Digital

Solutions Investissements

  • Marc Amyot
  • CEO
  • Trillium

«100 sociétés du S&P500 ont cité l’IA lors de la publication des résultats»

Trillium, le pôle Asset Management du groupe Citadel Finance, a produit un tracker, le Manavest Digital Futures Index, pour capter les tendances qui animent le monde du digital, en s’intéressant plutôt au segment Small & Mid Caps. Marc Amyot nous en propose un tour d’horizon.

Francesco Mandalà

A quoi ressemble le secteur de la tech aux Etats-Unis en dehors des GAFAM ?

Le Nasdaq 100 et le S&P 500 sont des indices large-cap très populaires composés de noms similaires. Toutefois, au-delà du nombre de titres qui les composent, ils sont différents dans leur allocation sectorielle et pondération. Les 5 du groupe GAFAM représentent 36% de l’indice Nasdaq 100. Les 95 autres sociétés en représentent 64% et elles sont actives dans diverses industries telles que médias, pharma et biotechnologie, transport, alimentation et services.

Quelles sont les tendances majeures qui se dégagent dans ce secteur ?

En 2023, beaucoup d’entreprises utilisent à profusion les termes Intelligence Artificielle et Apprentissage Automatique des Machines dans leur discours. Cette année, un record de 20% des sociétés du S&P 500 ont cité l’IA lors de la publication des résultats du premier trimestre, soit le double de l’année précédente. Elles sont essentiellement présentes dans le secteur des services de communication et des technologies de l’information.

Quelle place prend vraiment le digital aujourd’hui dans la transformation de ces entreprises ?

Suite au buzz autour de l’IA et de la transformation numérique que nous avons connu cette année, les entreprises ont investi massivement dans le digital, quitte à perdre des parts de marché ou à se voir reléguées pendant un temps. Cependant, il y a un grand travail d’analyse à mener pour déterminer dans quelles mesures et à quel stade elles sont réellement engagées dans des activités de transformation digitale. Cette transformation semble irrémédiable, mais il est encore tôt pour déterminer celles qui sont aujourd’hui les plus avancées. Cependant, il est certain que les grands noms traditionnels de la tech en feront partie, car ils ont la taille critique et les moyens financiers pour acquérir et intégrer de nouvelles startups dans leur modèle d’affaires.

Quels effets de la numérisation voyez-vous sur la croissance économique et le monde du travail ?

Les technologies numériques transforment depuis de nombreuses années notre quotidien et nos entreprises. L’arrivée d’UGP superpuissantes – les unités de traitement graphique – ont permis une croissance exponentielle des rapidités de calcul et des capacités de stockage qui sont à la base du développement de l’IA et de l’AAP. Ces technologies devraient offrir un important potentiel pour améliorer la productivité des entreprises et, à terme, notre niveau de vie. Selon le Rapport sur l’avenir de l’emploi 2023 du World Economic Forum, d’ici 2027, 42% des tâches commerciales liées à l’entreprise seront effectuées par des machines et 23% des emplois subiront une mutation notable avec l’adoption des nouvelles technologies.

Comment aborder en ce moment l’univers des digital assets ?

Lorsqu’on parle des actifs digitaux, ce qui nous vient immédiatement à l’esprit, c’est le Bitcoin, l’Ethereum ou un NFT arborant une tête de singe sous dix mille formats. Or, cet univers est bien plus étendu. Nous nous positionnons en investissant dans des sociétés d’exploitation minière de crypto cotées en bourse, ainsi que dans de petites et moyennes entreprises pionnières dans différents domaines. C’est le cas par exemple de l’analyse des données de masse, de la cybersécurité, du cloud, des logiciels IA ou encore des applications IA à la robotique domestique.

Qu’en est-il est développements de la blockchain, indépendamment des crypto-monnaies ?

La technologie de la blockchain est en plein essor. Je rappelle que la blockchain est une technologie de registre numérique décentralisé et distribué, qui enregistre des transactions sur un réseau d’ordinateurs de manière ultra-sécurisée, transparente et immuable. C’est en fait une chaîne de blocs, et chaque bloc contient une liste de transactions. Une fois qu’un bloc est terminé, il est lié au bloc précédent, formant ainsi une chaîne continue. L’utilisation de la technologie blockchain élimine les intermédiaires, car les interactions ont lieu directement entre l’acheteur et le vendeur. Le processus est ainsi rendu plus efficace, ce qui permet d’économiser du temps et de l’argent. La technologie Blockchain s’étend au-delà des crypto-monnaies et trouve des applications dans divers secteurs, tels que : la gestion des chaînes d’approvisionnement, la gestion des dossiers médicaux, la programmation des contrats intelligents ou la production d’identité digitale décentralisée. De très nombreuses applications qui simplifieront notre quotidien, aussi bien sur le plan personnel que professionnel, apparaitront à terme.

 

Marc Amyot

Trillium

Fondateur de Trillium en 2002, Marc Amyot en est depuis lors l’administrateur délégué, assurant aussi la direction générale. Outre ses fonctions dirigeantes, il est membre du comité d’investissement et gestionnaire de fonds. Avant de créer Trillium, Marc a travaillé pour de grands établissements bancaires et compte ainsi plus de 25 ans d’expérience de l’investissement.
Spécialiste de l’allocation tactique d’actifs et des arbitrages de marché, Marc est diplômé de l’Université de Western Ontario au Canada. Il a été, pendant plus de 5 ans, membre de la direction de l’organisme d’autorégulation de l’Association Suisse des Gérants de Fortune (ASG) et du comité romand.

Transistor

Solutions Investissements

  • Charles Bordes
  • Analyste
  • AtonRà

Puces made in China : une réalité inéluctable

Les sanctions américaines à l’encontre de la Chine ont eu pour effet de souligner l’intérêt majeur que la Chine prête à une industrie des puces électroniques où elle n’est pas vraiment positionnée. Du moins, pour le moment. A terme, il est clair qu’elle se prépare à une percée dans ce domaine.

Francesco Mandalà

Les premières sanctions américaines visant la Chine ont été infligées sous la présidence Trump, puis ont été renforcées sous celle de Joe Biden. Ces sanctions concernent plus particulièrement l’industrie des puces électroniques. Elles veulent limiter l’accès du pays aux technologies de pointe pouvant avoir un usage militaire, le but étant de freiner les ambitions géostratégiques de Pékin – mais également, en filigrane, de protéger la domination américaine.

Elles ont conduit Huawei, un des leaders mondiaux des équipements télécom, à se voir couper de facto l’accès aux marchés occidentaux, notamment ceux des nouveaux réseaux 5G. Or, ce même Huawei a surpris le monde début septembre, en lançant un téléphone équipé d’un processeur conçu, et surtout fabriqué en Chine avec un raffinement technologique qu’on pensait hors de portée. Mais en y réfléchissant bien, cette surprise n’en est pas une.

Les semiconducteurs, un enjeu éminemment stratégique

Les semiconducteurs – en réalité les transistors – constituent en effet l’élément de base des puces électroniques. On les retrouve partout aujourd’hui dans nos ordinateurs, téléphones, machines à laver, voitures, avions, satellites, réseaux téléphoniques, réseaux électriques, ou encore dispositifs médicaux. Ils règlent nos vies.

La maîtrise de leurs chaînes de fabrication est donc devenue une priorité stratégique. Cela est d’autant plus vrai que ces chaînes se sont parfaitement adaptées à la mondialisation. Il est fort probable que l’appareil sur lequel vous lisez ce texte ait vu son processeur central conçu aux Etats-Unis, mais sorte d’une usine taiwanaise équipées de machines européennes. Or, comme la crise du covid l’a illustré, tout grippage de cette chaîne peut avoir de fâcheuses conséquences pour toutes les applications qui en dépendent.

La Chine joue le long terme

Le gouvernement chinois l’a compris depuis un certain temps. Dès 2015, un plan stratégique visait à s’assurer que 70% des semiconducteurs utilisés localement seraient produits par des acteurs nationaux d’ici 2025. Un objectif ambitieux compromis du fait des sanctions. Il a cependant le mérite d’être clair : la Chine ne veut en aucun cas être dépendante de l’étranger sur ce secteur sensible. Son gouvernement est prêt à des efforts financiers se chiffrant en centaines de milliards de dollars sur la durée pour parvenir à ses fins.

Dès lors, toute mesure de rétorsion ne fait retarder l’inévitable. L’Histoire a démontré que le progrès technologique finit inévitablement par se diffuser, y compris dans des contextes bien moins favorables à la diffusion des idées, des biens et des personnes. Par ailleurs, ces sanctions sont contre-productives : elles ont aussi pour effet de renforcer la volonté d’indépendance et d’élargir le spectre des développements à des domaines qui n’étaient peut-être pas initialement prévus.

Quelles perspectives ?

Si cette volonté apparaît inébranlable, quelques zones d’ombre subsistent à court terme. La puce du dernier Huawei se veut un exploit technologique au vu du contexte, mais rien ne dit que sa fabrication sera rentable du point de vue économique, car rendue plus complexe par les sanctions. De plus, elle accuse au moins deux générations de retard sur les productions occidentales en termes de finesse de gravure, soit la capacité à réduire la taille des transistors sur la puce pour augmenter les performances. Combler ce retard impose le recours à une technologie actuellement disponible seulement chez le fabricant européen ASML.

Quoiqu’il en soit, malgré les pressions américaines, l’avenir semble plutôt radieux pour les acteurs chinois de l’industrie, en particulier les équipementiers, les fonderies et tout leur écosystème de sous-traitants. Ils bénéficient à la fois du soutien du gouvernement et de l’opinion publique, prompte à soutenir les champions nationaux. Le marché intérieur est gigantesque, permettant de justifier quantité d’investissements. Enfin, quand bien même cela passerait par l’établissement d’un système à plusieurs vitesses, le temps pourrait jouer en leur faveur. Quoi de plus normal, après tout, pour le pays qui a enfanté le sage Lao-Tseu, auquel nous devons l’illustre maxime : « si quelqu’un t’a offensé, ne cherche pas à te venger. Assieds-toi au bord de la rivière et bientôt tu verras passer son cadavre. ». Dans le cas présent, vouloir lutter contre le courant semble surtout bien vain.

 Charles Bordes

AtonRà

Charles Bordes est membre de l’équipe d’investissement d’AtonRâ Partners, spécialiste de l’investissement thématique à Genève. Il couvre notamment les stratégies liées à la technologie (intelligence artificielle, robotique, cybersécurité et spatial). Charles a précédemment travaillé comme analyste sell-side pendant six ans, d’abord chez AlphaValue, où il avait la charge du secteur IT Hardware & Technology, puis chez Kepler Cheuvreux, où il couvrait les valeurs Small & Midcap, toujours avec un accent sur les entreprises technologiques. Charles est titulaire d’un master en finance de Kedge Business School (Bordeaux, France).

Food for thought

Solutions Investissements

  • Luca Carrozzo
  • Chief Investment Officer
  • Banque CIC Suisse

L’industrie alimentaire, un secteur dynamique, en croissance 

L’industrie alimentaire est en pleine mutation. Avec une offre qui s’étend, pour répondre aux nouvelles habitudes de consommation. De jeunes entreprises innovantes prennent désornais place à côté d’acteurs plus établis. Cette mutation, explique Luca Carrozzo, doit aussi faire réfléchir à la manière de structurer un portefeuille d’investissement dans ce secteur. 

Francesco Mandalà

Avec la multiplication de nouvelles habitudes alimentaires, l’industrie alimentaire est redevenue intéressante pour les investisseurs. Comment résumer ce qui se passe actuellement dans ce secteur ? 

En fait, il se passe pas mal de choses en ce moment et, effectivement, il y a un potentiel pour les investisseurs. Dans la production alimentaire, nous constatons que l’accent est mis sur les produits locaux, et sur plus d’efficience. Parallèlement, la population mondiale augmente. Par conséquent, la consommation de protéines va croître. Répondre à cette demande tout en préservant les ressources sera un grand défi. Nous voyons également un énorme potentiel dans le transport. En effet, pour diminuer le gaspillage alimentaire, il faudra s’y intéresser tout au long de la chaîne de livraison. Enfin, il faut également mentionner les nouvelles habitudes de consommation. En Suisse comme ailleurs, on trouve désormais de plus en plus de produits de substitution au lait et à la viande, jusque dans les rayons des grands distributeurs. 

Comment expliquer ces nouvelles tendances ? 

Il y a bien sûr, d’abord, le changement climatique et la croissance démographique. Par ailleurs, la guerre en Ukraine nous a montré à quel point une grande partie du monde dépend de la Russie et de l’Ukraine pour les denrées alimentaires de base comme le blé. Ce qui va entraîner un profond réexamen de la chaîne d’approvisionnement mondiale.  

Quelles en seront les conséquences pour l’investisseur ? 

Il faut ici faire la distinction entre l’évolution fondamentale et les valorisations du marché. Les deux cheminent souvent en parallèle, mais, parfois, elles divergent. L’évolution fondamentale est structurelle et prend énormément d’ampleur. Les chiffres d’affaires et les bénéfices de ceux que l’on appelle les “pure players” de l’industrie alimentaire sont en croissance constante et, surtout, ils résistent à la crise.

D’un autre côté, les valorisations du marché évoluent de manière très volatile. Il y a deux ans encore, nombre de ces entreprises se négociaient sur des multiples très élevés et, dans certains domaines, on pouvait clairement parler de “hype”. Cette situation a changé de manière significative suite à la correction des 18 derniers mois, qui a surtout touché les petites capitalisations. Les valorisations ont presque diminué de moitié depuis le pic de 2021 et un assainissement du marché a eu lieu. Pour les investisseurs, cela signifie qu’il y a désormais des points d’entrée intéressants. 

À quoi ressemblerait un portefeuille qui voudrait parier sur la croissance ? 

Il faudrait y intégrer, dans un portefeuille diversifié, les pure players des secteurs de croissance, auxquels l’industrie alimentaire appartient. Mais attention, il est important d’analyser attentivement ces entreprises et de toujours garder un œil sur leurs valorisations.  

Les innovations ont désormais lieu autant dans les startups que dans les grands groupes. Quel en est l’impact sur la stratégie d’investissement ?

Ce qui se passe dans le secteur de l’alimentation est assez similaire à ce qui s’est passé dans l’industrie pharmaceutique. Pour simplifier, l’innovation a lieu dans les petites entreprises et les grands groupes sont responsables du développement et de la mise à l’échelle de ces innovations. Le changement structurel que vit le secteur a donc besoin des deux types d’acteurs. Du point de vue de l’investisseur, il est donc nécessaire de les considérer tous les deux. Par ailleurs, pour des questions de risques, nous ne recommandons pas d’investir uniquement dans des pure players, même si ces derniers doivent bien entendu faire partie d’un portefeuille diversifié. 

Y a-t-il des entreprises particulièrement intéressantes dans ce secteur de l’industrie alimentaire ? 

Avec Nestlé et les grands producteurs pharmaceutiques, la Suisse serait prédestinée à devenir un hub dans le domaine de la foodtech/agritech. Pour les investisseurs, c’est un excellent point de départ. Ceci dit, nous sommes d’abord intéressés par des investissements aux États-Unis. On peut citer John Deere dans le domaine de la gestion des terres et Ecolab dans celui de la gestion de l’eau. Dans le domaine des protéines alternatives, Benson Hill nous semble bien placé. Et pour finir, je citerai quand même un nom suisse que nous connaissons tous mais dont on ignore parfois qu’il joue un rôle important dans l’industrie mondiale de l’emballage : SIG Group.

Luca Carrozzo

Banque CIC (Suisse)

Luca Carrozzo est responsable de la politique d’investissement de la Banque CIC, dont il est Chief Investment Officer. Cet analyste ESG diplômé est titulaire d’un brevet fédéral en Wealth Management (CFPI). Il travaille depuis 2009 pour la banque CIC, notamment dans la gestion de portefeuille et le conseil. Depuis 2017, Luca Carrozzo fait également partie du comité d’investissement de la banque. Sur mandat de la Banque CIC, il a en outre travaillé de 2019 à 2021 pour l’Investment Advisory de la Banque Transatlantique à Londres.

Rising Sun

Solutions Investissements

  • Gregor Trachsel
  • Chief Investment Officer
  • SG Value Partners

La réhabilitation progressive des actions japonaises

En mai, l’indice Nikkei a squatté la Une des journaux lorsqu’il est parvenu à son plus haut niveau depuis 33 ans. Les observateurs du marché ont avancé toute une série d’arguments pour expliquer cette hausse imposante. Gregor Trachsel avance ici les siens.

Francesco Mandalà

Dans les portefeuilles, la sous-pondération des investisseurs mondiaux au Japon reste énorme. Pourtant, les arguments en faveur d’une augmentation de cette exposition sont nombreux. La rentabilité des entreprises s’est régulièrement améliorée et les bilans des entreprises sont extrêmement solides. De plus, il existe de plus en plus de mesures favorables aux actionnaires, comme l’augmentation des dividendes et les rachats d’actions, ce qui est encore relativement nouveau au Japon. Pour finir, le gouvernement japonais tente d’inciter les citoyens à investir dans des actions avec des plans d’épargne fiscalement avantageux.

Quoi que l’avenir réserve, les actions “value” japonaises demeurent toujours bon marché et se montrent donc très attrayantes. Nous attribuons les fortes décotes du moment à trois facteurs structurels. D’abord, les pratiques commerciales japonaises reposent traditionnellement sur un modèle holistique de parties prenantes, qui prend en compte les perspectives des employés, des clients, des partenaires commerciaux et de la société dans son ensemble. Les investisseurs occidentaux, quant à eux, placent généralement leurs intérêts d’actionnaires au premier plan.

Deuxièmement, il est toujours plus difficile d’obtenir des informations de première main au Japon par rapport à ce qui se pratique dans le reste du monde. Les autorités de surveillance et les bourses mettent pourtant la pression sur les entreprises pour qu’elles renforcent la qualité des relations investisseurs. Ce décalage représente un obstacle majeur pour les investisseurs étrangers au cas où utilisent les mêmes formulaires que sur leurs marchés nationaux. De plus, les analyses de marché des courtiers japonais ne sont pas aussi complètes que pour d’autres marchés développés : La raison en est que Japon est resté trop longtemps, plusieurs décennies durant, une zone d’investissement assez impopulaire. Ce manque de profondeur et d’étendue de l’analyse conduit à une formation inefficace des cours, en particulier sur le segment des Small & Mid Caps.

Troisièmement, de nombreux investisseurs occidentaux hésitent à acheter des actions japonaises pour des raisons périphériques. Les évolutions démographiques ont l’air défavorables. Les entreprises passent pour plutôt ennuyeuses avec des marges bénéficiaires et des perspectives de croissance modérées. La dépréciation du yen inquiète les investisseurs sensibles aux devises étrangères. Enfin, les inconvénients en termes d’accessibilité et de communication, le problème du décalage horaire pour les traders dans les métropoles financières occidentales et la barrière linguistique en dissuadent plus d’un.

Malgré l’actuelle tendance à la hausse des actions japonaises, le proverbial “Wall of Worry” paraît donc toujours aussi abrupt et piégeux aux yeux des investisseurs mondiaux. Certains de ces obstacles et inquiétudes s’atténueront lentement mais sûrement avec le temps, à mesure que les entreprises pourront s’appuyer sur leurs récents succès en termes d’améliorations fondamentales de la gouvernance d’entreprise.

Gregor Trachsel

SG Value Partners

Gregor Trachsel est Chief Investment Officer de SG Value Partners à Zurich. Avec son équipe, il gère depuis plus de 20 ans des mandats d’actions globales Deep Value et des fonds de placement avec un horizon de placement à long terme. Depuis 2020, il privilégie la voie de l’indépendance avec SG Value Partners. Auparavant, il a travaillé sur la même stratégie pour M.M. Warburg (Switzerland) et Credit Suisse Asset Management à Zurich.

Tableau de bord

Solutions Investissement

  • Marouane Daho
  • Analyste-gérant
  • Iteram Capital

Q3 2023 – le baromètre des stratégies hedge funds

Le premier semestre 2023 a été surprenant par la vigueur du rebond sur les actifs à risque après un contexte plus qu’incertain au sortir d’une année 2022 turbulente. Les actions ont globalement affiché des performances remarquables alors que le crédit ne connait pas encore de réel trouble grâce à la résilience inattendue des économies occidentales. Néanmoins, une grande partie de cet engouement a été concentré sur quelques sociétés de technologie du fait des nouvelles perspectives de croissance suggérées par l’essor de l’intelligence artificielle. Ces conditions ont été plutôt défavorables à une grande partie des stratégies alternatives décorrélées qui n’ont pas anticipé ce brusque regain de confiance.

 

Francesco Mandalà

RV Arbitrage/Multi-Strategy – Positif

  • La volatilité élevée des taux et la normalisation de la politique monétaire continuent à fournir un ensemble d’opportunités robustes pour les stratégies de relative values
  • Le potentiel d’alpha devrait encore s’améliorer avec l’augmentation de l’imprédictibilité sur les marchés actions

Commodities – Positif

  • Les disparités entre offre et demande sur de nombreuses matières premières continuent d’offrir des conditions uniques aux gérants fondamentaux
  • Certains facteurs macro-économiques (notamment la croissance chinoise) devraient toutefois peser sur les métaux et le pétrole
  • Nous maintenons notre préférence pour les approches relative value afin de minimiser la corrélation avec les prix des matières premières

Global Macro – Positif

  • Nous restons positifs sur les stratégies global macro en raison d’une amélioration de la dispersion régionale, notamment en matière de politiques monétaires
  • Les divergence entre les économies en termes de trajectoire de désinflation et de sensibilité au resserrement monétaire constituent un terreau fertile pour ce type de stratégies
  • Les tensions géopolitiques peuvent également apporter de l’instabilité sur les marchés macro, ainsi que de nouvelles opportunités

Fixed Income/Credit Arbitrage – Positif

  • Les rendements obligataires se situent à des niveaux très attractifs et la dispersion élevée entre émetteurs et secteurs favorise les stratégies long/short
  • L’arbitrage de convertibles semble intéressant en vue d’une augmentation des émissions à mesure que les sociétés cherchent de nouvelles options de refinancement et une volatilité peu onéreuse
  • Nous restons attentifs aux opportunités distressed avec une hausse attendue des situations de défaut dans les trimestres à venir

CTA/Managed Futures – Négatif

  • Les changements répétés de sentiment de marché ont pénalisé les stratégies de trend-following, à cause de la faiblesse des signaux de momentum notamment sur les taux et les matières premières
  • Nous attendons la fin du cycle de hause des taux pour réajuster notre conviction sur ces stratégies

Event Driven – Neutre

  • Les stratégies de merger arbitrage restent en difficulté face à un cadre réglementaire de plus en plus complexe à naviguer et une baisse de l’activité de fusions-acquisitions. Les spreads sont néanmoins très attractifs
  • Les pressions pour restructurer certaines sociétés en difficulté dans un environnement de taux élevés crée des opportunités intéressantes, cependant la directionalité inhérente aux stratégies de Special Situations les rend vulnérables à une correction des marchés

Equity Long/Short – Neutre

  • Les marchés actions présentent aujourd’hui des valorisations élevées et une prime de risque trop faible pour justifier des positions directionnelles, nous maintenons notre préférence pour les stratégies low-net et market neutral
  • A mesure que la volatilité des facteurs macro-économiques se normalise, nous devrions constater une augmentation de la dispersion ce qui représente un environnement favorable aux stratégies de sélection de titres long/short

Marouane Daho

Iteram Capital

Marouane est analyste/gérant chez Iteram Capital et membre du comité d’investissement. Ses principales responsabilités consistent en la recherche de gérants et la gestion de portefeuilles de hedge funds. Avant de rejoindre Iteram, il était en charge des hedge funds et des investissements sur les marchés privés au sein d’un single-family office à Genève. Il a débuté sa carrière chez Lyxor Asset Management à Paris en tant qu’analyste hedge funds. Marouane est diplômé de l’école de commerce NEOMA avec un MSc en finance.

A la loupe

Solutions Investissements

  • Interview Kathleen Gailliot
  • Responsable de la Recherche, Small & Mid Caps européennes
  • Kepler Cheuvreux

« Les Small & Mid Caps présentent plusieurs aspects structurellement attractifs » 

Malmenées ces deux dernières années, les petites et moyennes capitalisations européennes semblent enfin retrouver des couleurs. Servies par des valorisations très basses, ces valeurs devraient pouvoir à nouveau profiter des spécificités qui font leur force.

Francesco Mandalà

Quels sentiments vous inspirent les valorisations actuelles des Small & Mid Caps européennes ?

D’abord, elles sont très basses et, ensuite, elles proposent aujourd’hui d’excellents points d’entrée. Entre décembre 2021 et fin juin 2023, elles ont perdu 22 % par rapport au Large Caps. Les conséquences de la guerre en Ukraine ont bien évidemment pesé sur elles. Les Small & Mid Caps ont par nature une orientation plus domestique que les Large Caps. Le chiffre d’affaires qu’elles réalisent en Europe est de l’ordre de 60%, contre 40% pour les Large Caps. Les investisseurs ont donc été particulièrement sensibles à l’accroissement des risques géopolitiques en zone euro. La dégradation des Small & Mid Caps ces deux dernières années est du même ordre qu’au moment de la crise financière. Elles avaient alors sous-performé les Large Caps de 24% entre fin 2007 et fin 2008.

Certains secteurs ont-ils échappé à la récente correction ?

Dans l’ensemble, non. Certaines capitalisations ont été plus impactées. Les Small Caps, qui se situent sous le milliard d’euros en termes de capitalisation boursière, ont souffert du « flight to liquidity » qui a suivi le crash de la Silicon Bank Valley en début d’année. Les investisseurs ont préféré éviter pour un temps les titres dont le volume traité journalier est faible. La barre d’un million d’euros est le plus souvent le seuil minimal que se fixent les investisseurs All Caps.

Le deuxième semestre 2023 vous paraît-il plus favorable aux Small & Mid Caps européennes ?

Oui, le mouvement semble s’être engagé en juillet. Nous avions déjà vu une amorce de reprise en début d’année mais elle a vite été douchée par la crise de liquidité due à la chute de SVB. En janvier, les Small & Mid avaient surperformé les Large de 7%. Le point d’inflexion semble avoir été franchi et le rebond devrait se poursuivre alors que les valorisations restent encore très basses, comme en témoigne le price-to-book, où les Small & Mids se négocient avec une décote de 20%.

Si les MidCaps ont commencé à rebondir, les Small Caps restent encore délaissées et affichent toujours des valorisations très décotées. Au premier semestre, beaucoup de retraits ont été effectués dans cette catégorie et les flux sont en train de se rééquilibrer.

Ce qui plaide également pour le rétablissement des Small & Mid Caps en Europe, c’est la volonté des gérants All-Caps de revenir sur des dossiers qui sont plus limités en taille, mais qui ont l’avantage de générer de l’alpha dans les phases de reprise de marchés. Dans un contexte international, il faut souligner également que Small & Mid Caps européennes se traitent à une forte décote comparée à leurs homologues américaines. Cette décote, en price-to-book value est de l’ordre de près de 40%, soit plus du double de leur décote habituelle !

Par quelles tendances les Small & Mid caps peuvent- elles aussi se laisser porter aujourd’hui ?

Avant même d’en venir aux tendances, autant rappeler que les Small & Mid Caps présentent plusieurs aspects structurellement attractifs : leur exposition domestique, leur pouvoir de fixation des prix et leur rythme de croissance. A cela s’ajoute le faible suivi qui permet de jouer des inefficiences de marché pour générer de l’alpha.

Pour ce qui est des tendances, il est vrai que les Small & Mid Caps profitent de l’importance grandissante que prennent les thématiques dans les stratégies d’investissement. Pour les gérants qui souhaitent exploiter un thème en particulier – hydrogène, captage du carbone, digital … – les Small & Mids offrent des pistes intéressantes car elles contiennent de nombreux « pure players ».

A terme, il va enfin falloir prendre en compte leur dimension ESG. Nous trouvons beaucoup de ces valeurs appelées ESG-Improvers dans les rangs des Small & Mids. Ce sont des entreprises qui ont un impact positif, mais manquent de ressources pour structurer leur communication ESG, à l’inverse des Large Caps. Sous l’effet des évolutions règlementaires, cette communication s’améliorera fortement dans les années à venir, ce qui devrait entrainer le relèvement de certaines recommandations et donc attirer plus d’investisseurs ESG sur la catégorie.

Kathleen Gailliot

Kepler Cheuvreux

Kathleen Gailliot dirige la recherche sur les petites et moyennes capitalisations européennes chez Kepler Cheuvreux. L’univers SMID englobe environ 700 valeurs, ayant une capitalisation boursière inférieure à 5 milliards d’euros. Elle est responsable également de la « SMID Selected List » européenne et d’autres rapports thématiques. Avant de rejoindre Kepler Cheuvreux en 2018, elle a travaillé chez Natixis pendant huit ans. Elle a débuté en tant qu’analyste Auto puis a couvert les SMID françaises, actives principalement dans les biens d’équipement et les services aux entreprises. Kathleen est diplômée de Grenoble Ecole de Management et de l’Aston Business School.