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Dans ce premier opus de L’Intégrale, série d’entretiens explorant en profondeur un même thème, Frédéric Dawance et Thierry Zen Ruffinen nous font découvrir le marché de l’or sous tous ses angles. Le quatrième et dernier interview de cette série est consacré à la traçabilité et à l’impact sociétal appelés à s’imposer sur ce marché, au travers notamment d’initiatives comme Swiss Better Gold.
Par Jérôme Sicard
L’or a toujours eu un caractère très ambigu. D’un côté, il incarne la pureté et l’éclat – on parle d’un « ami en or » comme d’un trésor inestimable. De l’autre, il symbolise la cupidité et la malédiction, à l’image du roi Midas, qui transformait en or tout ce qu’il touchait, jusqu’à sa propre nourriture, et a préféré finir dans la pauvreté. Il y a aussi Alberich, le nain de L’Or du Rhin, décidément prêt à tout pour le posséder, jusqu’à asservir tous ses semblables.
Au-delà des mythes, l’histoire de l’or est aussi jalonnée de conquêtes qui vont souvent de pair avec des tragédies bien réelles. De la ruée vers l’or du Nouveau Monde aux XVᵉ et XVIᵉ siècles, qui précipita la chute des empires incas et aztèques, jusqu’à l’or sud-africain sous l’apartheid, l’or a souvent été synonyme d’exploitation et d’injustice.
Aujourd’hui encore, le marché aurifère a un revers à sa médaille. De grandes places comme la Russie ou la Chine fonctionnent en vases clos, peu concernées par les standards de transparence et de responsabilité fixés par la LBMA. Mais l’un des enjeux les plus préoccupants reste l’or illégal : chaque année, près de 400 tonnes d’or sont exportées clandestinement d’Afrique, principalement issues de l’orpaillage artisanal. Cela représente 15 % de la production mondiale – un phénomène massif, loin d’être un simple effet secondaire marginal.
Quelles mesures sont prises pour contrer ce phénomène ?
C’est une question complexe. L’enjeu principal, c’est l’encadrement des mineurs dans leur pays d’origine. Si on parvient à structurer et formaliser cette activité, notamment pour les 15 % de mineurs qui pourraient intégrer un cadre légal, alors on transforme ce secteur en une industrie comme une autre, avec un impact économique fort. C’est dans cette direction que travaillent les gouvernements. Des initiatives comme Swiss Better Gold collaborent avec les autorités pour aller dans ce sens. C’est une vision à long terme, mais c’est là qu’il faut aller.
En parallèle, il faut empêcher que cet or illégal entre dans le système. Si on refuse d’avoir des matières premières d’origine douteuse dans notre chaîne de valeur – et donc, in fine, dans nos lingots, nos bijoux et nos montres – il faut agir en amont. Aujourd’hui, la principale porte d’entrée semble être les Émirats arabes unis. La Suisse, comme d’autres pays, exerce une certaine pression pour que les Émirats renforcent leurs contrôles.
Il est clair qu’une grande partie de l’or importé en Suisse est déclarée comme provenant des Émirats arabes unis. Or, il n’y a pas de mines d’or là-bas. Cet or vient donc forcément d’ailleurs. C’est pourquoi il y a une demande insistante pour introduire un champ obligatoire dans les documents douaniers indiquant l’origine réelle de la marchandise lors de l’importation en Suisse.
Encore une fois, le recyclage de l’or n’est pas un problème en soi. C’est le manque de transparence autour de cet or recyclé qui crée un immense problème.
Quels standards faut-il établir aujourd’hui pour garantir à l’or une extraction et une commercialisation responsables ?
Le premier standard, c’est la traçabilité. Une fois que les acteurs sont identifiés, on peut les mettre face à leurs responsabilités. Et les progrès suivent vite. Donc, la traçabilité, c’est vraiment essentiel.
Le deuxième enjeu, c’est l’impact sociétal. Aujourd’hui, 20 % de l’or mondial provient de mineurs artisanaux. Cette activité fait vivre des centaines de millions de personnes, mais ces travailleurs restent exclus des chaînes de valeur formelles.
Autrement dit, la traçabilité permet d’écarter les mauvaises pratiques, mais il faut aussi mieux intégrer ces mineurs au marché officiel. C’est sur ces deux axes qu’on doit avancer pour assainir et améliorer le commerce de l’or.
Dans la chaîne d’approvisionnement de l’or, comment renforcer encore sa traçabilité ?
Il y a d’abord l’aspect pratique : il faut des outils concrets, acceptés et adoptés par tous, qui garantissent une traçabilité fiable. Ensuite, il y a la réglementation. On peut très bien imaginer qu’un jour, seul l’or traçable puisse être traité en Suisse. On n’en est pas encore là, mais c’est une piste envisageable.
Il faut également que les producteurs et les mineurs soient parties prenantes dans cette réflexion. Si les exigences sont trop élevées, on risque d’exclure une partie des acteurs de la discussion, ou des échanges, simplement parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’y conformer autant qu’ils le voudraient. Il faut être pragmatique.
Aujourd’hui, 600 tonnes d’or sont échangées chaque jour sur le marché alors que la production mondiale annuelle n’est de 3’000 tonnes. Autrement dit, chaque semaine, c’est l’équivalent de la production annuelle qui est échangé. C’est pourquoi, au-delà de l’or fraîchement extrait, il faut aussi prendre en compte le stock en circulation.
Quel rôle joue plus exactement l’initiative Swiss Better Gold, à laquelle vous vous êtes associés ?
Swiss Better Gold est l’initiative de référence pour l’or artisanal. Elle a l’avantage d’être soutenue à la fois par le gouvernement suisse, via le SECO, par les grands raffineurs suisses qui en sont membres, et par les utilisateurs finaux comme les joailliers – et quelques banques ou institutions financières, dont la nôtre. C’est aujourd’hui un acteur clé qui milite activement pour la réintégration de l’or artisanal dans les chaînes de valeur. On ne peut pas simplement ignorer son existence.
Cela dit, l’initiative reste encore modeste : sur les 3’000 tonnes d’or extraites chaque année dans le monde, 600 tonnes proviennent de mineurs artisanaux formalisés ou non. Swiss Better Gold n’en couvre pour l’instant que 4 à 5 tonnes. Il y a donc une énorme marge de progression. Mais si elle est si lente, c’est aussi parce que les intérêts peuvent diverger au sein de l’industrie.
Pour autant, son existence est essentielle. Quand la Banque centrale du Ghana veut formaliser l’activité des mineurs artisanaux, à qui peut-elle s’adresser ? Il n’existe pas d’autre structure ayant cette expertise. Swiss Better Gold connaît les enjeux, les raffineurs, les clients. C’est une plateforme unique. C’est pourquoi nous la soutenons : elle a le potentiel de fédérer encore plus d’acteurs et de créer un impact positif à grande échelle, sur le long terme.
Frédéric Dawance
De Pury Pictet Turrettini
Frédéric a rejoint de Pury Pictet Turrettini en 2016. Il participe activement à la gouvernance de la société en siégeant au sein du comité de direction, de stratégie et d’audit. Il a débuté sa carrière chez Pictet à Genève, puis chez CSFB à Zurich et à Londres, ainsi que chez Exane à Paris. Après deux ans en tant que CFO d’une société technologique, il a rejoint Lombard Odier & Cie en 2004, d’abord en tant que responsable du trading, puis en tant que co-responsable des produits d’investissement et enfin en tant que responsable d’un important groupe de banquiers privés. Frédéric est titulaire d’un diplôme HEC de l’Université de Saint-Gall et d’une maîtrise en économie de l’Université de Cologne.
Thierry Zen Ruffinen
De Pury Pictet Turrettini
Avec une solide expérience de l’investissement, Thierry Zen Ruffinen a rejoint de Pury Pictet Turrettini en 2021 en tant que responsable de la distribution, où il s’emploie à conseiller une clientèle institutionnelle. Thierry a précédemment été en charge de la distribution des fonds et des mandats de Mirabaud Asset Management auprès de la clientèle institutionnelle romande. Il a commencé sa carrière en 2004 auprès de la Nouvelle Compagnie de Réassurance en tant qu’actuaire tarificateur. Thierry dispose d’un master en actuariat d’HEC Lausanne.
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Dans la gamme alternative, NS Partners lance à présent un fonds de fonds dédié aux marchés privés, le Private Markets Evergreen Fund, avec l’intention de capitaliser sur son expertise dans le domaine de la sélection de fonds. Angel Sanz et Cédric Dingens se chargent ici de la présentation.
Par Jérôme Sicard
Aujourd’hui, à quoi devrait ressembler une allocation aux private markets dans un portefeuille « balanced » ?
Pour un mandat de petite taille, une allocation de 10 % à 15 % semble appropriée. En revanche, pour des mandats plus importants, souvent plus sophistiqués, notamment chez les institutionnels, l’exposition peut facilement monter à 30 % voire 40 % du portefeuille. Certains fonds de type US Endowment, comme celui de Yale, atteignent même les 50 %. Une étude récente d’UBS révèle que les family offices gérant des encours de plus de 100 millions de dollars consacrent jusqu’à 40 % de leurs actifs aux classes alternatives, dont un quart aux marchés privés. Cette tendance traduit bien une montée en puissance des allocations non cotées dans les stratégies patrimoniales.
Les allocations des fonds de type US Endowment représentent-elles l’avenir de la gestion de fortune en Suisse ?
Ça nous paraît difficilement envisageable. Ces fonds sont d’une taille colossale. Le fonds de Yale gère par exemple près de 40 milliards de dollars. Or, les clients privés doivent faire face à plusieurs contraintes, notamment un horizon d’investissement plus court, qui ne permet pas d’immobiliser des capitaux sur de longues périodes. Contrairement aux endowment funds, les investisseurs privés ont besoin de flexibilité et de liquidité, ce qui limite une approche extrême des allocations en private markets.
Quels sont les rendements actuels des différents segments qui composent les private markets ?
Sur 10 ans, le private equity et le venture capital ont affiché des rendements proches de 15 %. Le direct lending et les infrastructures gravitent autour de 10 %. Dans les années à venir, le venture capital et le private equity pourraient enregistrer une légère baisse, mais le potentiel reste important, notamment pour les infrastructures, qui nécessitent des investissements massifs — environ 100’000 milliards de dollars d’ici 2050. Les fonds alternatifs, qui ont dégagé environ 5 % sur dix ans, pourraient de leur côté bénéficier de la remontée des taux d’intérêt et de l’accroissement de la volatilité. Globalement, ces classes d’actifs offrent un couple rendement-risque attrayant sur le long terme.
Quelle est aujourd’hui la taille du marché des private markets ?
À ce jour, ils représentent près de 15’000 milliards de dollars. Le private equity constitue environ un tiers de ce volume, tandis que le private debt et le venture capital en représentent chacun environ un quart. Les infrastructures approchent les 20 %. Le marché secondaire gagne également en importance, pesant aujourd’hui 16 % de ces marchés privés. Sa montée en puissance est due pour beaucoup aux corrections subies ces deux dernières années par le segment private equity.
Quelles tendances structurelles soutiennent ces marchés ?
L’infrastructure est l’un des thèmes les plus porteurs que nous voyons en ce moment. Comme nous le mentionnions, les besoins en investissements pour ces 20 à 25 prochaines années, tournent autour des 100’000 milliards de dollars. La moitié de cette somme concerne l’Asie, notamment pour les réseaux routiers et les infrastructures énergétiques.
L’intelligence artificielle est aussi une tendance majeure, car elle touche tous les secteurs et entraîne d’importants besoins en financement, ne serait-ce que pour la construction et l’alimentation en énergie des data centers.
Enfin, le private debt s’impose comme une alternative au financement bancaire traditionnel en perte de vitesse, particulièrement en Europe, où les réglementations très strictes, surtout en termes de fonds propres, limitent la capacité des banques à prêter. On observe d’ailleurs une montée en puissance des acteurs américains sur le marché européen où les opportunités leur apparaissent clairement. Il y a des espaces à prendre.
Quel est le principe des fonds evergreen, comme celui que vous venez de lancer ?
Ils se distinguent sur plusieurs points. Tout d’abord, la liquidité : la valeur nette d’inventaire est calculée trimestriellement, offrant une certaine liquidité aux investisseurs, avec cependant quelques limites en termes de sortie. Ensuite, les fonds evergreen permettent une mise en action immédiate des capitaux, contrairement aux fonds de private equity traditionnels, où les calls peuvent s’étaler sur de longues périodes avec des valorisations qui ressemblent alors à des courbes en J. Sur ce point, le modèle evergreen suscite d’ailleurs un intérêt croissant chez les investisseurs institutionnels, prêts à revoir légèrement à la baisse leur espérance de rendement attendu pour plus de flexibilité. Enfin, les seuils d’investissement sont plus bas, et offrent ainsi des moyens de diversification immédiats.
Pourquoi vous êtes-vous décidé à lancer ce fonds de fonds ?
Nous avons une expertise reconnue dans la sélection de fonds. Nous maîtrisons particulièrement bien le modèle fonds de fonds où nous mettons en œuvre des processus rigoureux, tant qualitatifs que quantitatifs. Nous avons décidé d’appliquer cette approche aux solutions evergreen car nous avons constaté que le marché s’étoffait, avec un nombre suffisant d’opportunités pour justifier la création d’un véhicule spécialisé. Aujourd’hui, plusieurs dizaines de fonds de qualité existent dans cet univers.
Pourquoi les processus de sélection sont-ils si importants ?
Dans le monde des marchés privés, la dispersion des performances reste quand même assez considérable. L’écart entre le premier et le dernier quartile atteint 21 % pour le private equity, 22 % pour le venture capital et 14 % pour les hedge funds. Une bonne sélection est donc cruciale. Dans le private equity, les fonds les plus performants ont heureusement tendance à maintenir de solides performances sur le long terme.
Comment est investi votre fonds evergreen ?
Nous avons sélectionné sept fonds : cinq en private equity et deux en infrastructures. Parmi eux, on retrouve Blackstone, Partners Group et Hamilton Lane. Certains sont spécialisés, d’autres plus diversifiés, combinant secondaire, primaire, growth et buyout. Chez Partners Group, nous sommes investis dans le fonds Global Value depuis de nombreuses années, celui-ci fêtera bientôt ses 20 ans et qui, malgré les crises successives, n’a jamais eu besoin d’activer ses « gates ».
Quel est l’intérêt d’investir aujourd’hui dans ce type de produit?
Il y a un intérêt flagrant, en termes de diversification et de gestion du couple rendement-risque au sein d’un portefeuille. Une poche de 10% allouée aux marchés privés dans un portefeuille 60-40 peut générer facilement 50 points de base de plus en rendement et réduire d’autant la volatilité.
Il faut voir aussi que les marchés privés donnent accès à un très grand nombre de sociétés. Aux Etats-Unis, dans les entreprises qui génèrent plus de 100 millions de dollars de chiffre d’affaires, 90% appartiennent encore au secteur privé. La proposition de valeur du private equity se situe là, et il en va de même pour le private debt, un marché désormais bien structuré, surtout aux États-Unis.
En 2022, par exemple, quand les marchés ont corrigé, notre exposition aux marchés privés nous a offert une bonne protection. Bien sûr, lorsque les marchés repartent, nous ne capturons pas autant de croissance, mais au final, le profil reste intéressant. Notre objectif est de viser un rendement net de 10 % par an, avec une volatilité contenue. C’est donc une proposition d’investissement qui mérite l’attention. D’autant que le timing nous semble aussi assez propice après la correction dont ont souffert les marchés privés ces deux dernières années.
Angel Sanz
NS Partners
Angel Sanz a rejoint NS Partners en 2012. Il y occupe les fonctions de Chief Investment Officer et il en dirige également la division Asset Management. À ce titre, il supervise le département Allocation d’actifs du groupe de même qu’il encadre les équipes dédiées au long only et à l’alternatif.
Avant de rejoindre NS Partners, Angel a occupé trois postes de CIO chez Bankia, BBVA Asset Management et M&B Capital. Avant de débuter sa carrière financière en 1991, il a travaillé pendant quatre ans en tant qu’ingénieur logiciel chez AT&T Bell Labs, aux États-Unis.
Angel est titulaire d’un MBA de l’Université de Lehigh (États-Unis) ainsi que d’un Master en ingénierie électrique de l’Université de Valladolid, en Espagne.
Cédric Dingens
NS Partners
Cédric Dingens dirige le pôle « Investment Solutions & Institutional Clients » de NS Partners. Cédric a débuté sa carrière à la Banque du Luxembourg en 2001. L’année suivante, il a rejoint Notz Stucki à Luxembourg en tant que gestionnaire de portefeuille. Il a développé le cadre interne de gestion des risques quantitatifs avant d’être nommé responsable de la gestion des risques à Genève en 2010, puis d’être promu à son poste actuel en 2016. Il est titulaire d’un diplôme en finance quantitative de l’École nationale supérieure des mines de Nancy (France) et détient la certification Chartered Alternative Investment Analyst.
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Bien loin du consensus post-élections américaines, depuis le début de l’année, l’Europe donne l’impression de prendre sa revanche sur Wall Street. Antoine Bailly en livre ici son analyse.
La forte surperformance du marché européen s’est accélérée après les craintes de perte du soutien militaire américain. Comme souvent, lorsqu’elle se retrouve dos au mur, l’Europe a resserré ses liens et donné une réponse d’unité se traduisant par une volonté de s’affranchir de la tutelle américaine en matière de défense. L’union européenne s’est lancée dans un vaste plan pour remilitariser la zone et le nouveau chancelier allemand a proposé d’utiliser ses marges de manœuvre pour faire sauter le verrou budgétaire en engageant un plan de relance des infrastructures allemandes en plus de dépenses militaires significatives.
Ce soutien fiscal, susceptible de doper la croissance européenne, s’avère nettement supérieur aux anticipations et a été largement salué par les marchés européens, comme en témoigne la progression de 10,1 % de l’Eurostoxx depuis le début de l’année1. L’indice européen STOXX Europe 600 bénéficie, dans une moindre mesure, de ces annonces mais progresse également de 7,8 %1. La perspective d’une paix en Ukraine dont les modalités restent à définir pourrait soutenir cette tendance.
Les marchés de taux européens ont, de leur côté, nettement réagi à ce changement de paradigme, avec notamment un Bund qui progressait fortement, reflétant la fin de l’ère d’austérité budgétaire allemande. La BCE poursuivait néanmoins son processus de normalisation de son taux directeur, ce qui provoquait une pentification de la courbe des taux.
Par ailleurs, les ambitions affichées par le gouvernement chinois, soutenues par plus de flexibilité budgétaire et un objectif de croissance de 5 % cette année, ont également constitué un facteur de soutien pour l’Europe, principale bénéficiaire indirecte de ces annonces. La récente stabilisation des prix du marché de l’immobilier crédibilise un scénario de sortie de crise. L’ensemble de ces éléments a permis aux marchés chinois de rebondir.
Dans le même temps, les indices américains basculaient dans le rouge, à l’image du S&P 500, en repli de 4,3 % depuis le début de l’année en dollars et de 8.6% en euros2, le billet vert étant directement impacté, comme l’ensemble des « Trump trades ». Les investisseurs ne tremblent plus seulement devant les valorisations du secteur technologique, mises à mal par l’émergence de la concurrence chinoise sur l’IA, même si le Nasdaq souffre davantage que le S&P avec un repli de 13,5 % sur l’année en euros2. Ils se demandent désormais si le nouveau locataire de la Maison Blanche ne va pas, tout simplement, casser la croissance. Le manque de clarté dans ses décisions a créé de l’incertitude et la confiance du consommateur américain est impactée. La baisse des marchés pèse également sur l’effet richesse, et l’inquiétude vis-à-vis du caractère inflationniste des taxes à l’importation commence à poindre.
Sur le plan sectoriel, ces évènements ont profité aux secteurs industriels domestiques européens qui avaient été largement délaissés, notamment la construction, la chimie, les matières premières. Le secteur des biens industriels continuait de bien se comporter, tiré par les valeurs de défense, grandes bénéficiaires des mesures annoncées. Le secteur bancaire profitait, lui aussi, de son exposition domestique, de la pentification de la courbe des taux et de l’impact macroéconomique positif à venir des plans de relance. Cette dynamique a incité certains économistes à revoir d’ores et déjà significativement à la hausse leurs perspectives de croissance en Zone euro à partir de 2026. À l’inverse, les secteurs exposés au consommateur américain étaient sous pression, à commencer par les biens de consommation. Les investisseurs se soucient de l’état de santé de l’économie de la première puissance mondiale et des signes annonciateurs d’une baisse de confiance des consommateurs consécutivement aux atermoiements du président Trump concernant la mise en place de taxes sur les importations.
Pour toutes ces raisons, le consensus de début d’année, qui tendait à privilégier les marchés d’actions américains, est clairement mis à mal. Le niveau de la croissance économique américaine est désormais remis en cause alors que, dans le même temps, la cohésion européenne autour d’un grand plan de réarmement et le plan de relance allemand sur les infrastructures portent les indices européens. L’écart de valorisation est en train de se combler et l’Europe rattrape une partie de sa sous-performance passée. Ce mouvement se révèle soudain puisque l’Eurostoxx fait désormais jeu égal avec le marché américain depuis début 2023. Deux questions se posent désormais : Sommes-nous entrés dans une nouvelle ère caractérisée par une période de surperformance prolongée de l’Europe ? Les marchés européens peuvent-ils résister si un mouvement de baisse s’enclenchait outre-Atlantique ?
La décote des valorisations européennes reflète bien les déficiences structurelles de la zone. Cependant, les facteurs cycliques, tels que l’austérité excessive en Allemagne et le désendettement important du secteur privé, qui ont contribué au moindre niveau d’investissement et à une productivité sous pression en Europe, sont en train de s’atténuer. Les changements dans la sphère politique allemande, une plus grande indépendance énergétique européenne et les plans d’investissement massifs annoncés créeront des vents favorables à long terme. La nouvelle administration Trump présente des menaces immédiates pour l’Europe, mais elle pousse également le continent à réagir rapidement.
Les investisseurs prennent acte de cette nouvelle donne et commencent à se réexposer aux marchés européens qui devraient reprendre une place plus importante au sein des allocations. La Zone euro, largement sous-pondérée jusqu’alors, devrait profiter de flux importants susceptibles de soutenir les indices. Toutefois, malgré le rebond récent, les flux restent pour l’instant mesurés. Les 10 milliards de souscription sur les actions européennes depuis début 2025 ne représentent en effet que 3 % de la décollecte enregistrée sur la zone depuis début 2022. Si le rebalancement du poids de l’Europe dans les allocations venait à se concrétiser, la dynamique positive des flux devraient logiquement se poursuivre.
Par ailleurs, les mouvements récents se sont traduits par une réduction de la décote des valorisations des actions européennes par rapport aux américaines, qui est passée de 43 % fin 2024 à 33% le 7 mars dernier. L’écart reste substantiel et, même si le rattrapage de performance entre États-Unis et Europe est déjà enclenché, la dynamique de croissance des EPS6 devrait désormais être plus favorable au Vieux Continent. Cette situation devrait se traduire par une hausse des valorisations européennes encore proche de leur moyenne historique à 14,2x contre 21,3x côté américain, qui demeurent élevées côté américain, à 21,3x contre 14,2x en Europe.
[1] Source : Bloomberg, 06/03/2025. Performance calculée en euro, dividendes réinvestis.
[2] Source : Bloomberg, 06/03/2025. Performances calculées dividendes réinvestis.
Anthony Bailly
Rothschild & Co Asset Management
Anthony Bailly débute sa carrière en audit financier et commissariat aux comptes dans la division moyennes et grandes entreprises dans les secteurs de la télécommunication et des médias chez Arthur Andersen puis chez Ernst & Young (2001 à 2007). Il a intégré Rothschild & Co Asset Management en février 2007 comme analyste financier sur les secteurs de l’automobile, des médias, des technologies et de la communication. En septembre 2016, il devient co-gérant des fonds actions grandes capitalisations pour la zone Euro/Europe. En 2020, il devient Gérant actions et membre du Comité d’Investissement au sein de Rothschild & Co Asset Management. En 2024, il devient Responsable de la Gestion Actions européennes de Rothschild and Co AM. Anthony est diplômé de Kedge Business School Option Finance et d’un DEUG en Sciences économiques de l’université Bordeaux IV.
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Toute estimation hypothétique est, par nature, spéculative et il est envisageable que certaines, si ce n’est l’ensemble, des hypothèses relatives à ces illustrations hypothétiques ne se matérialisent pas ou différent significativement des déterminations actuelles. La présente analyse n’est valable qu’au moment de la rédaction du présent rapport. R-co 4Change Net Zero Equity Euro est un compartiment de la Société d’Investissement à Capital Variable de droit français “R-co 2”, dont le siège social est 29, avenue de Messine – 75008 Paris, immatriculée 889 511 747 RCS PARIS. Les informations ne présument pas de l’adéquation des OPC présentés au profil et à l’expérience de chaque investisseur individuel. Rothschild & Co Asset Management ne saurait être tenu responsable d’aucune décision prise sur le fondement des éléments contenus dans ce document ou inspirée par eux. 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Facilitée et orchestrée par la nouvelle administration Trump, l’adoption des actifs numériques au sein de la plus grande économie mondiale aura un impact durable sur les investisseurs. Bruno Sousa en livre ici l’analyse.
Les États-Unis connaissent une transformation majeure dans leur approche de la régulation des crypto actifs. Des évolutions politiques significatives, des nominations stratégiques et la création d’une Réserve Stratégique de Bitcoin et d’un Stock d’Actifs Numériques témoignent d’un changement radical sous l’administration Trump. Cette nouvelle orientation tranche nettement avec la position adoptée par les gouvernements précédents.
Cet « effet Trump » sur les marchés crypto s’est manifesté ces deux derniers mois à travers plusieurs initiatives majeures :
En parallèle, le président a nommé Brian Quintenz, ancien dirigeant d’un fonds de capital-risque spécialisé dans les crypto actifs, à la tête de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC). Paul Atkins, ancien commissaire de la SEC et critique de la « régulation par l’application », a été désigné pour présider la SEC. D’autres figures influentes de l’administration, notamment aux départements du Trésor et du Commerce, sont des partisans affirmés du Bitcoin et des actifs numériques.
Nous estimons que ces changements réglementaires et politiques auront quatre conséquences clés sur le marché des crypto actifs :
Que signifie cette dynamique pour les investisseurs cherchant une exposition aux crypto actifs ?
En résumé, le cas d’investissement pour les crypto actifs n’a jamais été aussi solide. Pendant des années, l’absence de clarté réglementaire, notamment aux États-Unis, a freiné la maturation de cette industrie. Désormais, avec un cadre clair en construction à tous les niveaux gouvernementaux, le secteur peut se développer pleinement. Cette évolution ouvre des opportunités significatives pour les investisseurs souhaitant s’exposer aux actifs numériques via des produits réglementés tels que les ETPs répliquant un indice de référence comme le Nasdaq Crypto Index (NCI).
Avec l’intégration progressive des crypto actifs dans le système financier et l’élargissement de leurs cas d’usage, l’exposition à ce secteur présente un potentiel de croissance considérable. Depuis 2021, Hashdex gère des ETPs répliquant le NCI, permettant aux investisseurs de bénéficier de cette expansion. Le Hashdex Nasdaq Crypto Index ETP (HASH) est aujourd’hui le plus grand ETP multi-actifs crypto en Europe, et nous anticipons une demande croissante à mesure que les gouvernements adoptent une approche plus ouverte envers les crypto actifs. Cette évolution marque le début d’une nouvelle ère de croissance et de légitimité pour l’industrie, offrant une opportunité sans précédent aux investisseurs en actifs numériques.
Bruno Sousa
Hashdex
Bruno Sousa est Partner et Head of US & Europe chez Hashdex. Il a rejoint Hashdex en tant que Head of Legal & Compliance aux débuts de l’entreprise et a dirigé plusieurs initiatives, notamment le lancement du premier ETF crypto au monde, du premier ETF Bitcoin sous le cadre du ’33 Act aux États-Unis et du programme européen d’ETP de Hashdex. Avant Hashdex, Bruno a travaillé chez Veirano Advogados, où il dirigeait la pratique Fintech, et au sein du département Marchés de Capitaux de Davis Polk & Wardwell à New York. Il est titulaire d’un LLB de l’Universidade de São Paulo et a suivi le programme Fintech de la Saïd Business School de l’Université d’Oxford.
Hashdex est un leader mondial de la gestion d’actifs numériques, avec plus de 1,3 milliard de dollars d’actifs sous gestion et 20 ETPs aux États-Unis, en Europe et en Amérique latine. La société a co-développé le Nasdaq Crypto™ Index (NCI™) avec Nasdaq pour offrir aux investisseurs un benchmark fiable pour la classe d’actifs numériques. Le Hashdex Nasdaq Crypto Index ETP (HASH) est le plus grand ETP crypto multi-actifs en Europe et a récemment remporté le prix du « Digital Asset ETP of the Year » décerné par ETF Stream. Hashdex gère également le plus grand ETF crypto multi-actifs en Amérique latine et a lancé le premier ETF crypto multi-actifs aux États-Unis. La société s’engage à offrir aux investisseurs les moyens de saisir cette opportunité de transformation.
En savoir plus sur www.hashdex.com.
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Dans ce premier opus de L’Intégrale, série d’entretiens explorant en profondeur un même thème, Frédéric Dawance et Thierry Zen Ruffinen nous font découvrir le marché de l’or sous tous ses angles. Le troisième interview de cette série est consacré aux innovations appelées, à terme, à transformer ce marché pourtant millénaire.
Par Jérôme Sicard
Ceux qui privilégient la sécurité et prennent de l’or pour ne pas encourir les risques liés à d’autres actifs devraient rester à l’écart de produits trop synthétiques. Certains, d’entre eux, adossés ou non à l’or peuvent d’ailleurs être assez attrayants mais ils deviennent vite compliqués à gérer dans des marchés baissiers. À propos des ETF sur l’or que vous mentionnez, ils ont rencontré un certain succès aux Etats-Unis voilà une dizaine d’années jusqu’au jour où leur volume a dépassé celui de l’or qu’il était possible de traiter dans la réalité. La situation était devenue aberrante. Depuis, les esprits sont revenus au calme et l’or physique a retrouvé les faveurs des investisseurs. C’est du moins le cas de manière assez générale en Suisse et en Europe.
De quelle manière les nouvelles technologies, à commencer par la blockchain, peuvent-elles transformer à terme le marché de l’or ?
Une transformation se prépare. Elle commence du côté de la demande. Nous avons parlé des stablecoins adossés à de l’or. Il existe aussi en Inde des cartes de crédit, assez populaires, où l’argent sur le compte, ne serait-ce qu’une poignée de roupies, peut être transformé en quelques grammes d’or. Les nouvelles technologies permettent aujourd’hui ce genre d’achat infinitésimal. On peut donc s’attendre à une petite révolution sur la partie buy side.
Pour ce qui est de l’offre, la transformation est peut-être moins visible mais elle prend forme. C’est la traçabilité avec ce qu’elle implique en termes d’information et de solutions technologiques, comme la blockchain par exemple, nécessaires pour en assurer la collecte, le traitement et la diffusion. Aujourd’hui, la plupart des grands raffineurs ont un système de traçabilité qui couvre l’ensemble de leur chaîne de valeur. Ils proposent des standards qui permettent de suivre le cheminement de leurs lingots, étape par étape. A terme, la blockchain deviendra le dépositaire de cette information, accessible à tous. Aujourd’hui déjà, on trouve sur le marché des lingots poinçonnés d’un QR code qui renvoie à une adresse URL contenant tout leur historique.
L’intelligence artificielle occupe en ce moment les devants de la scène. Peut-elle trouver des applications sur le marché de l’or?
Le monde de l’or reste un monde très manuel, mais l’intelligence artificielle aura certainement un impact. Ce sera plus particulièrement le cas dans l’analyse des données géologiques à des fins d’exploration. Dans le futur, des solutions IA permettront très vraisemblablement aux compagnies minières d’identifier avec plus de précision des structures géologiques susceptibles de contenir de l’or, sous différentes formes.
Quelles grandes innovations ont cours aujourd’hui dans ce secteur ?
La mouvance ESG a rattrapé le monde de l’or qui souffre d’une image encore un peu sale. Il faut garder en tête le fait que la Russie et la Chine sont parmi les plus grands producteurs d’or. Traditionnellement, ce ne sont pas les pays les plus sensibles à des considérations environnementales qui deviennent pourtant un sujet clé chez de nombreux acteurs, à commencer par les investisseurs institutionnels. Ils réclament de plus en plus de garanties sur les modes de production et leur impact, ne serait-ce par exemple que l’impact social et l’empreinte carbone. Dans l’ensemble, ils veulent des processus d’extraction toujours plus propres. L’innovation se fera donc aussi sur ce terrain.
Le bitcoin est-il en mesure de concurrencer l’or comme valeur refuge ?
Le bitcoin et l’or ont certainement des points en commun. Ils ne produisent pas de rendement et ils officient tous deux comme réserves de valeur. Mais il se peut que les comparaisons s’arrêtent là. Il y a d’abord une question de génération. Les générations les plus mûres se sentent vraisemblablement plus à l’aise avec l’idée de détenir de l’or physique. Les plus jeunes, les digital natives, se laissent plus facilement attirer par les crypto-monnaies, plus proches de leur univers.
Sur des points fondamentaux, plus financiers, nous ne voyons pas non plus de corrélation claire entre les mouvements de l’or et ceux du bitcoin. Nous n’avons pas constaté par exemple de liens directs entre les sorties des ETF or et les entrées dans les ETF bitcoins, lancés début 2024. Ce ne sont pas des actifs qui se concurrencent. Ils ont d’ailleurs tous deux bouclé l’année en forte hausse. Ils ont plutôt tendance à se compléter, sachant que le côté fortement spéculatif du bitcoin peut en séduire certains.
Pour la majorité de nos clients, l’or conserve clairement une valeur immémoriale. Ils voient d’abord dans l’or, et il en est ainsi depuis toujours, sa capacité à conserver sa valeur, sous sa forme physique – pièce, lingot, voire même pépite ! –quel que soit l’endroit où la situation dans lesquels vous vous trouvez avec de l’or.
Les nouvelles plateformes online sont-elles appelées à reconfigurer la négoce de l’or ?
Nous n’en sommes pas persuadés. L’or est un des marchés les plus liquides du monde, avec des volumes qui ne sont pas ceux d’une plateforme, et de loin. Plusieurs centaines de tonnes s’échangent chaque jour pour des transactions qui dépassent les 100 milliards de dollars. Mais le London Bullion Market Association, qui contrôle l’essentiel de ce marché, rassemble en fait moins de 200 acteurs. C’est donc un marché très concentré où les tickets délivrés sont très élevés. Nous imaginons mal à court terme une décentralisation de ces échanges. Les opérateurs qui dominent ce marché n’y ont dans l’immédiat aucun intérêt.
Frédéric Dawance
De Pury Pictet Turrettini
Frédéric a rejoint de Pury Pictet Turrettini en 2016. Il participe activement à la gouvernance de la société en siégeant au sein du comité de direction, de stratégie et d’audit. Il a débuté sa carrière chez Pictet à Genève, puis chez CSFB à Zurich et à Londres, ainsi que chez Exane à Paris. Après deux ans en tant que CFO d’une société technologique, il a rejoint Lombard Odier & Cie en 2004, d’abord en tant que responsable du trading, puis en tant que co-responsable des produits d’investissement et enfin en tant que responsable d’un important groupe de banquiers privés. Frédéric est titulaire d’un diplôme HEC de l’Université de Saint-Gall et d’une maîtrise en économie de l’Université de Cologne.
Thierry Zen Ruffinen
De Pury Pictet Turrettini
Avec une solide expérience de l’investissement, Thierry Zen Ruffinen a rejoint de Pury Pictet Turrettini en 2021 en tant que responsable de la distribution, où il s’emploie à conseiller une clientèle institutionnelle. Thierry a précédemment été en charge de la distribution des fonds et des mandats de Mirabaud Asset Management auprès de la clientèle institutionnelle romande. Il a commencé sa carrière en 2004 auprès de la Nouvelle Compagnie de Réassurance en tant qu’actuaire tarificateur. Thierry dispose d’un master en actuariat d’HEC Lausanne.
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L’incertitude géopolitique anime les marchés depuis le début de l’année. Alors que les banques centrales étaient assez tranquillement engagées sur la voie de la normalisation, l’imprévisibilité du nouveau président américain et le sursaut européen sont venus redynamiser les marchés de taux.
Depuis son élection, Donald Trump souffle le chaud et le froid sur les marchés. Au-delà de la question des droits de douane, sa gestion de la résolution du conflit russo-ukrainien a créé un sursaut chez les européens. Le 4 mars dernier, les 27 s’accordaient sur un plan de 800 milliards d’euros visant à renforcer la défense de la zone. Le soir même, l’Allemagne faisait sauter son verrou budgétaire en annonçant 500 milliards d’euros d’investissements à destination de ses infrastructures nationales. Le lendemain, le rendement du Bund à 10 ans gagnait 30 points de base, sa plus forte hausse depuis 1990, entraînant l’ensemble des taux européens dans son sillage. Ces dispositifs sont susceptibles de booster la croissance de la zone et génèrent, dans le même temps, un risque inflationniste, alors que la BCE peine toujours à atteindre la cible de 2 %. De plus, le financement de ces mesures et leur impact sur les déficits des États mettent les taux sous pression.
Préalablement à ces annonces, la volatilité des taux européens était déjà alimentée par l’actualité américaine. Les investisseurs restent attentifs aux promesses et mesures du nouveau locataire de la Maison Blanche, même si leur application à long terme et leur impact sur la croissance et l’inflation américaine restent à observer. Face à l’ensemble de ces incertitudes, la corrélation entre les taux d’intérêt américains et européens est volatile. Après une seconde baisse en mars, le marché n’anticipe plus que deux baisses supplémentaires de la BCE en 2025, tandis qu’aux États-Unis, le cycle d’assouplissement devrait être plus progressif, avec trois baisses de taux attendues cette année.
Bien que les primes de risque soient très resserrées, le marché du crédit conserve de l’attrait dans un contexte global d’incertitude, dans la mesure où il offre encore un rendement attractif pour des fondamentaux qui restent sains. En effet, les entreprises sont en bonne santé et affichent des niveaux de solvabilité leur permettant de se refinancer facilement. Par ailleurs, au regard des niveaux de valorisation des actifs risqués, l’obligataire reste très prisé par les investisseurs. La perspective de rendement récurrent et le portage qu’offre cette classe d’actifs sont deux atouts qui justifient cet attrait. Ce contexte engendre toutefois une situation peu commune où le crédit est favorisé par rapport à la dette d’État.
Les spreads de crédit continuent toutefois de se resserrer. Aux États-Unis, les niveaux de prime de risque sont au plus serré depuis 20 ans et nous estimons que l’environnement justifie davantage de volatilité. La volatilité des taux devrait notamment finir par se propager au crédit. Dans ces périodes plus chahutées, une gestion de conviction peut pleinement s’exprimer. Plusieurs stratégies et classes d’actifs sont susceptibles de tirer leur épingle du jeu dans ce contexte.
Cette situation plaide en faveur d’une gestion active et opportuniste où la flexibilité est essentielle. L’ajustement de la duration et de l’exposition sectorielle, complétée par une sélection minutieuse des émetteurs seront clés après des années où l’exposition au bêta constituait la principale source de performance. Le crédit de qualité offre des opportunités mais les niveaux de valorisation invitent à être sélectif et réactif. Les subordonnées financières demeurent également un segment de marché particulièrement attractif au regard des fondamentaux des acteurs du secteur. Les fonds à échéance conservent eux aussi leur intérêt. Le point d’entrée actuel s’avère particulièrement intéressant car les rendements sont repartis à la hausse, poussés par les niveaux de taux. Enfin, le segment High Yield notamment sur des maturités courtes reste à considérer. Les niveaux de rendement sur cette classe d’actifs permettant d’absorber, en partie, la volatilité des marchés.
Emmanuel Petit
Rothschild & Co Asset Management
Emmanuel Petit a débuté sa carrière en 1998 chez HSBC Asset Management comme analyste dans le domaine de l’attribution de performances AIMR-GIPS puis il est devenu analyste crédit en 2001. En 2006, il rejoint Rothschild & Co Asset Management en tant que gérant obligataire sur les obligations privées. Il en est responsable de la gestion obligataire depuis 2011. Emmanuel est diplômé d’un mastère spécialisé en Finance d’entreprise et membre de la SFAF (Société Française des Analystes Financiers).
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