéro et une loi européenne sur les matières premières essentielles. Elles visent à développer la production nationale et à diversifier les chaînes d’approvisionnement. Les objectifs sont similaires à ceux de l’IRA : favoriser les entreprises locales et la sécurité de l’approvisionnement. L’objectif est de créer de meilleures conditions pour la fabrication de technologies propres, qui devraient représenter 40 % des besoins d’ici à 2030. Mettant l’accent sur la compétitivité mondiale et l’indépendance énergétique, elles visent également à ramener en Europe les emplois verts, la formation, les talents et la fabrication nécessaire à la transition énergétique. En outre, ils devraient accélérer les procédures d’autorisation – l’obstacle le plus souvent mentionné en Europe.

      En annonçant ces deux lois, la Commission européenne a fait un pas audacieux vers la réalisation d’émissions nettes zéro. Elle entend renforcer la capacité industrielle des technologies propres et garantir une chaîne de valeur durable pour les matières premières. La proposition comprend des objectifs et des mesures audacieux, probablement pour dépasser les États-Unis et la Chine – ce qui ne sera pas une mince affaire.

       

      Pascal Dudle

      Vontobel Asset management

      Pascal Dudle a rejoint Vontobel Asset Management en 2007 et supervise les stratégies d’impact à visée sociale et environnementale. En tant que Head of Listed Impact, il est le gérant attitré des portefeuilles Clean Technology. Avant de rejoindre Vontobel, il a travaillé 10 ans chez Swiss Re. Dans le cadre de ses dernières fonctions, de 2001 à 2007, il investissait en tant que gérant de portefeuilles dans les titres cotés et dans ceux de private equity, ciblant en particulier les domaines environnementaux tels que les énergies alternatives, l’efficacité énergétique et la gestion durable des forêts. Pascal est titulaire d’un master en Gestion d’entreprise de l’Université de Zurich et également d’une certification CEFA.

       

      Matthias Fawer

      Vontobel Asset management

      Matthias Fawer a rejoint Vontobel Asset Management à l’automne 2016, en tant qu’analyste ESG et Impact Avant de rallier Vontobel, il a occupé des fonctions similaires chez Vescore AG et Notenstein Privatbank, racheté par Vontobel en 2016. Entre 2000 et 2013, il a officié en tant qu’analyste durabilité chez Bank J. Safra Sarasin. Depuis 2002, il est l’auteur d’études sur l’énergie solaire et les énergies renouvelables et donne des conférences à l’occasion de différentes conventions. Matthias est titulaire d’un diplôme en Sciences naturelles et d’un PhD de l’Institut de biotechnologie de l’Ecole polytechnique fédérale (ETH) de Zurich.

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        Dépannage

          • Pascal Hügli
          • Insight DeFi

        Le bitcoin est-il désormais le nouveau compte bancaire suisse ?

        Les ondes de choc provoquées par le sauvetage de Credit Suisse n’ont pas fini de se résorber. Dans ce contexte fragile, les crypto-monnaies et la finance décentralisée ont certains arguments à faire valoir.

        La crise bancaire tient le monde en haleine. Aux Etats-Unis, la banque centrale américaine est confrontée à un dilemme : pour inspirer confiance, elle doit continuer à lutter contre l’inflation. Mais en préservant un taux d’intérêt élevé, elle risque d’aggraver la situation précaire des banques régionales en difficulté.

        En Suisse, le Crédit Suisse a dû fusionner de force avec l’UBS, le tout avec le soutien actif de la Banque nationale suisse. Les deux banques bénéficient d’un accès illimité aux ressources de la BNS. Le rachat par l’UBS n’en réalité rien d’autre qu’une opération de sauvetage sponsorisée par la Banque centrale suisse.

        Tour de Babel – made in Switzerland

        Cette molochisation – le rapprochement de deux institutions d’importance systémique – crée un complexe encore plus énorme, qui finira par dépasser le pouvoir de grands argentiers qui jouent aujourd’hui les divinités. Dans la mesure où les problèmes n’ont été que refoulés – et non résolus – un nouveau sauvetage se profile, mais il n’est pas certain qu’il sera possible cette fois de l’assumer.

        Pour beaucoup, une telle problématique relève de la musique d’avenir. Après nous, le déluge. Voici ce que la situation nous montre ici et maintenant : de plus en plus de gens prennent conscience qu’un dépôt bancaire est un crédit non garanti, lié à une contrepartie. D’un jour à l’autre, de nouvelles alternatives doivent être recherchées – comme au début de la crise financière de 2008.

        Mais à l’époque, le bitcoin n’existait pas encore. Aujourd’hui, il a quelques avantages à faire valoir : il n’a pas de risque de contrepartie et peut être détenu de manière autonome. Cette crypto-valeur a en effet été créé pour répondre – en partie – aux dérèglements de la dernière crise financière. Comme le montrent les développements de ces derniers jours, le récit du bitcoin en tant comme alternative a une certaine justification.

        La crise bancaire fait grimper le bitcoin

        Ainsi, depuis les premiers tumultes autour de Silicon Valley Bank, la valeur du cryptoactif a augmenté de plus de 30% par rapport au dollar américain. Sur une période similaire, le prix de l’or a augmenté d’environ 6%, tandis que le franc suisse a baissé par rapport au dollar américain. Le bitcoin, se veut-il alors une monnaie refuge ?

        La véritable raison devrait toutefois se trouver ailleurs à l’heure actuelle. On peut ainsi supposer que la forte hausse du bitcoin s’explique surtout par le fait que ses investisseurs anticipent la fin du cycle actuel de hausse des taux d’intérêt en raison des dysfonctionnements du système financier. Cependant, à moyen et long terme, il est tout aussi clair que les événements actuels légitimeront de plus en plus l’investissement en bitcoins. Les gens voudront des alternatives et, dans un monde numérique, le bitcoin n’aura pas trop de mal à devenir incontournable.

         

        Pascal Hügli

        Insight DeFi

        Après avoir travaillé plusieurs années dans le journalisme financier, Pascal Hügli est aujourd’hui propriétaire d’Insight DeFi, une agence de contenus et de conseil spécialisée dans les crypto-actifs. En tant que spécialiste du bitcoin, il enseigne ces sujets à la HWZ. Il informe le grand public sur les événements, les opportunités et les risques du nouveau monde décentralisé propre au bitcoin et à ses pairs. Outre un premier livre de vulgarisation, il a également publié en 2022 un manuel d’enseignement sur le thème de la cryptographie intitulé « Bitcoin verständlich erklärt ».

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